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[C]ompétition & Collaboration.

« Merci de m’avoir amené jusqu’ici !
- Pas de problème ma p’tite dame, mais faudrait voir à réparer les dégâts qu’a causé votre engin, voyez !
- Oh… euh… Oui, attendez. »

Nous nous trouvions, Bee et moi-même, sur l’île de Tanuki pour passer un concours réputé sur les mers de North Blue. Ce concours regroupé les meilleurs ingénieurs et aventuriers de cette mer, leurs proposant de parcourir l’île avec une course d’orientation. La compétition mettait en œuvre une épreuve qui devait avoir lieu en une seule journée et rassemblait pour l’occasion sur cette minuscule petite île une bonne centaine de personnes supplémentaires. C’était donc une épreuve d’orientation, qui devait être mené par énigme et logique, amenant à être évalué aussi sur notre force (car plongé sur l’île, nous devions parcourir des kilomètres et souvent mettre hors d’état de nuire nos adversaires). Les équipes étaient tirées au sort et formés par le plus grand des hasards, dans l’optique de partager les récompenses. Ainsi, le tournoi enseignait l’humilité, la solidarité, le respect, la bonne entente et surtout la générosité. Et c’était principalement pour cette raison que je voulais y participer.

Notre transport jusqu’à cette île aurait pu se passer sans encombre (mais ce ne fut pas le cas malheureusement), car nous avions eu énormément de chance de trouver le vieux Jin’ qui avait accepté après moult négociation de nous conduire jusqu’à Tanuki et d’y faire escale pour la journée. Je lui avais proposé en échange de remettre à neuf le mécanisme de son petit rafiot, qui bien que vaillant d’avoir vécu toutes ces années n’était plus aussi neuf qu’antan.
Le parfait exemple de ce que j’affirmai fut quand Bee enfonça son pied dans le parquet du pont et qu’il y passa à travers, manquant de s’écraser par le déséquilibre sur la cabine du capitaine. Le pont était rongé par les mites, méritant d’être lustré et soigné, et ne pouvait décemment plus supporter un point supérieur à cent kilos. Par miracle, nous atteignîmes la berge de Tanuki, ou nous nous arrêtâmes et c’est là que j’entrepris mon long travail. Enfin « long », c’était un bien grand mot pour l’expérience que j’avais.
En deux heures, nous avions rebouché le trou et lustré le pont, ciré et réparé ce qu’il n’allait pas, sous les yeux ébahis du vieux. J’en avais profité pour dégraisser son canon qui avait besoin d’un coup de neuf lui aussi. Frottant mes mains entre elle pour y enlever la poussière du bois, je me retournai vers le papi qui m’attrapa la poigne et me la secouât frénétiquement, impressionné et agréablement surpris de ce que j’avais pu faire de son petit bateau :

« Waou, quel travail ma p’tite ! Bah dis donc, c’est pas souvent qu’on a un truc aussi resplendissant, voyez c’que j’veux dire ! Mon rafiot n’a jamais été aussi beau ! C’est bien gentil d’votre part ! Pour la peine, quand vous repartirez de l’île, prévenez-moi, m’demoiselle !
- Merci beaucoup ! Au fait, vous savez ou est l’inscription pour le concours ?
- Bah bien sûr ! Vous prenez tout droit m’demoiselle, pis arrivé au bout, vous verrez la mairie de la ville, j’crois bien qu’c’est là d’dans ! »

Je lui fis un sourire pour le remercier, tournant les talons avec Bee derrière moi. Ce dernier regardait autour de lui avec émerveillement, encore une fois particulièrement emballé à l’idée de découvrir de nouveau paysage. Nous étions sur l’île principalement pour le concours qui y avait lieu (un jeu d’orientation pour décrocher un lot du parfait mécanicien, comprenant plusieurs armes de premiers choix ainsi qu’un kit de construction (marteau, tournevis, gants, clous, visses,…)). Nous y participions parce qu’il me semblait important de décrocher ce prix : mes outils commençaient à vieillir, et les lots proposaient m’intéressaient tout particulièrement pour équiper Bee.
L’homme qui organisait le concours était un ingénieur navale de renommé sur les Blues, il faisait d’ailleurs cela tous les ans et l’attraction attirait énormément de créateur en tout genre qui cherchait à décrocher soit les prix soit la renommée qui allait avec. Car en plus d’obtenir des joujoux sophistiqués, on nous imposait une interview (histoire d’être reconnu lorsqu’on sortait dans la rue après ça !) ainsi qu’une place sur un mur d’honneur de la mairie de l’île de Tanuki. Je n’étais pas spécialement intéressé par cette célébrité éphémère, mais il fallait avouer qu’avoir sa place auprès des précédents aventuriers du concours avaient de quoi faire rêver.
Ce pourquoi je pris le pas jusqu’à la ville, suivant un petit chemin de terre qui allait tout droit vers les habitations et donc le centre-ville. Il y avait du monde, des personnalités atypiques et amusantes, des équipes de choix qui se formaient progressivement. Tous sortaient de l’ordinaire, et les conversations allaient de bon train, sur tous les sujets. J’allai faire mon inscription et lorsque ce fut fait, je retournai parmi les hommes regroupés en attendant l’annonce du départ. Absorbée dans mes pensées, Bee sur mes talons, avançant sans regarder ou j’allai, je percutai une jeune femme que je n’avais pas remarqué. Le choc n’avait pas été violent, mais je me précipitai pour m’excuser auprès d’elle :

« Désolée... Je ne vous avais pas vu… »

Je lui fis un sourire aimable, n’étant pas là pour chercher des noises à qui que ce soit. Je la détaillai un peu plus, remarquant qu’elle était de ce genre de beauté froide. A bien y regarder, elle était celle sur qui la plus part des hommes louchaient sur la place principale devant la mairie. Elle était belle, c’était indéniable.
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- Et v'là donc, m'dame ; Tan'ki, f'est bien fà hein, v'me tromperais-t'y pas ?

