De retour à Orange après moult périples, Ambrosias avait fait son compte-rendu au Colonel Shoga. Elle lui avait raconté sa chasse de l'équipage des mains moites, sa rencontre avec un jeune voleur de Loguetown et enfin mais surtout, l'acquisition de ses nouveaux pouvoirs. Il avait fallu plusieurs jours à la jeune femme pour qu'elle digère réellement l'information mais aujourd’hui, elle pouvait dire qu'elle était heureuse d'être détentrice des facultés offertes par le fruit du murmure. Parler avec les animaux avait été son rêve de jeunesse, comment aurait-elle pu se lamenter d'y parvenir enfin ? Bien sûr, le fait de ne plus pouvoir jamais plonger dans l'eau sans risquer d'y laisser la vie était un problème, mais le risque en valait la chandelle. Après tout, de nombreux marins, pirates et autres navigateurs célèbres du passé n'avaient jamais su nager. Qui plus est, l'océan étant en réalité un terrain hostile à l'homme, tomber à l'eau au milieu de nulle part sans possibilité de remonter sur son embarcation signifiait la mort à coup sûr. La chose était similaire pour un pauvre bougre tombant lors d'une tempête. Ambrosias devrait toujours faire attention à partir d'aujourd'hui, elle en était consciente et l'acceptait.
À mesure que passaient les jours, la militaire remarqua de subtils mais notables changements dans sa vie quotidienne. Quand elle patrouillait dans les rues d'Orange, elle n'entendait plus les gazouillis des oiseaux mais des sérénades ou des complaintes à l'amour. Quand elle voyait deux chats se battre, elle n'entendait plus des miaulements mais des cris, des insultes et des menaces. Les animaux semblaient devenir des humains à ses yeux. Bien sûr, leurs comportements étaient différents en fonction de leurs espèces respectives, mais maintenant qu'elle les comprenait, tout était chamboulé. Bien vite, la nouvelle se répandit dans la faune de l'île qu'une humaine pouvait converser avec eux. Comme elle était de surcroît vétérinaire de formation, elle devint rapidement le docteur de toutes les bêtes rampantes ou volantes d'Orange. Cela ne lui déplaisait pas, bien au contraire. Depuis toujours, c'était auprès d'eux qu'elle se sentait véritablement elle-même. Les humains, leurs codes et leurs coutumes étaient bien plus difficiles à comprendre pour elle. Petit à petit, Ambrosias reprenait goût à la vie et ses nombreux nouveaux amis lui faisaient légèrement oublier sa quête vengeresse d’éradication de la piraterie.
Un jour qu'elle supervisait l'entretien du Placide, elle vit une impressionnante frégate effectuer sa manœuvre d'accostage au port local. Plissant les yeux, elle n'eut pas grand mal à reconnaître ce bâtiment qu'elle avait déjà maintes fois croisé. Il s'agissait en effet du navire principal de Lord Althias de Mistoltin, noble le plus important de Tanuki, l'île dont elle était native. Sa surprise fut immense de le savoir si proche alors qu'il habitait sur North Blue. Pour ne rien arranger, ses sentiments amoureux pour l'homme manquèrent de la faire rougir devant tous ses hommes, ce qu'elle ne pouvait décidément pas se permettre. Sous un faux prétexte, elle prit congé des siens et se retrancha dans sa cabine. Depuis ses hublots, elle observa l'arrivée de l'homme et le vit descendre la coupée une fois son bateau définitivement amarré. Cela faisait très longtemps qu'elle ne l'avait pas vu mais il l'obsédait toujours autant. Agacée de se comporter en jeune adolescente, elle décida de se plonger dans la paperasse.
L'arrivée du Lord étant loin d'être un hasard, son existence se rappela bien vite à Ambrosias. Le sergent Soma arriva sur le Placide et expliqua au lieutenant qu'un nouveau venu sur l'île souhait d'urgence s'entretenir avec elle. Althias avait visiblement pris contact avec le Colonel pour demander un rendez-vous avec la vétérinaire. Ne comprenant rien de tout cela, elle perdit sa voix face au jeune ninja en herbe et se contenta de hocher la tête. Le jeune homme la regarda avec un air interrogateur mais ne chercha pas plus loin avant de prendre congé. Terriblement stressée à l'idée de se retrouver en tête-à-tête avec l'homme qui faisait battre son cœur, Ambrosias fit les cent pas dans sa cabine.
