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[Quête] Haut les mains... moites !

Cela faisait quelque temps déjà qu'Ambrosias était arrivée à Orange. Suite aux tests de Saint-Clair organisés par l'odieux Kissétout, le lieutenant-colonel Shoga avait pris la direction de la garnison locale. En tant que membre récent de son équipage, la vétérinaire s'était donc retrouvée coincée ici elle aussi. Quelle ironie pour elle de quitter un coin paumé pour un autre. La seule vraie différence entre Tanuki et Orange c'était qu'ici les habitants ne vivaient pas de l'élevage. En contrepartie, la pêche y avait une place prépondérante. En d'autres termes, Ambrosias avait quitté son île de bouseux pour une nouvelle île de bouseux. Pour elle qui voulait voguer sur les mers et lutter activement contre la piraterie, on pouvait dire que le karma s'acharnait sur son cas. Une fois qu'elle avait été complètement remise de ses blessures, elle avait pris la direction de plusieurs patrouilles en ville. Cela ne la changeait pas beaucoup de son ancienne affectation. En soit, ce n'était pas un mal, mais cela faisait trop longtemps à présent qu'elle voulait retrouver l'excitation du combat. Le côté grisant de la chasse lui manquait terriblement.


Par chance, Ambrosias avait déjà un certain grade dans institution, aussi, elle put faire la demande d'un navire. Comme elle n'était qu'aux premiers échelons de la respectabilité, on ne lui accorda qu'une simple caravelle, autrement dit un navire de patrouille. Parfait pour écumer les mers et faire la police ou bien passer des messages d'îles en îles. Les missions généralement attribuées aux caravelles étaient loin d'être passionnantes. Du moins sur le papier. En effet, comme la jeune femme avait la chance d'avoir un supérieur particulièrement conciliant, il avait accepté de la laisser se servir de son navire comme bon lui semblerait. Si lui était coincé à Orange, il avait décrété que ce ne serait pas le cas d'Ambrosias. Elle serait ses yeux sur East Blue en patrouillant et chassant les petits équipages de pirates au besoin. Voilà tout ce que voulait la vétérinaire. Seule à la tête de son propre bâtiment, elle allait pouvoir commencer à accumuler les états de service dans son dossier, elle en était persuadée.


Une fois le Placide et ses marins arrivés à quai, Ambrosias ne tarda pas à aller faire leur connaissance. Dario Paracchini, un sergent d'une quarantaine d'années, était le seul «gradé» sur lequel elle pouvait se reposer. Malheureusement pour elle, l'homme était imbu de sa personne et pensait savoir tout mieux que tout le monde. La jeune femme sut d'emblée qu'elle ne s'entendrait pas bien avec lui. Fort heureusement, il était inscrit sur son dossier qu'il se défendait au combat et que, surtout, il était très bon navigateur. Cela lui fit échapper à la mutation mais elle la grande brûlée décida de le garder à l’œil. Quant au reste de l'équipage, il était plus que satisfaisant, mais elle voulait encore mieux de leur part, aussi les astreignit-elle rapidement à une discipline de fer et de nombreuses corvées. Pour dire les choses simplement, l’ambiance à bord se refroidit dès lors qu'Ambrosias prit la tête du Placide.


Quelques jours furent évidemment nécessaires avant que tout ne soit bien rodé et la vétérinaire emmena bien sûr ses hommes en mer pour quelques exercices de routine. Le Placide effectua des entraînements pour réagir en cas de voie d'eau ou d'incendie. Cela n'était pas passionnant, mais il était important, si une telle situation venait à se produire, que les hommes soient en mesure de réagir machinalement en allant à leur poste accomplir leur tâche. Comme disait le dicton «entraînement difficile, guerre facile». L’équipage apprécia bien plus les exercices au tir, qu'il s'agisse des canons ou des fusils. Ambrosias fut obligée de reconnaître qu'ils étaient loin d'être dénués de talents. En réalité, il fallait même dire que les marins à bord avaient déjà beaucoup de valeur et qu'une belle et solide cohésion les liait. C'était l'avantage qu'elle avait de reprendre un équipage déjà formé. Aujourd'hui, c'était elle la petite nouvelle, malheureusement pour eux, c'était aussi elle qui commandait.


Ambrosias ayant dès à présent ses propres hommes, il avait été décidé avec Shoga qu'elle ne s'occuperait plus que de ces derniers. Les soldats de la garnison passèrent donc sous les ordres des différents officiers du Gladius. La vétérinaire était généralement chargée des patrouilles sur le port, son navire y étant amarré. Dans sa cabine personnelle, la seule à être individuelle, elle fumait un cigare derrière son bureau. Sur ce dernier se trouvait une myriade de documents en tous genres. Frais de réparations du navire, coût de la poudre des armes, budget relatif aux vivres de l'équipage. Si tout ou presque était payé par la Marine, il fallait pour cela que cette dernière soit mise au courant de ce qu'elle devait régler. Cela passait par une étape simple, mais ô combien ennuyante : la paperasse. Il y avait des tonnes de formulaires à remplir pour le moindre petit bout de pain. C'était à en devenir fou par moments. Heureusement pour elle, les études vétérinaires du lieutenant l'avaient habituée à bien plus difficile. Tandis qu'elle griffonnait une série de chiffres, l'on toqua à sa porte.