- D'après la carte - enfin le bout de carte, c'est bien ici, effectivement. Merci mon bon 221. Soit dit en passant, ne sauriez-vous p... Mais, mais qu'est-ce que c'est que... Que ça ?!

Ciel mon vernis. Ciel ma nouvelle coupe de cheveux, ciel mon ensemble fraîchement passé au tambour. Ciel à peu près tout ce qui peut sembler propre et en ordre sur moi, là.

- 221, arrête moi si je me trompe. Nous venons bien de débarquer sur Tanuki, non ?

- Auffi vrai qu'on m'furnomme "l'exfepfion", m'dam'.

Aussi vrai que ça ? Etant donné "l'exception" de taille au niveau oral, je peux difficilement croire à un mensonge de la part de mon très récent ustensile humain ; j'ai nommé 221, indéfectible adorateur de poitrines bien gonflées. Corruptible à souhait, mais quelque peut dérangeant au niveau olfactif et auditif.

- 221. Arrêtez avec vos madames, je ne suis pas une dame. Ai-je l'air d'une aristocrate croulante, d'une mégère achevée par l'âge et le temps ? Ai-je l'air d'une femme d'âge mûr, à qui les vicissitudes de la vie ont forcé à ramper par terre de douleur ? Suis-je à ce point sénile pour que vous preniez pour une quinquagénaire décadente, vestige de la galanterie déchue et témoin navrant des temps passés ? Non, je ne vous le fais pas dire ; aussi apprecierais-je que vous me traitiez avec les égars qui me sont dûs ; et au devant desquels je serai intrensigeante, dussai-je vous imposer mon point de vue d'une manière moins féminine. Me suis-je bien fait comprendre ?

- Euh, bien fûr m'dam'. Enfin nan, mad'moivelle ; enfin, oui mad'moivelle...

Totalement désemparé par ma réaction, 221 semble chercher ses mots ; et je ne peux pas tellement lui en vouloir, au vu de la soufflante que je lui inflige. Je ne me le cache pas, c'est vrai, il m'arrive parfois d'être un poil soupe-au-lait ; et le cadre environnant, embourbé et inamical à souhait, à de quoi titiller mes pulsions les plus sadiques... J'admets. Mais merde quoi, ce bouseux dépasse des limites qu'il ne fait jamais bon franchir chez moi.

Et puis bon, soyons clairs, soyons concis : quel fou a eu un jour l'idée de s'établir sur un bout de terre aussi boueux que ça ? Suis-je à ce point différente du reste des humains, pour considérer avec autant de dédain un paysage aussi désespérément plat et morne ? Suis-je la seule à ne pas vouloir poser un pied dans ces contrées pleines de bourbes, même sous la torture ? Ferais-je donc partie de cette élite sociale qui ne considère pas la fange, la vermine et les sangsues comme un style de vie louable ?

Apparemment, oui. Mais quand l'appel du gain se fait trop fort, il faut parfois savoir braver ses appréhensions.

- 221. Ayez l'obligeance de rester arrimé au port, et attendez sagement mon retour ; profitez-en également pour me mettre un petit coup de polish sur tout le navire, et faites en sorte d'aboutir à quelque chose de propre avec ce rafiot... Ce qui semble peine perdue pour vous, malheureusement.

Et d'une volte-face théâtral, je quitte le navire de 221 pour rejoindre le centre de Tanuki. Oui, je suis cruelle ; mais je tolère assez mal que l'on me parle "comme fa", surtout si l'endroit où m'ammene est moche, que ça pue et que l'odeur ne vient pas uniquement de la boue au sol. Chienne de vie, où va le monde ?

Probablement pas trop loin du centre ville, au vu du nombre de personnes rassemblées pour la compétition fôrestière annuelle ; moi comprise. Et que ça court, et que ça crie, et que ça écrit frénétiquement sur de petits bulletins en papiers... Je ne comprends pas tout, mais je persiste à avancer au centre de la mêlée ; en soutenant bien droit le regard des quelques fous qui se croient en droit de ne pas se mettre en rang et de m'organiser une jolie haie d'honneur dans l'instant.

Aucun ne s'hasarde sur mon chemin plus de quelques secondes ; et très vite, les plus fraîchements expulsés de ma route se hâtent d'avertir ceux devant moi pour me laisser passer. Je suinte la classe, et je le sais. Je dénote au milieu de la populace classique, et je m'en gausse sans retenue. D'un regard attentif, je dévisage chaque participant durant mon avancée : les gros bras, les frimeurs, les fluettes... Aucun ne semble faire le poids, et chaque concurrant se dégage de manière si docile que j'en oublie presque de regarder devant moi ; grossière erreur, puisqu'une fille (modèle réduit) choisit cet instant précis pour percer la foule et fondre sur moi sans même un coup d'oeil en avant.

Une fille aux penchants suicidaires prononcés ? Une jeune aveugle, peu à même de ressentir mes irradiations massives de pure classe ? Une attardée, bien trop amortie cérébralement parlant ? Une anticonformiste marginale, une anarchiste révulsée par mon trop-plein de topissitude ? Ou simplement une misérable tête de linotte ?

- Désolée... Je ne vous avais pas vu…

Merde alors, ma pauvre Leanne. La seule personne qui ne te calcule pas s'avère être une crevette de quarante kilos, si maigre qu'elle en manquerait de s'envoler avec le vent. L'honneur en prend un coup.

