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L’heure de la Castagne

On attend. On attend encore et toujours. Voilà deux bonnes heures que le Couperet, mon croiseur, mouille au port de Vince, deux bonnes heures que l’air marin me chatouille le nez et me gèle les miches. Luvneelroom, le point de rendez-vous que nous nous sommes fixés avec ce cher Peeter. Ma mission d’aujourd’hui ? C’est très simple, faut que je m’arrange pour dégager la voie afin d’éviter un maximum de grabuge en ville. Les gars ont déjà écartés les civils, prétextant qu’une tempête arrive. Évidemment que les Luvneelois seront bien mieux chez eux, devant la cheminée à siroter un bon petit chocolat chaud avec des biscuits. Et en y pensant, c’est vrai que je serais moi même beaucoup mieux auprès d’un bon petit feu avec un grog…

Y’a quelques types qui refusent de se mettre à l’abris. Ils craignent pas la tempête qu’ils disent et à en juger par leur carrure et leur aspect patibulaire, faut pas être un génie pour deviner qu’il s’agit des porte flingue de ce gros porc de Bambana. J’suis à peu près rassuré, parce que si cet enragé de Dicross ouvre le feu, on ne devrait à priori pas compter d’innocent parmi les victimes. Mes gars sont positionnés, plusieurs patrouilles vérifient les allées et venues. Jack est posté au navire en compagnie de Kyara, ils sont chargés de me prévenir de l’arrivée d’nos chers amis de Manshon. James, quant à lui, s’est positionné en hauteur avec une demi-douzaine de mes gars, pour nous couvrir en cas d’pépin.

L’heure tourne, je pense pas que Peeter soit le genre de type à arriver en retard à ce genre de sauterie, et quand il sera là, ça va sûrement partir en sucette. Il faut à tout prix dégager les hommes de Bambana des rues et j’ai une petite idée pour ça.


Bon les gars, contrôle d’identité ! Exécution.


Les molosses de celui qui se fait appeler « Le Padre » nous offrent un râle collectif mais obtempèrent dans l’ensemble. Y’a cependant ce petit groupe d’une dizaine de mecs qui a l’air de causer des soucis à mes gars un peu plus loin… Donc je m’approche d’eux, voir de quoi il s’agit.


Un soucis ici ?

J’vois pas pourquoi vous venez nous faire chier.

Écoute, venir ici me les geler en votre compagnie ça m’fait tout autant chier. Mais je suis là pour faire mon boulot, alors montrez nous vos papiers qu’on en finisse.



Les types échangent un regard et après quelques soupirs, finissent par obtempérer à leur tour, sans doute pour éviter d’attirer l’attention sur eux. Même si la situation semble globalement sous contrôle, une tension certaine règne en réalité. M’étonnerait que ces types laissent passer gentiment Peeter et sa clique quand ils arriveront.

Plus le temps passe et plus je me dis que ça va être un putain de bordel par ici… Mais quoiqu’il arrive j’accomplirai mon devoir. Je ne laisserai pas la situation dégénérer ici, sur le sol Luvneelois. Sylla… Lyonna… Les fantômes du passé ressurgissent et ça fait un mal de chien. Jamais je ne laisserai d’autres innocent se faire tuer, ne serait-ce qu’en leur mémoire. Et c’est aussi pour ça qu’il faut faire tomber Bambana. J’entends un peu de grabuge derrière, fais volte-face, y’a deux mecs qui embrouillent mes gars.


Outrage à agent donc ? Embarquez-moi ça ! Allé on se dépêche.


J’pensais que ça allait faire des jaloux et qu’on allait pouvoir embarquer tout ce beau monde mais en fait non. Mes gars embarquent les deux gaillards virulents pour les calmer à l’écart mais personne d’autre ne bronche. Ils bougeront clairement pas d’ici, un Berry que leur boss se chie littéralement dessus en ce moment même, cloîtré dans son manoir. Et à raison, si j’avais Peeter G Dicross qui voulait ma peau, j’serais sûrement moi aussi dans l’inquiétude… J’espère d’ailleurs que j’aurai pas à l’arrêter, des gars comme lui, il en faut pour purger ce monde bousillé… Le temps se gâte, la tempête approche et toujours aucune nouvelle du port, je garde d’ailleurs les yeux rivés en cette direction, scrutant l’horizon et les quelques morceaux de navire que j’arrive à discerner. Peu importe ce qui surgira de cette brume, va falloir s’accrocher et quoiqu’il arrive, à la fin de cette journée, Bambana sera de l’histoire ancienne.
    HRP : J'interviendrai dans ce sujet uniquement via le jeu de PNJs

    Spoiler:

    Mathias Bocheve commence à ressentir les prémices de l'inquiétude, les débuts de l'appréhension l'envahir, mais surtout, Mathias Bocheve commence à flipper. Ridicule on pourrait se dire, pour un tonton flingueur qui bosse depuis si longtemps pour son ennemi juré, qu'il pourrait citer par cœur le prénom de ses enfants et leurs âges respectifs. Qu'il pourrait énumérer les lieux de prédilection de sa femme pour retrouver ses amies,, femmes de gangsters influents elles aussi. Il pourrait même dire ce qu'elle aime boire, Madame Bambana. Tout comme il pourrait vous parler de sa fidélité sans faille envers son mari et combien elle sait être dangereuse quand la situation l'impose.
    La peur, étrange sensation qui a tendance à vous faire un peu trop réfléchir. Pourtant aujourd'hui, Mathias n'émet aucun doute envers le plan, ne trouve rien à redire aux ordres et n'a pas cherché à dissuader Peeter quand il lui a filé les instructions. Ça ne lui plaît évidemment pas, déjà parce qu'il aurait préféré être à ses côtés que de jouer les leurres loin du manoir, mais aussi parce que la façon de faire est discutable. Débarrasser ce monde du Padre est tout ce qu'il souhaite au plus profond de lui, celui que l'on surnomme Crakito, mais à quel prix ? La voilà la différence entre Peeter et lui, le premier ne s'arrête devant rien pour aller chercher ce qu'il veut. Le premier n'a pas seulement vendu son âme au diable, comme tout homme de main de Boule de Billard, il est devenu le Diable.

    Et tandis qu'il marche le long des quais, en direction du point de rendez-vous indiqué par le Dicross, il cogite. Se souvient d'une phrase que Peeter, son ami de longue date, lui a dit quelques jours avant de débarquer ici. Pour faire tomber un monstre, un peu de courage et de foi ne suffisent pas, Mathias. Pour le faire tomber, tu dois devenir son pire cauchemar. Devenir plus monstrueux que lui. Il doit se pisser dessus rien qu'à entendre les murmures de ton nom.
    Le balafré esquissa un sourire, nul doute que depuis l'assaut de Peet' sur le manoir à Manshon, Bambana doit faire dans son froque rien qu'à se remémorer la casquette bombée du Capo.
    La trahison, douloureuse expérience. Bambana en avait fait les frais toute sa vie et ce n'était pas dû au fruit du hasard. Si autant de gens se retournent contre sa poire, c'est bien parce que Antoni Caesar est un enfoiré de première qui traite ses hommes comme les dernières des merdes. Ce jour, Mathias l'a toujours attendu, espéré. Le soir, avant de s'endormir, il rêvait d'avoir le cran de sortir sa lame et l'y enfoncer dans le cou potelé du Padre. Sans grande surprise, on en était longtemps resté au stade de songes.

    Plus maintenant. Peet' avait su réunir une bande de salopards assez tordus pour s'attaquer frontalement à Bambana, jusqu'à aller le chercher dans son ultime bastion, sur Luvneelroom. Quelle île merdique, quand même. Que des noms qui se ressemblent, un bordel ambiant pour s'y retrouver, vivement que toute cette histoire se termine et qu'il rentre chez lui.
    À condition, bien sûr, qu'il soit encore en vie à la fin de tout cela. Il grimaça, avant de presser le pas. Les hommes dans son dos suivaient l'allure, certains plus en retrait, transportant de grosses bariques de bois. Il avait peur, oui, parce qu'il jouait l'un des rôles les plus dangereux dans l'histoire. Peeter lui avait demandé d'incarner sa doublure et de se pointer au rendez-vous avec le Commandant Macallan. Son rôle, jouer la diversion. Concentrer le gros de l'attention des Marines et des tontons flingueurs sur sa pomme, et de tenir le plus longtemps possible.
    Un rôle suicidaire, tous les deux en avaient parfaitement conscience. Mais Mathias avait accepté sans même trop y réfléchir.

    D'abord parce qu'il était plus déterminé que jamais à participer à la chute de Bambana et surtout parce qu'il avait confiance en Dicross. Il ne craignait pas la réussite du plan, il craignait les dommages collatéraux qu'il engendrerait. Des dégâts auxquels Mathias apporterait sa patte, même si cela ne lui plaisait pas. D'où le fait qu'il avait peur. Mais qui n'aurait pas peur en ayant conscience de peut-être vivre, le dernier jour de son existence ? Une existence de truand certes, mais une vie tout de même.
    Mathias aperçoit les soldats de la Marine et identifie rapidement la silhouette singulière et la trogne patibulaire du Commandant Macallan. Affublé des fringues de Peeter, son homme de main serre nerveusement les dents et espère que la supercherie durera assez de temps pour mettre en place le plan. Pour s'assurer d'y arriver, il ne prend même pas la peine d'adresser un regard ou une parole à Wayne, faisant signe aux hommes derrière lui de se ramener.

    Quatre types, pour quatre barriles équipés de roulettes sur les flancs. Chacun de ces types dépassent la faux Dicross pour venir déposer leur chargement, qui roulent tous dans des directions différentes. Les flingues sortent des manteaux et les détonations fusent, les balles frappant les barils remplis de poudre à canon. Des balles incendiaires, qui dès lors qu'elles entrent en contact avec la quantité de poudre enfermée à l'intérieur, explosent et déclenchent quatre lourdes déflagrations qui soufflent les environs…

    Entre le vacarme que les explosions ont provoqué et les colonnes de fumées noires qui s'élèvent maintenant dans les cieux, ça devrait suffisamment bien attirer l'attention sur eux.