« Entrez. »


Le sergent Paracchini fit son apparition. La coiffure impeccable et l'air fier, il avait une cigarette au bec et esquissa un bref signe de tête qu'il voulait sans doute respectueux. Trop occupée par son travail, sa supérieure ne releva pas.


« J'écoute.


- Visiblement y'a eu du grabuge.


- C'est à dire ?


- Un bateau de pêche coulé et l'entrepôt de son propriétaire incendié, pour faire simple.


- Quand est-ce arrivé ?


- C'est assez récent. Le feu est maîtrisé, mais c'est un peu la cohue dehors.


- J'arrive. Rompez sergent.


- Hum, reçu. »



Avec l’impertinence qui la caractérisait tant, Dario quitta la pièce en laissant derrière lui une traînée de fumée. Il allait rapidement falloir que la vétérinaire mette les points sur les «i» avec lui où il allait vite devenir ingérable. Posant sa plume, la jeune femme rangea sommairement ses dossiers avant d'enfiler sa veste et de mettre son fusil en bandoulière dans son dos. Elle n'avait pas la moindre idée de ce qui se passait réellement. Un incendie n'était pas toujours un accident, et le fait que deux événements sinistres touchent de manière si rapprochée une même personne était suspect. Mieux valait donc qu'elle prenne ses précautions. Refermant son bureau à clé derrière elle, la militaire quitta le navire.

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Si une chose était certaine, c'était bien que tout cela n'était pas un mystérieux coup du sort. Face à Ambrosias, un bateau de pêche de taille modeste gisait, à moitié submergé par l'eau du port. Le mât avait été manifestement brisé et l'embarcation lestée de telle sorte qu'elle puisse aisément couler par la suite. Ce n'était même pas du très bon travail, le navire n'ayant pas entièrement sombré. Tout cela ne faisait pas très sérieux. Quelques mètres plus loin, un quadragénaire au visage ensanglanté était dos contre une caisse en bois. Il avait l'air anéanti et se terrait dans le silence. La militaire comprit rapidement qu'il s'agissait du propriétaire ayant également vu son entrepôt partir en fumée. On pouvait clairement dire que ce n'était pas son jour.


« Quelqu'un a vu quelque chose ?


- Pas que je sache, non. On avait personne à nous sur les quais au moment des faits.


- Aucun indice ?


- Négatif. Que dalle. Vous voulez mon avis ?


- Pas vraiment.


- Une bonne petite vengeance, moi je vous le dis tout net.


- Faites quadriller la zone par les soldats. Qu'ils demandent aux habitants ce qu'ils ont vu. Je m'occupe de monsieur. »



Dario se contenta de hocher la tête de bas en haut, portant la cigarette qu'il tenait à ses lèvres. La vétérinaire s'approcha lentement du propriétaire dévasté. Non loin, son entrepôt était encore fumant. Voyant la militaire approcher, l'homme chercha à se ressaisir, en vain.


« Lieutenant Ambrosias, je suis là pour m'occuper de la situation. Pouvez-vous me dire ce qui s'est passé ?


- Rien, c'était un accident. J'ai rien vu !


- J'ai bien du mal à vous croire.


- J'ai rien vu je vous dis, laissez moi tranquille !


- Calmez-vous. Pourquoi êtes-vous blessé ?


- Je... C'était un accident, j'ai glissé...


- Hum hum.


- Laissez-moi seul. »



Voyant qu'il n'y avait pas grand-chose à tirer de l'homme, Ambrosias s'écarta. Laissant son regard balayer la zone, elle vit ici et là des cadavres de bouteille et des morceaux de verre. Il y avait visiblement eu du grabuge, cela ne faisait pas le moindre doute. Si le propriétaire avait aussi peur, c'était qu'il devait connaître le ou les coupables, mais dans ce cas, pourquoi ne voulait-il rien dire ? Tout cela était étrange. Le sergent Paracchini revint finalement avec plusieurs marins au bout d'une dizaine de minutes.


« Les mains moites ça vous parle ? Demanda-t-il à l'attention de la victime


- Que... ? Je... non, pas du tout.


- Ah bon ? Lieutenant, les gens nous ont parlé d'un équipage de pirates. Je vous le donne en plein mille : les mains moites. Apparemment, monsieur avait eu quelques soucis financiers il y a plusieurs mois. Du moins, avant de subitement revenir dans les affaires, frais comme un gardon avec un entrepôt rénové.


- Je vois. Vous voulez m'en dire plus ?


- Ce... C'est... Ce n'est pas ce que vous croyez.


- Ouais bien sûr, et puis je suppose que tu vas aussi nous dire que la mer n'est pas salée. Crache le morceau abruti.


- Silence sergent ! Monsieur Fargan, nous pouvons vous aider, mais il faut nous expliquer ce qui s'est passé.


- Je... Vous promettez de vous occuper d'eux ?


- Sur ma vie.


- D'accord. Suivez-moi. »



L'homme se releva tant bien que mal avant d'avancer en direction d'une petite maison qui devait certainement être la sienne. Ambrosias et son second lui emboîtèrent le pas. Dario jeta son mégot avant d'entrer dans la demeure en soupirant. Sur l'unique table de la maisonnée se trouvait une petite cassette en bois vide. L'endroit avait visiblement été retourné allègrement. La vaisselle était cassée, les bouteilles éclatées contre les murs et des vêtements tapissaient le sol.