- Tu... Ne m'as pas vue. Je ne donne pas cher de tes chances à cette compétition, dans ce cas ; si tant est que t'ais eu l'audace de t'y inscrire. Maintenant fillette, fais place ; il y en a certains qui, contrairement à toi, ne candidatent pas simplement pour faire plaisir à Papa-Maman. Enfin qui sait, peut-être est-ce classieux pour des gens de votre... Condition sociale ? Ca va, comme formulation, ça ? Mh, moui, ça ira pour toi ; voilà même quelques Berries pour te prouver ma bonne volonté, gamine...

Alors que j'achève ma tirade, mon regard goguenard se pose sur sa poitrine : non sans fierté, la demi-portion semble exhiber son badge de participation à la compétition. Très touchant.

- ... Ou devrais-je dire "Candidat 32-A, Lilou B. Jacob". Un numéro de perdant à n'en pas douter.

Non mais. On ne me bouscule pas sans en subir les conséquences ; et cela s'applique aussi aux jeunes filles un peu trop impétueuses... D'autant plus que ce n'est pas la journée idéale pour m'irriter ; encore moins celle pour se mettre au travers de mon chemin, tracé droit vers la récompense du tournoi.

- Mesdames et messieurs, plus que quelques minutes avant la cloture des inscriptions... N'oubliez pas que l'équipe gagnante repartira avec une interview de la Gazette de Tanuki, un kit de mécanique "Tool'facil" et une paire de gants de protection "Stopobobo" ; faits d'un puissant alliage nylon-fibre de verre, et grâcieusement cédés pour l'occasion par un de nos généreux sponsors - que je remercie au passage.

"Stopobobo" : derrière ce nom qui transpire la nullitude évidente du patelin et reflète la créativité limitée (soyons courtois) de son créateur se cache en fait une arme de défense redoutable... Et je ne peux décemment pas imaginer avoir complété ma collection de gants sans y ajouter cette paire-ci, de toute beauté à n'en pas douter ; sous couvert de quelques modifications de mon cru, cela va sans dire.

Sans hésiter davantage, je m'approche donc du comptoir d'inscription et prend un des nombreux coupons encore disponibles ; je sors alors mon stylo, prête à graver mon inscription sur écrit. Le geste de la main est ferme, fluide : je suis déterminée, et rien ne saurait m'arrêter.

Leanne B. Howell a écrit:Nom : Ce n'est pas un sujet convenable : appelez-moi "Mademoiselle".
Prénom : Ce n'est pas un sujet convenable.
Âge : Ce n'est pas un sujet convenable.
Loisirs : Ce n'est pas un sujet convenable.

Motivations : Remporter les 50 000 Berries pour payer à ce concours un service de rédaction des coupons mieux à même de ne pas ensevelir le participant lambda sous une foultitude de questions aussi inutiles que déplacées.

Suggestions Annexes : Je m'oppose fermement à toute plubication me concernant dans la Gazette à paraître, lorsque le tournoi sera terminé. Si la rédaction de ce torchon fait fi de cette remarque, je ne réponds de rien quant à d'éventuelles poursuites judiciares.

Je sousignée "Mademoiselle", certifie avoir lu et accepté les règles de participation fournies à chaque concurrent.

Juste à temps, je rends mon formulaire d'inscription et le tend à un des standartiste ; "les 20 000 Berries de participation s'iouplait", qu'il me dit. La farce : mon grand, tu devrais savoir que je passe outre ces détails pécuniaires.

- Ce stylo vaut 10 000 Berries ; je vous le cède pour 5 000, ce qui fera 30 000 Berries pour une demoiselle fragile et sans ressources comme moi... A moins que vous ne soyiez à ce point dépourvu de coeur ? ♥

Davantage charmé par mon décolleté que par mon jeu d'actrice délibérément surjoué, le jeune homme se laisse prendre au miel de mes paroles et ferme l'urne de participation derrière moi. Un jeu d'enfant.

- Merci, vous êtes un ange ! Oh, et gardez la monnaie... C'est cadeau ♥

Alors qu'un second organisateur me tend mon badge d'un air tout aussi amorti que son collègue, j'écoute d'une oreille attentive les instructions débitées à l'estrade par l'organisateur principal de la compétition ; car comme beaucoup de personnes parmi l'assemblée, je ne suis toujours pas au courant des épreuves à venir... Il serait temps de grapiller quelques infos.

- Comme vous pouvez le constater, chacun d'entre-vous a reçu un badge lors de son inscription...

- Et voilà votre badge, miss... "Mademoiselle" ? "Candidat 32-B".

Aaaaah, tais-toi, ordure de standardiste. J'écoute.

- Ce badge est divisé en deux parties : la première, chiffrée, vous informe sur le numéro de votre équipe. C'est ce chiffre qui détermine votre coéquipier durant la compétition...

What, des coéquipiers ? Eh ducon, j'ai pas signé pour ça. Repose ce micro, avant de t'enfoncer. Ou je te tais. Je suis sérieuse.

- Et la lettre située à droite de votre numéro d'équipe désigne ce que nous appellons une "Lettre-hierarchie" : à savoir, une lettre qui désignera arbitrairement le chef de groupe. Comme certains d'entre-vous l'auront probablement deviné, la lettre A désigne évidemment les chefs de groupes ; et les possésseurs d'un badge B doivent respecter chaque décision d'un badge A sous peine de disqualification.

