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L'étranger

Un jet d’eau asperge mon visage et me tire hors des brumes.

« Peuh ! »

Je recrache en toussant ce que je viens d’avaler de travers et mes yeux s’ouvrent péniblement. La pièce est sombre, trop sombre pour que mes yeux fatigués ne puissent distinguer quoi que ce soit de net. Dans l’ombre, une silhouette noire se dessine lentement et se dresse face à moi. Tandis que mes yeux s’accoutument lentement à l’obscurité, la douleur se réveille brutalement. Elle parcourt mon corps de long en large et chaque membre semble brisé, brûlé, tuméfié. La silhouette grossit et s’approche pas à pas, faisant glisser le cuir de ses chaussures sur la pierre froide. Un visage bien trop gros et bien trop carré apparaît sous mon nez. Malgré le manque de lumière qui m’empêche de reconnaître l’homme face à moi, je perçois de larges cicatrices qui fendent son visage, creusant en celui-ci des gouffres profonds.
 
« Encore en vie ? »

Je n’ai pas le temps de songer à une réponse que le revers de sa main s’écrase sur ma pommette, accompagné d’un rire gras comme pour se féliciter de son propre geste. La violence du coup me sonne et je me sens basculer vers l’avant de tout mon poids. Le bruit du fer et le roulement des chaines métalliques se font soudainement entendre. Mes bras sont tirés brutalement vers l’arrière et mon corps est retenu par les bracelets rouillés qui asphyxient mes poignets. La tension dans mes bras me semble encore plus douloureuse que la gifle. Je sens mes épaules fuir, à deux doigts de se disloquer. L’homme s’abaisse et me saisit la mâchoire de son épaisse main. Ses doigts calleux m’irritent les joues et la barbe hirsute qui les recouvre. Sa poigne se resserre et ma tête se relève sous la pression. De son autre main et du bout des doigts, il déplace soigneusement les longues mèches qui cachent mon visage. Une fausse délicatesse, dans le but de m’humilier un peu plus encore.

« Je n’pensais pas que tu réouvrirais les yeux, il aurait été préférable pour toi que tu n’assistes pas à ta mort. »
Mon instinct me somme de recouvrir sa face d’un crachat mais ma raison me conseille plutôt de préserver le peu de salive qu’il me reste et d’éviter d’être torturé stupidement.

« Où suis-je… ? »

Ma vue est floue, mon esprit est embrumé et le fait que je parvienne à rester conscient malgré la douleur qui m’assaille relève plus du miracle ou de l’instinct de survie que d’une infime once de lucidité. Je ne contrôle plus rien. Mon corps n’est plus qu’un fardeau à supporter et je suis bien trop faible pour penser correctement.

« Regarde-toi, tu me ferais presque pitié, rétorque l’homme. C’est bien toi le fier sabreur ? Plein de principes et armé d’une volonté de fer ? Tu croyais que ta petite vengeance resterait impunie ? Peut-être te pensais-tu invincible, invisible, ou bien…imprévisible ? Non mon ami, non… Nous avons des yeux partout sur cette île, nous en sommes les protecteurs. Et quand un homme vient réclamer du sang, s’en prend aux nôtres et à cette terre ancestrale, nous n’avons d’autre choix que de punir, voilà ce qu’il en coûte… « L’étranger ». Vois-tu, ça n’a pas été bien compliqué de mettre la main sur toi, et encore moins d’attraper cette saleté de requin qui te sert de bras droit. Hahaha, le pauvre errait désespérément à Anataka en attendant que son maître vienne le chercher. Quelle férocité ! Quelle rudesse dont il a fait preuve ! Il aura bien fallu envoyer une dizaine de mes meilleurs hommes pour en venir à bout. Mais surtout, ce qui m’a le plus impressionné, c’est sa loyauté envers toi. Un homme honorable pour sûr. »

