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[Mission] Un voyage forcé - 1628

      Royaume de Bliss, 1628

      Comme chaque matin depuis peu de temps, je me réveillai avant l’aube, observant cette grande avenue -vide en cette heure matinale – amenant jusqu’au port où les vagues déferlaient et frappaient les parois avec violence. En passant ma tête de l’autre côté, une gifle glaciale venait pourtant me dissuader de continuer, mais je ne pouvais m’empêcher d’assister à ce puissant spectacle. Même sur Bliss, pourtant réputé pour son doux climat, subissait des hivers assez rudes. Me rappelant mes aventures avec un certain pirate, j’appréciai fortement ce confort glacial. Finalement, seul le vent était glacial, car la température restait relativement douce.

      Je profitais souvent de ce temps, seul, au milieu des tempêtes, avant l’heure où la vie reprenait son cours. J’en profitais pour me relaxer, me réveiller tranquillement quand la nuit fut des plus courtes, ou simplement pour m’entraîner. Je n’appréciai pas particulièrement les entraînements. Malheureusement, j’étais charpentier et j’aspirais à y être le meilleur. Un bon charpentier doit avoir une bonne forme physique. Je ne tenais pas à devenir comme ces gros porcs de chefs de chantier qui passaient leur temps à gueuler sur leurs salariés. Moi, j’étais un homme d’action. Je montrais l’exemple aux autres. C’était certainement plus modélisant pour les autres.

      « Où vas-tu comme ça ? Tu comptais t’en aller sans m’adresser un baiser ? »

      J’oubliais la chose la plus importante dans ma vie : Eärendil. Elle avait son caractère, passait son temps à me les sortir par les yeux, mais elle possédait quand même quelques bons côtés, puis des moments de tendresse que je savourais, comme celui-ci, à l’aube d’une journée au milieu de brutes et au rythme insupportable. Je m’empressai de l’embrasser avant de m’en aller. Depuis notre arrivée au royaume, ma blonde retrouva de nombreuses copines d’école avec lesquelles les liens se ressoudèrent en très peu de temps. Comme si ces années sans se voir ne furent qu’une nuit de sommeil. Elle retrouva rapidement ses habitudes mondaines, mais elle connaissait néanmoins sa situation et travaillait aussi pour pouvoir profiter. C’était en cela qu’Eärendil était différente de toutes ces cruches. Et bien d’autres choses.

      Je marchai jusqu’aux hauteurs de l’île, juste au-dessus de Portgentil pour y observer cette belle ville. Pour en avoir visité plus d’une, je me sentais vraiment bien dans celle-ci et c’était l’une des raisons pour lesquelles j’y étais encore. Cette bouffée d’air matinale me faisait le plus grand bien. Le climat y était plus rude, mais cela corsait mon entraînement. Le physique n’était pas la seule chose que je perfectionnais. Mon climat-tact, en-dehors du travail et de mes entraînements, m’envahissait l’esprit à longueur de temps.

      Mais alors concentré dans la création de nuages sombres, je ressentis comme une désagréable sensation. J’eus à peine le temps de me retourner qu’une lame était déjà placée sous ma gorge. Elle passa aisément ma défense de nuages électrifiés. Une blonde rapide, agile, qui maniait bien la lame, mais ce n’était pas ma blonde. « Cheffe, dit une femme en retrait, portant un long et magnifique chapeau blanc qu’elle retenait avec sa main, était-ce nécessaire d’approcher la cible de cette manière ? » La cible ? J’étais donc la cible de quelqu’un. « Tu as raison, Margareth, rétorqua la blonde en abaissant sa lame. Veuillez me pardonner mon cher monsieur. »

      Dans ce genre de situations pourries où j’étais potentiellement le plus faible, et c’était souvent le cas, je jouais la carte de l’indifférence et me laissais porter par le vent. Eärendil et Celebron comprendraient rapidement qu’il m’était arrivé quelque chose. « Dites-moi, mesdames, fis-je d’un air complètement détaché, que puis-je faire pour vous ?
      - Votre question tombe plutôt bien, cher Monsieur, s’esclaffa la femme au chapeau blanc.
      - Il est vrai que je n’aurais certainement pas mieux fait, enchaîna la cheffe. Pour être tout à fait franche, nous avons besoin de vos services pour… Comment le formuler ?
      - S’assurer du bon fonctionnement d’un chantier, reprit Margareth.
      - Ah oui ? Lequel ? Demandai-je.
      - Alvel.
      - Alvel, Alvel… Grand Line, n’est-ce pas ? Hors de question que je quitte cette douce mer du sud. »