Là, j'ose même pas regarder mon badge. Pas besoin, pour l'avoir lu il y a de cela quelques secondes ; et pour savoir pertinemment ce qui m'attend. 32, c'est le même numéro d'équipe de cette petite pimbèche mal élevée... Jacob, si je me souviens bien. Et ce B juste à côté ne présage rien de bon, dans l'optique où cette Lilou soit tentée de me faire éxécuter les tâches les plus navrantes "au nom de l'équipe".

Sur le point de jeter l'éponge, je lance un régard furibond au ciel d'un air de défi : si un putain de dieu a l'audace de se payer ma trogne, j'espère qu'il en a pour son argent par ce que des surprises du genre, je les digère mal.



Dernière édition par Leanne B. Howell le Ven 13 Avr 2012 - 20:07, édité 3 fois
    Alerte rouge, alerte rouge !
    Grognasse en vue ! Pas de la petite grognasse, ah ça non, mon bon monsieur. Elle, elle était de compétition. Elle avait de quoi battre toutes les autres concurrentes à plates coutures, et même Nami la chatte à patte de velours, qui avait sa réputation de femme de caractère et de garce à ses heures, pâlirait devant un égo aussi énorme que celle de la blonde. Mademoiselle était une belle mégère et, y’avait pas à chipoter : ça faisait très naturel chez elle. Rien de sur-joué dans sa comédie, elle n’avait pas à se donner la peine d’en rajouter. Rien que son entrée sur l’île aurait dû me mettre la puce à l’oreille, mais fallait croire que je n’étais pas attirée par les donzelles à gros nichons qui ne se sentaient plus sous prétexte qu’elles avaient de gros nichons justement.
    Je la regardai avec un sourcil froncé et tout le mépris dont j’étais capable, écoutant ses phrases dites avec une voix aussi agréable qu’une craie que l’on frotte contre un tableau, l’envie soudaine de lui faire ravaler son égo en lui enfonçant dans la gorge avec la certitude qu’il resterait coincé tant il était énorme ou encore de lui botter le train si sauvagement qu’il remonterait au niveau de ses deux mirettes bleutés.

    « Tu... Ne m'as pas vue. »

    Non, je ne t’ai pas vu. Faut croire que t’as pas l’air aussi brillante, malgré tout ce que tes amants ont pu te dire jusqu’ici. Histoire de te faire redescendre sur terre : un homme qui a faim est prêt à dire n’importe quoi, même à une femme qu’elle dégueule d’intelligence et de beauté. Certainement quelque chose que tu as dû trop entendre (mais pas mériter) et qui t’as gonflé tellement la caboche qu’elle ressemble aujourd’hui à une montgolfière.
    Je n’allai pas mentir, elle ne me laissait pas froide. Mais pas pour les mêmes raisons que les mâles affamés autour qui la dévorait du regard.

    « Je ne donne pas cher de tes chances à cette compétition, dans ce cas ; si tant est que t'ais eu l'audace de t'y inscrire. Maintenant fillette, fais place ; il y en a certains qui, contrairement à toi, ne candidatent pas simplement pour faire plaisir à Papa-Maman. »

    Euh ? Qu’est-ce qui ne tournait pas rond chez elle ? C’était quoi son problème ? Serrant le poing et me disant qu’il me fallait impérativement me tenir pour éviter de lui coller dans la tête et de lui refaire le portrait, je lui fis un petit sourire forcé. Bee à mes côtés la regardait en penchant la tête, pas certain de ce qu’il devait faire, me sentant m’énerver progressivement, et être prête à lui sauter à la gorge pour lui arracher la trachée avec les dents.

    « Enfin qui sait, peut-être est-ce classieux pour des gens de votre... Condition sociale ? Ça va, comme formulation, ça ? Mh, moui, ça ira pour toi ; voilà même quelques Berries pour te prouver ma bonne volonté, miss... Ou devrais-je dire "Candidat 32-A, Lilou B. Jacob". Un numéro de perdant à n'en pas douter. »

    Bee posa une main sur mon épaule, qui me permit l’espace de quelques secondes de redescendre sur terre alors que j’étais prête à lui faire bouffer sa chevelure parfaite et sa manucure. Assez de temps pour qu’elle tourne les talons et file d’un petit pas dansant vers les admissions. Les joues rouges d’une colère contenue, les muscles contractés pour éviter de lui coller une mornifle digne de ce nom, je me tournai vers mon ami avec des yeux luisant de haine.
    Cette fille… J’espérai pour elle qu’elle ne me donnerait pas l’occasion de lui foutre mon pied aux miches, parce que je n’y manquerai pas. Elle était très belle, et bordel, elle le savait. Voilà qu’madame se permettait maintenant de péter plus haut que son cul, parce que ça faisait de jolis bruits chez elle. Tout ça pour dire que y’en avait qui se gênait pas pour emmerder leur monde.
    Et sérieusement, elle m’emmerdait.



    L’homme prit le micro et commença à expliquer les tenants et les aboutissants du concours. Ce qu’on avait à y gagner, à y perdre, si on aurait un coéquipier ou des adversaires. Il dit alors que les participants étaient par binômes et que la personne ayant la lettre A dans son badge serait le chef de l’équipe. Regardant mon badge à ma poitrine, je relevai le regard pour voir ou se trouvait mon autre moitié. Les couples se formèrent progressivement, jusqu’à ce qu’il ne reste qu’une seule personne.
    Elle.
    Là.
    Les yeux levés vers le ciel et soudainement beaucoup moins fière. C’était donc elle, ma partenaire ? Les conversations reprirent progressivement, tandis que je m’approchai d’un pas lent vers la jeune femme, riant aux éclats et applaudissant sa prestation de tantôt, au sens propre comme au figuré. Le destin était beau, magnifique, puissant. J’adorai. J’arrivai à son niveau et zieutai son badge pour y découvrir son nom. « Mademoiselle ». Toujours aussi gonflée, n’est-ce pas ? Le même petit sourire en coin qui remerciait le hasard d’être aussi plaisant, je lâchai d’une voix douce :