« Ils voulaient ce que je leur devais. Dix millions de berrys.


- Rien que ça. En quel honneur ?


- Je... J'ai eu quelques petits soucis avec le jeu il y a quelque temps. J'avais perdu presque tout dans des paris foireux. J'étais désespéré.


- Vous avez emprunté de l'argent à des pirates ?


- Non ! Enfin oui, mais je ne savais pas qu'ils en étaient.


- Soyez plus précis.


- Adrian. Je pensais que c'était un usurier, mais c'était en fait un odieux pirate ! Comme je n'avais pas de quoi tout rembourser, il a mis ma maison à sac avec son capitaine.


- Son nom ?


- Bren, un horrible type. Une force de la nature, le genre immense et aussi méchant que mauvais.


- Bren van Epsen ? demanda Ambrosias avec intérêt


- Oui, c'est ça, comment le savez-vous ?


- Sa tête est mise à prix 2 millions de berrys. Vous n'avez pas eu affaire avec n'importe qui, monsieur Fargan.


- L’équipage des mains moites donc. Pas des enfants de chœur.


- Il semblerait en effet.


- Voler mes maigres économies ne leur a pas suffit, donc pour se venger ils m'ont cassé la gueule avant de foutre le feu à mon entrepôt et de couler mon bateau. Ils estimaient que c’étaient leurs propriétés vu qu'ils avaient payé.


- Très bien. Présentez-vous au QG d'Orange.


- Vous pensez que le gouvernement va m'indemniser ?


- Puis quoi encore ?


- Non. Monsieur Fargan, avoir recours aux services d'un usurier est parfaitement illégal. Vous allez mettre vos affaires en ordre avec le Lieutenant-colonel Shoga.


- Je... Bien. »



Les militaires prirent congé de la victime. En sortant, la vétérinaire s'alluma un cigare. Il était hors de question qu'une bande de forbans de bas étage viennent menacer la sécurité d'Orange. Ambrosias devait réagir rapidement en s'occupant d'eux avant qu'ils n'aient le temps de continuer leurs méfaits partout dans East Blue. Leur temps sur cette terre était compté maintenant que la militaire voulait personnellement s'occuper de leur cas. Après que ses hommes aient inspecté les environs, elle apprit que ses proies avaient déjà quitté l'île. Après avoir envoyé un deuxième classe expliquer la situation au Mink, la jeune femme retourna sur le Placide. Bien vite, l'ordre fut donné à tous les marins sous ses ordres de rejoindre le bâtiment pour un départ imminent. Il était hors de question qu'Adrian et Bren prennent trop d'avance sur elle.



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Il aurait été illusoire de penser que, parce que les Blues étaient réputées moins dangereuses, y naviguer était pour autant une partie de plaisir. S'il était effectivement vrai que les contraintes de navigation liées à l'utilisation d'un log ou triple pose n'y avaient pas cours, le simple fait de se trouver sur une immense étendue d'eau salée soumise aux aléas de la météo consistait en soit un véritable danger. Lorsqu'une tempête éclatait, même la plus calme des mers pouvait se changer en véritable enfer sur terre. Malheureusement pour le Placide et son équipage, c'était exactement ce qui était en train de se passer. Depuis quelques jours déjà, les vents n'avaient eu de cesse de croître jusqu'à ce qu'une terrible tempête éclate sur East Blue. Fort heureusement, elle restait localisée à Orange et à ses environs. Sur le pont principal, non loin de la barre, Ambrosias s'accrochait solidement à une rambarde en bois pour ne pas tomber. Les eaux se déchaînant de plus en plus, la vigie avait été contrainte de descendre de son nid de pie. Dirigeant le bâtiment comme il le pouvait, le sergent Paracchini semblait mener un véritable combat. Tous les marins étaient trempés, tant par l'éclat des vagues contre la coque que la pluie battante qui n'avait de cesser de tomber. En temps normal, il était complètement stupide d'aller au-devant d'une tempête, il valait toujours mieux l'éviter. Cependant, la situation était plus compliquée qu'à l'accoutumée. Cela faisait un moment que le brick de l'équipage des mains moites en vue et le Placide s'en rapprochait significativement. Les forbans, sans doute conscients de leur infériorité, ou bien cherchant simplement à éviter le combat, étaient décidé à fausser compagnie aux marins. Ils se rapprochaient de plus en plus dangereusement du cœur de la tempête quelques nautiques plus loin.


« Lieutenant, on ne pourra pas les suivre très longtemps s'ils persistent à aller par là !


- Tenez le cap.


- C'est du suicide !


- C'est un ordre sergent ! »



Dario lança un regard noir à sa supérieure en se mordant la lèvre de colère. Il était évident qu'il se retenait de lui dire le fond de sa pensée. Regardant autour d'elle, Ambrosias vit bien que les hommes étaient hésitants. Alors même qu'ils étaient loin d'être inexpérimentés, les marins du Placide pâlissaient face à la violence des éléments. Ils savaient qu'il était toujours important de respecter la mer, ce que la vétérinaire ignorait encore. Tandis que plusieurs éclairs tonnaient, elle manqua de tomber. Se rattrapant de justesse, elle se redressa sur ses pieds.


« Au poste de combat ! » hurla-t-elle.