      La mâchoire de la capitaine se resserra. En réalité, j’avais parfaitement reconnu ces jeunes femmes. Comment ne pas reconnaître l’une des femmes les plus redoutables de la flotte de la Déesse Kiyori ? Je n’avais aucune chance. Je tentais de gagner du temps dans l’espoir de… Non. Je n’avais pas la moindre chance. « J’imagine que je n’ai pas le choix. La lame aurait dû me dissuader de toute autre solution.
      - C’est exact, confirma Marsh.
      - Bien. Je vous suivrai sans opposer de défense. Avant ça, je dois rédiger une lettre à ma bien-aimée, lui signalant que je suis parti en déplacement. Cela m’arrive fréquemment et elle ne soupçonnera pas le kidnapping.
      - C’est déjà fait, s’esclaffa de nouveau la femme au chapeau.
      - Allons-y. Le temps presse, conclut Marsh. »
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      Me voici dans les cales d’un navire, enchaîné comme un vaurien, totalement détendu. À vrai dire, ce n’était ni la première ni la dernière fois qu’une chose pareille m’arrivait. Aux côtés de Rik Achilla, j’en avais vécu des déroutes du même acabit. Et encore, ici, je ne sentais pas le moindre danger. Des femmes assez robustes passaient devant pour charger et décharger les alentours, sans réellement se soucier de moi. Aucune animosité, comme si j’appartenais à l’équipage. Je pus tranquillement admirer leur musculature peu commune pour la gente féminine. De sacrées bêtes que voilà. Par ailleurs, je pris aussi le temps d’analyser un peu l’état du navire, les charpentes, le bois utilisé, l’étanchéité… Bref, un beau navire. Rien d’étonnant pour la flotte d’une empereur.

      « Alors, le navire te plaît ? Me surprit une voix, celle d’Elizabeth Marsh qui a surgit de nulle part.
      - Beau navire que voici.
      - Nous avions un bon charpentier, mais il est décédé depuis le temps.
      - Le sort réservé à beaucoup d’entre vous, non ?
      - Moins que d’autres. »

      Un léger silence des plus malaisants s’installa. Je me maudis d’avoir abordé ce sujet. Maintenant, la peur de perdre la vie m’envahit. Dieu seul savait ce qu’il se passera sur Alvel. « Ne t’en fais pas, fit-elle comme si elle lisait dans mes pensées, nous te protégerons. La déesse nous l’a ordonnée : tant que tu assureras ton rôle, tu seras notre invité.
      - Mon rôle ? Quel rôle ?
      - Nous allons nous emparer du chantier naval d’Alvel et tu seras chargé de le restaurer, de le rendre fonctionnel, voire même de commencer quelques chantiers. Kiyori a de grands projets et elle a besoin de grands moyens. Rapidement.
      - Sauf que je ne travaille pas gratuitement, demoiselle. Et vous pourrez me torturer, je ne changerai pas d’avis. Tout service mérite rémunération.
      - Nous prends-tu pour des sauvages ? Nous avons même l’intention de te proposer un contrat si ton travail est à la hauteur de ce qu’attend la déesse. »

      Finalement, cette histoire commençait à me plaire, ça puait le fric. Cette odeur sale et répugnante qui m’attirait indéniablement. Mes projets au chantier naval de Bliss étaient déjà surréalistes quand on voyait d’où je partais. Mais là, officieusement intégrer une machine à fric et à carnage, c’était bon. Bosser pour une impératrice ne m’enchantait pas particulièrement, mais entre me forcer sans rien gagner ou me tuer, je préférais encore obtenir de gros billets. De plus, de ce que j’en savais, Kiyori était loin d’être la plus meurtrière du peloton. Teach, par exemple, m’effrayais bien plus encore. Frost n’était pas non plus le genre de tendre que l’on pouvait s’imaginer. Non, clairement, la déesse représentait de loin le meilleur parti pour un type comme moi. Et avoir sa protection n’était pas quelque chose à refuser dans ce monde de brutes.

