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Ma soirée pyjama avec Ragnar, "le guérillero de l'Amour"

On est dans la Fun House:
Or donc j'ai glissé sur l'instant présent, une fois de plus, me fracassant le gueule contre le futur. J'ai aucune idée de comment s'est fini ce convoi ! Peut-être tout le monde est mort sauf moi ? Pourquoi j'ai tout oublié ? C'est comme si ça s'était jamais passé.

Je suis affalé sur mon trône, incapable de lever mon boule ! J'ai bu tellement de HYPE, tu sais, ce liquide envoûtant qui catapulte ton esprit par-delà plusieurs galaxies avant de le laisser revenir à son rythme dans ta carcasse, à la manière d'un boomerang ? Eh bien mon esprit je l'ai paumé haha ! Sur le retour, il a du se retrouvé bloqué par un trou noir, ou il s'est fiché dans une nébuleuse un peu trop dense ?

J'ai perdu mon esprit, et le résultat est que ma chair, ma pauvre chair, est devenue désespérément lourde, elle se fait submerger par la gravité. Que faire ? Ça fait des heures ou des jours depuis que je suis revenu du convoi, ou alors des mois on est pas à ça près, je suis planté là dans la salle du trône, à compter les atomes et à leur donner des noms, à voyager à des vitesses supraluminiques à travers l'existant et l'inexistant.

Puis là, tu as Amanda, ma très chère Amanda, elle déboule dans la salle du trône, et déblatère des conneries pas possibles, à propos d'un visiteur qui aurait toqué à ma porte.

- Je suis actuellement déchiré à l'eau rouge et à la colle noire Amanda. Tu me casses les oreilles avec ton blabla. "Y a quelqu'un à la porte !" ouais bah fais-le rentrer quoi et offre lui un ch'tit café on va pas y passer la nuit.
- Y a quelqu'un à la... Attends, tu as deviné ce que je venais t'annoncer ?
- Ben oui, tu l'as dis avant d'arriver dans cette salle. Ta réplique était encore dans le futur à ce moment-là, mais je suis pas sourd, alors je l'ai quand même entendue.

Entendre le futur, pour tout te dire, c'est de plus en plus fréquent ! J'ai multiplié les voyages à travers les non-mondes derrière l'univers ces derniers temps, ça m'a bien déphasé avec notre espace-temps, je souffre d'un décalage horaire métaphysique. Je comprends même plus pourquoi on s'amuse à différencier futur et présent, c'est la même merde non ? Le Temps, c'est de la branlette.

- Si tu es si high que ça, il vaut peut-être mieux que je demande à ce type de repasser plus tard. Il est pas commode, connu, et assez balèze. S'il veut te péter la gueule, tu vas encore finir dans le compost, et ça sera encore bibi qui nettoiera ta merde.
- Fais-le venir dans la salle du trône, ok ? Qui est ce petit homme ?
- C'est Ragnar. "L'Empereur", tu vois ? Une star, un grand nom, un gros calibre. Un commandant révolutionnaire.
- Ah ! C'est un ami alors non ?
- Ben non, tu viens d'aider le gouvernement à gérer un convoi.
- Je comprends plus rien du tout. Ça empêche pas d'être ami.

Ragnar, j'ai du déjà entendre ce nom, mais ma mémoire tu sais, elle remonte pas loin, parce qu'il me manque un bon 74% du cerveau que j'avais à la naissance, et il contenait tout les trucs un peu nuls comme la mémoire à long terme, ce gadget qui te fait vivre dans le passé, et qui t'ouvre à la connaissance. Ragnar ah oui ! C'est un spécialiste révolutionnaire de la bagarre c'est ça ? S'il décide de m'arracher les dents tu crois que les gencives viendront avec ? Oh la la la la hype hype hype !

- Amanda, est-ce que ce Ragnar veut me taper ?
- J'en sais rien, il a pas développé le motif de sa visite.
- J'espère qu'il va me taper.
- J'espère qu'il va tous nous taper.

Mon cerveau semble être habité par une famille d'asticots depuis que je me suis évanoui dans le compost la semaine dernière ! Les parents asticots je les entends parfois se murmurer des cochonneries et ensuite ils baisent, en plein milieu de mon lobe frontal, tu le crois ça ? Non mais on est où...

- T'es encore là Amanda ? Hmmm...

Wow wow elle est déjà partie, un vrai électron cette petite, impossible de déterminer sa position exacte je sais juste qu'elle doit être quelque part dans mon nuage électronique... J'essaye de me lever, mais mon cul est vissé sur mon trône, de plus, quelque chose est aussi vissé dans mon cul. Ma gadoue est en train d'absorber la quincaillerie qui compose mon joli siège. Faut que je me calme je suis trop excité ! Quand je suis excité, ma gadoue, prise d'une crise d'amour, se met à tout dévorer autour d'elle.

