La tempête Attila. Le météorologue à la chevelure blonde et à l'esprit singulier, s'agitait, s'activait, faisant danser son bâton magique pour plonger le ciel de Luvneelpraad dans le plus gros merdier climatique que ses habitants n'avaient jamais connu. Perché sur les toits, progressant à ma suite tout en exécutant son espèce de danse, qui m'inspire plus le rituel d'une foutue invocation, Korrigan entre dans la danse. Et s'il le fait si bien que je suis obligé de lui aboyer d'arrêter, je dois avouer que ce petit effet de style est à mon goût. Parce que c'est exactement ce que je veux, déchaîner la colère des dieux sur cette ville, ce manoir, ce gros lard.
Les nuages sombres recouvrent la voûte céleste, comme une armée divine prête à se déverser sur le monde des mortels. Y'en a qui doivent être en train de se chier dessus, mes avis. La pluie se déverse, crescendo. De petites gouttes qui vous tombent sur le coin de la fiole par intermittence, elle devient averse en un rien de temps. Et je peste, parce que je vais finir trempé jusqu'à l'os, finalement. Mais je serai pas le seul emmerdé par ce temps, temps qui ne fera qu'empirer. D'ici peu, les dieux feront entendre leurs voix et l'orange rugira, la foudre éclatera. C'est pas seulement ce vieil enfoiré de Peeter qui va te tomber sur le lard, Bambana, c'est une putain d'apocalypse.
De la joyeuse bande de salopards que j'ai recrutés pour l'occasion, seuls quelques-uns suivent mes pas, en ce moment même, s'enfoncent dans les ruelles, aux aguets, prêts à se jeter sur le premier chapeau de tonton flingueur qui se pointe. Juste derrière moi, je peux sentir l'aura guerrière, meurtrière, violente, de Kaen. Elle s'évapore continuellement de sa peau comme l'effluve qui ressort d'une tasse de café, naturellement. Le savoir avec moi me rassure, compense le fait que Matthias et les autres soient ailleurs, suivant d'autres instructions.
— En voilà trois. La voix grave du surnommé Fraktur et son accent haché me sortent de ma réflexion, sa silhouette me devançant de quelques foulée, il fonce sur le trio de mafieux surveillant l'angle. Avant qu'ils le voient venir, il a déjà balancé un poignard dans le frontal du pauvre gars qui zieutait dans notre direction. Les deux autres ont tout juste le temps de remarquer leur pote mort, au sol, que le sauvage est déjà sur eux, fracassant la mâchoire du premier et envoyant valser d'un puissant coup de semelle au thorax, le dernier. Kaen achève le plus proche, honorant son surnom. Korrigan scelle le sort du troisième, qui se relevait péniblement, le souffle court.
Premier sang versé de la journée, des litres vont bientôt suivre. Je reprends la tête du convoi et prends à droite, direction le manoir Bambana. Quand la foudre frappe, on l'aperçoit au loin, se dresser face à nous comme une forteresse infranchissable. C'est seulement une impression, cette fois est la bonne et Le Padre n'a plus aucun endroit où filer. Il va tout miser ici tout comme je vais tout donner aujourd'hui. Un sale enfoiré verra pas le prochain jour, reste à savoir lequel ce sera.
Sans même m'en rendre compte, je presse le pas. La colère est un feu qui alimente mes muscles, mes membres, impose son rythme et me pousse à l'erreur. Focalisé sur ma haine, j'en oublie la prudence et la merde me tombe directement dessus. Deux enfoirés de tontons flingueurs, fumant leurs clopes à l'abri de la flotte, sous la devanture d'un petit restaurant fermé. Je les remarque une fraction de seconde avant qu'ils m'aperçoivent et c'est à qui dégainera le plus vite.
Flingues en mains, j'arrose sans réfléchir. Quatre bastos grondent et fusent au travers du rideau de pluie.
La première arrache un morceau de peau de la mâchoire du troufion le plus à droite, la seconde troue l'épaule du même zigue. La suivante vient siffler à l'oreille de son collègue mafieux et la dernière vient se loger dans son torse. Ils s'écroulent l'un à la suite de l'autre, gémissant, agonisant.
— Bah super la discrétion, tss ! Si l'idée c'est de rameuter le Padre, tu t'en sors comme un chef, Dicross ! Goro peut râler, j'en ai rien à carrer. Il est agacé, grogne et fait savoir que ma méthode lui plaît pas, mais je m'en tamponne. Il a les foies, a les guiboles qui claquent à l'idée qu'on soit repérés si tôt. Je lui en veux pas, Bambana est pas le premier péquenaud venu, on parle d'une des plus importantes familles mafieuses des blues.
