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Tango fatal.



Le doux ronronnement de l'escargo-disque traînait en fond, complétant les silences fréquents que les rares conversations à voix basse brisaient par moment. Comme toujours, au fond de la plus profonde cave de la « casa del ombré », l'ambiance était aux murmures et à l'attente. Superbe bar clandestin regroupant ce qu'il se faisait de mieux parmi la mafia locale, le gigantesque complexe souterrain offrait depuis des siècles une aire de repos pour tous les amateurs occultes de belles musiques et de lumières tamisées. Impénétrable pour le commun des mortels, nul n'avait besoin de s'inquiéter pour son identité, bien que par pure style la plupart des hommes présent gardaient leurs airs de conspirateur avec leurs chapeaux mous et leurs costumes sur-mesure. Il faut bien dire que le lieu était réputé dans toute l'île, non seulement pour son inviolabilité et le silence de ses propriétaires, mais aussi pour le haut standing que les clients se devaient de tenir. Venir se reposer ici restait encore le meilleur moyen de s'afficher dans les hautes strates du milieu de l'ombre, la prestance étant alors de rigueur.



Ce soir-là, l'air était comme toujours saturé de la douce fumée suave des cigares de qualité, à travers laquelle on pouvait sentir les puissantes flagrances d'un bourbon hors d'âge ou d'un repas succulent. Confortablement installés à leurs tables nappées de blanc, les premiers clients de la soirée profitaient du calme relatif des lieux pour converser à voix basses et pour s'observer mutuellement. Le grand jeu de la cour d'ombre n'avait pas encore commencée, mais certains protagonistes étaient comme toujours déjà présents. Les vieux habitués, servis de leurs plats préférés avant même de s'être installé à leurs tables... La multitude de vigiles patibulaires restant sagement en retrait mais montrant cependant leur subtile présence... Et puis elle...

Elle... véritable rose noire s'épanouissant dans les ténèbres... une beauté que l'aura sanglante des tapisseries carmines rendait plus belle encore... Une splendeur à l'air triste que rien ne semblait pouvoir tirer de ses rêveries. Installée au comptoir du bar principale, la belle était là exhibée à la vue de tous, vitrine macabre du propriétaire des lieux. Esclave depuis plusieurs années, elle avait par son éclat rare fait la fortune de ce patron de la mafia, grand caïd qui se l'était approprié par tous les moyens les plus vils. Maintenant son propriétaire, l'homme usait et abusait de la curiosité morbide que les hommes éprouvaient à la vue de la belle. Vêtue d'une longue robe noire à dos nue, ses longs cheveux de jais maintenus par une superbe fleur vermeille, elle avait de quoi attirer tous les regards. L'air triste et résignée qu'elle arborait en tirant lentement sur son long porte cigarette n'entravait en rien son éclat, qui était même sublimé par tant de fatalité. Une mélancolie si profonde et si poétique se dégageait de la femme, consciente que rien ni personne ici ne saurait la comprendre ni même toucher du bout des doigts son malheur. Elle était seule... terriblement belle et seule.

Après avoir soufflé par traits fins une longue bouffée de sa cigarette, Mademoiselle Tan croisa lentement ses jambes fines, lançant dans toute la salle un enivrant parfum d'érotisme. Le geste était involontaire, anodin... et c'est bien ce qui lui donnait ainsi toute sa force... Les regards avides de toute l'assistance glissèrent alors sur ses formes effilées, et plus particulièrement sur ses longues jambes brillantes, toutes deux terminées par les palmures communes à toutes les sirènes de plus de trente ans. Bien qu'appartenant à une autre race et déclinant vers un âge où sa beauté ne tarderait pas à se faner, elle savait pour son plus grand malheur que son éclat s'acharnerait à la faire souffrir. Las, elle laissa alors retomber sa tête en arrière, fermant les yeux afin de s'enfuir de ce monde de ténèbres en songe.

C'est alors qu'elle l'entendit...

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Saisissant entre deux doigts la branche de l'escargo-disque, l'homme le repose avec application sur le disque qu'il a choisit avec soin juste avant, sous les regards intrigués de l'ensemble de l'assistance. Inconnue de tous les mafieux présents, l'homme dégage de plus une impressionnante aura autour de lui, savant mélange d'une inégalable assurance et d'une menace sous-jacente. Sa masse se meut avec grâce à chacun des plus infimes de ses gestes, faisant resplendir l'éclat de son superbe costume gris perlé. Cela faisait maintenant plus d'une heure qu'il se tenait immobile à sa table, observant en silence la superbe femme qui trônait au comptoir. Ne la quittant même pas des yeux pour porter à ses lèvres son whisky ou son imposant cigare, il arborait alors en permanence un petit sourire aux airs de prédateur, réagissant imperceptiblement à chaque mouvement de la sirène. Il avait tout l'air d'un grand amateur d'art contemplant la toile d'un maître longtemps recherchée. Le regard perçant du connaisseur intransigeant.