Vengeance ? L’étranger ? Bras droit ? Anataka ? Tout se mélange dans ma tête et je préférerais qu’elle explose sur-le-champ plutôt que d’avoir à supporter une seconde de plus cette horrible migraine. Les mots vont et viennent dans mon esprit mais plus ils se répètent, plus ils prennent de sens. Tout à coup, comme un éclair, je me sens comme transpercé par l’évidence et tout semble s’éclaircir subitement. Je me souviens… Le sable d’Hinu Town, notre fuite, le corps de mon père au sol, trahit par ceux à qui il avait accordé sa confiance. Je me souviens… ce soir-là, les cris de ma mère déchirant la nuit et les chaines dont on la ceignit. Mais surtout, je me souviens du symbole qu’arboraient ceux qui nous ont trahis et qui nous ont vendus ma mère et moi. Un soleil orangé… l’Ordre du temple des sables. Depuis le jour où j’ai retrouvé ma liberté, mon objectif n’a pas changé : obtenir vengeance et retrouver ma mère. Après toutes ces années, j’ai atterri sur Hinu Town avec Jayce à mes côtés. Je me souviens lui avoir confié une mission : rejoindre la capitale Anataka et récolter des informations sur nos ennemis. Quant à moi, avec l’aide d’une bande d’aventuriers, j’avais réussi à donner le premier coup de poignard à l’Ordre en éliminant un membre éminent de la secte. Un des « apôtres », les types qui dirigent l’organisation. Des chefs, certes, mais qui ne sont en réalité que des pantins obéissant aveuglement à celui qu’ils nomment « sa Sainteté », l’homme qui tire les ficelles : Abu Mussa. Le meurtrier de mon père.

Après avoir abattu l’apôtre, j’avais laissé une note sur son cadavre, ou plutôt un avertissement, une menace à l’encontre de l’Ordre que j’avais signé du nom de « L’étranger ». Car c’est ce que j’incarnais. Un inconnu frappant dans l’ombre et dont les ennemis ignoraient l’identité et les motivations. Jusqu’à présent…
Désormais, tout est limpide. Mes plans ont lamentablement échoué et ce cachot dans lequel je croupis appartient à l’Ordre. Je ne sais pas depuis combien de temps je suis retenu prisonnier ici, ni combien de temps j’ai été inconscient. Mais au vu de l’épaisse barbe qui orne mes joues et de l’étrange sentiment de renaissance qui me traverse, cela doit se compter en mois, sans l’ombre dans doute. Bon sang.

« J-Jayce… »

Le souvenir de mon ami résonne dans ma tête. J’ai envoyé mon camarade en plein danger pour servir mes propres intérêts et je n’ose imaginer ce qu’il a du subir par ma faute. Il n’y a rien qui ne me réchaufferait plus le cœur que de le revoir sain et sauf. Mon esprit se tord de douleur en songeant aux tortures qu’il a du affronter et savoir qu’il a gardé le silence pour me protéger me glace encore plus le sang. M’interrompant dans mes réflexions, le balafré m’assène un coup encore plus violent que le précédent, cette fois-ci avec le poing fermé. Ma tête vacille, mes yeux roulent et j’ai l’impression c’est toute la pièce qui perd l’équilibre. L’homme semble à la fois satisfait et énervé de me voir reprendre mes esprits.

« En revanche, c’est pour moi une très bonne chose que tu te sois réveillé gamin. Sa Sainteté m’a ordonné de vous tirer les vers du nez à toi et ton camarade. Alors tu vois, je suis cloîtré ici à m’occuper de vous depuis trop longtemps. Trop longtemps que j’essaye de faire cracher le morceau à ce putain de requin. Sa Sainteté ne me laissera pas tranquille tant que je n’en aurai pas plus appris sur vos identités et sur vos motivations. On ne s’attaque pas à notre Ordre impunément, votre châtiment servira d’exemple à ceux qui tenteraient de s’en prendre à nous et aux vestiges de Denderah. Donc, mon garçon, je te le garantis, tu vas parler. »
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Mon tortionnaire a disparu, me laissant agoniser avec le visage ensanglanté et un nombre incalculable de côtes cassées. Les chaines qui m’entravent me paraissent encore plus lourdes qu’elles ne l’étaient et mon souffle se fait de plus en plus court. Voilà le prix de mon silence. Malgré les coups qui n’ont cessé de pleuvoir sur moi, aucun mot n’est sorti de ma bouche. A certains moments, j’ai ressenti l’envie de parler, ou plutôt mon corps me l’ordonnait. Mais je suis resté de marbre, incapable de faire vibrer mes cordes vocales. J’en suis conscient, parler signerait mon arrêt de mort. Cependant, je ne pense pas que je puisse survivre à une nouvelle séance de torture, alors si je souhaite rester en vie, il n’y a qu’une seule solution : s’échapper. Encore faut-il trouver le moyen pour y parvenir.