      « Je serai à la hauteur, fis-je en me redressant, plein de confiance. Je signerai ce contrat, après l’avoir lu, avec grand plaisir. Ah ! Et si vous me détachiez, maintenant, hein ? Vous savez bien que je ne suis aucunement une menace pour votre équipage. Puis c’est bien beau de faire des croiseurs avec des multicoques, mais celui qui a fait ça était pressé d’en finir… laissez-moi prendre quelques mesures et je vous refais ça proprement. »

      ***

      En quelques jours, j’étais un membre entier de l’équipage. Enfin, je ne m’associerai jamais à ces gens, j’étais dans la légalité la plus stricte. Ici, je ne faisais que mon boulot et rien d’autre. Peut-être loucher des yeux sur ces belles femmes, mais rien d’interdit par les saintes lois de notre gouvernement. Elles étaient bien plus athlétiques que moi. Je parlais d’entraînement, certes, mais le leur était certainement plus intensif, plus régulier. À ce sujet, Margareth Orléando décida de me mettre à l’épreuve et me défia. Les femmes rigolèrent déjà. Un type avec un couvre-chef aussi miteux, des vêtements aussi amples, une musculature peu massive… En bref, je les comprenais, difficilement de parier sur moi.

      Alors évidemment, cela se confirma dès le début. Je fus une marionnette, le jouet de cette ravissante, élégante, habile et souple. Maître d’épée, elle maniait la sienne avec une telle précise qu’un novice comme moi ne pouvait résister. Ses assauts furent pour moi insupportables. Battu à plate couture. Ce scénario se reproduisit les deux jours suivants. Mais j’apprenais vite et j’avais la fâcheuse tendance à ne pas abandonner tant que ma vie n’était pas mise en jeu. Une épée en bois contre ma canne, exceptés quelques hématomes, je ne risquais pas grand-chose.

      « Oh ! Monsieur me fera peut-être l’honneur de transpirer un peu aujourd’hui, fit-il en parant l’un de mes assauts.
      - Je dois reconnaître ta supériorité, chère Margareth. Cependant, je te prie de croise qu’à chaque jour où nous combattons, je me rapproche un peu plus de toi.
      - Tenterais-tu de me séduire ?
      - J-Je… Je ne parlais de me rapprocher de toi comme ça, rétorquai-je en abaissant mon bob, honteux. »

      Elle profita de cet instant pour fondre sur moi. « Dommage, dit-elle en me frappant. » Elle frappa du vent. Plus exactement un mirage. « Dommage pour toi, fis-je en la frappant à mon tour. » Elle se protégea in extremis avec son avant-bras, mais fut projetée un peu plus loin. Elle secoua son membre endoloris et le caressa de son autre main. « Tu m’as fait mal. D’où tiens-tu cette force ?
      - Je suis charpentier.
      - Cela se tient. »

      Nos affrontements furent donc plus disputés, mais elle l’emportait à chaque fois. L’expérience des combats, ses mouvements précis et redoutables, tant d’éléments qui faisaient la différence. Mais cette excitation fut oubliée quand la vigie annonça Alvel en approche. Nous y étions. J’ignorai totalement de l’approche prévue par ces femmes à la puissance destructrice. Allaient-elles y aller avec délicatesse, négocier avec les détenteurs du chantier, ou bien faire couler le sang pour obtenir ce qu’elles désiraient. Je ne connaissais Alvel que de réputation et, franchement, ce n’était pas le genre d’endroit dans lequel je me serai perdu dans d’autres circonstances.
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      « Ai-je raison de m’inquiéter ? La navigation n’est absolument plus possible dans ce brouillard.
      - Tu te trouves au sein de la troisième flotte de la déesse, le nouveau.
      - Je ne me considère pas réellement comme un nouveau membre, tu sais, Margareth… Je vous aide une bonne fois pour toute et au revoir.
      - Comme si Kiyori se séparerait d’éléments aussi prometteur, murmura-t-elle en partant. » Je ne fus pas certain d’avoir clairement entendu ce qu’elle a dit, mais le doute demeura relativement mince. La déesse donc, ferait tout me garder, hein ? Cette idée m’aurait terrifié il y a encore quelques temps, mais je voyais cela comme une belle opportunité maintenant.

