Le trajet retour fut partagé, entre un sentiment d’immense tristesse de la perte de plusieurs hommes valeureux, notamment Ben. Et celui de l’angoisse… L’angoisse de revoir resurgir à n’importe quel moment le pavillon du Capitaine Hannibal venu achever le travail qu’il avait su si bien commencer.
Pour James c’était avant tout un sentiment d’échec. Celui de n’avoir su protéger la seule personne qui lui était chère depuis la disparition il y’a bien des années de Mochi.
Voyant son nouveau capitaine fraichement promu sombrer dans la dépression et la bouteille. Edmond décida de prendre les choses en main avant d’atteindre le point de non-retour. Ce gamin avait un potentiel fou, si un homme pouvait les emmener sur le Grand Line c’était bien lui. Même s’il n’était pas dépourvu de lacunes, notamment dans le domaine de la navigation. Mais ce gamin était encore une pierre brute à polir pour le timonier, il avait décerné en lui ce petit quelque chose, présent chez certains d’entre eux. Outre ses facultés indéniables pour le combat, avec le temps il deviendrait probablement un redoutable meneur d’hommes. Si toutefois, ils survivaient assez longtemps pour cela.
Si une chose était bien vraie dans le milieu de la piraterie, c’est qu’on ne sait jamais de quoi demain sera fait. Plusieurs pirates de grand renom, ont terminés par bouffer les coraux par la racine au sommet de leur gloire. Blackburn n’était pour le moment d’ailleurs qu’un rookie parmi tant d’autres. Certainement dans le haut du panier de South Blue, mais sa cuisante défaite était la preuve que la marche était encore haute pour atteindre le sommet.
Si les premiers jours le spectre de Hannibal flottait au-dessus du navire, les jours passants, la vie reprenaient petit à petit son cours. Chaque annonce d’un navire en vue par la vigie restait un moment de forte angoisse pour tous. Mais il fallait se faire une raison, Le Rouge ne semblait pas à leur trousse, du moins si c’était le cas, il était d’une discrétion hors du commun.
Edmond prit donc sous son aile le jeune homme malgré sa réticence pour le former au métier de capitaine. Après tout ce minot n’avait jamais eu sous son commandement un équipage et encore moins un navire digne de ce nom.
D’abord, totalement contre l’idée, James se résigna et décida d’enfiler sa tenue de capitaine ou du moins d’apprenti capitaine. Commença alors un long apprentissage en partant des bases de la navigation jusqu’aux manœuvres d’abordage. Edmond était une véritable mine d’or pour le jeune homme, vétéran de South Blue, il avait passer la quasi-totalité de son existence à naviguer sous le pavillon noir.
Bien évidemment, le métier ne s'acquière pas en quelques semaines en mer. Même toute une vie ne suffit pas d’après certains vieux briscards présents ici. Mais l’apport fut bénéfique pour James et pas seulement sur plan de la navigation, mais aussi sur le plan personnel. Lui permettant d’échapper à sa tristesse et sa culpabilité vis-à-vis de la disparition de Ben. Il explora le navire de fond en comble, comprenant son fonctionnement, ses points forts et surtout ses faiblesses. Et Dieu sait qu’il en avait ce foutu rafiot, il n’était plus de première jeunesse, la plupart de son armement était hors d’usage. Un miracle qu’il ne coule pas à la première houle. Mais faute de mieux, pour le moment il devait se contenter de ça. Edmond lui jura que le navire en avait assez dans les tripes pour parcourir le Grand Line. Pas expert pour un sou, le capitaine demeuré septique sur cette déclaration. Comment un rafiot pareil pouvait surmonter une tempête ou un abordage ? Ne désirant pas se heurter au caractère bourru et inflexible du timonier il lâcha l’affaire et garda son opinion pour lui.
En premier lieu fortement intéressé par l’idée de mettre en application ses connaissances en s’attaquant à de vulgaires navires de commerce sans défense, Blackburn se résigna face au refus catégorique du timonier de dévier de leur cap. La menace était toujours bien présente et difficile pour le jeune capitaine de contrer cet argument. Lui qui revivait chaque nuit la scène de son combat face au démon.
Chaque nuit il se réveillait trempé de sueur persuadée de l’avoir face à lui.
Il découvrit aussi pendant ce temps l’ensemble de son équipage, la façon de penser du groupe, les caractères. Le nombre de têtes de mule battait tous les records. Comment Edmond avait réussi à garder un tel groupe soudé aussi longtemps ? Un mystère. Les hommes commencèrent à l’appeler Capitaine petit à petit sous l’impulsion bienveillante du timonier. Mais il avait gagné leur respect en battant le redoutable capitaine Boris. Et il n’avait pas non plus hésité une seule seconde à faire face à Hannibal pour couvrir leur retraite. Ce jeunot en avait sacrément dans le slip bordel.
Pour l’heure, le navire voguait à son rythme en direction du cimetière des épaves afin de se mettre au vert quelque temps et ainsi préparer dans les meilleures conditions possibles leur départ vers le Grand Line. James regretta amèrement d’avoir perdu la quasi-totalité de ses richesses, ce bateau méritait une sérieuse remise en état avant de pouvoir voguer sur la mer de tous les périls. Mais sans un rond en poche, la tâche semblait pour le moment ardu. Une fois l’équipage de nouveau sur pied, il devrait peut être envisager de se lancer dans la piraterie au sens propre du terme pour pouvoir renflouer les caisses. Depuis leur départ ils avaient croisé la route d’une multitude de navires marchands de toutes tailles, certains devaient forcément contenir un magot capable de couvrir l’ensemble des dépenses.
Ne désirant pas attirer l’attention des autorités, Edmond avait fait retirer tout symbole pouvant confondre ce navire avec un équipage de pirates.
« Échapper au plus redoutable des pirates de South Blue pour finir capturé par la Marine, certainement pas ! »