C’était la première fois pour Jack de découvrir les joies de la navigation en haute mer, notamment une météo des plus capricieuses. Lui qui n’avait jamais navigué au-delà de quelques miles avait eu la désagréable expérience de découvrir le fameux mal de mer.
La première semaine avait été de loin la plus éprouvante pour lui, son corps encore meurtri par son passage à tabac par l’organisation du Baron Sanglant. Il avait passé plus d’une nuit blanche à vomir ses tripes par-dessus le pont tout en se tordant de douleurs.
De toute façon, il n’existait aucun remède contre son mal, c’était un rite initiatique pour nombres de marins.
Sa présence à bord n’était pas passée inaperçue bien évidemment, mais personne à bord n’avait l’intention de fouiner dans les bizness du capitaine. Tout le monde savait ici qu’il traficotait avec de nombreux gangs sur West Blue, et notamment les Hommes-Poissons. Mais il n’était pas le seul à faire ce genre d’écart à la loi. C’était monnaie courante et cela permettait à l’équipage d’avoir la paix lorsqu’ils étaient à quais.
Alors ce nouveau venu, n’était ni plus ni moins qu’une marchandise comme une autre aux yeux des marins. Certes, un gaillard comme lui ferait assurément une bonne recrue pour les nombreuses tâches physiques, mais ce n’était pas à eux de prendre ce genre de décisions.
Ce n’était pas la première fois qu’ils récupéraient ainsi un bonhomme entre la vie et la mort pour l’exfiltrer d’une île vers un autre. Parfois même en direction d’un autre Blue lorsque le client était un peu trop célèbre dans le coin. L’équipage avait toujours tenu sa langue dans sa poche, et le capitaine savait comment leur renvoyer l’ascenseur. Finalement le bizness était profitable à tout le monde.
Jack ne savait pas où le navire devait jeter l’ancre, c’est au détour d’une discussion avec le capitaine Jusco qu’il découvrit que le voyage promettait d’être bien plus long que prévu. En effet, il quittait sa terre natale pour rejoindre South Blue, pour le coup il n’en demandait pas tant niveau dépaysement !
Il ne connaissait pas grand-chose de sa destination, l’endroit semblait être le berceau de nombreux pirates de renoms à l’époque. Et il avait souvent entendu parler de cette mer comme étant la pire de toutes les Blues.
Mais qu’est-ce qu’il allait pouvoir bien faire une fois sur place ? Il essaya tant bien que mal de se renseigner auprès du capitaine, mais tout ce qu’il entendait semblait indiquer qu’il allait atterrir dans un trou paumé.
« South blue est une saloperie, un véritable coupe-gorge. Je n’aime vraiment pas avoir affaire dans le coin, même, si nous passons bien loin de Rokade il n’est jamais bon de rester trop longtemps par ici »
Son uniquement but à présent était de trouver d’autres bras cassés comme lui pour partir à l’aventure et pouvoir rejoindre rapidement ce mystérieux Grand Line. Pouvoir casser des bouches à tour de bras , profiter de bons moments de convivialité et surtout voir sa notoriété grimper en flèche grâce à ce merveilleux système de prime. Il avait pourtant déjà fait l’amère expérience d’avoir une prime sur sa tête, mais fidèle à lui-même, Jack n’avait absolument rien à foutre des conséquences de ses actes.
Il ne pouvait contenir davantage son excitation quant à la situation qui se présentait devant lui ! Il courut sur le pont pour hurler à pleins poumons en direction de l’océan en ouvrant grand ses immenses bras.
Jusco resta stupéfait devant une telle réaction ! Le pauvre gamin avait dû perdre la boule à cause du soleil ou de l’alcool de piètre qualité ! Généralement, les gens qui avaient vécu des situations similaires étaient ravis de pouvoir se dégoter une place au calme en attendant que les choses se tassent. Il pensait même pouvoir l’engager dans son équipage pour quelques mois encore le temps pour lui de mettre quelques sous de côté et de pouvoir s’installer dans une petite île au calme.