      « Nous ne sommes pas des touristes ou un équipage simplet, blondin…
      - Et voilà que quelqu’un d’autre prend la relève de ce connard de Rik, murmurai-je avec agacement.
      - … En d’autres termes, nous connaissons bien les lieux, les subtilités qu’ils détiennent, notamment sur le navigation particulière à adopter ici.
      - Une navigation particulière ?
      - Oui. Beaucoup l’ignorent mais un courant mène directement sur les terres d’Alvel.
      - Ah oui. C’est vrai que c’est un peu con pour toutes ces épaves que j’aperçois, dis-je en réajustant mon bob. »

      C’était bon à savoir au cas où j’étais amené à rappliquer ici. Cette Margareth Orléando, malgré son air hautain et détaché, se présentait comme être la plus sympathique de cet équipage. Elle m’apprenait bon nombre de choses intéressantes sur leurs activités, la navigation, les particularités de notre destination… Honnêtement, je restai relativement serein en leur compagnie, mais jamais cela me viendrait à l’esprit d’y retourner sans une garde rapprochée. Cette île puait l’infamie. Elle n’attirait que des gens de la pire espèce, exceptée les malheureux tels que moi, forcés dans ce funeste destin rempli de sang et de corps démembrés.

      Autre chose apprise par ma guide, Alvel ne connaissait que le brouillard. M’imaginer bronzer dans ce taudis n’était pas envisageable. Je pouvais ajouter un temps de merde à ma liste de tout ce qui allait m’agacer dans ce trou à rats. Des rats qui soumettaient d’autres rats à l’esclavage. « Quand repartirons-nous ? Je veux dire que des chantiers m’attendent et…
      - Nous n’avons même pas accosté que tu te demandes quand nous repartirons…
      - Je rappelle quand même que j’étais paisiblement en train de prendre l’air avant que vous ne veniez gâcher ce…
      - Blondin. Tout ira bien. Je t’en fais la promesse. »

      Qu’est-ce qui me faisait douter ? Ah oui, peut-être qu’il s’agissait de criminels de renom. Tellement perdu dans mes tracas que je ne remarquai même pas que nous avions accosté. Alvel. Un accueil glacial de pirates, tous primés, et pas qu’un peu. Ne devrais-je pas appuyer sur l’escargophone doré offert par le Minoël ? La marine débarquerait fissa et me sortirait de ce bourbier. Au contraire, ils m’enverraient peut-être boulet. Pourquoi attendre l’appel d’un pauvre charpentier ? Si c’était simple, ils auraient déjà rayé Alvel de la carte. Me voici donc sans solution, résigné à aider celle que l’on dénommait la « déesse enfant ». Tu parles d’une enfant.

      Je constatai que seul un des navires avait accosté, le principal, dans lequel je me trouvais avec Margareth et Elizabeth. Cela me rassurait quelque peu. Comme me l’avait expliquée Marguerite, endommager le chantier naval n’était pas une option. Sincèrement, même toute seule, quand tu avais le prestige d’être la capitaine d’une des flotte d’un tel personnage, les négociations ne devaient pas très difficiles. « Détrompe-toi, blondin, fit-elle en claquant des doigts, nous sommes sur Alvel et les pirates ont tendance à vouloir montrer qu’ils en ont des plus grosses, surtout devant de charmantes demoiselles. » Je reviendrai plus tard sur le « charmantes demoiselles ».
      Je me retrouvai très rapidement dans la chambre d’Elizabeth, accompagné de la fidèle Marguerite. C’était assez gênant. Moi, dans une chambre, avec deux femmes, une première. Je n’étais pas dupe cela dit. La nuit fantasmatique n’était pas pour aujourd’hui. Il s’agissait de discuter du plan qui, très franchement, n’avait rien d’exceptionnel. « Grosso modo, on se présente, on leur informe qu’on souhaite prendre possession du chantier et tout ce qu’il y a dedans, travailleurs compris, quelques menaces au cas où, puis quelques billets pour le patron s’il résiste un peu... 
      - Elle le veut vraiment ce chantier, la cheffe, fis-je en tenant mon menton. Parce qu’avec le peu que j’ai observé, sans compter que les types sont à peu près tous primés, je doute que ton plan fonctionne.
      - Il me semble t’avoir demandé de garder tes suggestions pour toi, blanc-bec.
      - Il me semble que votre cheffe, Kiyori Tashahari, a justement fait appel à moi pour que tout se passe dans les meilleures conditions, je me trompe ?
      - Je commence vraiment à bien l’apprécier, s’esclaffa Margareth sous le regard assassin de la capitaine. 
      - Présentez-vous, informez-les des navires qui stationnent tout autour de l’île, puis faites votre demande. C’est comme négocier les prix d’un navire, de matériaux de qualité, ne baissez pas votre froc, sous aucun prétexte, fis-je en me dirigeant vers la sortie. »