« Eh bien, ça va pas ?
- Non !
- Ah bon ?
- C'est lui, il est là, il veut me voir. Mais pourquoi ?
- Qui ça lui ?
- Althias !
- Ah bon ? Qui ?
- Le Lord Althias de Mistoltin, le plus grand notable de Tanuki, l'île où je suis née
- Ah oui, quand même. J'ai connu un noble une fois, il avait des déchets succulents.
- Mais c'est pas la question ! Qu'est-ce qu'il peut me vouloir ?
- J'en sais rien. Partager son dîner avec toi ?
- Mais on ne se connaît même pas, je ne l'ai presque jamais approché.
- Bah je sais pas.
- Rahhh ! »
Snick regarda l'humaine avec incompréhension en montant sur son bureau. Pour se rassurer, elle commença à lui caresser la tête. Le rat n’était pas habitué à ces choses là mais il trouvait cela assez agréable et se laissait faire, la plupart du temps en tout cas. Après de longues minutes de réflexion, Ambrosias prit sur elle et enfila sa veste marine. Face à son miroir, elle s'arrangea du mieux qu'elle le pouvait. Elle avait l'impression d'être horrible avec ses immondes brûlures sur le visage. Elle se donnait envie de vomir et priait tous les dieux qu'Althias ne soit pas dégoûté en la voyant de si près. Après avoir fermé les paupières pour se calmer en respirant longuement, elle quitta le Placide. Le navire du Lord se trouvant à une centaine de mètres, elle le rejoignit en un instant. Quelques gardes civils se trouvaient au niveau de la coupée. Bien habillés et armés plus que convenablement, elle estima qu'il devait s'agir de mercenaires embauchés pour assurer la sécurité du Mistoltin. Après tout, un homme aussi riche que lui pouvait se faire facilement nombre d'ennemis ou attirer les foudres de gens envieux. Les gardes observèrent rapidement Ambrosias avant de la laisser monter à bord. Un majordome accueillit la jeune femme et la conduisit aux quartiers du noble. La boule au ventre, elle toqua à la porte et n'entra qu'une fois qu'elle y fut invitée. Althias était là, à quelques mètres seulement, dans son immense et luxueuse cabine. Le cœur de la militaire fit un bond sans sa poitrine, mais elle parvint à se contenir en mordant l'intérieur de ses joues. Restant professionnelle, elle s'avança et se mit au garde-à-vous. La chose n'était pas nécessaire étant donné que l'homme n'était pas militaire. Il s'étonna de la voir faire et leva les mains en souriant.
« Allons, ne soyez pas si formelle Lieutenant. Nous venons du même endroit. »
La jeune femme hocha la tête en signe d'approbation et croisa les bras dans son dos. Ne sachant pas ce que l'homme pouvait bien lui vouloir, elle prit sur elle de se taire et d'attendre qu'il n'éclaircisse sa lanterne. Bien vite, il désigna une immense table pleine de victuailles.
« Installez-vous, je vous prie. »
N'ayant aucune envie de vexer son hôte, Ambrosias s'exécuta. Le confort de la chaise sur laquelle elle prit place était tel qu'il lui fit penser que son propre lit n'était rien de plus qu'un bloc de pierre. Le majordome, qui était encore présent, posa un verre en cristal devant la jeune femme et le remplit de vin sans même lui demander son avis. Faisant de même avec le lord de Tanuki, il prit ensuite congé suite à un signe de la main de son maître.
« J'ai bien conscience que vous devez vous demander ce que vous faites ici.
- Vous avez raison.
- Soyez rassurée, je ne vous laisserai pas longtemps dans l'inconnu. Trinquez avec moi voulez-vous ?
- Avec plaisir, dit-elle en levant son verre pour venir toucher le sien.
- Délicieux n'est-il pas ?
- Je ne suis pas assez connaisseuse pour infirmer ou confirmer, mais je le trouve effectivement très bon.
- Votre palais ne vous trompe pas, croyez-moi.
- Que puis-je pour vous Lord de Mistoltin ? »
L'homme prit délicatement une nouvelle gorgée avant de plonger son regard azur dans celui de la militaire. Il avait l'air soucieux malgré son air sûr de lui.