    « Mademoiselle, donc… Tu seras mignonne, fais en sorte de ne pas être un poids durant le concours. »

    Qu’elle tâche aussi de mettre son égo de côté, je n’avais pas l’intention de m’en occuper ni de le ménager. Je n’aimerai pas que l’équipe 32 soit en effet une équipe de perdant. Ça serait le comble. Alors, elle avait réellement intérêt à y mettre du sien si elle ne voulait pas se faire trainer dans la boue « au nom de l’équipe ». Je savais être gentille lorsqu’il le fallait, agréable parfois, mais lorsqu’il s’agissait de faire payer à une garce les mots de tantôt, je ne faisais pas dans la dentelle.

    « Oh, et tu garderas tes seins dans ton soutif et tes yeux papillonnant, ça ne marche pas sur moi. Et la prochaine fois, avant de la ramener, t’y réfléchiras à deux fois. Enfin… Si tu en es capable. »

    Puis, je me tournai vers Bee et lui adressai la parole :

    « Tu pourras rester près de la mairie ? Je viendrai t’y retrouver à la fin du concours. »

    A peine le temps d’hocher la tête pour affirmer que l’organisateur reprit le micro en parlant d’une voix forte et claire :

    « Votre attention s’il vous plait ! Dans une heure, le départ de la course sera lancé. Le but ? Arriver au centre de l’île dans les plus brefs délais. Vous serez disposé à équidistance de l’arrivée durant l’heure à venir. C’est une course d’orientation, probablement de force aussi puisque vous pourrez y rencontrer des difficultés. L’on vous munira d’une carte et d’une boussole en vous déposant, ainsi que d’une bouteille d’eau. Pour éviter toutes pertes, il est interdit de tuer ! Est-ce bien compris ? »

    Il y eut un bruit tonitruant, un « oui » unanime. Les bras croisés sous ma poitrine, je jetai un regard à ma coéquipière. Bon, ok, ce n’était qu’une grognasse finie, une chipie, une peste de la pire espèce, mais je n’avais pas le choix et une mauvaise entente au sein de l’équipe pourrait nous couter la victoire.
    Je veillerai sur ses fesses autant que possible.
    Dans la limite du raisonnable, en tout cas.



    Nous avions embarqué dans un navire qui faisait le tour de l’île et déposait les candidats à distance. A notre tour de descendre et de toucher terre. Un Marine vint avec nous pour s’assurer qu’on partirait bien à l’heure adéquate pour ne pas prendre d’avance. Mettant la bouteille d’eau, m’assurant que ma trousse de soin et que mes outils étaient toujours à leurs places dans mon sac à dos, nous arrivâmes tous les trois sur un pan de terre qui offrait une vue sur une forêt dense. Des arbres grandissant, le soleil filtrant à moitié à travers les branches et feuilles, les branches recouvertes de mousses, l’endroit semblait à la fois hostile et paradisiaque.

    « Tu t’y connais, en orientation ? »

    Je lui tendis la boussole pour voir si elle y comprenait quelque chose. Pour ma part, je n’étais pas douée du tout pour ça. Une montre sonna, le bruit venait du marine qui nous fit un mouvement de tête pour nous affirmer que nous pouvions y aller…

    Bon. Bah, y’avait plus qu’à.
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    Mademoiselle était loin d’être une fille facile. Encore plus loin d’être sympathique. Difficile pour moi de rester impassible à ses piques, ses railleries ou ses allusions sans avoir envie de lui imprimer mon pied dans sa joue. Ma patience était légendaire, et pour l’occasion, durement mise à l’épreuve. A peine le top-départ était-il lancer qu’elle me souffla :

    « Et on fait quoi maintenant ?
    - Je ne sais pas... Avancer, qu’est-ce que tu en penses ? »

    Elle me jeta un regard surpris, limite outré, se demandant si j’étais sérieuse dans ce que je disais. Comme toute réponse, j’hochai la tête en l’interrogeant des yeux. Elle me répondit :

    « Moi, je ne m’aventure pas quelque part sans savoir ce qui m’attend. C’est dangereux, on devrait nous donner des indications.
    - Vrai que Tanuki est connu pour être un endroit absolument sauvage et déserté par l’homme, ou l’on risque à chaque coin de bois de se faire dévorer par un ours qui a la rage. Et les administrateurs cherchent absolument à nous tuer, parce qu’ils sont très méchants, et que nous voir nous faire courser par une bande de biches cannibales, c’est très marrant. Bon, tu as fini de te plaindre, on peut avancer ? »

    Son air hautain suffit à me faire comprendre qu’elle me snobait royalement. Elle poussa un long soupir en me faisant un geste de la main pour me dire que oui, il était peut-être temps de nous mettre en route. Je secouai la tête, cherchant à ne pas lui sauter à la gorge pour lui arracher la jugulaire avec les dents. Je devais être calme, la journée débutait à peine, seulement quelques heures à passer en sa compagnie. Faisant un pas, elle enchaina, restant un peu en retrait, les yeux vifs, regardant partout pour surveiller si des biches ne se trouvaient pas dans le coin.
    Moi, je me contentai de regarder la nature : l’endroit était magnifique. Tanuki était une île ou la maitresse des lieux restait le cosmos. Les hommes n’y avaient pas mis leurs marques, mais avaient su s’habituer à la reine qui vivait sur ce pan de terre, à faire avec elle et non contre elle. Je restais admirative de son œuvre, me disant que Bee aurait adoré voir toutes ces choses-là. Même si la présence de Leanne était le coup dur de l’aventure, j’étais ravie de pouvoir marcher dans des lieux comme ceux-ci : Depuis les années où j’étais libre, je savourai chaque nouvelle découverte comme la dernière, l’œil curieux, l’envie d’en savoir plus, parce que tout pour moi était une nouveauté merveilleuse.

