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Retrouvailles et vol de bétail !

Base du G-3, QG de la Marine de North Blue.

Commandant Raines ? Encore à la salle, hein ? C'est à se demander si vous êtes plus culturiste que marine ! Je pose au sol la lourde haltère qui servait pour mes répétitions en entendant les commentaires du Sergent Brad. Il n'est de secret pour personne que celui qui est si justement surnommé "Flemman" n'est pas le plus volontaire des sous-officiers de la base, alors il est assez facile de le mener à la baguette.

Venez-en au fait, Brad. A moins que le fait que vous ayez le temps de faire des commentaires veut dire que vous êtes disponible pour que je vous fasse faire le nettoyage de l'équipement ? Le regard que je lui lance est accompagné d’un petit rictus malicieux, de manière à lui laisser douter de mon sérieux. Il hoquette en réaction, et manque d'en perdre la cigarette qui est systématiquement vissée dans le coin de ses lèvres. Euh… Je… Euh… Oui ! C’est le Sous-Amiral Niromoto qui vous demande !

Je hoche la tête et le Sergent prend la poudre d'escampette à une vitesse rare. Décidément, il est capable quand il veut ! Enfin, surtout quand il veut esquiver une corvée… J’essuie la sueur qui coule sur mon visage avec ma serviette, et me recoiffe brièvement devant un des miroirs de la salle d’entraînement de la base. La classe en toute circonstance ! J’enfile ma veste d’officier et me dirige vers le bureau du responsable de la base G-3, à laquelle je suis affecté.

Commandant Raines, au rapport mon Sous-Amiral !
Grmbl… Repos…
Le Sous-Amiral grommelle en se redressant dans sa chaise. Entre Flemman et lui, il est difficile de croire que la marine de West Blue fasse la moindre chose. Heureusement, je mets de mon énergie et de ma détermination pour contrebalancer… Même si ça a clairement l’air d’irriter mon supérieur.

Vous vouliez me voir ?
Chaque saison, c’est pareil. Le lieutenant-colonel Horse me tanne pour que je sois présent à la foire de la vache, à Kage Berg. Il prend une voix nasillarde pour imiter son subalterne. “La présence d’un Sous-Amiral ferait de la publicité à l'événement, et les gens seraient rassurés, gnagnagna”... Malheureusement, avec les coupes dans notre budget, et les manœuvres sur la blue, et mon allergie aux poils de vache… C’est à ce moment-là que j’arrête de l’écouter. Le Sous-Amiral n'en a peut-être pas l’air, mais c’est un combattant redoutable… Quand il se motive. Le hic, c’est qu’il doit passer un temps monstre à simplement trouver des excuses ou des bobards pour se débiner. L’avantage, c’est qu’entre le Sous-Amiral Niromoto et le Sergent Brad, je ne vais pas devoir trop me battre pour être mis en avant sur la plupart des missions.
Toujours est-il que… Commandant Raines, vous êtes bien originaire de Kage Berg, n’est-ce pas ? Il affiche un grand sourire à l’idée d’avoir quelqu’un d’autre pour faire sa corvée. J’acquiesce lentement, en soupirant légèrement. Kage Berg, c’est pas exactement un lieu ou je vais pouvoir briller et faire parler de moi… Mais c’est à défaut un territoire connu. Ce sera au moins l’occasion de rappeler à mon île natale que les Raines sont de fiers défenseurs de l’ordre et de la justice... Allez, Alex, on se motive à fond !

Foire de la vache, me voilà !
____________________________________

Kage Berg, West Blue.

Chassez le naturel... Et il revient au galop ! Vous allez voir Commandant, l'île n'a pas changé ! J'entends encore les hennissements du Lieutenant-Colonel Horse dans ma tête. Il est exactement à l’image de Kage Berg, en communion avec la nature et au sens littéral du terme… Et il a tout à fait raison. L’île n’a pas changé, surtout aux alentours de la foire. Il y a cette odeur de foin, de viandes et de fromages… Et de fumier dans l’air. Forcément cela me met bien en avant, moi qui déambule avec mes hommes dans les rues, avec nos uniformes rutilants… Heureusement que la marine a développé des techniques surpuissantes pour détacher les vêtements, parce qu’entre le sang des combats et la boue, je me dis que le choix du blanc est plutôt surprenant ! Enfin, me concernant, j’esquive le problème : j’ai toujours beaucoup trop d’uniformes de rechange… On ne sait jamais ! Après tout, il faut rester classe et élégant en toute circonstance !

Nous patrouillons dans les rues de Kage Berg, esquivant les badauds qui voltigent de stand en stand. D’un côté, certains semblent touiller et faire filer une grande marmite de purée au fromage. D’un autre, on examine les plus beaux bovins pour les coter. C’est justement pour ces derniers que nous avons renforcé la sécurité. Les prix de ces bêtes peuvent atteindre des sommes vertigineuses, et qui font relativiser quand on les compare à nos maigres salaires de militaires.