« Comme vous le savez déjà très certainement, je suis féru d'art et je n'ai de cesse de vouloir faire grandir ma collection.
- Bien sûr.
- Il m'arrive régulièrement de naviguer sur les blues pour dénicher la perle rare. C'est à cette occasion que je me suis rendu sur Goa pour y rencontrer un revendeur. J'avais entendu beaucoup de bien de lui et il était réputé pour sa capacité à dénicher les plus belles prises. Sur le papier, tout semblait parfait.
- Que s'est-il passé ?
- Eh bien, disons que certains de ses produits n'étaient pas vraiment les siens.
- Vous avez eu recours aux services d'un receleur ?
- Quoi ? Mais enfin non, surtout pas, je suis un homme respectable. Je ne m'attendais pas du tout à une telle chose.
- Il est assez rare de se retrouver face à de telles personnes sans l'avoir un minimum prévu.
- Écoutez, si je suis venu vous voir c'est parce que, en tant que lieutenant originaire de Tanuki, vous me connaissez et que j'ai confiance en vous. J'ai eu vent de vos états de service et je sais que vous saurez m'aider.
- Expliquez-vous.
- La personne que j'ai rencontrée n'était autre qu'un officier de la marine, voilà pourquoi je ne m'attendais pas à tomber sur quelqu'un de malhonnête.
- Un officier ? Vous connaissez son nom ?
- Bien entendu, je me suis renseigné sur lui. Lieutenant, si je me confie à vous, c'est pour m'assurer que vous saurez me protéger. J'ai refusé de faire affaire avec lui quand j'ai compris qu'il voulait me revendre des œuvres volées et il s'est mis en colère. Il m'a assuré qu'il s'occuperait de moi plus tard.
- Donnez-moi son nom.
- Promettez-moi de vous occuper de lui.
- Je ferai tout mon possible pour cela, mais les affaires de ce genre sont difficiles à gérer, je vais devoir en référer à ma hiérarchie.
- Le colonel Shoga ?
- Oui.
- Il m'a semblé être un homme intègre. Très bien, je vais vous le dire.
- Je vous écoute.
- Il s'agissait du lieutenant-colonel Storm, William Storm.
- Merci pour vos informations.
- J'ai confiance en vous Lieutenant.
- Bonne soirée à vous, Lord de Mistoltin.
- Vous ne voulez pas rester manger en ma compagnie ?
- Le travail avant tout.
- Comme vous voulez, à la prochaine fois dans ce cas. »
Respectueuse, Ambrosias salua l'homme avant de prendre congé. Quittant rapidement le navire, elle fit le point dans son esprit. Toute cette situation était bien compliquée. Si un officier se servait de sa position pour s'adonner au crime il était du devoir de la jeune femme d'y mettre un terme. Le soucis était qu'elle n'avait pas de vraie preuve. Le témoignage du Lord avait certes de la valeur, mais il ne suffisait pas. De plus, s'il venait à témoigner publiquement, ses jours seraient rapidement mis en danger, ce qu'elle ne pouvait accepter. Laissant le port derrière elle, la jeune femme se rendit donc rapidement au QG d'Orange. Une fois sur place, elle ne tarda pas à demander où se trouvait le Mink. Tout comme Althias, il était à table en compagnie de Shujin et Soma. Après avoir salué son supérieur, elle lui demanda s'ils pouvaient parler en privé, ce que l'homme-renard accepta. Les deux militaires laissèrent leur assiette de côté avec regret mais obtempèrent. Shujin en profita pour offrir un clin d’œil à la jeune femme. Une fois seuls, Ambrosias exposa les faits.
« Connaissez-vous cet homme dont le Lord de Mistoltin m'a fait mention ? »
La vétérinaire savait que le sens aigu de la justice de Shoga le pousserait à la rejoindre dans sa quête. De plus, au vu de sa position et de son grade, son aide serait extrêmement précieuse. Sans lui, elle doutait de pouvoir réellement mener à bien la mission. Droite comme un «i», elle croisait les doigts pour que le Mink se range de son côté.
ciitroon
Protéger, Servir, Traquer
Dernière édition par Ambrosias le Mar 29 Mar 2022 - 21:19, édité 11 fois