Mon esprit, qui est étalé dans l'univers comme une marée noire, tourne au ralenti. J'ai mal, aux fesses, aux tripes et à la tête, alouette, et cette douleur se propage en slowmotion à travers mes nerfs. Trop cool.

- Amanda ? Mon corps est en train de bouffer mon trône, et je sais pas comment réagir. Tu peux me décoller ?

Personne répond. Amande partie réceptionner l'invité, et mes doppiosters, je sais pas, j'imagine qu'ils sont dans un coin de la Fun House, en train d'étaler leurs fluides sur les murs ? Je reprends une gorgée de HYPE. J'ai des bouteilles de HYPE, des centaines en stock, des milliers, qui se remplissent, et plus t'en bois, plus elles sont pleines. Ragnar il va aimer ah ça oui, vivement qu'il arrive ! C'est qui Ragnar, déjà ?
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Ragnar ne se réjouit pas vraiment d’être encore sur les lieux. Il s’imaginait siroter un cocktail après s’être éloigné de ce lieu, trinquer avec ses camarades après avoir survécu à cet énième convoi. Mais non. D’autres affaires l’appelaient au cœur même de Dead End. Le nom de ces affaires : Doppio. D’après les informations, encore un type avec un pète au casque, plutôt dangereux, qui semblait se diriger vers la voie gouvernementale. Il n’était pas au courant de tous les faits d’arme de ce mec, mais l’Atout n’a personnellement jamais eu à faire à lui, directement ou indirectement. Alors ce Doppio, représentait-il un danger pour la Révolution ? Peut-être pas tant que ça. Il ne détenait pas vraiment d’informations de valeurs. Elle perdait néanmoins un puissant atout.

Alors Ragnar s’approcha d’un endroit miteux, délabré, aussi bien isolé qu’un gruyère, faisant goutter le sang à chacun de ses pas. Ce n’était pas son sang. La bataille fut un peu plus meurtrière que présagée et le révolutionnaire n’était pas du genre à cogner avec le dos de la cuillère. Il frappa à cette porte qu’il aurait pu fermer tomber en soufflant dessus tant elle était abîmée. Une femme ouvrit la porte elle l’accueillit à peu près convenablement. Il ne s’imaginait tomber sur une espèce de secrétaire dans un lieu pareil. Une femme momifiée au regard terrifiant. Cette histoire commençait déjà à lui plaire.

Dissimulés un peu partout autour de cette ruine, quelques soldats révolutionnaires, dont Yami et Suelto, prêts à intervenir. L’Empereur ne pouvait se déplacer seul. Il fallait toujours quelqu’un pour lui torcher le cul, mais surtout pour nettoyer les merdes qu’il laissait en chemin. Il avait cependant ordonné aucune intervention de ses hommes. Il entra alors dans l’antre du diable. Il suivit la demoiselle dans cette pénombre d’où il pouvait sentir la présence de nombreuses personnes, elles aussi dissimulées dans l’ombre. Ils entrèrent dans une grande salle, délabrée, poussiéreuse, au fond de laquelle se tenait un trône boueux. Ragnar comprit que la boue n’était autre que Doppio.

Une traînée de sang avait suivi l’Atout jusqu’à cette salle. Ce sang provenait de la tête de Fuku Teitoku, le vice-amiral face auquel il combattit quelques heures auparavant. Ayant empoigné la tête par les cheveux, il regarda une dernière fois ce visage vide. Il jeta la tête en direction du trône. La tête s’écrasa avant et roula lentement jusqu’au pied du futur corsaire. « J’ai ouïe dire que tu comptais rejoindre les baltringues maniérées du gouvernement, alors tu leur transmettras ce petit cadeau de ma part, en guise de salutations. »

L’Atout s’alluma une mèche et observa cet être peu rassurant en train d’ingurgiter. Il n’était pas certain d’avoir été compris, et c’était là un gros souci, car sa présence ici en signifierait plus rien. Il était seulement défoncé. Une blessure ? Une drogue ? Ce type avait de toute évidence agit contre la révolution et le seul motif, pour un dangereux chenapan tel que lui, c’était pour recevoir la grâce des bons samaritains du gouvernement. Quel dommage, pensa le révolutionnaire. Maintenant qu’il avait pu l’avoir en-face de lui, il se dit qu’ils auraient pu bien s’amuser ensemble. Cela semblait maintenant irréalisable.