Malgré leur moral qui commençait à vaciller, les soldats obéirent sans poser de question. La Placide n'étant qu'une simple caravelle, il ne comptait que peu de canons. Deux par bordée et un plus grand sur la plage avant. Rien pour tirer sur l'arrière. Si les flots étaient plus cléments, il était également possible de faire monter sur le pont principal deux canons de plus par bordée mais il ne fallait pas y compter en cette journée. Une fois les artilleurs parés, Ambrosias ordonna un premier tir. Vu l'angle, seul le canon avant pouvait toucher la cible. Malheureusement, les vagues étaient trop importantes pour affiner le tir et il manqua le brick.


« Sergent Paracchini, virez au 320°


- Quoi ?! C'est de la folie, il ne faut pas présenter notre flanc aux vague !


- C'est un ordre bon sang !


- Putain, mais vous êtes complètement tarée.


- Exécution ! »
aboya presque la jeune femme


Ambrosias n'avait pas le temps de s'occuper de l'insubordination de son second. Tout ce qui lui importait pour elle était d'envoyer ces pirates par le fond. Bien qu'il n'avait aucune envie d'obéir, Dario tourna finalement la barre. Le navire commença à virer de cap et la violence des vagues se fit presque immédiatement sentir, tant sur le roulis que le tangage. La vétérinaire en avait presque l'estomac retourné, mais sa haine viscérale des forbans lui faisait presque oublier tout le reste. Tandis que les eaux se fracassaient contre la coque en éclaboussant tout le monde ou presque à bord, la capitaine ordonna que la bordée tribord fasse feu à son tour. Sur les deux boulets de canon, un seul toucha la cible de manière superficielle.


« Feu à volonté ! »


Après plusieurs minutes de plus en plus dangereuses durant lesquelles le Placide commençait à sembler de moins en moins vaillant, le brick des mains moites vit l'un de ses mâts tellement endommagé qu'il s'effondra sur le pont. Ambrosias serra des poings en signe de victoire. Cependant, contrairement à ce qu'elle pensait, il était encore trop tôt pour se réjouir.


« Lieutenant, il faut hisser les tourmentins !


- Nous perdrons l'avantage de la vitesse si nous faisons ça.


- Quel avantage on aura quand on ira rejoindre ces dégénérés au fond de l'océan ?


- Ils sont si proches...


- On peut encore éviter le pire si on réagit maintenant, mais si on les suit, je ne donne pas cher de nos peaux.


- Je... Bien. Hissez les tourmentins et faites cap au 210°


- C'est pas trop tôt. »
grommela le briscard en faisant tourner la barre.


Une fois les ordres donnés, tout alla très vite. À contrecœur, la jeune femme fut contrainte de regarder les forbans s'éloigner. Elle enrageait de leur laisser une chance de lui échapper mais la réalité était que leur navire avait subi de lourds dommages et que les choses n'allaient pas aller en s'arrangeant pour eux. Une fois les voiles de tempête en place et le navire dos à la tempête, la situation commença à se calmer et les marins retrouvèrent leur calme. Une heure après les hostilités, le sergent Paracchini quitta la barre qu'il laissa au première classe Alias. Trempé de la tête aux pieds, l'homme déboula dans la cabine du Lieutenant. Nauséeuse, la jeune femme était avachie au sol, assise comme elle le pouvait contre son lit. Le teint blafard, elle leva les yeux vers l'homme en soupirant.


« Pas maintenant.


- Oh que si, tout de suite.


- Je suis votre officier supérieur, fichez moi la paix.


- Et alors ? Vous pensez que vos galons vous dispensent d'être une petite conne prétentieuse et inconsciente ?


- Pardon ?!


- Vous n'êtes encore qu'une gamine, un bébé officier qui ne connaît rien de la mer et de ses dangers.


- Comment osez-vous me parler sur ce ton sergent !


- Y'a pas de sergent qui tienne. Vous auriez pu tous nous faire tuer avec vos ordres stupides. On ne gagne jamais contre l'océan. Jamais !


- Vous ne... »
commença la jeune femme.


Visiblement très peu affecté par la violence de la mer, Dario s'approcha de sa supérieure qu'il souleva par le col comme si elle n'était qu'une enfant.


« Écoute-moi bien, t'es peut-être le capitaine ici, mais c'est moi qui aie le plus d'expérience alors essaie un peu de connecter les deux neurones que t'as dans le cerveau de temps en temps et fie toi à ce que je dis. »


Pêchant par excès d’orgueil, le sergent avait clairement dépassé les bornes. Malgré son mal de mer toujours présent, Ambrosias considéra qu'elle ne pouvait pas laisser passer un tel comportement. D'un coup vif et puissant, elle frappa le foi de l'homme avant de lui asséner une balayette qui le fit tomber au sol. Tombant avec fracas, l'homme jura de manière inintelligible avant de se redresser.


« Ne, levez, plus, jamais, la, main, sur, moi, dit-elle en ponctuant chaque mot.


- C'est bien, tu sais te battre, et qu'est-ce que ça change ? Sans moi, on serait presque tous morts à bord.


- Arrêtez de me tutoyer, vous êtes ridicule.


- Ridicule ? Moi ? Qui pensait judicieux de foncer sur une putain de tempête ?


- Du calme. J'ai compris. Il est évident que j'avais tort, mais cela ne justifie en rien votre comportement. Nous sommes militaires, bon sang.