Pendant que l’autre brute me rouait de coups, j’ai concentré le peu de forces en ma possession pour observer minutieusement et discrètement tout ce qui m’entourait. Et j’ai réussi à noter quelque chose de spécial sur la tenue de mon tortionnaire, une particularité qui pourrait s’avérer être ma porte de sortie. A la pointe de ses chaussures sont fixés des sortes de fines barres métalliques, qui sont d’ailleurs responsables de mes côtes cassées. Si je parviens à mettre la main sur l’une de ces barres, peut-être que je pourrais m’en servir pour me libérer. Le principal inconvénient, hormis ma faible condition, c’est que mes bras sont attachés en l’air et que je ne peux tout simplement pas les bouger. En revanche, bien que je sois aussi attaché aux chevilles, mes jambes ont une plus grande liberté de mouvement. Je pourrai donc les utiliser à bon escient lorsque le moment sera propice. Mon plan est prêt. Je n’ai désormais plus qu’à attendre le retour du balafré. Mes pieds seront mes mains et j’obtiendrai grâce à eux l’une de ces barres. Le temps m’est compté et de toute façon je crois bien que je n’ai pas l’embarras du choix.

Une heure passe, peut-être deux. Je me suis assoupi durant ce laps de temps, épuisé par les blessures. Le son du cuir glissant sur la pierre se fait de nouveau entendre, suivi d’un son de clef déverrouillant une serrure. La porte grince et l’immense silhouette réapparaît. L’homme, toujours masqué par l’obscurité, range le trousseau de clefs dans sa poche gauche. Mes yeux sont rivés sur la pointe de ses chaussures et un rictus se dessine aux coins de mes lèvres en constatant que mes outils d’évasion sont bien fixés à leur place. Un rictus qui, visiblement, déplaît fortement à mon tortionnaire qui m’agrippe par la racine des cheveux et me frappe une énième fois en plein visage.

« Qu’est-ce qu’il y a de si marrant, hein ? Je crois que le fait de te savoir condamné te fait délirer, et moi j’ai besoin de toute ta tête pour que tu me répondes, compris ?
- Ferme un peu ta grande gueule.
- Quoi ? »

Les coups se mettent à pleuvoir. Poitrine, visage, jambes, bras, bassin, c’est tout mon corps qui ramasse.

« Tu vas ravaler tes paroles sac à merde ! »

A l’instant où la brute s’apprête à me lancer un coup de poing, je ceinture ses genoux avec mes jambes, resserre ma prise en usant de toutes mes forces à disposition et je parviens à le faire chuter. Juste avant qu’il ne s’écrase sur moi, mon front vient heurter son nez à pleine vitesse. Ma proie avachie contre moi, j’en profite pour mordre son cou à pleines dents. L’homme hurle de douleur et se tortille dans tous les sens pour essayer de se dégager. Ma prise toujours resserrée sur sa jugulaire, je lève ma jambe et d’un violent coup de talon je frappe à la pointe de son pied gauche. Un léger cliquetis métallique s’échappe, masqué par les cris de douleur du balafré. L’homme parvient finalement à s’extirper de mes crocs en me frappant violemment au foie, m’obligeant à relâcher ma prise. Ni une ni deux, le tortionnaire se redresse et malgré l’obscurité qui règne dans la pièce, je perçois sa fureur à travers ses yeux brûlants. Le nez et le cou ensanglanté, il s’essuie du revers de sa manche et sa semelle vient s’écraser sur mon visage dans la foulée.