« Dis-moi, l’ami, pourquoi quitter la cause ? Les idéaux ne te conviennent-ils plus ? Tu te retrouves dans une autre philosophie ? Celle du Gouvernement Mondial ? Malheureusement, mes fonctions m’obligent à tenir ce rôle de papa juste et bienveillant qui essaye de comprendre le comportement de son enfant en pleine crise d’adolescence… Si tu veux tout savoir, ça m’emmerde. »

Pis il remit sa clope au bec en savourant pleinement cette saveur qui lui gratta la gorge.
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« "La cause"... ? »

La cause qu'il dit ! C'est quoi déjà ? Une connerie de Craig, du Craig d'autrefois, tu vois ? Le Craig 2.0, flambant neuf, occupé à dégouliner sur son siège devant toi, il a plus de cause : il a la teuf. La giga teuf, inarrêtable, complète.

Cet Empereur se ramène nonchalament chez moi, me menace de remplacer mon papa pour me flanquer des fessées, et me présente une tête fraîchement séparée du reste de son corps. Ragnar, ton savoir-vivre me semble tout à fait légendaire, je vais en chier à suivre une telle courtoisie : JAMAIS rencontré un type aussi bien élevé de TOUTE ma vie ni de toutes mes incarnations précédentes, que ça soit en tant que Craig ou en tant que larve non-vivante dans l'océan primordial du monde.

« Haha, merci pour le cadeau ! Il te place de facto comme un mec formidable, je vais adorer t'écouter je le sens. »

Sur un tapis de vase la p'tite tête de soldat roule doucement jusqu'à m'arriver dans la palme, et ! Et !

La tête VOLE ! Dernier ride avant l'enfer pour le vice-amiral Bidule. Je voulais déglinguer une vitre, mais ratée de peu ! La gueule est allée s'aplatir contre le mur et je me retrouve avec un charmant papier-peint cérébral d'été ! Faut que tu me ramènes plus de têtes Ragnar, je VEUX ce motif, je le veux partout, sur les murs aux plafonds sur le sol, cerveaux partout, Ragnar... Plus y a de cerveaux étalés sur les murs et plus ma maison deviendra intelligente...

« M'amener une tête dès la première rencontre... Si tu voulais me draguer tu t'y prendrais pas autrement, coquin, roh la la la... »

Tu t'échauffes Ragnar ! Ça me demande un effort de concentration délirant d'aligner trois phrases cohérentes hein, le prends pas mal, ma cervelle est une passoire, les pensées y restent pas longtemps. Me décapite pas tout de suite s'il te plaît ! Quoique le coloris verdâtre de ma cervelle serait de bon goût tapissé sur le sol.

« Ok ok Ragnar, je t'explique. Tu m'écoutes avant de me coller la fessée ? Ok alors écoute : je suis mort il y a quelques années, j'ai visité le Vide puis j'en suis revenu, j'étais alors devenu autre chose qu'un homme-poisson. J'étais devenu éternel, intangible, capable de convertir la douleur en Fun. Ok alors, écoute... Tu as vu mes copinous ?

Tu les as pas vus ? Tu aurais remarqué leurs sourires béats. Leur bonheur t'aurait sauté aux yeux. Parce qu'ils n'ont ni cause, ni espoir. Ils ont pas peur de la mort, ni de moi, ni de toi, ni d'un amiral et ni d'un dieu. Ils sont juste affamés de Fun. Ils sont infiniment libres et ne répondent qu'à l'urgence imposée par le Fun, et quand le Néant vient les cueillir, ils sont pliés de rire.

Ils ont atteint un degré de liberté dangereusement génial ! Tu imagines si mes joyeux amigos étaient protégés par un corsaire ? Ne serait-ce juste que quelques mois ? Le Fun exploserait Ragnar, le Fun exploserait... Il se propagerait sans plus aucune retenue... Ça foutra des villages, des îles, des mondes, des galaxies, sans dessus dessous...

Tu te trompes Ragnar, c'est pas une histoire de "cause" ou d'idéal. C'est une histoire de Fun »

Il voit pas non, ça percute pas ? Oh la la la ça tourne pas rond sous ma caboche. Pourquoi je lui parle ? Une goutte de HYPE vaut mille mots. Buvons Ragnar merde ! Bah oui. Faut qu'on boive et qu'on voyage ensemble, et ensuite bah tu pourras me décapiter puis utiliser ma gueule béante comme encrier, ça m'honorerait à fond.