    La tête dans les nuages, volant d’arbres en arbres et de feuilles en feuilles, Mademoiselle attira mon attention :

    « Qu’est-ce que c’est que ça ? »

    Elle désignait du doigt une branche sur laquelle était placée une valise d’un rouge pétant. Je levai les yeux, avançant vers elle. Nous nous retrouvâmes en-dessous. Leanne, plus grande que moi, tenta de l’attraper, mais nous dûmes nous rendre à l’évidence : nous étions trop petites.

    « Il faut que tu me portes et que tu me lances vers elle, me dit-elle. »

    Fronçant les sourcils, l’air surpris, je lui fis un sourire. J’étais véritablement amusée par sa déclaration :

    « Vrai que tu n’as pas l’air très grosse, mais, sans me vanter, je pense que l’inverse serait beaucoup plus logique. »

    Elle fit une moue boudeuse et se baissa pour me faire la courte échelle. Posant ma chaussure sur sa main, elle râla en prétextant que j’allai abimer sa manucure. La sommant de se taire, elle se vexa :

    « Tu es prête ?
    - Oui, à trois.
    - TROIS !
    - ATTENBEGBERHTGERJ ! »

    Propulser en l’air sans avoir était préparé au préalable, je me rendis compte que Leanne avait beaucoup de force. Mes mains s’accrochèrent par hasard à la mallette, qui, avec mon poids supplémentaire, fit vouter la branche, pour enfin la briser. Le lancer avait été surprenant, la chute d’autant plus brusque. Et malheureusement pour moi, Leanne ne me rattrapa pas. Je m’écrasai par terre, la mallette dans les bras, rencontrant le sol d’une manière si violente que j’en eus le souffle coupé. Le seul miracle dans l’histoire fut de ne pas me briser d’os.
    Mademoiselle se pencha vers moi et m’arracha la valise des mains. Elle alla plus loin, l’ouvrit, et en sortit tout ce qu’il y avait. Une ficelle, un bout de bois et une lettre ou il y avait marqué que ces deux objets étaient important pour la prochaine épreuve.

    « Mais qu’est-ce qu’on va foutre d’un bout de bois et d’une ficelle ? Ce concours est absolument absurde, une perte de temps ! J’ai vraiment fait une erreur en m’y inscrivant ! Il faut en plus que je supporte une gamine et que je lui obéisse ! C’est n’importe quoi, absolument n’importe quoi ! Je vaux mieux que ça ! Beaucoup mieux ! »

    Elle balança par-dessus son épaule les deux objets, croisant ensuite les bras sous sa poitrine en continuant à se plaindre. Je me relevai avec difficultés, gémissant à cause de la douleur. Cette fille était une sacrée garce, une putain de la pire espèce. Je la haïssais. Elle aurait pu me tuer. J’attrapai la mallette et remis les objets à l’intérieur, m’aidant du tronc d’arbre pour me relever. Boitant jusqu’à elle, m’accrochant comme si ma vie en dépendait à la valise que je serrais contre moi, elle se tourna pour me faire face. Prise d’une colère soudaine, je lui assenai une gifle qui résonna à travers la forêt. Elle fut surprise, tenta de répliquer, mais je lâchai aussitôt :

    « Frappe moi, et je te jure que je vais faire de ta journée un véritable enfer, et qu’il te faudra dire adieu à ta chère manucure, ton brushing de pouffiasse et ta tenue de salope ! »

    La menace avait claquée comme un coup de tonnerre. Et elle avait compris que je ne plaisantais pas, surtout pas sur ces choses-là.

    *

    Nous reprîmes la route, mais nous fumes contraintes de nous arrêter. La chute m’avait fait mal. Nous croisâmes une grotte sur notre route, et Mademoiselle suggéra que l’on s’arrête pour faire une pause et nous remettre d’aplomb. Et c’est à cette occasion que je découvris son nom, ainsi que son métier. Elle était le docteur Leanne B. Howell, assez talentueuse, malgré mes réticences, pour me permettre de continuer le concours. En deux trois gestes et manipulations, elle fit disparaitre les quelques douleurs, sans pour autant arrêter de parler de tout et n’importe quoi. Nous réfléchîmes un temps, ensemble cette fois-ci, pour savoir quoi faire de ces objets. En me manipulant, elle me fit lever la tête, assez longtemps pour que je remarque, sur le plafond de la grotte où nous nous trouvions, quelque chose d’étrange :

    « Attends voir, qu’est-ce que c’est que ça ? »

    Je désignai du doigt un crochet, très petit. Elle regarda à son tour. Nous nous levâmes ensemble, y prêtant plus attention. Et telle une illumination divine, elle se rua vers la valise. Elle en sortit la ficelle et le bout de bois, nous la corde autour du bâton, accrocha un morceau de la corde et tira dessus. Une trappe s’ouvrit, et en tomba dans mes bras…

    « Une longue vue ? Non mais c’est une blague ? »

    Leanne se mit la main sur le front, soupirant de nouveau en ne manquant pas de râler. Je regardai attentivement l’objet, distraite par les jérémiades de ma coéquipières.