Je me réveille sonné quelques instants plus tard. Le balafré a disparu, parti sans doute panser ses plaies. Je récupère mon trophée avec mes orteils et je ramène ensuite ma jambe près de mon visage. La barre métallique glisse entre mes lèvres et je la dépose ensuite dans ma main. Je la serre du bout de doigts pour lui donner une forme bien droite et la replace entre mes lèvres. J’approche ma tête de l’une des menottes et place minutieusement la tige en fer dans le trou. Pendant de longues secondes, j’agite ma mâchoire dans tous les sens, faisant pivoter ma clef de fortune pour déclencher le mécanisme du bracelet.

Clic.

Le bracelet s’ouvre, relâchant mon bras amorphe. Je retrouve l’usage de mes mains puis, rapidement et avec plus de facilité, je me déleste des autres menottes, soulageant ainsi chaque extrémité de mon corps. L’envie de rester détaché me traverse l’esprit mais ma libération doit passer inaperçue. Je replace les menottes autour de mes poignets et chevilles tuméfiés et je les referme de nouveau pour faire croire que je suis toujours attaché. Les minutes s’écoulent et j’attends de pied ferme mon tortionnaire pour définitivement régler mes comptes avec lui. Dans le couloir, des bruits de pas se font entendre et le balafré refait son apparition. La porte grince, s’ouvre et il s’avance vers moi. Son cou est entouré de plusieurs bandages et des cotons sont plantés dans ses narines. Son regard est toujours aussi furieux et à travers ses yeux, je le sens animé de pulsions sanglantes qu’il entend bien satisfaire. Il tient dans sa main une grande pince, sans nul doute destinée à m’arracher les dents.

Sans un mot, il s’avance vers moi lentement et à mesure qu’il se rapproche, un sourire édenté se dessine progressivement sur son visage. Je me relève d’un bond, me libérant au passage des menottes qui n’étaient qu’entrouvertes. Le balafré écarquille les yeux, abasourdi par ce geste inattendu. Sans lui laisser le temps de réfléchir, je me jette tête la première sur lui et le renverse de tout mon poids. Placé au-dessus de lui, mes poings se resserrent et je frappe comme un dégénéré, poussant des cris de colère et de soulagement. Les tiges de coton dans son nez ne peuvent plus stopper la rivière de sang qui s’écoule de ses narines. Sa tête se balance de gauche à droite sous la puissance des coups, chaque os de son visage semble se briser et sa respiration devient haletante et sifflante. Il réagit soudainement en me plantant sa pince dans la cuisse. Un râle de douleur s’échappe de mes lèvres, mais cette douleur ne fait que renforcer ma colère. Mes mains viennent se coller contre son cou, mes bras se contractent et je resserre ma prise de toutes mes forces. Le balafré suffoque, s’étrangle, tente de s’extirper en convulsant de tous les côtés mais mon emprise sur lui est bien trop grande. Je sens sa trachée rompre sous mes doigts et je rassemble mes forces dans un dernier effort.

Crac.

Je me redresse, péniblement, le souffle court. Ma main fouille dans sa poche gauche et j’attrape les clefs de la cellule. Le loquet tourne, la porte grince et je la referme derrière moi.
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Le couloir que je traverse me paraît encore plus sombre que la cellule où je croupissais. Je progresse difficilement, la main sur mes côtes cassées, pieds et torse nus, vêtu d’un pantalon en haillons tâché de sang séché. L’endroit est lugubre au possible, le sol est jonché de poussière, les murs suintent la crasse et le plafond est couvert de toiles d’araignée. Je passe devant plusieurs cellules, certaines vides, d’autres occupées par des silhouettes mystérieuses et peu avenantes. A un croisement, je m’arrête devant l’une d’entre d’elles, interpellé par une forme familière à l’intérieur. Je m’approche des barreaux, l’œil alerte, au cas où l’on tenterait de m’attaquer par surprise. L’ombre se dessine de plus en plus, jusqu’à devenir gigantesque. Un homme ? Oui, mais pas n’importe lequel. Un aileron dans le dos, une peau rouge, le sommet du crâne en forme de barre… Je déverrouille la porte à l’aide des clefs et je pénètre à l’intérieur de la cellule. Je m’approche et m’abaisse près de lui.