Finalement, il se leva en silence, se dirigeant alors tranquillement vers le tourne-disque jusqu'ici silencieux, sans sembler prêter le moins du monde attention aux regards méfiants qui l'entouraient. Fouillant d'un air malicieux dans la réserve de disque, il en trouva un qui semblait lui convenir à merveille, et qu'il installa avec application sur la machine. Quelques secondes plus tard, la musique retentit dans l'ensemble du hall, arrachant les derniers regards hors de leurs assiettes.



Chacun retenait maintenant son souffle tandis qu'il marchait lentement entre les tables, les feux des projecteurs-miroirs semblant l'auréoler. Il était alors l'attention de toute l'assistance, bien qu'en apparence cela le laissait totalement indifférent. Ni sa démarche ni son regard fixé ne laissaient de doute sur sa destination et la cible de son attention. En quelques pas il se dressa ainsi devant mademoiselle Tan, que cette vision surprenante venait de faire quitter sa léthargie. Intrigué et méfiante, elle observa l'inconnu se dévêtir en quelques gestes de son chapeau et sa veste, sans pour autant quitter les yeux de la belle ne serait-ce qu'une fraction de seconde. Son regard brûlant semblait lire jusqu'au plus profond de son âme... Elle était nue devant lui et il s'y enfonçait toujours plus profondément.




D'une geste négligent de la main je projette mon chapeau mou dans l'assistance, avant de retirer par quelques mouvements secs mais assurés mon veston, laissant alors apparaître l'éclat de ma chemise et d'un superbe gilet de marque. Taillés sur mesure, l'ensemble ne manque pas de m'assurer un capital charisme des plus avantageux. Mes airs de chasseurs toujours peints sur le visage, je n'arrive cependant toujours pas à me détourner du regard de ma proie... Un tel éclat de mélancolie et de sensualité... Je n'avais jamais vu ça auparavant, de quoi vous rendre fou de désir. C'est pourquoi une fois son attention clairement accaparée, je lui tends sans plus attendre une main vigoureuse, promesse de passes de danse. De quoi la sortir de la terrible léthargie où ces porcs l'ont poussé. D'abord surprise, elle ne comprendra pas à la première seconde ma démarche, démarche passablement dangereuse si l'on est pas un des favoris du parrain. Évidemment, non seulement je ne le suis pas, mais en plus j'emmerde passablement ce sinistre trou du cul. Je suis venu pour elle et elle seule, quitte à devoir massacrer la moitié de la ville s'il le faut. Mais une fois cette première seconde d'inquiétude légitime passée, le feux de mon regard brise sa méfiance tandis qu'elle pose sa main délicate dans la mienne.


En douceur, je l'attire alors au centre de la piste de danse, sans pour autant cesser de lui faire face... Les premiers pas sont ainsi déjà lancés, ceux d'un tango enivrant qui saura capter l'attention de toute l'assistance. Muets, ceux-ci nous regarderont médusés enchaîner les premières passes d'un corps à corps voluptueux. D'abord en douceur, nous nous cherchons, apprenons à nous découvrir par le jeu subtil de nos pieds qui se croisent et s'entrecroisent, parfois fuyant et parfois si proches. Collés l'un à l'autre, nous nous perdons alors dans le regard captivant de notre partenaire, bien plus éloquent que le plus long des discours... Tandis que la musique s'accélère, nos pas endiablés prennent la mesure du rythme, nous lançant dans des vrilles et des passes toujours plus rapides et plus vives. Elle s'enfuit, je la rattrape... elle se colle à moi, je l'écarte d'un air fier... Le jeu subtil de l'amour à la mode tango nous enivre tandis qu'autour de nous l'orage gronde. Totalement subjugué par les forces qui nous lient, aucun de nous ne fait alors attention au reste de la pièce, pourtant maintenant en proie à un grondement de plus en plus fort. Le nom de « Commandant Toji Arashibourei » se porte sur toutes les lèvres, alors que tous s'offusquent de la terrible insulte que je suis en train de porter à leur organisation. Venir danser avec le symbole de leur réussite sans la moindre peur ni le moindre signe d'hésitation est un soufflé titanesque à leur réputation. Ce lieu, sacro-saint sanctuaire inviolable par la marine vient d'être bafoué... et par un homme-poisson qui plus est. Déjà, les vigiles se rassemblent tandis que les clients les plus impliqués dans l'organisation sortent leurs couteaux à cran d'arrêt. Il s'agit du genre d'affront qui doit être lavé dans le sang.