- Oh ça oui, pour sûr vous aviez tort.


- N'en rajoutez pas.


- Ok.


- On est partis du mauvais pied tous les deux. Je ne peux pas dire que je vous apprécie vraiment en tant que personne, mais il est vrai que votre expérience et votre talent sont tout à votre honneur. Je ferai plus attention à vos conseils à l'avenir.


- Bien. C'est déjà ça.


- Ceci étant dit, si vous me refaites un coup pareil, je vous fais arrêter et je m'assurerai personnellement que vous soyez renvoyé de l'armée sans la moindre pension.


- On sait grogner en plus de mordre hein ?


- Rompez.


- À vos ordres. Et au fait.


- Quoi encore ?


- Désolé pour tout ça.


- Hum. Dehors. »



Toujours aussi peu affecté par le roulis, l'homme quitta la pièce en essuyant le sang qui coulait de sa lèvre. Ambrosias se posa contre son lit en fermant les yeux. Il était vrai qu'elle avait manqué de clairvoyance. Pour sa première sortie en mer en tant que capitaine, elle avait failli perdre son navire et ses hommes. Sa haine viscérale à l'encontre des pirates l'avait une fois encore menée vers de sombres chemins. Il était hors de question qu'une telle chose recommence. Repensant à Dario, elle était toujours énervée de son comportement. D'un autre côté, elle était heureuse que l'abcès ait finalement été crevé. Depuis le début de leur relation, les choses étaient tendues et il n'était pas étonnant que tout cela ait fini par exploser. Elle espérait cependant qu'il apprenne à mettre de l’eau dans son vin comme elle-même avait accepté de le faire. Sans ça, il découvrirait bien vite que ses menaces étaient loin d'être vaines. Avalant un peu d'eau, elle espérait que la tempête se calme au plus vite. Elle voulait mettre la main sur ces foutus pirates au plus vite.



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Deux longs jours avaient été nécessaires au Placide et à son équipage avant de remettre la main sur les pirates qu'il traquaient. La chasse n'en avait pas été réellement une à vrai dire. Ambrosias avait simplement attendu que la tempête ne se calme avant de lancer son navire à la poursuite des forbans. Bien vite, leur brick avait été repéré. Ce dernier n'était plus à flot et reposait à moitié retourné et éventré sur une petite plage de sable fin. De prime abord, il semblait que la combinaison entre les coups de canon des marins et la violence de la mers avaient eu raison de l'équipage des mains moites. L'endroit où leur navire avait trouvé refuge se trouvait être une île de taille très modeste. Dario en donna le nom à Ambrosias, mais elle ne fit pas l'effort de le mémoriser. L'endroit n’étant pas habité et ne présentant guère d'intérêt, elle ne comptait de toute façon pas y revenir régulièrement. Le Placide mouillant au large à un demi mille marins de la côte, ordre fut donné aux hommes de s'équiper pour débarquer.


« Nous devrions laisser des gens à bord.


- Ah oui ? Pourquoi pas, on est jamais trop prudent il paraît. Remarquez, y'a bien une fois où...
commença Dario.


- Plus tard, sergent.


- Bah, c'est comme vous voulez. »



Sa cigarette au bec, le briscard fit volte-face pour aller prévenir le soldat Alias qu'il resterait en compagnie de neuf autres marins. Ambrosias estimait cela suffisant pour lutter contre une attaque, bien que ce ne soit guère suffisant pour manœuvrer correctement le bâtiment. De toute manière, elle ne pensait pas qu'une attaque était réellement probable. Après être allée s'équiper dans sa cabine, la jeune femme fit descendre les chaloupes à la mer et monta dans la dernière. Comme elle n'aimait guère ramer et qu'elle avait la chance d'avoir des hommes pour s'en occuper à sa place, la jeune femme s'alluma plutôt un bon cigare en détaillant l'île quelques centaines de mètres plus loin. L'endroit ne vendait pas vraiment du rêve. La seule véritable plage de l'île était morne, les plaines entourant la forêt étaient désertiques et la petite montagne au loin semblait réellement sans intérêt hormis la petite rivière qui y serpentait. L'endroit était véritablement un trou perdu au milieu d'East Blue, pas étonnant que le gouvernement mondial ne s'y soit pas intéressé. Après de longues minutes à se faire ballotter par les vagues à bord de son frêle esquif, la militaire posa le pied à terre. Elle apprécia d'emblée cette sensation de calme et le fait de ne plus sentir le sol bouger. C'était peut-être ironique pour une membre de la Marine, mais elle n'avait pas vraiment le pied marin. Avançant de quelques mètres dans le sable, elle observa le brick des pirates qui faisait aujourd'hui plus office d'épave. Sur ses gardes, elle gardait la main sur son arme mais se rendit bien vite compte qu'il n'y avait absolument personne dans les parages.


« Pas un chat à bord, annonça le sergent qui revenait de l'intérieur du navire.


- Des cadavres ?


- D'humains ? Non. De bouteilles ? Oh ça oui.


- De bouteilles ?


- Ouais, ils ont visiblement picolé comme des trous. Soit ils fêtaient un truc, soit ils étaient trop cons pour aller chercher de l'eau à la rivière.


- Il faudra d'ailleurs penser à remplir nos tonneaux d'eau douce.


- C'est prévu, vous en faites pas. Les ordres ?