« Tu sais, Ragnar, les mots sont faibles. Si tu bois avec moi, à la santé du Vide, je te garantis que tu comprendras TOUT, de A à Z. Cette eau rouge est magique, tu vois ? Son nom c'est : la HYPE. Je t'escorte, on va visiter ensemble les coulisses de l'univers, et ensuite on se baignera dans le Néant. Ça te fera du bien, t'as l'air tout tendu. On boit ensemble hein ? Si on boit dans la même bouteille, on se comprendra. Je serai connecté sur le canal Ragnar et toi sur le canal Dopidop, en DIRECT.  »

Que je lui tends la bouteille ! Dépêche toi de la chopper Ragnar, j'ai le bras qui tremble... ou pète-moi le bras, fais quelque chose quoi, vite...

« F-Faut que tu t'approches, j'arrive plus à lever mon cul...  »
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Putain. Il est encore plus dingue qu’on ne me l’avait décrit, pensa l’Atout. En plus d’apprécier le cadeau de l’Atout, l’homme-boue en fit de la purée sans cacher sa volonté d’en avoir davantage. Pas vraiment la réaction attendue mais pas réellement une surprise. L’histoire de ce type était assez complexe. Il était quelqu’un d’autre. Il était mort. Pis il revint à la vie, perdu, à la recherche de… fun ?  En le regardant d’un peu plus près, ça semblait plutôt juste son histoire d’homme-poisson.

Quant à ses copains, l’Empereur les avait bien repérés et même pris le soin de ressentir leurs émotions. Ils étaient instables mais ressentaient des choses intenses. Des dégénérés en somme. Ragnar comprenait peu à peu dans quel genre d’endroit il se trouvait, quelle était la volonté de Doppio… Il ne désirait pas se battre pour la cause, il ne l’a jamais désiré. Comment lui en vouloir ? L’homme était complètement perdu.

Devenir corsaire n’avait pour but que de protéger son petit monde. Cette rencontre devenait embarrassante. L’officier révolutionnaire s’imaginait faire le ménage, comme à son habitude, mais il se retrouvait face à un personnage qui, finalement, ne méritait pas spécialement ce sort. Il lui proposa de boire de sa boisson, aux effets bien trop étranges, mais Ragnar rêvait de boire quelque chose. N’importe quoi qui glisserait dans sa gorge.

« Allez, file-moi donc ta gourde, vieux ! »

Apparemment, tout deviendrait plus clair après avoir bu de cette HYPE. Fervent aventurier, le révolutionnaire saisit la bouteille et but une belle rasade de cette drogue. La boisson lui gratta la gorge et il attendit. Au bout d’une trentaine de secondes, les effets furent à la hauteur de ce que présenta son nouveau camarade d’infortune. Il tangua et ses pensées furent absorbées par un torrent d’informations. Lui appartenaient-elles ? Il l’ignorait. Mais les effets étaient absolument incroyables. En quelques secondes, il eut l’impression de se mettre la cuite de l’année.

« Putain. Tu sais, Dop’, j’étais venu pour te massacrer initialement, comme tous ceux considérés comme des traîtres. C’est ça mon boulot, j’suis à la fois l’épée et le bourreau de la révolution. C’est un peu ma famille, comme toi avec ceux du fun, tu les protèges comme je protège les miens. »

Ragnar transforma l’un de ses bras en une tentacule d’encre de laquelle il saisit un vieux tonneau qu’il me ramena. « Faut absolument que j’pose mon derche, je n’tiens plus debout. » Le regard du jeune officier sombra subitement. Se serait-il fait avoir ? Le droguer pour permettre au Gouvernement de le capturer ? Non. Il virait à la paranoïa. Il aurait détecté des intrus et ses hommes les auraient remarqués. Il déraillait. La boisson était trop forte pour tenter de la contenir.

« C’est fait à base de quoi ton truc ? C’est complètement assommant. J’suis à deux doigts tomber. Enfin dix secondes en arrière, j’étais presque à vouloir me foutre sur la gueule. C’est fluctuant. Aaaaaaah ! Bon, c’est quoi la suite pour toi, Dop’ ? Quand je m’en serai allé, que feras-tu ? »

Phase d’excitation. Les bras de Ragnar s’allongèrent et saisirent l’homme-poisson par le cou. Il le rapprocha tout proche de son visage, le regard meurtrier, affamé et excité, les dents serrés et la bouche baveuse. « QUE VAS-TU FAIRE? »

Avant de retomber dans sa phase descendante, l’Atout jeta violemment Doppio contre son siège. Il voulut caler sa tête contre ses mains, mais la boue présente sur ses mains l’en empêchèrent, dégoûté. Il avait l’impression que des jours s’étaient écoulés. Il avait soif. Faim. Mais surtout soif. « À boire… donne-moi à boire, Dop’... »

Puis dans un élan de lucidité, il retrouva partiellement sa vision périphérique qui lui indiqua qu’un objet se trouvait à ses pieds : la bouteille. Depuis que Doppio lui avait filé, le révolutionnaire ne s’en était pas séparée. Il réalisa qu’une seule gorgée de cette boisson pouvait anéantir la vie de nombreux hommes puissants.