      ***

      Nous voilà au moment tant attendu. Une balade dans les rues sales de la cité qui, par ailleurs, ne faisait que monter depuis le port. La balade prit donc rapidement des allures de randonnée. Le KBG se trouvait dans les hauteurs de l’île, à l’abri des regards, dans le calme et la tranquillité, afin de travailler dans les meilleures conditions. Puis ils pouvaient voir qui arrivait, comme nous, par exemple. Ce chantier appartenait à une des légendes de la charpenterie, j’ai nommé Kiril Jeliev. Le type est porté disparu, volatilisé dans la nature. Peut-être même mort vu le personnage. Ce chantier lui appartenait mais il n’y passait que rarement, ses ouvriers sont donc les mêmes. Florin, un type peu recommandable, détenait, dans un premier temps, une part du marché, avant de tout détenir depuis la disparition avérée du véritable propriétaire.

      « Qu’un type pareil puisse diriger un tel chantier, d’un tel personnage, me répugne. Si je n’étais pas un honnête citoyen, j’aurais demandé qu’on l’exécute sur le champ. Peut-être l’aurais-je fait moi-même. Kiril était ce qu’il était, mais de mon côté, je le considère, aujourd’hui encore, comme l’un des plus grands artisans de ce monde.
      - Tout de suite, blondin, s’enquilla la demoiselle au chapeau en dégainant sa fine lame.
      - Arrête donc tes farces, comédienne, je ne suis pas d’humeur.

      Les deux femmes se regardèrent, ne comprenant pas mon humeur. Elles ne travaillaient pas le bois, ne vivaient pas pour les flotteurs, ne pouvaient ainsi pas comprendre ce que je ressentais. Kiril, c’était un peu comme Kiyori à mes yeux, un empereur de la charpenterie. En arrivant au chantier, je constatai tout ce beau monde qui se tuait à la tâche. Dans ma tête, des schémas se façonnaient déjà. Il fallait les regarder lutter contre la gravité pour tracter les cargaisons de bois jusqu’au chantier. Quoi que j’ai cru comprendre qu’il ne s’agissait que de l’entrepôt, le chantier se trouvant en réalité à proximité du port. Je pensais néanmoins que travailler en hauteur n’était pas une bêtise. Affaire à suivre dans le cas où nous parviendrons à obtenir cette entreprise.

      Rebelote, on descendait les rues en direction du port, vers l’ouest, un peu à l’écart de la ville. Avec ce brouillard constat, impossible de se repérer. Nous suivîmes la capitaine qui sembla se repérer sans trop de difficulté. Un sixième sens dénommé « mantra » ? Mon court séjour sur Grand Line m’en a beaucoup appris. En tout cas, la communication entre les deux bâtiments du chantier fonctionnait bien. On fut accueilli par un joli comité d’accueil pas du tout accueillant. C’est vrai que j’oubliais rapidement que je n’étais pas avec n’importe quel équipage.
      « Mesdames, monsieur, qu’est-ce qui vous amène ? Vous voir ici n’est pas de très bonne augure.
      - Tu ne crois pas si bien dire, marmonnai-je dans ma barbe, derrière les deux femmes.
      - Qu’est-ce qu’il raconte le type derrière vous ?
      - Rien d’intéressant, fit sèchement Elizabeth. Nous sommes ici pour des affaires. Par déduction, j’imagine que vous êtes Florin ?
      - Tout juste, m’dame. Vous verrez, j’suis pas difficile en affaire, rétorqua l’immonde personnage en reluquant sans gêne les deux dames.
      - Je n’en doute pas, monsieur Florin, puisque vous allez nous léguer le KGB dans son entièreté. »