« C'est bien toi… »

L’homme-poisson relève la tête, surprit. Son regard s’assombrit et les traits de son visage se resserrent.

« Jayce, mon frère… Tout ça est ma faute. Je suis déso…
- Cette barbe…coupe-t-il soudainement. Elle ne te va pas du tout. »

Un rire sincère et sonore dévoile ses longues dents aiguisées. Nulle colère, nulle rancœur, malgré son piteux état, la joie de me revoir en vie transparaît sur son visage. J’affiche un sourire, très vite écourté quand je constate les innombrables ecchymoses et blessures en tout genre qui recouvrent son corps.

« Ils ont essayé de me briser les dents, de me transpercer la peau, mais ces vauriens ont sous-estimé la résistance d’un requin. Shashashasha ! Tu aurais du voir leur tête quand je croquais à pleines dents dans leurs outils de torture.
- Tout ce que tu as subi, c’est ma faute ! Si je ne t’avais pas embarqué dans mes idées vengeresses, tu n’aurais pas eu à vivre tout ça.
- Garde tes salades pour toi. Nous avons traversé bien pire. Ces chaînes ne sont rien à côté de celles que nous portions esclaves. Maintenant, dépêche-toi de me détacher et filons d’ici. »

Je m’exécute sans dire un mot de plus, toujours aussi fasciné par la loyauté et la droiture dont il fait preuve. Après l’avoir délesté de ses chaînes, je l’aide à se relever en passant son bras autour de mes épaules. Il est en bien plus piteux état que moi et a du mal à avancer. A travers son regard, je le sens lutter contre la douleur qui le ronge de part en part. Ses dents grincent et sa mâchoire se serre, chaque pas qu’il fait s’accompagne d’un râle qu’il essaie de réprimer. Il est bien trop faible pour pouvoir se battre, il va falloir éviter la confrontation. Mais si celle-ci est inévitable, il vaudrait mieux mettre toutes les chances de notre côté. Des adeptes de l’Ordre sont sans doute postés à l’entrée de la prison et nous ne sommes pas en mesure de les affronter.

Une idée me traverse l’esprit. J’aide Jayce à s’asseoir par terre en l’accompagnant dans son mouvement et je me dirige vers les autres cellules. L’une après l’autre, je déverrouille chacune d’entre elles et j’invite leurs occupants à se joindre à moi en les délivrant à l’aide du trousseau de clefs.

Une vingtaine d’hommes et femmes en haillons m’emboitent finalement le pas dans les longs couloirs labyrinthiques. Je retrouve Jayce qui n’a pas bougé d’un poil et qui est surprit de me voir débarquer avec une toute une troupe de prisonniers. Nos corps sont meurtris, certains ont le regard vide, d’autres brûlant d’animosité et de détermination, mais quoi qu’il en soit, nous sommes tous en chemin pour quitter cet endroit sordide une bonne fois pour toutes.
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Le chemin vers la sortie semble se présenter à nous. Après avoir erré dans les dédales labyrinthiques de la prison, nous voici arrivés devant un long escalier en pierre, taillé à même la roche. Un vent glacial vient frigorifier nos corps tuméfiés, nous forçant à nous recroqueviller sur nous-mêmes pour retrouver un peu de chaleur. Au vu des surfaces rocheuses qui entourent cet escalier, je comprends que la prison n’est en réalité qu’une excavation naturelle, transformée par l’Ordre en un lieu de torture et d’enfermement. Je gravis les premières marches à la tête du groupe, sur la pointe des pieds, en essayant d’être le plus discret possible. A mesure que je progresse pas à pas, le ciel nocturne se dévoile au-dessus de ma tête et une magnifique pleine lune illumine la sortie. Je me retourne et d’un geste de la main, je somme le reste du groupe de me suivre dans mon ascension. A l’entrée de la grotte-prison, je découvre face à moi un large campement aménagé au milieu des étendues de sable. De grandes tentes orange sont dressées ici et là et des dromadaires se reposent dans un enclos près de celles-ci. L’endroit est calme et étonnement silencieux. Au milieu du campement, masqués à répétition par une tenture qui ballotte au vent, quatre hommes sont assis en tailleur autour d’un feu.