Pendant ce temps nous continuons nos enchaînements, allant toujours plus loin dans le tissage du terrible lien érotique qui nous enlace. En osmose totale, chacun d'entre nous répond aux mouvements de l'autre avec une précision quasi symbiotique, donnant une grâce et un naturel qui ne devrait pas être de ce monde. Bien qu'amateur de tango depuis longtemps, je n'ai jamais pu danser aussi bien que jusqu'à ce jour, ni depuis lors. Nous sommes transportés par une grâce qui n'est dû qu'à la beauté de l'instant et qui ne sera jamais plus retrouvable. C'est d'ailleurs cette fugacité qui donnera à notre duo toute sa fougue et son éclat, comme si nous dévorions l'instant comme on dévore la vie. Bien qu'étant un désir illusoire, pour rien au monde je n'arrêterai ça, voulant perpétuer cette scène à jamais. Pas même le mafieux s'approchant de nous, lame à la main et haine sur le visage. Loin d'être inconscient, je savait parfaitement que cet instant arriverait. Pour tout dire, c'était aussi le but d'un tel affichage de provocation. C'est pourquoi mon esprit me prévient à temps des menaces qui nous encerclent, sans pour autant que j'ai besoin en apparence de quitter ma partenaire du regard. Je suis tout à notre danse... même si elle implique quelques cadavres.



Au moment où l'homme se jette sur moi pour me percer les reins, je décale par un vigoureux « cunità » ma partenaire, me retrouvant nez à nez avec notre agresseur. Retenant d'une main la fine taille de Mademoiselle Tan qui se cambre en arrière au rythme de la musique, je gratifie d'une manchette redoutable l'homme en face de moi. Tandis que le craquement de ses cervicales se noie dans le rythme de la musique, je poursuit mon mouvement de la main en rattrapant celle tendu de ma cavalière, avant de repartir dans un nouvel enchaînement. Nous enjambons sans y faire attention le cadavre frais au cours d'un « sepliada », les sens enflammés comme jamais. Moins de quatre temps plus tard, une foule d'hommes en furie se jettera sur nous !
Je fais alors voltiger ma cavalière au-dessus de mon épaule, profitant du mouvement circulaire pour envoyer valser d'un coup de pied deux de nos opposants. Une fois rattrapée, je la recouvre de mon buste, l'allongeant à moitié sous moi. Une chaise viendra aussitôt se fracasser contre mon dos, laissant la donzelle indemne. Je profite de l'occasion pour effleurer du bout des lèvres son long cou délicat, enivré par son parfum. Nous nous redressons ensuite en enchaînant un double « boleo ». Pendant le deuxième, je profite d'avoir une main libre pour y faire apparaître en un claquement de poignet la lame de mon rasoir, qui ira sabrer en deux le visage du fautif. D'un coup de pied négligé je repousse alors l'homme agonisant loin de nous, ne désirant pas que son sang vienne entacher la tenue splendide de ma cavalière. Un à un, les mafieux impuissants se ruent sur nous dans un désir uni de vengeance, et un à un nous les repoussons au cours de notre tango mortel, profitant de chaque passe pour se soustraire aux coups dangereux et pour se donner l'occasion mutiler nos adversaires. Un « Moulineta » se verra offert une double fracture des rotules. Un « gancho » endiablé donnera l'occasion de crever les yeux du suivant jusqu'au cerveau. Un « afetada » ? Trois hommes recroquevillés à terre, baignant dans leur sang ! Aveuglés par notre jeu et par la haine, ces idiots sautent sur nous sans la moindre organisation. Être dans leur QG et en si nette supériorité numérique doit surement fausser leur jugement, me laissant tranquillement continuer mon petit jeu en paix. Diable que cette sirène peut être attirante ! Je ne saurais m'en détourner !

Tandis que viennent à nous les dernières mesures de notre danse, le responsable et propriétaire des lieux se lance à son tour à l'assaut, conscient que de sa réussite dépend son avenir. Impossible que les parrains lui pardonnent de s'être laisser voler un tel trophée, ni même de s'être fait humilier ainsi dans leur propre antre. Muni de son couteau, l'homme profite que je lui tourne le dos durant les dernières mesures d'un « roulo » pour plonger sa lame vers ma nuque. Dans un tourbillons de satin noir, mademoiselle Tan apparaît alors à ses côtés, plongeant la main dans ses cheveux. Dans la continuité de ses pas, elle tire ensuite en arrière la tête de l'homme, m'offrant sur un plateau sa gorge dénudée. Un rapide mouvement de la lame de mon rasoir saura cueillir ce présent, laissant la vie du mafieux s'enfuir à grands jets sur le miroir du comptoir. Comme un claquement, la musique cesse alors dans un dernier coup d'accordéon, nous laissant tout deux immobiles et enlacés ! Autour de nous, ce n'est que silence et mort... Mais cela nous n'en avons cure tout d'eux, bien trop occupés à capter les derniers souffles roques et les dernières bouffées érotiques de notre partenaire. Dans quelques minutes, tout sera fini... nous serons loin.



[Quelques mois plus tard, Mademoiselle Tan se voyait confier une partie des affaires occultes de Toji, sa loyauté alors parfaitement acquise. Tandis que la beauté de la sirène déclinait à vue d'œil -triste victime du temps qui s'écoule- deux petites sirènes commençaient tout juste à grandir à ses côtés.]
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