Sans s'arrêter d'avancer, on passe à hauteur des deux types encore en vie mais hors course. Mes bras se lèvent machinalement dans mon élan et deux autres balles fusent, touchent cette fois des points vitaux. Ils vivront pas quelques minutes de plus. Aucun d'entre eux qui croisera ma route survivra. Et Goro surenchère, marmonnant dans sa barbe bien fournie, les sourcils si froncés qu'ils se rejoignent presque.
Un brin bourru, vieillissant, une cinquantaine d'années, Goro est un de ces mercenaires qui roule sa bosse dans le milieu depuis si longtemps qu'on est obligé de le respecter. Assumer un poste pareil durant une trentaine d'années, ça le forge, le respect. Seulement plus les années passent et moins ses réflexes sont bons et sa témérité en prend un coup chaque fois qu'une bougie se rajoute sur le gâteau. En temps normal, Goro aurait pas accepté ce contrat, pas si proche de rempiler. Seulement lui aussi, comme beaucoup d'autres sur Manshon, a la rage contre Antoni Caesar. Alors quand je suis venu le trouver en lui apportant une opportunité de lui faire la peau, il a pas pu refuser.
— Je suppose que maintenant, on est bien cramés ! Je garde le silence, continue de progresser. Kaen laisse échapper un sourire amusé, lui non plus ne craint pas d'être vu, lui aussi trépigne à l'idée de tous les fracasser.
Des voix commencent à s'élever autour de nous, les coups de feu ont résonné loin et attirés les curieux, mais surtout les criminels chargés du comité d'accueil. On court encore quelques minutes, se sentant entourés, l'étau se resserre lentement.
— Ils sont là ! Flinguez-moi ces fils de chiens !Que ça braille subitement, une dizaine de types en costards, chapeaux sombres sur les cheveux observant dans la direction que pointe le doigt rattaché au corps qui appartient à cette voix. — Tu fais chier, Dicross ! Le vieux mercenaire crache la fin de son cigare et fait basculer le gros fusil à triple canon qui pend dans son dos. Il arrête sa progression et assure son équilibre, lorgnant les cibles des dizaines de mètres plus loin.
Kaen pousse un grognement sauvage, bestial. Il exulte, continue de gueuler comme un animal, un guerrier avant une grande bataille, grimaces en appuis. — RAMENEZ-VOUS BANDE DE FIOTTES ! Je dois avouer que même moi, quand il beugle, ça me motive, accroît un peu plus encore le brasier de violence qui consume mon âme.
Je stoppe toute progression à mon tour, les doigts qui démangent d'appuyer sur la gâchette et de rafaler dans le tas.
Derrière-moi, Korrigan fait virevolter son bâton de magicien entre les doigts de sa main, affiche sourire malicieux.
Les nuages sombres recouvrent la voûte céleste, comme une armée divine prête à se déverser sur le monde des mortels. Y'en a qui doivent être en train de se chier dessus, mes avis. La pluie se déverse, crescendo. De petites gouttes qui vous tombent sur le coin de la fiole par intermittence, elle devient averse en un rien de temps. Et je peste, parce que je vais finir trempé jusqu'à l'os, finalement. Mais je serai pas le seul emmerdé par ce temps, temps qui ne fera qu'empirer. D'ici peu, les dieux feront entendre leurs voix et l'orange rugira, la foudre éclatera. C'est pas seulement ce vieil enfoiré de Peeter qui va te tomber sur le lard, Bambana, c'est une putain d'apocalypse.
De la joyeuse bande de salopards que j'ai recrutés pour l'occasion, seuls quelques-uns suivent mes pas, en ce moment même, s'enfoncent dans les ruelles, aux aguets, prêts à se jeter sur le premier chapeau de tonton flingueur qui se pointe. Juste derrière moi, je peux sentir l'aura guerrière, meurtrière, violente, de Kaen. Elle s'évapore continuellement de sa peau comme l'effluve qui ressort d'une tasse de café, naturellement. Le savoir avec moi me rassure, compense le fait que Matthias et les autres soient ailleurs, suivant d'autres instructions.
— En voilà trois. La voix grave du surnommé Fraktur et son accent haché me sortent de ma réflexion, sa silhouette me devançant de quelques foulée, il fonce sur le trio de mafieux surveillant l'angle. Avant qu'ils le voient venir, il a déjà balancé un poignard dans le frontal du pauvre gars qui zieutait dans notre direction. Les deux autres ont tout juste le temps de remarquer leur pote mort, au sol, que le sauvage est déjà sur eux, fracassant la mâchoire du premier et envoyant valser d'un puissant coup de semelle au thorax, le dernier. Kaen achève le plus proche, honorant son surnom. Korrigan scelle le sort du troisième, qui se relevait péniblement, le souffle court.
