Spéculations hystésotériques

Trois mois auparavant...

Le calme plat. Le ciel, les oiseaux et la mère. Celle qui vocifère au loin en donnant des coups de poêle aux goélands trop gourmands. Juicy Berry, dont le seul être qui lui manque la voit désormais dépeuplée, sans Dieu ni Maître. Seulement une vieille mine dont les rumeurs mentionnent qu'elle seraient tarie mais qui continue à tourner, un Syndic un peu branlant qui a de plus en plus de mal à dissimuler ses secrets et les vestiges d'une île trop riche, désormais trop pauvre. Où va l'argent quand plus personne n'est là pour le créer ?

On l'oublie, Juicy Berry. Le Gouvernement Mondial a d'autres moyens de s'approvisionner...

« - ...AAAAAAAAAAH !!

- Hein ? Qu'est-ce qu'il t'arrive ?

- J... J'ai fait un rêve totalement absurde. »

Lorsque l'on ne sait pas quoi faire, on se dore la pilule au soleil. Du moins, c'est une activité à la fois apaisante et lucrative, lorsque chaque seconde qui passe, un nouveau lingot s'en va rejoindre Fort Knok. Soi-disant. Pour Dow et Jones, il était clair que tout cela n'était plus qu'un beau mirage destiné au monde extérieur. Dow lisait son bouquin. Jones roupille. Mais désormais, voilà qu'il était bien réveillé.

« - Tu vas pas me croire Dow.

- Dis toujours.

- J'ai rêvé qu'on était riches. Mais sans argent. Genre la monnaie n'existait plus. Physiquement. Et que c'était le fait d'en parler qui lui donnait une valeur. Que les gens spéculaient, qu'ils l'achetaient et la revendaient contre des Berries ou des objets rares.

- Effectivement... c'est totalement con. »

Non, une idée de génie. Mais à ce moment là, ni Jones, ni Dow ne surent ce qui était sur le point de se passer. D'ici quelques mois. Ici, à Juicy Berry. Alors ils oublièrent cette histoire et continuèrent à faire bronzette, au lieu de noter sur papier ce rêve prophétique et se faire des milliards. Le Dow Jones aurait pu exister.

Mais ce fût le Minocoin qui apparut le premier et secoua le monde entier. Ceci est son histoire, celle d'une monnaie alternative au Berry et de la révolution boursière de Juicy Berry. Une mine d'or tarie et délaissée, devenue la même année le plus grand marché économique et financier de Grand Line. Sinon du monde entier.

Et tout commença avec l'arrivée d'une pirate et d'un roi...

***

« - C'est tout de même étrange, la dernière fois que je suis venue, l'endroit était encore surveillé par toute une flotte de marins.

- Impossible, ça disparaît pas comme ça une flotte. Passe moi la lorgnette. »

Interloquée par ce constat, je ne relevai même pas le ton autoritaire de ma seconde, lui tendant passivement l'appareil. Elle observa à son tour, une longue minute durant, sans arriver à un autre postulat. Il n'y avait personne. Et je dis bien personne à part nous : elle, moi, la Guigne qui dormait à poings fermés nous et le reste des hommes qui s'activaient en contrebas. Bredouille, elle balança la longue-vue sur les jambes du matelot qui se réveilla en sursaut.

« - Alors ?

- R.A.S., ils stationnent peut-être de l'autre côté de l'île.

- Ou bien les rumeurs sont vraies et les frappeurs d'or de Juicy Berry sont au chômage. Sans Noriyaki ni ses pouvoirs, le coin ne vaut probablement plus un kopeck, » conclus-je, le menton enserré entre mon index et mon pouce.

Après un moment laissé à la réflexion, nous redescendîmes, décidant de mettre pied sur l'île. Après avoir avisé une petite rade, nous mîmes les canots à l'eau, dépêchant comme à notre habitude une expédition composée des meilleurs éléments. Ou presque.

« - Pourquoi est-ce que tu as à tout prix tenu à venir Zaneb ?

- L'air chargé de plomb paralyse, mais celui nappé d'or rend à l'aveugle sa vision.

- C'est ça, parle à mon cul, ma tête est malade.

- Fermez-la tous les deux ou je vous jette par dessus bord, » intimai-je froidement tout en lorgnant depuis la proue de l'embarcation.

Pas un chat. Même pas un personnel d'accueil. Décidément, quelque chose n'allait pas. Mais c'était l'occasion d'avoir le cœur net et, qui sait, faire ami ami avec les locaux. Si jamais il y en avait encore. L'endroit n'était pas invivable, loin de là : outre les mines, la végétation était luxuriante et nous nous trouvions face au parfait exemple d'île au trésor. Potentiellement sans trésor. Mais avec ses reliefs, son port miteux et son industrie naissante. L'ancien fief d'un corsaire dans toute sa splendeur.

La ville était plus loin, telle un gros point noir à l'horizon, un peu à l'est de là où nous avions choisi de débarquer. Une fois à terre, je monopolisai l'attention du petit contingent d'hommes sous mes ordres, leur intimant de ne pas trop mettre le boxon. C'était avant tout une mission de reconnaissance et de diplomatie. Au mieux, nous pourrions mettre la main sur quelques contrats juteux et au pire... Mieux valait ne pas trop y songer.

Quelques dizaines de mètres plus tard, nous nous étions dispersés pour ne pas donner l'impression d'arriver comme une bande armée. Certains iraient directement à la fonderie, d'autres exploreraient un peu les terres sauvages. Zaneb et moi marchions en direction du port.

« - Le crépuscule couvre d'or tous ceux qui le regardent, mais seuls ceux qui demeurent dans l'ombre savent qu'ils sont pauvres.

- Je ne pige rien à ce que tu dis, l'ancêtre.

- Pour connaître la vérité, il faut s'adresser à ceux qui fuient la lumière. »

Hum... Oui.. Cette fois-ci je pensais comprendre et c'était mon but. Chercher l'avis des miséreux ou, du moins, ceux qui n'étaient pas trop m'as-tu-vu. Mais lorsque nous arrivâmes, la première chose qui nous frappa fût la présence d'un géant, débarquant d'un navire mouillant le long des quais. Dont la taille n'avait rien à envier à l'accoutrement kitsch mêlant rose fluo et breloques dorées.

Je restais muette devant tant de mauvais goût, mais Zaneb continua de marcher en direction de l'inconnu, le pointant du doigt. Merde. Je décidai de le rattraper avant qu'il nous mette dans le pétrin, mais déjà ses élucubrations attiraient vers nous l'attention des rares passants.

« - Je le reconnais ! Oui, j'ai vu son visage dans mes songes.. Cet homme est notre guide, Capitaine Bonny !

- Chut. Chut bon sang ! Zaneb, ferme-la ou je fais une retenue sur ta paye ! »

Trop tard, le golem avait son regard braqué sur nous.
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