    « Réfléchissons, à quoi sert une longue vue ?
    - A regarder loin, fit-elle en levant les yeux au ciel comme si j’étais une idiote.
    - Ce qui veut dire qu’il y a quelque chose que l’on doit voir. Mais qu’on ne peut voir qu’à partir d’un certain point. »

    Me ruant dehors, je fis un tour sur moi-même pour estimer notre situation.

    « Un point en hauteur. »

    Et levant le bras en tendant le doigt :

    « Et il y a-t-il quelque chose de plus haut que cette montagne ? »

    Leanne vint vers moi et regarda par-dessus mon épaule. Un sourire apparut sur ses lèvres.

    *

    « Laisse-moi regarder ! »

    Elle m’arracha la longue vue des mains, la plaçant sur son œil gauche. L’objet n’était pas totalement ouvert, mais à ma grande surprise, elle ne chercha pas à l’ouvrir plus. Elle plaça sa main devant le verre et regarda attentivement. L’autre œil fermé, elle poussa un long soupir désapprobateur sous mon air ahuri :

    « Mais tu fais quoi ? »

    Elle me fixa avec dédain, comme si j’étais une parfaite idiote de ne pas comprendre ce qui lui prenait. Avec une voix hautaine, elle me répondit :

    « Je crois que mon verni à ongles s’écaille. Je n’en étais pas bien sûr, mais grâce à cette longue vue, j’en ai la certitude. C’est criminel de faire payer du maquillage si cher pour qu’il ne résiste pas à une escapade en forêt. »

    Silence.

    « Tu te fous de ma gueule ?
    - Non, pourquoi ? »

    BAM !
    La lunette dans sa gueule. Elle se tint la joue tandis que je plaçai la longue vue sur mon œil, la dépliant totalement. La montagne donnait une vue totalement dégagé sur l’ensemble de l’île, assez pour que je puisse observer attentivement tous les environs. Nous avions fait un sacré parcours avant de venir jusqu’ici, mais un endroit en particulier attira mon attention :

    « Il faut aller jusqu’au lac, il y a des barques !
    - Merci de l’info ! »

    Une voix grave attira notre attention. Nous nous retournâmes d’un seul homme pour voir à qui nous avions à faire. Deux têtes blondes se tenaient devant nous. Musclés, mignons, gueules d’ange, Leanne poussa un long soupir en papillonnant du regard.

    « Vous êtes sacrément futées, les filles ! Grâce à vous, nous n’avons rien eu à faire qu’à vous suivre. Mais vous n’êtes pas assez malignes pour vous rendre compte de notre présence ! Donc, votre chemin s’arrête ici ! »

    Leanne me lança un regard noir :

    « C’est de ta faute si on ne les a pas vu !
    - Pardon ? Tu te fous de ma gueule ? T’es aussi responsable que moi !
    - Oh ! Pitié ! C’est toi la capitaine, donc à toi de réagir à ce genre de chose ! Moi, je les avais déjà remarqués !
    - Alors pourquoi t’as rien dit ?!
    - Parce que je pensais que tu les avais vus aussi !
    - Tu te fous de ma gueule ?!
    - Bon, vous allez vous taire ! »

    Le second nous balança un caillou dessus, qui tomba pile sur la tête de Leanne. La blonde sortit de ses gonds :

    « NON MAIS CA VA PAS ! D’OU TU ME FAIS CA, TOI ?! JE VAIS TE PETER LA GUEULE, SALETE DE CONNARD DE MERDE ! »

    Et en insultant copieusement, elle se rua sur l’homme, poing serré en lui en collant une sur le coin de la figure. Son frangin occupé, l’autre bondit vers moi en tentant de me saisir par la taille. J’interceptai son saut avec mon pied, qui s’imprima dans son nez. Il tomba à terre, se releva aussi tôt et m’attrapa par les chevilles, tirant d’un coup sec. Le sol se déroba sous moi, assez pour qu’à mon tour je suis mise à terre. Ma tête heurta la terre, me faisant perdre mes repères. Il en profita pour me grimper dessus et tenter de me frapper avec son poing. J’esquivai en passant la tête sur le côté, ses phalanges rencontrèrent un rocher et le fit reculé. J’en profitai pour m’extraire de sa prise, me relevant. Je lui assenai un coup de pied retourné qui le fit chancelai un moment, avant d’attraper ses oreilles, de placer mon genou contre sa tête et de me lancer en arrière : mon articulation s’imprima sur son front, entrainé par la force de ma lancée, en profitant pour lui décoller les oreilles et lui retirer énormément de charme.
    Il zigzagua et finit par perdre connaissance.

    Au même moment, Leanne revint vers moi et m’annonça qu’elle en avait fini aussi. Nous redescendîmes rapidement, passant à côté du jumeau qui avait le visage complètement tuméfié et la bave aux lèvres.

    « Je lui ai appris les bonnes manières, me lâcha-t-elle, pleine de fierté. »