Tout près de moi, à quelques mètres seulement, un garde est assoupi sur une chaise, le corps blotti dans une couverture. Mes pieds s’enfoncent dans le sable froid, et je m’approche de lui à tâtons, aussi discret qu’un chat. Dans un geste vif, j’agrippe le sommet de son crâne d’une main, sa mâchoire de l’autre et je lui tourne brutalement la nuque. Je retiens son corps sans vie pour l’empêcher de chuter et je le laisse dormir éternellement sur sa chaise. J’emporte au passage la dague qu’il porte à la ceinture, fait ensuite volte-face et donne le signal au groupe derrière moi pour avancer. Les bruits de pas se font trop nombreux et l’un des hommes autour du feu de camp tourne son regard en direction de l’origine des sons. Sans même se concerter, la vingtaine de prisonniers en liberté disparaît en se réfugiant derrière les tentes. L’homme, interloqué, se lève et se dirige vers la grotte.

« Azmar, combien de fois je t’ai répété d’arrêter de ronfler, tu vas réveiller tout le monde ! Hé ! Tu m’entends ? » lance l’homme en tapotant l’épaule de son acolyte.

Il se fige soudainement en voyant les yeux révulsés du mort. Merde. Je m’élance à toute vitesse vers le garde et plonge sur lui alors qu’il s’apprête à hurler pour donner l’alerte. Nous roulons dans le sable, je parviens à basculer au-dessus de son corps et ma dague vient se loger dans son cou. Un long râle d’agonie s’échappe de ses lèvres, suivi d’un silence pesant. Je ne bouge plus d’un iota, espérant que personne ne nous ait entendu. Mais tout à coup, le bruit des tentes, des pas et des armes rompt le silence du désert.

« Trop tard, nous sommes repérés ! La fuite n’est pas une option, défendez-vous ! La liberté ou la mort ! » hurle l’une des prisonnières avant de se jeter tête baissée sur l’un des gardes.

Jayce, poussé par l’adrénaline et l’instinct de survie, oublie ses blessures et se jette dans la mêlée à son tour sans l’once d’une hésitation.  

« Battez-vous ! Battez-vous ! Votre vie en dépend ! » rugit-il après avoir déchiqueté l’un de ses ennemis d’un croc.

De mon côté, je suis mon ami dans son élan en me ruant sur un adepte de l’Ordre. Stupéfait de voir un homme barbu, torse nu et couvert de sang lui sauter dessus en criant à s’en rompre les cordes vocales, l’adepte frappe avec son sabre, hésitant. J’esquive d’un pas en arrière, saisit l’épée à la garde, retourne l’arme contre lui et l’embroche avec sa propre lame. Je récupère son sabre, le fait virevolter entre mes mains et tranche un garde qui tente de m’attaquer de côté. Les affrontements font rage dans tous les sens mais malgré notre supériorité numérique, nos ennemis sont mieux équipés que nous. Les prisonniers se battent à mains nues et ramassent les armes de leurs adversaires quand ils en ont la possibilité. Malheureusement, beaucoup n’ont pas cette chance et perdent la vie sous les coups d’épée et de dague.

La prisonnière qui s’est jetée en première dans la mêlée est aux prises avec deux gardes, qu’elle parvient à repousser malgré les attaques incessantes des deux hommes. Sa grande taille et son allonge l’aident à tenir la distance, tandis que sa carrure impressionnante l’empêche de flancher sous la pression des coups. D’un coup de talon dans le flanc, elle déséquilibre un de ses adversaires. Avec une habileté sans égale, elle danse au milieu des attaques désespérées de celui-ci, glisse derrière lui d’un bond et sépare sa tête de ses épaules. Elle fait volte-face rapidement et découpe la poitrine de son autre ennemi. Pensant être débarrassée, elle ne remarque pas dans son dos l’autre adepte qui tente de la transpercer avec une lance. Je bondis sur lui, dévie la pique avant qu’elle n’embroche sa proie et je l’égorge d’un coup de lame. Il tombe sur les genoux, tente de comprimer son cou et finit par s’effondrer sur le ventre. La prisonnière se retourne, surprise, et me remercie d’un mouvement de tête lorsqu’elle comprend que je l’ai sauvée.

