Marble D. April

Décrire April n’est pas chose aisée. Si certains pourraient vous dire qu’elle est une jeune femme ayant eu une croissance des plus normales, d’autres seraient franchement incapables de vous la décrire malgré les années passées à la côtoyer. Souvent dans l’ombre, se cachant sous les larges « vêtements », si l’on peut les appeler ainsi, qu’on lui avait fournie au fur et à mesure des années, elle ne dévoilait que très rarement des choses qui la concernaient, comme son corps.

Mais pour que vous ayez une idée de qui elle est, dans une autre vie, on aurait dit une jeune femme tout ce qu’il y avait de plus normal. Un visage plutôt classique orné par des pommettes saillantes, ce qui la différenciait le plus d’une adolescente lambda, c’était sûrement ses cheveux. Des cheveux d’un blanc éclatant, lorsqu’ils étaient correctement lavés évidemment, qui lui donnait un air plutôt intriguant. Ses yeux couloir noisette n’étaient pas particulièrement beaux, mais reflétaient de temps à autre un éclat vert ; souvent lorsque la jeune femme jouait de sa malice.

Perchée sur son mètre soixante, elle n’est clairement pas de ceux qui impressionnent. Plutôt fine, elle cache cependant d’ordinaire ses formes avec des vêtements amples, refusant d’être un physique plutôt qu’une personne. De plus, elle n’a pas réellement le choix, la garde-robe du seul endroit qu’elle n’ait connu n’était pas des plus développée.

Solitaire.

Voici le trait de personnalité qui représente le mieux April. Malgré l’enfer dans lequel elle a vécu, elle n’a jamais cherché à faire du copinage avec qui que ce soit. Préférant rester en retrait, elle est d’une nature observatrice qui préfère largement rester en retrait de toute agitation qui ne lui serait pas directement liée. Bien sûr, certains de son « camarades » avaient bien tenté de nouer un semblant de discussion ou de relation avec elle, mais son regard triste et sa forte propension à ne pas relancer les sujets les avaient vite fait fuir ; pour son plus grand bonheur.

April est une jeune femme souffrant de dépression ; du moins c’est ainsi qu’elle avait été catégorisée lors de ses différents tests psychologiques. Ne cherchant pas à nuire autrui, malgré la raison pour laquelle est se trouvait dans cet endroit si misérable, elle ne semblait pas vouloir nuire à qui que ce soit. Ses paroles étant très rares, elle était généralement écoutée ; et ce, malgré sa voix des moins impressionnantes qui soient.

Vous l’aurez compris, April ne sortait pas vraiment du lot et rentrait généralement dans le rang. La faute à une vie passée dans un lieu que certains qualifieraient d’enfer, bien qu’il se situe dans l’un des endroits les plus froids et terrifiants que la Terre regorge…

Ses premiers souvenirs remontaient à l’an 1618… Alors âgée d’à peine six ans, la jeune April, aînée de deux frères, se faisait emmener par la Marine sous les yeux révoltés de sa mère.

Embarquée à un si jeune âge ? Mais qu’avait-elle bien pu faire pour mériter un tel sort, une telle impasse si tôt dans sa vie ? La réponse se trouvait alors dans la chambre de Noah, mais lui ne pouvait plus vraiment témoigner de quoi que ce soit. Le corps allongé par terre, ses bras et jambes disposés de telle sorte qu’ils représentent une forme de croix. Ligoté à divers éléments mobiliers, le jeune garçon avait la tête posée sur le sol, le visage tourné vers le haut. Deux paires de ciseaux trônaient au beau milieu de ce dernier, remplaçant ce qui étaient autrefois des globes oculaires. Une scène des plus étranges, des plus macabres que l’on puisse voir. A laquelle venait s’ajouter la jeune April, mains ensanglantée, allongée à côté de son frère à fixer le plafond, comme lui l’aurait fait si ses yeux avaient encore été là…

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Restée muette à toutes les interrogations, les différents membres de la Marine qu’elle rencontra la diagnostiquèrent folle et responsable de ce qui était arrivé à son petit frère. Ses parents, autrefois si aimants avec leur fille pleine de vie la regardaient avec des yeux tantôt apeurés, et tantôt colériques. Pendant la durée de l’enquête, elle avait été mise sous surveillance, et avait subi de nombreux interrogatoires. Cependant, aucun son n’émana de la jeune fille au fil des questions, elle resta totalement muette.

Tous ces faits la conduisirent donc directement vers ce fameux lieu que certain appelaient « l’iceberg », ou encore « l’enfer glacé ». Une geôle lui avait réservée et on lui avait fourni des haillons bien évidemment trop grands pour sa taille de l’époque… On n’avait pas vraiment l’habitude d’avoir à traiter avec des « criminels » de cet âge et de cette taille là à l’époque.