« Tu es saoul Jack ?! »
Jack se retourna vers son interlocuteur et annonça spontanément :
« Je sens que cet endroit est fait pour moi ! »
« Comment ça ?! »
« Je veux devenir pirate l’ancien ! Et mon instinct me dit que cet endroit sera parfait pour atteindre mon but ! »
« Quoi ?! Le soleil t’a trop tapé sur la tête, tu ne sais pas ce que tu racontes mon pauvre ! Pirate ?! Et puis quoi encore ?!»
Débuta alors une prise de bec entre les deux hommes qui avaient une vision totalement opposée sur la piraterie. D’un côté le jeune Skellington qui ne connaissait ce monde qu’à travers des écrits et ce qu’il avait entendu à droite et à gauche durant sa courte existence. Et de l’autre un marin expérimenté qui avait roulé sa bosse depuis plusieurs décennies dans tous les Blues. Des forbands, il en avait croisé plus d’une fois, et le profil qui revenait le plus souvent n’avait absolument rien de reluisant, bien au contraire.
« Des paumés, sans foi ni loi, qui n’ont comme seul objectif celui de venir pourrir la vie des autres ! »
Les deux individus étaient maintenant front à front, l’échange n’avait ni queue ni tête ! Voyant que tout ceci ne menait qu’à une impasse, le capitaine décida de couper court à la discussion.
« Tu es véritablement têtu comme une mule gamin ! Tu n’as qu’à te faire ta propre opinion, tiens ! Si tu tiens tant à devenir un vulgaire brigand, ce n’est pas ce qu’il manque par ici ! Une fois que nous aurons accosté à Portgentil, libre à toi de rejoindre Rokade par tes propres moyens. Je parie ce que tu veux que tu fileras la queue entre les jambes en un rien de temps ! »
« Rokade ? C’est une île de pirates ?! »
« Tu en fais un beau pirate tien ! Bien évidemment, sa réputation dépasse les Blues, mais d’où viens-tu pour n’avoir jamais entendu parler de ce lieu maudit ? ! Tu fais une terrible erreur gamin, crois-moi ! Tu es peut être fort comme un bœuf, mais cette voie n’est pas faite pour toi, restes donc avec nous ! »
« Merci pour ta proposition cap’tain, mais non, le taff des larbins j’ai déjà donné ! Dit-moi en plus sur Rokade, cela semble très intéressant ! »
« Petit con va ! Qu’est-ce que tu veux que je te dise ?! C’est un repère regroupant toute la pourriture de South blues et d’ailleurs ! Tout ceux qui vivent en marge de la loi s’y retrouvent pour s’entretuer ou monter des équipages. Mais tu ne vas pas te faire des films, ceux qui ont réellement de l’ambition et la puissance sont partis depuis belle lurette sur le Grand Line. Il ne reste plus que les seconds couteaux ici, tout juste bon à terroriser les honnêtes commerçants comme nous. »
C’était exactement le genre d’endroit qu’il avait en tête, lieu idéal pour accumuler rapidement assez de ressources et de mains-d’œuvre pour partir à l’assaut du Grand Line. Il pourrait aussi glaner assez d’information pour éviter toute déconvenue dans son aventure. Jack avait réussi tout de même à faire son trou dans Las Camp, cela ne devait pas être beaucoup plus compliqué de monter un équipage pirate et de parcourir les mers à la recherche d’argent faciles.
La nouvelle de ses aspirations à vouloir rejoindre le pavillon noir ne tarda pas à faire le tour du navire. Soudainement, les regards portaient sur lui étaient soupçonnés ou méprisant et il se sentait petit à petit mis à l’écart. Si les marins détestaient bien une chose par-dessus tout , c’était bien les pirates. Tout le monde avait son lot d’histoires sur le sujet, qui n’avait jamais eu affaire à des pirates au cours de sa carrière ?