« Mais quelle merveilleuse sensation ! »
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« Tu m'as décollé ! Tu as réussi ! Tu m'as libéré Ragnar, tu m'as reposé sur mes jambes... C'est ça, la vraie révolution... Rendre leurs jambes aux gens... »

T'es un sacré Empereur toi Ragnar non ? La HYPE tu vois c'est un catalyseur de Fun mais aussi un accélérateur d'empathie : plus je te regarde et plus le Vide devient bavard à ton propos : il m'explique ta brutalité, ta guerre, ta haine du gouvernement, et puis les idéaux doux terrés derrière cette violence, et puis y a cette douceur qui cohabite avec cette violence et c'est qui que tu préfères entre ces deux-là ? Tu voudras quel monde à la fin Ragnar ? Est-ce que dans le monde d'après y aurait encore la place pour les gens comme toi ou les gens comme nous ?

Non elle est sans issue ta voie Ragnar là hein. Va falloir que tu me suives, je crois, qu'on fasse un bout de route ensemble, en direction du Fun.

« Je sais pas ce que je ferai quand tu seras parti. Peut-être que je me branlerai encore ici quelques années ou quelques siècles ? Que je sortirai avec les copinous en excursion sur le port et que ça finira en effusion de sang avec des navires et des gens en flammes ? Que j'organiserai la 5ème édition de mon fameux tournoi d'arrachage d'yeux ? Les possibilités sont infinies je peux pas savoir ce que je ferai quand tu seras parti... Elle est trop floue ta question là. »

Bon par contre quand tu m'as jeté tu aurais pu faire gaffe parce que t'as fais tomber un de mes bras. Il est où ? Où est mon bras ? Tu sais quoi on s'en tape d'un bras, on s'en tape d'un bras quand on a des JAMBES, j'ai les jambes frêles, tremblotantes, les jambes d'un bambi tout frais sorti du cul de sa mère, mais je suis capable de danser pour toi Ragnar, regarde ça : j'improvise pour toi un court mais intense swing avant de déraper sur une flaque de chiasse et de me fracasser le museau contre la pierre, dans l'hilarité générale.

Ben t'as encore soif Ragnar ?

« Sers toi ! Tu pourras jamais vider mon stock, c'est mathématiquement impossible ! Plus t'en bois, plus y en a. La HYPE réapparaît après avoir été bue, parfois elle se multiplie. J'ai des bouteilles remplies qui apparaissent sous mon trône, dans mon matelas, parfois même dans mon slip, je sais pas toujours d'où elles sortent ! C'est le Vide qui les génère ! Qui l'importe dans notre monde... C'est la HYPE quoi... C'est trop bon, c'est magique, c'est trop bon. »

Il acquiesce, je sais pas si c'est avec des mots ou avec son âme ? T'es d'accord ou pas ? Il s'envoie des rasades énormes, il boit ma HYPE comme du petit lait, ce type a une descente monumentale, et lorsqu'il constate qu'effectivement malgré les hectolitres de HYPE qu'il s'enfile, le niveau dans la bouteille refuse de baisser, il me mate avec les yeux d'un enfant qui surprend Papa Minoël lui déposer des cadeaux sous le sapin. ADORABLE.

Tandis qu'il nage dans la HYPE, je reprends mon entreprise de danse ! C'est encore PLUS dur et je manque encore de me rétamer, t'as encore plus de vase par terre, et en PLUS Ragnar y ajoute de l'encre, une encre tordante qui n'a pas envie de sécher, elle serpente sans but dans les parages et semble suivre les tressautements du pote Empereur, laissant une signature tremblotante derrière elle. Il dédicace la Fun House ! A-DO-RABLE.

Son cerveau doit être noyé ! La première fois est toujours la plus dingue. Elle casse la grande illusion qu'on t'impose comme réalité, elle te fait visiter des milliers de paysages fantastiques en quelques minutes. Tu l'as Ragnar ! Ce "truc", là, qui fait déborder les émotions dans le monde extérieur ! Cette faculté à émettre et recevoir les voix silencieuses ! Je sais que tu l'as, ce "truc", parce qu'il est en roues libres. De ton crâne jaillissent des faisceaux d'émotions chaotiques, elles illuminent la salle du trône ! La HYPE rend ce "truc" déchaîné, à l'heure qu'il est, mon cerveau doit être un livre ouvert pour toi, un livre pour tout petits de 3 à 6 ans.