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Voici désormais neuf années qu’April s’acclimatait à cet enfer sur terre. Ayant vécu plus de la moitié de sa vie sous cette glace, elle s’y était forcément habituée et faisait désormais partie de ceux qui y étaient depuis le plus longtemps, ou du moins c’était son impression. Connaissant les recoins de la prison comme sa poche, elle avait vu défiler devant ses yeux un tas d’individus plus ou moins loufoques, plus ou moins dangereux, plus ou moins semblables à celle qu’elle était censée être. Cependant, son environnement, la façon dont elle était traitée, l’étiquette que l’on lui avait collée lors de son arrivée faisait qu’elle n’était plus que l’ombre de la petite fille « innocente » et joyeuse qu’elle fut autrefois. Cette prison l’avait changée, avait fait d’elle une pâle copie de sa réelle personnalité.

Mais ce fut en cette fin d’année que sa vie allait prendre un nouveau tournant.

Alors qu’elle lisait tranquillement pour la troisième fois un livre autobiographique d’un explorateur se vantant être allé sur Grand Line, elle entendit un vacarme et une série d’explosions. Relevant les yeux des caractères imprimés, elle se rendit alors compte de ce qui se passait et ne put alors plus décrocher son regard. La prison se faisait attaquer, les gardes étaient débordés et de violents affrontements avaient lieu ici-même, dans cet endroit qu’elle avait pourtant cru imprenable.

Une énième explosion eut alors raison de la porte de sa cellule ; comme celles de ses voisins qui ne se firent pas prier pour courir dans tous les sens ; lui laissant alors l’opportunité de s’enfuir. L’opportunité de reprendre sa vie en main, d’enfin vivre… Tout simplement. Elle ne prit d’ailleurs que peu de temps pour saisir la chance qui s’offrait à elle et s’empara de son livre, seul effet personnel qu’elle avait en ce moment, et se mit à courir en suivant le troupeau de prisonniers qui tentaient de s’échapper. Les abrutis courraient tous vers la sortie sans prendre en compte que les gardes devraient sûrement les y attendre. April, quant à elle, préféra observer la scène avant de se décider. Elle put alors voir que ceux responsables de la pagaille se dispersaient moins, et semblaient se diriger vers une sortie annexe. Sans doute ce chemin serait-il moins risqué ? Ce fut en tout cas le pari que fit la jeune femme qui se faufila grâce à sa carrure peu développée jusqu’à rejoindre un navire possédant un drapeau noir avec un emblème peint dessus. Elle comprit que ce navire n’avait rien à faire ici et qu’il pourrait l’emmener loin de cette prison qu’elle avait connu toute sa vie.

Profitant du vacarme et de la confusion pour monter à bord, elle se cacha alors dans une pièce qui sentait le renfermer, une pièce où trônaient des tonneaux vides et des restes de nourriture que les rats semblaient adorer manger. Cela semblait affreux et horrible comme endroit, mais aux yeux d’April ce ne pouvait pas être pire que sa cellule. Bien calée dans le fonds de la pièce, elle s’agrippait à la lance d’un garde qu’elle avait subtilisée sur le passage, prête à se défendre au prix de sa vie s’il le fallait. Car après tout, aujourd’hui, sa vie ne valait pas grand-chose.

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Plusieurs jours passèrent sans qu’aucune âme ne vienne la déranger dans cette pièce apparemment oubliée de tout le monde. Se raidissant à chaque bruit de pas trop proches, à chaque éclat de voix, les doigts de la jeune femme étaient trop souvent engourdis qu’elle pensa même à un moment en avoir perdu la motricité. Et tandis qu’elle fut ballotée en long, en large et en travers par le ressac de l’Océan, la jeune April sembla alors surprise de voir que le bateau avait finalement décidé d’arrêter sa longue série de va et vient pour devenir stable… Comme s’il venait d’être amarré à un pont… Comme si c’était sa chance de s’enfuir et de retrouver ce qu’elle pensait être… Sa liberté !

Prenant son courage à deux mains, elle entrouvrit la porte et vit que le passage était libre. Se souvenant à peu près du chemin qu’il fallait suivre, elle se hâta alors de sortir avant que quiconque ne remarque sa présence. Quelques pas lui suffisaient désormais pour atteindre sa liberté, quelques pas qui séparaient son ancienne vie à cette résurrection qu’elle espérait tant.

Quelques pas qu’elle effectua le cœur plein d’espoir, un sentiment qui ne l’avait plus habitée depuis maintenant presque dix années. Et c’est ainsi qu’elle sortit de sa tanière, rejoignant alors un monde bercé de lumière où ses yeux souffraient le martyr, aveuglés par cette lumière qui inondait tout. Elle se retrouvait à l’air libre, le soleil caressant sa peau d’une façon si drôle et agréable, la jeune April sauta alors sur le pont…

Un sourire affiché sur le visage, toute heureuse de retrouver un semblant de liberté !