      Cet enfoiré explosa de rire. C’était une réaction des plus évidentes et, ni mes camarades, ni moi, ne fûmes consternés ou même surpris par cette réaction. « Je ne rigole pas, reprit la commandante de la troisième flotte. Vous savez qui je suis, pour qui je travaille, et potentiellement ce qui peut vous arriver si vous nous tenez tête. Mon équipage est dissimulé tout autour du chantier, sans compter la présence de navires tout autour de l’île. » L’homme retrouva rapidement son sérieux. Sincèrement, à le voir ainsi, il ne devait vraiment pas les prendre au sérieux au début. L’idiot. « Cependant, nous connaissons votre penchant pour les femmes et l’argent. Bien naturellement, vous n’aurez aucune femme, mais vous serez payés pour la cessation de ce bien qui, rappelons-le, nous vous appartient pas réellement. »

      L’homme devint rouge cramoisi, surtout devant les charpentiers qui ne rataient pas une miette de cette entrevue. « L’achat du bien ne vous convient-elle pas, monsieur Florin ? Faut-il réellement par une lutte perdue d’avance pour vous. » Ils continuèrent de discuter, cette fois-ci de manière plus précise, notamment sur le prix à déterminer. Cette conversation ne m’intéressait guère et je m’en allai en direction du chantier. Je commençai à inspecter les lieux sous le regard étonné des charpentiers. Ils me dévisagèrent mais n’osèrent pas réellement broncher tant que les bonnes femmes étaient là. Ils me considéraient comme un membre de leur équipage. Des choses étaient à améliorer. À mon humble avis, les types s’étaient laissés aller depuis la disparition du véritable boss, mais le potentiel était grand. Les outils étaient à changer dans l’ensemble, des aménagements pratiques à refaire et ce coin sera un véritable eldorado pour la charpenterie clandestine.
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      Retour dans l’auberge

      « Pardon ? Je ne suis pas certain d’avoir tout bien compris.
      - Tu as parfaitement compris, me rétorqua Orléando.
      - Donc le type accepte la somme et de vous léguer le chantier à condition de passer une nuit avec toi ? Et tu as accepté ? C’est Elizabeth qui te force ? Attends, laisse-moi lui en toucher deux mots... 
      - Non, fit-il en me retenant. Elizabeth ne souhaitait pas que j’y aille. Et si tu tiens à retrouver ta chère et tendre en un seul morceau, tu ferais mieux de ne pas te prendre pour quelqu’un d’autre. Elizabeth Marsh est la commandante de la troisième d’un des criminels les plus recherchés de ce monde. Elle peut décider de mettre fin à tes jours en un claquement de doigts.
      - Mais pourquoi aller aussi loin ?
      - Pourquoi cette réaction disproportionnée, Alma ? On ne se connaît pas. Je vais juste passer une nuit avec un homme.
      - Un gros dégueulasse, oui !
      - Un gros dégueulasse qui va m’attendre si je n’y vais pas maintenant. À demain, Alma.
      - Margareth…
      - Blondin, les intérêts de mon équipage, de la déesse, passent avant les miens. C’est comme ça. »

      Elle s’en alla.

      ***

      Le lendemain, personne ne vint frapper à ma porte, chose étonnante étant donné que le temps nous était compté. Je sortis quand même vérifier si mes collègues étaient encore dans les parages, mais elles étaient manifestement déjà parties en vadrouilles. La femme de chambre me transmis un message : on m’attendait au chantier naval. Je la remerciai d’une pièce, dévalai les escaliers jusqu’à la sortie, cracha quelques jurons et partis les rejoindre à grands coups de sauts aérien, à l’aide des mes patins ventilo-dials et de ma maîtrise des courants.

      ***

      « Vous auriez pu frapper à ma porte en partant, dis-je d’un ton cassant.
      - Garde tes grands airs pour une autre fois, blanc-bec.
      - Tss… Et il est où le dégueulasse ? Il a laissé les clés ?
      - Tiens, rétorqua la capitaine en me balançant un trousseau de clés. Il s’est volatilisé. Disparu. Maintenant, fais ce pour quoi on t’a embauché. »

      Mon regard se jeta immédiatement vers la femme au long chapeau qui me sourit. Elle l’avait liquidé et c’était prévu dès le début. Elizabeth était aussi dans la boucle. Elles me ne faisaient pas totalement confiance. Je ne faisais pas partie de cet équipage. C’était légitime. Honte à moi d’avoir douté de la redoutable Margareth, veuve noire aux compétences indiscutables. Rassuré dans un sens, je partis en direction du chantier naval pour l’analyser de manière plus précise. Des charpentiers, habitués à venir travailler, amoureux de leur bijou, étaient venus observer mes observations.