« J'ai reçu une balle, là, entre les deux yeux. Un gros trou béant dans la cervelle de Craig, dans lequel s'est engouffré Doppio, la chose magnifique dont je suis devenu la marionnette, et dès lors je suis devenu un artisan passionné du Fun... et un explorateur de l'espace profond... Je dois l'avouer, me faire percer la cervelle a été le plus heureux évènement de ma vie... Tout ce qui s'est passé avant que ce marine ne répande ma matière grise dans la nature, bah ça n'existe plus, c'est les souvenirs d'un autre... J'ai été nettoyé ! Nettoyé par le Vide !

Voilà tu sais tout de moi Ragnar ! Et toi alors t'es qui finalement ? On vit comment sur la planète Ragnar ? On y mange quoi, on respire quoi ? »
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« J’suis content de te l’entendre dire, camarade. C’est ça, la révo’, on rend les jambes aux pauvres gens qui en sont dépourvus depuis longtemps. »

Il s’efforça de répondre correctement. Il repartit dans un immense tourbillon sensoriel. Ce coup-ci, contrairement à la première fois, il comprit que ses pensées se mélangeaient à celles de Doppio. Il bloqua l’essentiel, les pensées interdites, celles qui ne devaient être aux mains de personne d’autre que lui. Cela lui coûta beaucoup, surtout sous la puissante emprise de son nouvel ami qui n’hésitait pas à se fondre en lui.

C’était un passionné, un amoureux de la vie, de Sa vie. Le Gouvernement Mondial ne l’intéressait absolument pas. Cette harmonie, cette symbiose  dans le mélange de ces deux êtres, de ces deux mantras, était une expérience unique en son genre. Ils n’avaient même plus besoin de parler à haute voix pour se comprendre. C’était ça Doppio. Un homme qui expérimentait sans arrêt. La HYPE en était un parfait exemple.

« Merci Doppio pour cette chose que je peux boire à souhait. De quand date ma dernière mine ? Une bonne paye, hein, fit-il avant d’écouter le court récit de cet homme brisé. »

Homme brisé qui ne savait pas vraiment qui il était. Craig, Craig… ce nom m’évoque vaguement quelque chose, pensa le révolutionnaire. Une balle dans la tête l’avait vraisemblablement fait disjoncter. Aussi sympathique était cet être sauvage, selon Ragnar, il était complètement fêlé. Un fêlé heureux, certes, mais un fêlé quand même. D’après Dop’, cet événement fut une bénédiction. Grand bien lui fasse, se dit l’Atout.

« Moi, fit Ragnar après une nouvelle rasade, ma vie est tout à fait basique. Je n’ai jamais connu mes parents, comme beaucoup d’enfants, mais j’ai été adopté par mes grands-parents. Honte à moi, depuis mon départ à l’aventure, je n’ai plus jamais pris de leurs nouvelles… peut-être sont-ils morts ? Putain Doppio. Hier encore, j’étais un homme tout à fait basique, sur une île tout à fait basique, à vivre comme un paysan tout à fait basique.

J’étais aveugle autrefois. Mais finalement, c’était pas mieux ainsi ? L’horreur de ce monde, Dop’, tu la vois aussi. Ma guerre est peut-être inutile et fait couler bien plus de sang, mais j’peux pas rester immobile face à tout c’qu’il se passe. Tu vois Teach ? J’vais me foutre sur ma gueule avec ce gros taré. Pourtant, ce n’est pas un agent du Gouvernement Mondial, mais ce n’est mon seul ennemi. Moi, Doppio, j’veux seulement que les gens soient libres.

Si un jour le gouvernement nous dit qu’il abolit l’esclavagisme, peut-être prendrai-je ma retraite. Enfin bref, j’me perds. Je n’ai jamais connu mes vieux et je dois absolument prendre des nouvelles de pépé et mémé. D’après ce que j’ai pu apprendre il y a fort longtemps, mes parents seraient des agents révolutionnaires. Mais comme j’suis con, je n’ai jamais pris le temps de vérifier. Quoi de plus simple avec mes nouvelles fonctions ? J’peux avoir toutes les infos que je veux.

En fait, j’suis une sorte de général depuis vraiment pas très longtemps. Ça fait même pas un an, et depuis lors, j’crois que c’est la première fois que je me permets une pause. Ma vie se résume en un point : les champs de bataille. Je suis le bras armé de la révolution, je combats le mal autant que je peux. Peut-être suis-je moi-même le mal ? Avec le sang versé, je suis forcément un sale type. Mais si c’est pour un avenir plus radieux, alors je m’en contenterais.