    *

    Nous dévalions la montagne à vitesse grand V. Plus question de perdre du temps en bêtise. Notre sens de l’orientation n’était pas parfait, aller tout droit nous sembler être la meilleure solution. Nous avions une certaine avance, un certain entrain. Et plus personne pour nous ralentir ou nous coller au derrière. Je craignais que l’affrontement de tantôt nous cause du tort, mais finalement, nous avions une réelle longueur en réserve, et assez de colère en nous pour nous booster jusqu’à la victoire. Leanne était pour moi un véritable fouet mécanique qui m’assenai coup sur coup depuis le début de l’aventure, et qui me permettait d’avoir très envie de terminer plus vite que les autres. D’en finir avant les autres. La fin de la journée approchée à grand pas, celle du concours aussi, ce qui signifiait pour moi : la fin de notre collaboration. La dernière épreuve était sans doute la plus difficile, mais après tout ce que j’avais enduré, j’estimai que rien ne pourrait plus jamais être difficile. La douleur, j’en avais l’habitude, les énigmes, pareil. Supporter une grognasse décérébrée toute une journée et d’être obligé de l’entendre se plaindre de son dernier verni à ongles ou de son dernier petit copain qu’elle n’aimait pas tant que ça, mais qui était quand même un sacré tocard de ne pas lui avoir offert le collier en diamant qu’elle lui avait demandé, en affirmant que de toute façon, moi, je n’aurais jamais la chance d’avoir un amant capable de ça, c’était un véritable supplice. Je savais pourtant, que j’en sortirai plus forte : J’avais survécu à Yumen, Tahar Tahgel, une indigestion de mauvais saumon, une aventure avec un bon Samaritain, ou encore à une chèvre hystérique en compagnie de l’un des plus beaux colonels de la Marine, tout ça, sans mourir ! Une fille comme elle, je n’en ferais qu’une bouchée.

    *

    « On doit prendre celle-ci !
    - Tu es sûre ?
    - Bien sûr, j’en suis certaine ! Je suis une professionnelle, MOI. »

    Grinçant des dents, je fis un sourire à la demoiselle en tentant de rester calme et en possession de mes moyens. Nous nous trouvions devant le lac, faisant le tour des barques. Nous avions remarqués que toutes étaient trouées à un endroit mais différemment à chaque fois. Leanne s’attela à choisir, préférant l’une plutôt que l’autre sous des prétextes foireux. Les autres commençaient à se presser autour du lac, sautant dans les barques les plus proches pour commencer la course jusqu’à la victoire. Il n’était pas encore temps d’essayer de la noyer ou de lui exploser le crâne à coup de pierre, même si l’envie m’en démanger. Toujours douce et plus ou moins patiente, je répondis :

    «… Très bien. »

    Je me mis à pousser la barque jusqu’à l’eau, grimpant dedans. Leanne suivit mon mouvement et se mit à l’avant de l’embarcation, m’aidant, pour la première fois depuis le début de l’aventure, à ramer. Son assistance était, pour l’occasion, appréciable, surtout parce que je commençai à être fatiguée et que l’affrontement de tantôt m’avait fragilisé les côtes. Un mauvais coup, une mauvaise chute, pour une fille comme moi, cela devenait vite problématique.
    Nous prenions de l’avance, y allant de toutes nos dernières forces. Malheureusement, l’eau commençait à rentrer dans l’eau, malgré le choix assuré de Leanne. Bien trop vite. A la moitié du parcours, l’une des équipes nous dépassa, ce qui fit que la Mademoiselle s’affola :

    « On avance pas !
    - Rame !
    - La barque se remplie trop vite ! Tu t’es gourée de barque ! Pauvre cruche !
    - J’ai dit : la ferme et RAME !
    - On va perdre, par ta faute !
    - Ouh, putain de bordel… »

    Je jetai vers elle un regard haineux, avant de jauger la situation. Leanne se leva, faisant la fine bouche parce que son pantalon commençait à être trop humide. Elle me regarda, me pointa du doigt, et tonna très fort :

    « Excusez-moi, vous êtes capitaine de CE Navire, chef de notre équipe, c’est donc à vous, Capitaine, de vous sacrifier pour faire en sorte que votre équipage vive ! Donc, pour que JE vive et qu’on ait une chance de remporter la victoire !
    - Tiens, tu me vouvoies maintenant, GROGNASSE ?!
    - Grognasse ? C’est toi la... AHUM ! Avec tout le respect que je vous dois, Capitaine, il est temps de prendre la décision de vous jeter à l’eau !
    - Tout à fait… MADEMOISELLE, et puisque je suis en effet capitaine de cette équipe… »

    J’attrapai dans mes mains la valise du début de l’aventure, valise en plastique mais assez résistante pour lui en coller une bonne. Avec le même regard noir, les pieds dans l’eau de la barque qui coulait trop vite, je lui pointai du doigt avec un rire sadique :

    « Je te condamne au supplice de la planche !
    - QUOI ???!
    - Maintenant, CASSE-TOI ! »

    BAM !
    Et la mallette dans sa gueule. Leanne poussa un cri strident avant de tomber dans l’eau, s’immergeant totalement. Je n’y étais pas aller de main morte, mais au moins, j’avais la paix. Et avant même qu’elle ne puisse refaire surface, je me remis à ramer, vite. Très vite. Elle remonta à l’air et cracha de l’eau par le nez, commençant à pester contre moi, à m’injurier, à insulter tous ceux qui passaient à côté d’elle et qui ne l’aidaient pas à sortir de son supplice humide. Elle pleura ensuite pour son brushing parfait, définitivement foutu. En bref, ses jérémiades eurent au moins l’avantage de distraire les autres qui passaient à côté, assez pour les ralentir.
    Ma barque heurta un petit récif. J’approchai de la fin du concours, mais mon embarcation, trop rempli d’eau, finit par couler. L’on entendait autour du lac les hauts parleurs clamés l’arrivée d’un des participants, qui était enfin parvenu à s’approcher de la récompense sans être totalement trempé. Les pieds dans l’eau, j’avançai à tâtons vers le plus gros rocher ou se tenait la victoire.

    Un saut plus tard, j’y parvenais, en même temps qu’un gus qui me regarda un temps, en se demandant comme une fille comme moi pouvait réussir ce concours, avant de se recevoir mon pied dans la figure et tomber dans l’eau.

    A moi la victoire.
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