Les combats s’intensifient et tournent à notre avantage. Les derniers gardes encore en vie, comprenant qu’ils ne font plus le poids, prennent la fuite à dos de dromadaires et disparaissent tour à tour derrière les dunes. Nous sommes moins d’une dizaine encore debout, mais la victoire est nôtre. Un immense cri de joie retentit à travers le campement.

Nous sommes libres.

Ce sentiment si particulier de ne sentir plus le moindre poids sur ses épaules, je le retrouve enfin et j’espère ne plus jamais avoir à m’en séparer. Notre célébration est légitime, mais pour que cette joie ne soit pas de courte durée nous devons quitter les lieux au plus vite avant que l’Ordre ne revienne avec plus d’hommes.

« Emportez tout ce qui vous semble utile et partez au plus vite. Retournez vivre vos vies, quelles qu’elles soient, mais surtout, savourez votre liberté. »

Je suis moi aussi mes conseils et fait rapidement le tour du campement pour récupérer tout ce qui pourrait me servir. Je me couvre d’une longue tunique et d’un turban, emporte dans un sac nourriture et eau, accroche un sabre à lame courbe à ma ceinture en tissu et me dirige vers un des dromadaires restants. Alors que je réajuste la selle de ma monture, je sens une tape derrière mon épaule.

« Merci pour tout à l’heure, je te revaudrai ça un jour ou l’autre, lance la guerrière.
- Oh, ce n’est rien, dis-je en me retournant.
- Sans toi nous serions tous encore en train de croupir dans ces cachots. Quel est ton nom ?
- L’étranger, ça suffira.
- Alors c’est toi, hein ? Celui qui a tué Yayah Mam’ni ? Cet « étranger » dont l’OTS veut la tête ? Eh bien je dois te remercier une nouvelle fois pour avoir envoyé ce porc six pieds sous terre.
- Ce n’était que le premier d’une longue liste.
- Je vois, je vois… Mam’ni était un apôtre, un membre important de l’Ordre. En mettant fin à ses jours, tu nous as rendu un grand service.
- Nous ?
- Lorsque tu seras remis de tes blessures, retrouve-nous au nord d’Anataka, près des dunes d’Al’Zir. Les Sœurs du désert t’attendront. Elle sera ravie de faire ta connaissance.
- Elle ? Les Sœurs du désert ? C’est quoi cette histoire ?
- A bientôt, l’Etranger. »

La guerrière repart sans se retourner et je dois me contenter de ces informations énigmatiques. Peu importe, pour l’instant je dois quitter cet endroit, j’aviserai plus tard. Jayce me rejoint aussi, après s’être équipé et avoir brièvement pansé ses blessures. Il m’adresse un sourire amical que je partage aussitôt.

« C’est ici que nos routes se séparent mon ami.
- Comment ça ? répond-il, surprit par mon intervention.
- Ce combat, je dois le mener seul, tu le sais. Je refuse de t’entraîner une fois de plus dans cette vengeance.
- Qu’est-ce que tu racontes ? Ma place est à tes côtés.
- Je sais, mais cette fois c’est différent, je ne peux pas me résoudre à te mettre en danger pour ce genre de quête personnelle. C’est à moi d’affronter mon passé, pas à toi. Retourne à Attalia et prend la mer, nous nous retrouverons sur Grand Line mon frère, je te le promets. »

Nous échangeons une accolade sincère et j’enfourche ma monture.

« Quand nous nous reverrons, l’Ordre du temple des sables ne sera plus qu’un lointain souvenir.
- Fais attention à toi… »

Je disparais à mon tour dans le désert. Plusieurs semaines seront sans doute nécessaires pour que je puisse récupérer. Heureusement, je crois que je connais l’endroit idéal pour une convalescence. Une petite ville, perdue au milieu du désert. La ville qui m’a vu grandir. Al-Médie.

En route.
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