Sinon, j’aime la bière. Considérée comme une boisson de pauvre, je trouve que bien fraîche, elle est juste délicieuse. Les gens raffinés aiment le vin ; les méchants pirates le rhum ; et moi la bière. On n’discute pas avec les goûts. Mais je t’avoue que ces derniers jours, j’ai bu beaucoup de sang ennemi, qui a bien trop souvent éclaboussé sur ma figure. »
Un bref résumé de la vie d’un des hommes les plus recherchés de ce monde. Un homme assez simple globalement. Un barbare qui défendait ses idées, qui se remettait parfois en question, mais qui n’abandonnait pas pour autant. Étaient-elles justes ? Légitimes ? Était-ce un projet viable ? Pas une journée ne commençait sans qu’il ne se posât la question.

« Allez, lève-toi, Dop’. Je n’ai pas envie de te tuer et je ne le ferai pas. Mais vois-tu, même le général de la révolution est observé par un service interne, alors je dois au moins faire semblant d’avoir essayé de t’arrêter. Tu comprends ? »

L’Empereur se leva et jeta la bouteille sur le côté. Elle était vide. Son monde tanguait méchamment mais il tenait bon.
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« On a besoin d'un public pour ce genre de démonstration Ragnar, allons dehors là où la ville ainsi que le reste de la galaxie sera capable de nous mater et de se pignoler devant notre performance, un public de pignoleurs c'est une fiesta réussie  »

Tu sais depuis combien de temps j'ai pas affronté quelqu'un capable de m'enfoncer une vraie, sincère douleur dans les nerfs ? Mille trois cents cinquante quatre ans en temps doppien -ça fait environ 8 mois terrestres ! Mes nerfs crient famine, ratatinés et froids ! Prépare leur à manger Ragnar, c'est toi le chef ce matin -ce soir -cette nuit -il est quelle heure ? -on est encore sur Terre ?

« Tu es encore aveugle Ragnar, les yeux ça sert à rien tu crois que je me sers encore de ces trucs moi ? J'utilise mon pif et mon âme c'est les deux seuls organes qui te renseignent sur la nature du monde : le paradis pue la pisse et le sang, je peux te le confirmer car j'y habite. Allez suis-moi on va visiter mon pays puis je te ferai découvrir la gastronomie locale !  »

Il me suit bien sûr qu'il me suit, une bouteille à moitié remplie dans la main, savais-tu que pour les vrais explorateurs du Vide ces bouteilles se remplissaient parfois dix, voire quinze fois plus vite que la normale ? On s'écoule lui et moi à travers la Fun House, drainant des Clubistes curieux dans notre sillage, ils flairent l'imminence de la violence entre amis et ça les excite comme des puces devant un eczema de clébard.

Je vais pas te le cacher Ragnar on a bien fait quatre ou cinq fois le tour de ma maison et je suis totalement paumé. C'est l'inconvénient de la vision en sept dimensions : tu peux plus te repérer dans les trois de base parce que c'est un méli-mélo total tu vois ? On va s'arrêter là : dans le jardin que j'entretiens derrière la Fun House, ouvert au public : j'y plante essentiellement des végétaux humains ! La botanique organique fait partie de mes passe-temps préférés je te montrerai Ragnar, le truc c'est de planter les jeunes encore bien vigoureux, et d'utiliser les plus vieux comme engrais. Les bras poussent plus vite que les jambes, ça je me l'explique pas, et ils sentent moins fort aussi. Alors tu seras pas choqué qu'il y ait une écrasante majorité de bras plantés dans mes allés !

Amanda est là aussi, mêlée à la foule, un large sourire perçant ses bandages. Elle sait comment ça va se finir, elle s'en réjouit d'avance, elle sait que le sang va couler et nourrir les jeunes pousses, et ce sang viendra des veines de tout plein d'êtres vivants différents, sans distinction de race de sexe ou d'origines sociales : tu trouves pas ça tip top Ragnar ?

« Devant la mort et la douleur on est tous égaux ! Si on tuait tout le monde dans l'univers on aurait plus de soucis d'équité : mourir c'est la clé de la liberté »

Mon trait d'esprit se répand dans l'assistance qui s'ébroue dans un brouhaha de rires et de pets sonores... Ragnar est pas convaincu alors il se reprend une énorme rasade pour mieux saisir la portée de mes mots... Une fois le breuvage gobé, son regard clignote et un rot gras s'échappe de son tuyau à manger : il balance la bouteille dans la terre et me mate avec la ferme intention de révolutionner ma gueule.

Tu serais capable de me buter sans faire exprès j'en suis sûr Ragnar ! C'est ton âme qui me résume ta vie : de la bagarre, de la bagarre, toujours plus de violence, des idéaux dissolus dans la violence, qui ont forgé un combattant capable de jouer de mes vertèbres comme on joue du xylophone ! Après ça on pourra aller rendre visite à Teach ensemble non ? Pour le plaisir simple et vrai de tartiner du chaos sur encore plus de chaos ?