- Nous allons laisser quelques hommes aux chaloupes et inspecter les terres.


- Hum, ça pue le traquenard tout ça. »



Le lieutenant ne répondit pas mais elle était d'accord. Cette situation ne lui plaisait guère. Les pirates avaient l'ascendant sur les militaires. C'étaient bien eux qui donneraient le coup d'envoi des hostilités. Que pouvaient-ils avoir en tête ? Ambrosias n'aimait pas être à ce point dans l'inconnu. Tandis que cinq marins restaient sur la plage, les trente autres la suivirent en compagnie du sergent Paracchini. Quelques traces furent trouvées, semblant indiquer que les forbans avaient effectivement quitté la plage. Les militaires pénétrèrent lentement dans la forêt. Fusil à la main, ils étaient prêts à se battre à tout instant. Pourtant, rien ne semblait vouloir venir. Leur expédition dura une demie-heure avant qu'ils n'arrivent au pied de la montagne.


« Il va falloir grimper.


- Super... »



Si le mont n'était pas très imposant, il était malheureusement dépourvu de véritables chemins praticables. Rangeant leurs armes dans leurs dos, les marins se lancèrent dans l'ascension. Voyant que ses hommes avaient du mal à la suivre, Ambrosias ralentit le rythme et finit par accorder une pause. Ce fut à ce moment qu'un jeune soldat d'une vingtaine d'années fit la découverte d'une grotte, quelques mètres plus loin sur la paroi. La petite troupe y avança. Quelle ne fut pas alors leur surprise de voir un véritable camp de fortune. Un feu brûlait toujours et il y avait tant des vivres que des tonneaux de rhum. C'était visiblement dans cet endroit, particulièrement sale, soit dit en passant, que les pirates avaient élu domicile. Malheureusement, les intéressés n'étaient pas présents.


« Lieutenant.


- Quoi ?


- Regardez ça. »
demanda Dario l'air las.


Tournant la tête vers son second, Ambrosias vit que le mur qu'il désignait était couvert d'insultes et d'un message. En des termes peu courtois, le capitaine van Epsen invitait les marins à aller se faire visiter le fondement et, si possible, à mourir au passage. La jeune femme soupira à son tour. Elle qui n'était pour l'heure qu'agacée s'inquiéta bien plus quand elle tendit plusieurs bruits au dehors de la grotte. Sortant précipitamment, elle vit que le Placide au loin tirait avec ses canons en direction de la plage. Alors que son cœur accélérait subitement, elle se rendit compte que les chaloupes avançaient vers son bâtiment. Le souci était qu'ils n'étaient pas conduits par ses soldats.


« Tous à la plage !


- Oh les enfoirés. »


Schéma de l'île:



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La peur au ventre de se retrouver bloquée sur cette île sans provisions et surtout en perdant un navire entre les mains de pirates, Ambrosias se rua en bas de la montagne. Ses hommes eurent bien plus de mal à la suivre et elle en distança quelques-uns en chemin. Lors de sa descente, elle tendit encore quelques séries de coups de canon, mais ils finirent pas s'estomper pour laisser place à une myriade des coups de feu, certainement provoqués par des fusils et des pistolets. Courant en hâte à travers la forêt, elle tomba sur les cinq marins qu'elle avait laissés. Inconscients, ils étaient couverts de sang et d'ecchymoses, mais leurs jours ne semblaient pas en danger. Quelques centaines de mètres au loin, coup de feu et entrechoquement de sabre continuaient de faire rage. Il était primordial que la jeune femme rejoigne au plus vite son bâtiment. Malheureusement pour elle, les chaloupes avaient été dérobées. Jurant pour elle-même, la militaire jeta sa veste au sol, retira ses chaussures et posa son fusil, ne gardant plus que son sabre pour se battre.


« Qu'est-ce que vous faites ?


- Je reprends le contrôle de mon bâtiment !


- Toute seule ?


- Vous n'avez qu'à m'accompagner.


- C'est pas vrai... »



Grimaçant, l’homme regarda l'eau froide un instant avant de jeter sa cigarette au sol. Suivant le mouvement, il retira son haut et son pantalon avant d’engloutir presque cul-sec une bouteille de limoncello. Quelques instants plus tard, les deux marins s'élançaient dans la mer. Pour s'économiser au moins en partie, Ambrosias avançait en brasse. Au fur et à mesure que le restant de ses hommes arrivaient sur la plage et voyaient leur cheffe partir à la nage, ils se lançaient à sa poursuite. Alors qu'elle était encore à mi-parcours, le lieutenant comprit que les combats avaient cessé. Prise de panique, elle redoubla d'efforts pour avancer le plus vite possible. Il était hors de question qu'elle perde son navire. Pour une raison qu'elle ne s'expliquait pas, le Placide restait immobile face à elle. Sans trop savoir comment cela était possible, la vétérinaire arriva finalement aux abords du navire. Sur le pont, les insultes volaient de toutes parts. Visiblement, quelque chose n'allait pas pour les pirates. Se hissant à la force des bras, Ambrosias remonta les cordes qui courraient sur la bordée tribord et posa finalement le pied sur le Placide. Terriblement fatiguée et trempée, la jeune femme aux nombreuses brûlures respirait bruyamment. Un homme corpulent qui empestait à distance et portait une barbe négligée la regarda avec amusement.