Alors forcément… Cela attire des indésirables. Tout d’abord, il y a les pirates, attirés comme des mouches par du vinaigre dès qu’il y a trois brochettes qui grillent et de la bière tirée. Tant qu’ils s’en tiennent à faire la fête et à raconter des inepties… Ils sont plus ou moins tolérés. Ceux pour qui nous sommes là, ce sont les voleurs de bétails. Ce ne sont pas des prises très glorieuses pour un jeune officier qui cherche à se démarquer, mais ils font souvent partie de réseaux tentaculaires dont la dissolution ne se ferait pas sans bruit. Je scrute alors les moindres détails, je cherche l’aiguille dans la botte de foin.

Mon regard s’arrête sur une jeune femme aux cheveux roses, qui furête à quelques mètres devant moi. Ses yeux se portent un peu trop sur les poches des forains et des visiteurs à mon goût. Je soupire intérieurement. Nous ne sommes pas vraiment là pour dissuader les petits kleptomanes… Mais je serais un bien piètre agent de la paix (avant tout) si je n’allais pas lui faire une petite leçon de morale. Et puis… Qui vole un œuf, vole un bœuf. Et aujourd’hui, je cherche justement des voleurs de boeufs. Au moment où sa main balade un peu trop près d’un étal, j’envoie la mienne et l’attrape au poignet.

J’imagine que vous aviez prévu de payer pour ça, n’est-ce pas ?

Elle se retourne, surprise soit par la force de ma poigne soit par le fait de s’être fait pincer la main dans le sac. Je suis alors capable de la discerner un peu plus distinctement. Son visage me dit quelque chose… J’espère pour elle que ce n’est pas sur un des avis de recherche que le Lieutenant-Colonel Horse m’a montré, sinon elle risque de vite déchanter…


Dernière édition par Alex Raines le Dim 28 Aoû 2022 - 8:48, édité 1 fois
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Mon périple dans les Blues avait enfin bien démarré. En effet, petite j’avais l’habitude en compagnie de mon père, de voyager d’île en île … Mon père étant un marchand, transportant des objets de valeur afin de les vendre par la suite, il lui fallait voyager la plupart de l’année afin de gagner un revenu plutôt correct. Moi, de mon côté, mon ignorance était bliss’ ! Je profitais de chaque destination, me familiarisant avec chaque environnement. Et je devais l’avouer, Kage Berg était un havane de souvenirs d’enfance. En effet, il y avait ce gars avec qui j’ai passé tout un été avec. On était super jeunes et on faisait que courir autour comme des abrutis.

“ J’me demande ce qu’il peut bien faire, ça fait un moment que j’l’ai pas vu … ” Je me posais cette question, mon menton s’appuyant sur la paume de la main. J’étais posée à une terrasse, un grand verre de thé frais aux couleurs semblable à un arc-en-ciel. Ce voyage vers le passé me rendait toute nostalgique, mais je me secouais de ce sentiment avant d’observer les alentours. Il est vrai que y’avait cette foire aux vaches, la dernière fois que j’en avais entendu parlé, j’avais 9 ans. Donc c’était plus drôle de s’y trouver et de voir les événements se dérouler. Cet endroit donnait un certain baume au cœur, l’énergie que renvoyait la vie locale était assez contagieuse.

Côté fashion, j’avais décidé sur une courte jupe montante en jean clair, des collants transparents avec un chemisier blanc un peu trop large pour moi rentré dans la jupe. Des sandales/talons blanches, de belles boucles d’oreilles pendantes de même couleur. En ce qui concerne la coupe de cheveux, juste deux longues tresses posées gracieusement sur mes clavicules ainsi que d’un collier en argent qui complimentent déjà ce qu’il y avait de beau à regarder dans le petit décolleté.

Je me levais alors de mon siège, sirotant le reste de mon thé glacé avant de partir sans payer une fois que le serveur tourna son dos. Me noyant dans la foule du festival, j’observais alors mon bac à sable. En effet, il était peut-être temps de s’amuser un peu. Surtout si je comptais voyager autour des Blues et peut-être plus loin ? Il me fallait des munitions, et par munitions, je veux bien sûr dire de l’argent. Il est vrai que mon agilité était remarquable, il venait des nombreux cours de danses de ballet avec ma tante Bei. La femme était une danseuse remarquable, proche de la perfection, elle se devait d’être un professeur encore plus stricte qu’on pourrait le penser. C’est sûrement pour cette raison que je suis capable de faire certaines figures sans grandes difficultés, que mon corps possède une certaine souplesse et discipline à ne pas négliger. Sur cette information, je perfectionnais chacun de mes mouvements de manière à ce qu’ils soient plus discrets. Je m’amusais à discerner les mouvements d’autrui afin de repérer le meilleur moment pour passer à l’action. Mais il fallait croire que quelqu’un avait un certain œil … En effet, j’eus la peur de ma vie lorsque je sentis la prise plutôt ferme s’emparer de mon poignet. Sans manquer une seconde et ça malgré mon air surpris et mes yeux bien ouverts, je décidais de prendre la parole comme une sorte de mécanisme de défense.