« Les profanes appellent ça un "combat amical" mais nous autres qui avons un palais raffiné pour ces choses-là nous les nommons "une mégateuf rituelle". »

Une tête vaseuse émerge de mon cul, puis un torse et ses bras, puis un golem entier ; allez hop hop on commence Ragnar !
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Ragnar se faisait balader depuis un moment par son nouvel ami, sans réellement savoir où est-ce qu’ils allaient. Le savait-il lui-même ? Le révolutionnaire le suivit malgré tout, sans rechigner, buvant patiemment cette interminable bouteille. De son côté, il s’habitua à ce tourbillon d’informations, cette sensation de légèreté qui donnait l’impression de flotter dans les airs. C’est donc ça, voler ? Ils continuèrent leur marche jusqu’à se trouver à l’extérieur, à la vue de tous, la foule en délire. C’est donc devenu ça, Dead End ? Le temps s’écoulait lentement. Les rires et paroles alentours l’étaient touts autant.

« Un combat amical ? Marmonna le révolutionnaire, songeur. »

Il partageait complètement l’avis du Dop’. Ce terme barbare, « amical », ne faisait pas partie de son patois. Chaque affrontement était unique. Certes, certains d’entre eux étaient mortels, d’autres servaient d’entraînement, et d’autres encore n’étaient là que pour le plaisir. Mais même ces combats animés par la passion, le plaisir de partager un moment intense avec des êtres chers, ne pouvaient être définis d’amicaux. Ils demeuraient rudes et douloureux, provoquant contradictoirement un immense plaisir à chacun des participants. L’excitation ressentie n’était égalable nulle part ailleurs.

« Tu es dans le vrai, Dop’. Se foutre sur la gueule, c’est juste dément. Aucune drogue en ce bas monde peut me satisfaire autant. Pas même ton étrange boisson qui me fait pourtant planer. Ne tardons plus, conclut Ragnar en jetant sa bouteille sur le public. »

Il craqua ses membres et fit entrechoquer ses poings. Il se tourna vers la foule qui les entourait.

« N’hésitez pas à participer, camarades, si bien sur la mort ne vous effraie pas. »

Certains ressentirent des frissons d’excitation, d’autres de peur. L’Atout disparut subitement du champ de vision de chacun. Il n’aimait pas faire attendre les autres, alors il revint bien assez vite, au-dessus du futur corsaire, le poing droit gros comme l’ancre d’un navire et façonné par de l’encre séchée. Le poing s’écrasa avec une étonnante rapidement malgré sa taille. La foule hurla et rigola à plein poumon. Le révolutionnaire ne tuerait son partenaire du jour et savait pertinemment qu’une telle attaque, sans haki, ne représentait pas la moindre menace pour ce dernier.

Le nuage de fumée dissipé, il ne retrouva d’ailleurs qu’un tas de boue qui peinait à se reformer. Non pas que l’attaque fut destructrice, mais simplement que Doppio était trop défoncé. Ragnar réalisa que ce dernier se bourrait la gueule depuis bien trop longtemps et que ses méninges avaient, pour la plupart, sautés il y avait bien longtemps maintenant. Mais celui occupant le siège de la Guerre était trop excité pour attendre autant de temps à chaque fois. Il pourrait frapper cette boue indéfiniment, pour le simple plaisir de fracasser quelque chose.

« Allez, camarade, reprends-toi. Fais-moi me sentir vivant. Fais-moi ressentir cette transe que je ne ressens que trop peu souvent. »

La dernière personne en date ne fut autre que la capitaine de la troisième flotte de Teach. Par ailleurs, sans aucune aide, il serait probablement mort et enterré. Un combat normalement perdu d’avance, mais ce barbare était heureux de l’affronter. Cette fois-ci, bien qu’un peu différent, il ressentait une immense joie à l’idée de prendre du plaisir avec ce type étrange mais chaleureux.

Son corps tout entier tremblait. Il sentit parfois ce dernier lâcher et se liquéfier, mais il tenait bon. Sans même s’en rendre compte lui-même, de légères et minuscules vagues de son royal s’échappaient, presque imperceptibles, mais certains spectateurs commençaient à ressentir de brefs maux de tête. Un sourire méconnaissable se dessinait sur son visage. Suelto Visconti, dissimulé dans la foule, ne reconnaissait pas son ami. Ou plutôt, ne l’avait-il pas vu ainsi depuis bien longtemps. Ragnar ayant gravi rapidement les échelons au sein de la Révolution, son attitude a forcément changé. Ses fonctions actuelles ne lui permettaient plus d’être celui qu’il était autrefois.
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