Voyant que le gamin était tout à fait sérieux et déterminé à monter son propre équipage dans le secteur,
un petit groupe d’hommes décida de faire une entorse à la règle le concernant. De leur propre chef, ils décidèrent de couper le mal à la racine, en empêchant ce solide gaillard de devenir une épine dans le pied pour les bateaux passants dans le secteur.
« Comme s’il n’y avait pas assez de bandits dans le coin ! Voilà que notre colis veut se joindre à la fête ! Il ne faut pas qu’on le laisse faire, sinon nous serions peut-être les prochaines victimes ! »
Sous fond de rhum et de récits tirés par les cheveux, les cinq voyous s’étaient auto convaincue qu’il fallait organiser une descente dans la cabine de leur hôte le plus rapidement possible. Ils avaient échafaudé un plan à la va-vite en prenant de quoi l’assommer et surtout le ligoter pour pouvoir le balancer le plus discrètement possible par-dessus bord.
De toute façon, même Jusco ne semblait plus pouvoir l’encadrer ce merdeux. Il suffisait de raconter un bobard aux hommes poissons et le tour serait joué, plus jamais on n’entendrait parler de lui.
Ils avaient décidé d’intervenir cette nuit, lorsque l’obscurité serait la plus totale. Ce n’était pas des enfants de chœur, loin de là, chacun avait ses casseroles. Certains avaient même déjà pris la vie d’un pauvre bougre par inadvertance. Pourtant c’était une première pour eux d’agir de la sorte, surtout face à un adversaire aussi costaud que lui. Cette saleté mesure pas moins de trois mètres de haut et était aussi large qu’un tonneau !
Traversant les entrailles du navire en essayant d’être le plus discrets possible, ils se massèrent autour de la porte. Persuadés que leur victime était plongée dans un sommeil profond, il suffisait alors à l’un d’entre eux de frapper un grand coup à l’aide d’une barre de fer.
Poussant la porte le plus délicatement possible, le plus courageux s’avança à pas de loup vers le lit où était allongé Skellington. Il ne lui restait plus que quelques pas avant d’être à porter, c’est alors que Jack ouvrit grand les yeux.
Son regard traversa de part en part son assaillant comme l’aurait fait une lance ! Ce dernier s’immobilisa instantanément, incapable d’effectuer le moindre mouvement. Une peur indescriptible venait se s’emparer de lui, une terreur primaire. Il ne tarda pas à trembler de tout son corps tandis que Jack continuait de le fixer droit dans les yeux. Laissant tomber son arme à ses pieds avant de prendre ses jambes à son cou. Sa peur se propagea aux autres membres de groupe à une vitesse fulgurante, il ne fallut pas plus d’une petite dizaine de secondes pour que Jack retrouve de nouveaux seuls. Il se leva tranquillement pour ramasser la barre de fer et la jeta quelques mètres plus loin avant de refermer sa porte.
L’ancien caïd avait parfaitement remarqué leur petit jeu depuis maintenant plusieurs jours, leurs regards de crainte et de peur ne laissaient que peu de doutes sur leurs intentions cachées.
L’histoire s’arrêta là, et Skellington ne chercha pas à en savoir davantage. D’après les rumeurs les protagonistes avaient essayé les foudres de leur capitaine, et ils avaient vu leur tour de garde doublé ainsi que leurs soldes réduit de moitié en guise de punition.
Le pacha ne fit d’ailleurs jamais la moindre allusion à cette nuit devant son hôte, même si Jack savait pertinemment que son interlocuteur était parfaitement au courant de toute l’histoire depuis le début. Avait-il laissé faire ses gars ? Le rendant ainsi complice dans cette sombre affaire, la question méritait d’être posée, mais une autre fois, pour le moment il n’avait aucun intérêt à se mettre aussi ce vieux Jusco sur le dos.
Dernière édition par Jack R. Skellington le Mer 4 Mai 2022 - 20:45, édité 1 fois