« Hyar hyar, gyahahahaha ! T'es courageuse ma belle, ça f'sait une sacrée trotte depuis l'île.


- Le Placide est MON navire, vous allez tous le payer cher.


- Hya hyar hyar. Parce que tu crois qu'tu nous fous les j'tons ? Fais pas trop la maligne blondasse, ce soir tu vas danser pour nous gyahahahaha !


- T'es mort. »



Folle de rage, le lieutenant essoufflé dégaina sa lame. Le capitaine pirate l'imita en rigolant de plus belle. Que pouvait bien une jeune femme seule contre lui et les siens ? Alors que Dario montait à bord, il manqua de perdre l’équilibre à cause de son ivresse. Plantant son regard azur dans celui du forban, Ambrosias laissa échapper toute son aura meurtrière. Un démon sembla naître derrière elle, promettant une mort particulièrement horrible à Bren. Semblant soudain manquer de confiance, il cessa de rire en reculant de quelques pas. La jeune femme profita de la diversion pour attaquer. Creusant l'écart qui le séparait comme si de rien était, elle fendit l'air de son sabre et trouva une faille dans la défense du pirate. Le tranchant de son arme lui déchira la chair du torse, mais elle ne parvint pas à le toucher suffisamment profondément pour le neutraliser. Alors que son sang giflait, Bren hurla de douleur en tombait piteusement au sol. Tandis que son bras s'armait pour en finir d'emblée avec sa cible, le lieutenant sentit qu'on la projetait au sol. Prise par surprise, elle roula sur le côté et se sépara de l'attaquant d'un coup de paume en plein torse avant de se rendre compte qu'il s'agissait de son sergent. Dans le feu de l'action, elle n'avait pas vu qu'un homme au regard fourbe de l'équipage des mains moites pointait son fusil vers elle. Dario venait tout bonnement de lui sauver la vie.


« Sympa...


- Désolée. »



Le temps n'étant pas aux longs échanges verbeux, la jeune femme se redressa vivement en aidant son compagnon. Bren était décidément moins confiant. Le visage déformé par la colère, il invectiva ses hommes.


« Buttez moi ces enculés ! »


Pas spécialement plus motivés, les pirates s'exécutèrent malgré tout. Ils ne semblaient pas très dangereux mais leur nombre restait un problème. C'était certainement cela qui avait fait qu'ils étaient venus à bout de la résistance du Placide. Frappant ses poings entre eux, le sergent Paracchini s'avança.


« J'm'occupe d'ces minables, matez moi bien c'gros lourdaud lieutenant. »


Ses mots à peine prononcés, le soldat se jeta sur le premier venu. Se servant de son style propre et particulièrement difficile à déchiffrer, il le terrassa d'un coup de pied aérien. Considérant que Dario pouvait s'occuper seul de l'équipage le temps que le reste des marins n'arrivent à leur tour, Ambrosias s'avança vers Bren. Le regard mauvais, il sortit un mousquet pour tirer sur la militaire. Comme il avait l’avantage de la distance, elle savait qu'il lui fallait se rapprocher. Après une roulade pour esquiver le coup de feu, elle bondit droit devant elle et prit appui sur l'un des mâts pour se jeter lame en avant vers le pirate. Son coup ne porta pas, mais elle avait réussi à réduire l'écart entre eux. S'il était vrai que Bren savait bien se servir de son arme, son jeu de jambe était malheureusement pauvre et prévisible. Voyant bien vite une faille lors de leur enchaînement de coups, la vétérinaire tourna autour de son adversaire et lui trancha profondément l'épaule droite. L'homme hurla une fois encore avant de tenter un coup malhabile que la jeune femme parvint à contrer. Le même pirate fourbe tenta de toucher le lieutenant mais elle ne se fit pas avoir deux fois. Dérobant son second mousquet au capitaine qui était déjà mal en point, elle fit un pas de côté pour éviter le coup et riposta. Surpris, l'homme tomba en arrière, du sang coulant le long de son ventre.


« Salope, pas mon cousin ! »


Subitement déchaîné, grasse pogne puisa dans l'énergie du dernier espoir pour terrasser la jeune femme. Cette dernière lâcha le mousquet pour se concentrer sur le combat au sabre. Comme l'homme se servait de sa plus grande force physique et qu'elle était déjà très largement fatiguée, il trouva finalement une faille. Le tranchant de son sabre découpa le flanc droit de la militaire qui recula en hâte. Trop confiant après avoir touché sa cible, Bren se jeta bêtement vers elle pour la terminer. Cette grossière erreur marqua la fin du combat. Bien que blessée, la jeune femme se servit des yeux du diable pour faire douter son opposant. Frappant sa lame contre la sienne, elle la fit rebondir avant de lui trancher une fois encore le torse, mais cette fois bien plus profondément. Retirant l'arme d'un coup net, elle regarda avec un certain plaisir malsain son sang couler contre le pont du Placide. Hurlant comme un porc mené à l’abattoir, l'homme tomba sur le côté. Paniqué, il se tortillait comme un ver sur les planches en bois.


« Adrian... Adrian aide moi ! Pitié... »



Portant la main gauche sur sa blessure, Ambrosias laissa Bren avancer en direction du fameux pirate sournois qui avait tenté de la toucher dans le dos. Elle ne comprenait pas bien la situation. Grasse pogne était sensé être le maître à bord et le plus puissant combattant. Pourquoi agissait-il ainsi ?