      Comme je le disais la veille, le matériel était relativement vieux et abîmé. Je m’étonnai même d’admirer le travail de ces artisans dans de telles conditions. Kiril, en plus d’être très compétent, a su insuffler sa flamme chez d’autres. C’était tout simplement remarquable. Je pris mon courage à deux mains et décidai de rompre ce silence. Plutôt que de les laisser me regarder, inquiets ou coléreux, je préférai les mettre à contribution, qu’ils puissent participer à mes recherches. D’une part, je gagnerai en temps ; d’autre part, cela me permettait de créer du lien avec ces braves gens, bien que pirates et potentiellement des criminels. Quoi que vu le temps que ça devait leur prendre, j’avais de gros doutes sur leurs activités criminelles.

      « Qu’est-ce qu’il va s’passer, mec ? J’veux dire que c’est not’ gagne pain, notre vie à tous… J’sais qu’Alvel ne fait pas rêver, qu’on passe pour des gros truands, mais j’te promets que…
      - Inutile, camarade. Un œil averti voit bien tout le travail effectué ici, avec des moyens pitoyables. Florin amassait le fric et ne le réinvestissait pas dans la société, d’où les instruments usés et les locaux qui ne tiennent que par la magie de vos mains. J’ai vu la technique, la douceur et la passion qui se dégagent de vous lorsque vous posez vos mains sur du bois. Vous ne perdrez ni votre chantier, ni votre travail. La différence, c’est qu’en plus du chantier habituel, vous bosserez pour le compte de quelqu’un d’autre. Le chantier sera remis à neuf, l’outillage renouvelé, et j’ajouterai bien quelques mécanismes utiles… Bref, je m’égare. »

      J’avais toutes les données nécessaires grâce à ces types. Mais je sentais qu’ils n’étaient pas franchement convaincus. « Mec, j’la sens pas ton affaire. On n’veut pas d’embrouille. Bosser pour Kiyori, ça sent la merde à plein nez. » Bordel, comment leur donner tort ? « Kiyori ne mettra jamais son nez ici, pas plus que les deux damoiselles derrière moi. Je serai votre seul interlocuteur, je porterai les responsabilités, pas vous. De quoi avez-vous peur ? Si on vous cherche des noises sous prétexte que vous bossez pour la déesse, une armée viendra mettre les choses au clair. 
      - On va perdre des clients potentiels avec ces conneries ! Qui va vouloir réparer son navire au chantier naval d’un empereur, mec ? Ne réfléchis pas : personne !
      - Le nom du chantier demeurera le même. L’héritage de Kiril perdurera et c’est tout ce que doivent savoir les clients. Je tiens aussi à vous rappeler que ce n’était pas vraiment un tendre et que ça n’empêchait pas la clientèle de venir. Rappelons également que votre clientèle n’est pas du genre à se plaindre de ce genre de formalités. » Le molosse acquiesça, manquant d’arguments. En soit, les moyens de travail ne seront que meilleurs, les salaires également, alors quoi de plus ?

      Je fis mon rapport à la commandante, lui notant les ajustements et les coûts nécessaires. Il y avait certaines paperasses administratives et notariales à régler avant de partir. Le départ était donc prévu pour le lendemain. De quoi me laisser le temps de visiter le coin. Mais surtout de garder un œil au chantier naval. En effet, la nuit tombée, je partis le plus discrètement possible en direction du chantier. Impossible d’affirmer que ce fut la cas, entre les mantras, les espions, les infiltrés, les soûlards… concrètement, il y avait forcément quelqu’un qui m’a vu ou senti. Quelle fut ma surprise quand en arrivant, je ne vis rien… Le calme complet.

