Posté Mer 24 Aoû 2022 - 13:17 par William White
La personne, précédemment bras tendu, yeux écarquillés et jambes tremblantes, a disparue de notre champ de vision aussi vite qu'elle n'était apparue. Tout le petit groupe s'est arrêté quelques instants, moi me demandant le pourquoi du comment, les autres regardant le ciel et le paysage en poussant des grands "Oooh" ou "Aaaah" et même des "Wooaah" conjoints. L'un d'eux, plus jeune que la moyenne, me tire sur le pantalon et me présente, de son autre main, un galet bien rond dans un grand sourire laissant apparaître ses dents carrés à position aléatoire. Je le prends, tapotte son crâne en le remerciant avant de le fourrer dans ma poche. J'sais pas ce que j'vais en foutre mais, pour l'instant, mon objectif est de les amener à bon port sans crise ou problème. Alors je joue le jeu, quitte à me remplir les poches de galets nuls.
La smala avance bon train. Le paysage noir 78% laisse place au paysage blanc. Au loin, un train au lait laisse échapper de sa cheminée un nuage de cacao en poudre. Cette île m'étonnera toujours. Il fait beau, le soleil brille haut et pourtant rien ne pars à volo. Les arbres, la route et autres objets ne fondent pas tandis que je transpire à marcher depuis plus d'une demi-journée... Au loin, la nouvelle ville transperce l'horizon :
- ENFIN !... On est bientôt arrivé !
- YAAAAAA
- Pas de bêtises les amis ! Sinon, pas de chocolat !
- OOOooh...
- Bataya Na bokola ??
- Exact. Aller, on y va ! ...
Trente-deux éléphants qui se balançaient sur une toiletoiletoile toile-euh d'araignée et qui trouvaient ce jeu tell-ment amusant que bientôt vînt un trente-troisième éléphANT !...
Plus on se rapproche de la ville, plus les découpes des murs et des maisons se font nettes. Les infrastructures prennent du volume et de l'espace ainsi qu'une masse noueuse qui s'approche de notre direction. N'en prenant pas compte aux premiers abords, trop absorbé par les éléphants entêtant avec lesquels j'aimerai bien me balancer parce que ça doit être vraiment amusant, je suis rapidement rappelé sur île.
En face de nous, plus d'une vingtaine d'hommes et de femmes, armes de fortune à la main, nous font front de leurs regards inquisiteurs. Au centre de leur ligne de défense, je redécouvre le fuyard cette fois-ci muni d'un mousquet. Maladroit, sa voix fébrile nous intime l'ordre de ne plus avancer.
- Comment ça stop ?... Il a bien dit stop, non ?
- Kezaka !
On raccourci encore un peu la distance.
"- HEY ! Heuuu... J'Ai dit stop."
- Ah! Bah j'avais bien compris en fait.
-Dacoda bokolaaaa ! tapade data !
-TAPADE DATAAAAA !
- Hey oh, on S'CALME !
Aux cris des petits monstres, le pataud nous met en joue de son arme sorti du tiroir de grand-papa. Tremblant, je sens la situation glisser entre mes doigts. Il faut agir. Effet cocasse, je sens d'ailleurs une partie de la solution entre ces dernières. Je retire mes mains des poches et m'avance à travers la file des petits monstres pour le placer en tête de cortège.
- Je m'appelle William White, directeur de la Shichocolaterie, qu'on m'explique le problème !
"- Vous êtes avec les Glougloutons !" cri une personne que je ne vois pas.
- Les Glouglouquoi ?
"- GLOUGLOUTONS !" crient ils en cœur.
- Eux ?... Et alors ?
"- Ils vont tout dévorer !"
- Tout dévor... Bon ! Mettez un leader au moins ! Je sais pas qui parle et c'est pas urbain.
Ils se regardent, perdu, personne n'agit durant quelques secondes puis, un homme, la quarantaine, une balafre sur un œil, s'avance en jouant des épaules.
"- Ce sont des engeances du mal, les Glougloutons, ils dévorent nos villes et nos campagnes, rasent tout sur leur passage, ils viennent jusque dans nos bras manger nos meubles et nos canap' !... William ! Tu vois cette cicatrice sur mon oeil ?! C'est eux qui me l'ont faîtes ! Tu m'entends ?! Il faut les détruire, les tuer, les EX.TER.MI.NER !!!"
"- OUAAAAIS ! EXTERMINONS LES GLOUGLOUTONS !
- À MORT ! A MORT ! A MORT !..."
Le jeune pataud, l'arme à la main, nous met en joue dû au regain de couille donné par la foule en délire. Derrière moi, les lapins s'impatientent. Je les entends parler du chocolat et un autre énervement monte.
- Regardez par vous même ! Rien n'a été dévoré jusqu'ici ! Et vos maisons sont maintenant en pierres, briques et autres, mais plus en chocolat donc...
- BOKOLAAAA !
Je vois le possesseur du fusil stresser, j'ai déjà connu ça sur Poiscaille, deux groupes se faisant face, attendant la bataille. Comme dirait Peet' : "faut frapper le premier."
Le galet entre les doigts, je tords ces derniers et impulse en élan dans l'objet. Il part, à toute vitesse, frappe le fusil du gamin (qui doit avoir mon âge d'ailleurs).
Une détonation...
Un tir...
Vers le ciel.
- C'EST PAS BIENTÔT FINI LES CONNERIES ! DÉJÀ QUE JE DOIS FAIRE GAFFE À EUX POUR PAS QU'ILS BOUFFENT VOTRE PUTAIN D'ÎLE DE MERDE- que j'apprécie grandement en réalité- VOUS ALLEZ PAS COMMENCER À FOUTRE LA MERDE !... MERDE !
Silence dans l'assemblée, d'un côté comme de l'autre. Je reprends.
- Je viens de passer plus d'un mois, bloqué avec les Gloutons...
"-Nous on les appelle les Glougloutons..."
-... Plus d'un mois avec " "les Glouglouton" "à bouffer des cailloux et des insectes. J'ai traité avec eux pour qu'ils viennent travailler à la Shichocolaterie...
- BOKOLA..
- Taisez VOUS !... Pour qu'ils viennent travailler chez moi... Alors.
ALORS AU LIEU DE ME FAIRE CHIER !
LAISSEZ MOI RÉSOUDRE VOTRE CONFLIT ET GAGNER DE LA THUNE ! MERDEUH !
...
"- Ils doivent payer pour mon oeil et pour tout ce qu'ils ont fait !"
- Écoute moi bien Johnny...
Soit tu acceptes d'en finir avec cette histoire et vous faites circuler l'information que WILLIAM WHITE VOUS A DÉBARRASSÉ DES GLOUGLOUTONS !
Soit je viens moi-même t'exploser les dents sur le trottoir à grand coups de pointure 42 fillette. Maintenant que c'est du béton, on verra bien si tu dégustes aussi bien la nouvelle...
"- Tu pourras pas te débarrasser de nous tous..."
- Tu veux prendre les paris Johnny-boy ?!"
Je le fixe droit dans les yeux, un sourire mi-narquois, mi-mauvais, mi-content (?) sur le visage. Un petit coup de pression à la Judas et Azérios. Comme quoi, avoir partagé quelques histoires avec des tableaux primés ça peut aider.
Silence radio. Ils se regardent tous les uns les autres.
- Parfait !... Les amis ! En avant !
- Avada !
On traverse le groupe d'accueil sans qu'aucun accroc ne surviennent. Je remercie d'un hochement de tête les uns et les autres avec un sourire sincère avant de reprendre en coeur avec les petits monstres :
- Trente-trois éléphants qui se balançaient...