Premier sang versé de la journée, des litres vont bientôt suivre. Je reprends la tête du convoi et prends à droite, direction le manoir Bambana. Quand la foudre frappe, on l'aperçoit au loin, se dresser face à nous comme une forteresse infranchissable. C'est seulement une impression, cette fois est la bonne et Le Padre n'a plus aucun endroit où filer. Il va tout miser ici tout comme je vais tout donner aujourd'hui. Un sale enfoiré verra pas le prochain jour, reste à savoir lequel ce sera.
Sans même m'en rendre compte, je presse le pas. La colère est un feu qui alimente mes muscles, mes membres, impose son rythme et me pousse à l'erreur. Focalisé sur ma haine, j'en oublie la prudence et la merde me tombe directement dessus. Deux enfoirés de tontons flingueurs, fumant leurs clopes à l'abri de la flotte, sous la devanture d'un petit restaurant fermé. Je les remarque une fraction de seconde avant qu'ils m'aperçoivent et c'est à qui dégainera le plus vite.
Flingues en mains, j'arrose sans réfléchir. Quatre bastos grondent et fusent au travers du rideau de pluie.
La première arrache un morceau de peau de la mâchoire du troufion le plus à droite, la seconde troue l'épaule du même zigue. La suivante vient siffler à l'oreille de son collègue mafieux et la dernière vient se loger dans son torse. Ils s'écroulent l'un à la suite de l'autre, gémissant, agonisant.
— Bah super la discrétion, tss ! Si l'idée c'est de rameuter le Padre, tu t'en sors comme un chef, Dicross ! Goro peut râler, j'en ai rien à carrer. Il est agacé, grogne et fait savoir que ma méthode lui plaît pas, mais je m'en tamponne. Il a les foies, a les guiboles qui claquent à l'idée qu'on soit repérés si tôt. Je lui en veux pas, Bambana est pas le premier péquenaud venu, on parle d'une des plus importantes familles mafieuses des blues.
Sans s'arrêter d'avancer, on passe à hauteur des deux types encore en vie mais hors course. Mes bras se lèvent machinalement dans mon élan et deux autres balles fusent, touchent cette fois des points vitaux. Ils vivront pas quelques minutes de plus. Aucun d'entre eux qui croisera ma route survivra. Et Goro surenchère, marmonnant dans sa barbe bien fournie, les sourcils si froncés qu'ils se rejoignent presque.
Un brin bourru, vieillissant, une cinquantaine d'années, Goro est un de ces mercenaires qui roule sa bosse dans le milieu depuis si longtemps qu'on est obligé de le respecter. Assumer un poste pareil durant une trentaine d'années, ça le forge, le respect. Seulement plus les années passent et moins ses réflexes sont bons et sa témérité en prend un coup chaque fois qu'une bougie se rajoute sur le gâteau. En temps normal, Goro aurait pas accepté ce contrat, pas si proche de rempiler. Seulement lui aussi, comme beaucoup d'autres sur Manshon, a la rage contre Antoni Caesar. Alors quand je suis venu le trouver en lui apportant une opportunité de lui faire la peau, il a pas pu refuser.
— Je suppose que maintenant, on est bien cramés ! Je garde le silence, continue de progresser. Kaen laisse échapper un sourire amusé, lui non plus ne craint pas d'être vu, lui aussi trépigne à l'idée de tous les fracasser.
Des voix commencent à s'élever autour de nous, les coups de feu ont résonné loin et attirés les curieux, mais surtout les criminels chargés du comité d'accueil. On court encore quelques minutes, se sentant entourés, l'étau se resserre lentement.
— Ils sont là ! Flinguez-moi ces fils de chiens !Que ça braille subitement, une dizaine de types en costards, chapeaux sombres sur les cheveux observant dans la direction que pointe le doigt rattaché au corps qui appartient à cette voix. — Tu fais chier, Dicross ! Le vieux mercenaire crache la fin de son cigare et fait basculer le gros fusil à triple canon qui pend dans son dos. Il arrête sa progression et assure son équilibre, lorgnant les cibles des dizaines de mètres plus loin.
Kaen pousse un grognement sauvage, bestial. Il exulte, continue de gueuler comme un animal, un guerrier avant une grande bataille, grimaces en appuis. — RAMENEZ-VOUS BANDE DE FIOTTES ! Je dois avouer que même moi, quand il beugle, ça me motive, accroît un peu plus encore le brasier de violence qui consume mon âme.
Je stoppe toute progression à mon tour, les doigts qui démangent d'appuyer sur la gâchette et de rafaler dans le tas.
Derrière-moi, Korrigan fait virevolter son bâton de magicien entre les doigts de sa main, affiche sourire malicieux.