      Du coup, quitte à y être, autant bricoler un peu. Au fond du hangar, un espace libre quasiment inutilisé. Ce chantier a, pour Kiyori, vocation à devenir un lieu où les technologies d’armement seront à la hauteur de ses ambitions. Cet espace conviendrait. Je saisis une craie placée en bordure d’un tableau où un plan était dessiné, puis commençai quelques grands tracés au sol, délimitant les différents compartiments de cette succursale. Je dessinai également les placements du mobilier, pris des mesures, les notai à certains endroits, en bref, prendre les cotes. Travail long, pénible, mais ô combien utile pour la suite.

      Mais ce calvaire fut stoppé par un bruit. J’avais pris le soin de tout refermer derrière moi, syndrome du mec qui a peur d’être pris par surprise. Je me cachai immédiatement derrière des caisses empilées. De là, je vis les petits canards entrer. Et je les reconnus aussitôt. Les charpentiers de ce chantier naval. Enfin les leaders que j’avais identifié dans la journée. « Il faut brûler les deux entrepôts, fit l’un d’eux, pressé.
      - C’est donc la fin ? Les souvenirs de Kiril s’envoleront avec les cendres de ce chantier naval, rétorqua le plus tempéré de la bande.
      - On n’a plus l’choix, fit le dernier, une torche à la main. »

      Les deux autres aspergèrent l’ensemble de l’infrastructure d’essence. Ils n’allèrent pas jusqu’au bout et se contentèrent de la première moitié de l’entrepôt. « Ça y est, c’est la fin de l’aventure ?
      - Faut croire mes frères.
      - Qu’est-ce qu’on va devenir ? Et les autres ? On va détruire leur vie.
      - Parce que bosser pour Kiyori ne détruira pas notre vie ? » Aïe. Je n’étais tout à fait d’accord avec eux. Mais la discussion n’était pas possible. Le chef de meute jeta la torche. Je sortis de ma tanière et le temps s’arrêta. Enfin selon mon point de vue. Je vis la torche chuter progressivement vers le sol. Comme tout objet qui tombait. La gravité, quoi. Je tendis mon bras vers le bout de bois brûlant, bougeai frénétiquement mes doigts, puis la porte s’ouvrit violemment, laissant entrer une puissante rafale de vent. La torche fut embarquée par cette rafale qui la ramena à moi.

      « Eh ! Mais t’es le type de tout à l’heure. Qu’est-ce que tu fous ici ?
      - Techniquement, j’ai maintenant tous les accès au chantier. Je vous retourne la question : que faites-vous ici ? Et que comptiez-vous faire avec ceci ? Demandai-je en montrant la torche, maintenant éteinte, à ces messieurs aux visages apeurés. 
      - Bordel ! On est morts ! On ne doit le laisser s’échapper d’ici vivant ! »

      Les abrutis. J’étais pourtant leur seul allié. Je balançai mes bras de moi, créant de sombres nuages tout autour de moi. Ils s’arrêtèrent, puis l’un du trio, probablement le plus idiot, continua sa course. Il se mangea un beau petit qui l’électrocuta avant de le voir s’écrouler. « Rassurez-vous, il est seulement endormi. Je ne vous veux aucun mal. Personne d’ailleurs. Même si les demoiselles vous tuerez si elles apprenaient que vous aviez l’intention de faire. Cessez de croire que votre vie est foutue. Vous sur Alvel, les gars, vos clients sont des criminels. Par ailleurs, comme je l’ai déjà dit, l’insigne de Kiril restera attachée à ce chantier naval, tout comme la signature sur les navires. Je m’y engage. Je m’engage d’ailleurs à assurer la réputation de ce chantier naval.
      - Mais il appartiendra à Kiyori…
      - Pas totalement. Je m’engage aussi à détenir une part conséquente, ce qui fera de moi l’interlocuteur direct de la déesse. Puis c’est toujours mieux que votre ancien patron, croyez-moi. Kiyori désire vos services et non pas les réduire.
      - C’est toi not’ nouveau patron ?
      - J’aime pas trop cette appellation mais on peut voir les choses comme ça. J’aime trop ce boulot pour simplement diriger. Un jour, vous verrez, mon nom sera chanté avec celui de Kiril, fis-je en me dirigeant d’un pas décidé vers la sortie. » Ils rigolèrent et après une brève observation des lieux, sortirent à leur tour. Nous partîmes nous boire un verre… peut-être plusieurs d’ailleurs. Je ne m’en rappelais plus tellement.

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