« Viens pas par là espèce de crétin !


- Adrian... »



Trouvant ce spectacle lamentable et considérant qu'il avait suffisamment duré, la grande brûlée avança vers le pirate. Sans le moindre état d'âme, elle planta la pointe de son sabre dans son dos en le clouant littéralement sur place. Bren gémit de douleur et commença à lentement s'étouffer dans son propre sang. Sans considération aucune pour lui, la jeune femme retira son arme de son corps et avança vers le fameux Adrian. Blessé, même si cela restait superficiel, l'homme regardait la militaire avec effroi.


« Pas moi, je ne suis qu'un simple pirate.


- Et alors ?
Demanda-t-elle en posant son arme ensanglantée contre sa gorge


- Je... Ok, j'avoue tout, c’était mon cousin. Je suis Adrian van Epsen.


- Et alors ? Si ma mémoire est bonne tu es toi même primé. Raison de plus pour te tuer...


- Non, pitié ! »



L'homme manqua presque de se mettre à pleurer. Assez peu à l'aise avec tout cela et sentant l'adrénaline retomber, Ambrosias regarda autour d'elle pour en savoir plus sur la situation. Sans grand mal, le sergent Paracchini avait rossé les forbans et aidait à présent les soldats blessés à se mettre sur pieds. N'ayant plus envie de faire couler le sang, le lieutenant se contenta d’assommer Adrian en se servant de la poignée de son arme. Il ne valait guère plus que cela de toute façon. Comme elle restait malgré tout blessée, la jeune femme alla s’asseoir quelques mètres plus loin contre la rambarde côté bâbord. Dario, toujours éméché et couvert à la fois d'eau salé et de sang, s'approcha d'elle en titubant légèrement.


« Pourquoi n'ont-ils pas tenté de fuir avec le navire ?


- Beh, y pouvaient pas quoi.


- Comment ça ?


- C'Alias, il a touuuut niqué.


- C'est-à-dire ?


- L'gouvernail. Tout cassé, héhéhé. C'un bon gars ce p'tit.


- Il a sabordé le navire pour les empêcher de partir ?


- Ouiiiiii, c'est ça m'dame.


- Hum. Impressionnant, il faudra que j'aille le féliciter.


- Voui, voui, ça c'est sûr. Mais avant faut vous rafistoler la couenne, ça oui.


- Certes. Je m'en occuperai moi même. Je vous laissee gérer la situation.


- Pas d'blème, je gère. Tout baiiiigne.


- Merci pour votre aide tout à l'heure, sergent. Vraiment.


- Normaaaaaaal. Eh les gars, ce soir c'moi qui rince ! »



Tant bien que mal, Ambrosias se remit sur ses jambes et quitta le pont pour rejoindre sa cabine. Arrivée dans ses quartiers, elle ferma la porte à clé et se dévêtit. Après avoir sorti une trousse de soins, la militaire se posa sur le lit et prépara son matériel. En grimaçant de douleur, elle nettoya sa plaie, ce qui n'était pas une sinécure au vu de l'état de la lame qui l'avait blessée. Cela fait, elle se servit d'une petite aiguille pour se recoudre en s'aidant d'un miroir pour ne pas faire n'importe quoi. Se suturer soi-même était un véritable calvaire, mais elle était la seule à bord en état de le faire correctement, autrement dit, elle n'avait pas le choix. Se posant quelques minutes après avoir recouvert la blessure d'un bandage, elle ferma les yeux. Les choses avaient manqué de dégénérer à peu de choses près. Sans l'aide providentielle du première classe Alias, son navire serait actuellement aux mains d'une bande de pirates sans foi ni lois et sa carrière aurait pris une tournure particulièrement désagréable. Elle avait chanceuse, très chanceuse. Ce n'était pas son talent qui l'avait tiré hors de ce mauvais pas mais la bonne idée de l'un de ses hommes. Ambrosias se jura de se souvenir de cela.


Une fois sortie de sa cabine, elle donna l'ordre que les marins évanouis sur la plage soient rapatriés au plus tôt à bord. Dans le même temps, Dario s'occupa personnellement de superviser les travaux de réparation du gouvernail. De longues heures furent nécessaires avant que le navire ne puisse reprendre la mer, aussi les marins en profitèrent-ils pour passer un peu de temps à terre et de refaire le plein d'eau douce. Les geôles à bord étaient ridiculement petites, mais Ambrosias se moquait bien du confort des pirates ayant eu la chance de rester en vie. Au vu de ce qui les attendait, à savoir très certainement le bagne de Tequila, elle se demanda s'il n'aurait pas été plus humain de les tuer tout simplement. D'un autre côté, savoir qu'ils allaient souffrir longuement était bien plus satisfaisant pour elle. Alors que la soirée approchait, le lieutenant accorda une nuit de repos aux hommes. Alors que tout le monde célébrait cette belle victoire, Ambrosias prit à part le jeune première classe Alias en lui promettant qu'il passerait rapidement caporal pour avoir sauvé la situation. Une fois la nuit passée et les premières lueurs du jour perceptibles à l'horizon, le Placide leva l'ancre et repartit en mer. Pour une première traque, elle n'avait pas été de tout repos et, curieusement, la vétérinaire était pressée de pouvoir se reposer un peu à terre après cela.




Protéger, Servir, Traquer
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