    Et cette satané pluie qui veut pas s'arrêter.

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    La pluie qui s'abat sur ma gueule à un effet revigorant. La tête dans le cul que j'avais laisse place à un esprit clair, j'irai même jusqu'à dire «déterminé» et franchement, ça me ressemble pas donc prend bien note. Aujourd'hui, je suis déterminé. T'imagines? Peut être que j'ai la rage, peut-être que c'est juste Peeter qui m'a refilé un peu de la sienne.

    J'ai jamais eu une vision aussi claire. Dix aux deux yeux mon pote, j'ai l'objectif bien en vue, et je compte pas le lâcher. Bambana, il emploie des tas de types à son service. Des gars pas bien sympa, pas recommandable, tu t'en doute. Et tu sais quel genre de type est pas recommandable du tout? Le genre à servir le Gouvernement. J'en sais quelque chose, hein, c'est mon boulot de leur pourrir la vie. Des racailles avec un bel uniforme. La pire espèce. L'autorité, ça donne des ailes, hein. Et celui après qui je cours après, c'est une putain de belle merde. Des mois à se demander qui pouvait bien se cacher derrière cette ombre, ce pseudonyme de «l'Ailier». Des mois à voir les agents envoyés sur Manshon revenir sur des brancards. Y'aura fallu l'aide d'un fumier comme Peeter pour plaquer un visage sur ce type. Quoi de mieux qu'un ancien lieutenant du Padre pour débusquer un de ses ex-collègues? Personne ne moufte, chez ces tocards de mafieux. Personne sauf quelqu'un qui a suffisamment la haine pour s'en foutre royalement des conventions et des règles.

    Rufus Mayar. C'est le nom. Tu sais, ça a fait bizarre de l'entendre, ce nom. D'un coup, la présence invisible du traître s'est évaporée, c'est devenu un criminel comme un autre. Il avait une aura, ce type. Le mystère, ça te prend aux tripes. Surtout quand le mystère est la cause de la mort de plusieurs de tes collègues.

    Rufus Mayar, c'est un type qu'à la gueule de l'emploi. Sur son portrait, dans son vieux dossier poussiéreux, il tire une sacrée tronche. La brûlure qui lui déforme la moitié du cou et de la joue l'aide pas, effectivement. Le crâne dégarni, l’œil mauvais, il me fixe comme s'il en voulait à moi spécifiquement pour toutes les merdes qui lui sont arrivés. Bavures, accès de violence, c'était le profil parfait pour notre coupable. Tellement parfait qu'avant de sauter à quai, ici, j'ai demandé à mon agent de liaison de revérifier une dernière fois son dossier.

    Après ce petit coup de fil de formalité, l’ère de la réflexion laisse brutalement place à celle de la merde, du sang et des poings. Tout ça à cause du taré qui vient de tout faire péter devant moi. On est pas censé avoir le monopole de la discrétion au Cipher Pol, quand même. Le souffle des explosions me caresse le visage comme la main douce d’une femme délicate, mais qui me collerait une baffe des enfers. Même pas le temps de rejoindre les bleus avec qui je suis censé bosser. Je suis pas étonné, après avoir passé les derniers jours à côtoyer de Peeter, j’ai bien compris que c’est le genre de salopard à foutre n’importe qui dans la merde tant que ça lui sert.

    Je descends des toits glissants qui me servaient d’autoroute pour rejoindre le commun des mortels en contre-bas, en prenant soin d’écraser de tout mon poids un connard de flingueur qui passait par là, un peu plus lent que ses petits potes qui de toute façon finissent en charpie sous l’assaut des soldats. Un foutu champ de bataille. L’explosion a attiré tout le monde à des kilomètres à la ronde, une diversion parfaite, chapeau l’artiste, ils seraient fier de toi aux Bureaux. Pas de doute à avoir, l’attention des mafieux se retrouve braquée droit sur nos tronches. Je dis «nos» parce que pour repérer ma cible, faut que je charge comme un barbare avec les autres troufions. Gueulant à droite à gauche, celui qui se rapproche le plus d’un collègue pour moi essaye d’organiser sa petite troupe comme il le peut, et si je pouvais lire l’avenir, je suis sûr que je le verrai entrain de coller une droite au masqué qu’à tout fait péter. Peeter. Enfin, je veux dire, «Peeter». Y’a quelque chose qui manque, chez lui, depuis que j’ai quitté le navire. Je peux pas mettre le doigt dessus. la dégaine peut-être.

    De ce que je comprends, ils ont repoussé les premiers curieux qu’ont rappliqué sur les lieux. Une vague de petits merdeux qui patrouillent dans les rues comme si l’endroit appartenait officiellement au Padre. De la chair à canon. Les vraies emmerdes arrivent bientôt, et notre petite coalition s’y prépare.

    « Macallan? Wayne Macallan?! Que je gueule. Agent Spade. Renfort. J’paye pas de mine, mais c’est déjà ça, hein ? »
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