“ Oh, je suis désolée– “ Alex ? Il me fallut une demi-seconde avant de le reconnaître. Son côté un peu coincé ne s’était apparemment jamais dissipé. Au contraire, il s’était renforcé. Mais sans le vouloir, et par simple pulsion, je me mis à l’enlacer. “ ALEX ? “ Sans forcément faire attention s’il était accompagné ou pas à vrai dire, je restais dans cette embrace pendant quelques secondes avant de me détacher de l’agent. “ C’est moi ! Megumi ! Dis moi que tu te souviens de moi ! “ Je me mis à sourire, un sourire plutôt chaleureux avant de tenir mes tresses dans chaque main et de limite tourner autour de ma propre personne. Un mouvement qui pour lui faire rappeler qui j’étais ? Dans l’espoir que ça marche. “ T’as bien grandi ! J’pensais pas honnêtement que t’allais être aussi grand. Je pensais justement à toi quand je suis arrivée sur l’île ! “ Enfin, c’était pas difficile d’être plus grand que moi après. “ Puis t’es toujours aussi stoïc du visage !” Finis-je en lui tirant très légèrement la joue avant de reculer légèrement. “ Tu fais quoi alors ? “ Lui demandais-je enfin, l’air complètement innocent et juste contente d’être là apparemment.
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Me… Megumi ? Et merde. Je n’avais pas besoin de ça. C’est toujours délicat de devoir faire son travail et respecter le protocole quand on a affaire à des personnes qu’on connaît. C’est pour ça que je n’aime pas être dépêché en mission sur Kage Berg, mon île natale. Tout le monde m’aborde avec son souvenir de moi étant petit, de comment je courais tout autour de l’île pour m’entraîner aux marathons que mon père me faisait faire. De toute évidence, c’est le souvenir qu’elle a également de moi. Alors qu’elle m’enlace avec une familiarité clairement déplacée, je recule légèrement la tête pour ne pas qu’elle me décoiffe. Alors qu’elle commente ma taille et m’affiche devant les autres marines qui sont avec moi, je la repousse poliment du plat de la main.

Désolé mademoiselle, n’essayez pas de me distraire et répondez à ma question. Notre passé commun ne doit pas entraver le noble bras de la justice et…
C’est votre petite amie, Commandant ?
M’interrompt un soldat.
Non, pas du tout ! Juste une vieille connaissance d’enfance.
Que vous retrouvez après tout ce temps ? C’est mignon !
Allons, vous n’avez rien à lui dire, Commandant ?

J’imagine que oui… Je soupire en m’approchant d’elle, portant mes mains aux siennes. Puis, sans lâcher ses mains, je la fais pivoter et les lui croise dans le dos. Vous êtes en état d’arrestation pour suspicion de vol à l’étalage. Je vous ramène à la garnison pour que vos effets personnels soient passés au peigne fin. Tout ce que vous pourrez dire sera retenu contre v…
C’est pas ce qu’on voulait dire ! Commandant ! Ils s'écrient à l'unisson en me mettant un taquet à l'arrière du crane.
C'est bon, j’ai compris ! Je lâche ses mains en râlant, puis congédie mes hommes d’un geste de la main. Je vous laisse continuer de patrouiller sans moi, je… Je prends ma… Ma P… Pause.

Cela me fait mal rien que de le dire et mes hommes s’en rendent compte en s’éloignant avec un rire moqueur. Depuis que je me suis engagé, je n’ai pas raté une seule minute d’un de mes services. Ça me fend le cœur de commencer maintenant ! J’enlève ma veste d’uniforme pour laisser voir des habits plus passe-partout, signifiant clairement que je ne suis pas en service. Je recoiffe également mes cheveux en une bataille soigneusement rangée, un chaos parfaitement ordonné, ce genre de coiffures de saut du lit si parfaites qu’ont certaines personnes et qui leur donnent un air naturellement décontracté. Les apparences sont importantes !

Lorsque mes hommes sont enfin à bonne distance, je me retourne vers Megumi. Quand est-ce qu’on s’était vus ? Il y a dix ans ? Douze ans ? Sans doute plus. Elle vagabondait avec son père d’île en île et avait passé un été sur Kage Berg. Tout ce dont je me souviens, c’est que c’était à une période de ma vie où les choses étaient plus simples : je passais mon temps à subir les entraînements de mon père pour devenir marin. Il n’y avait pas de questionnements, pas de doute, pas d’opprobre jeté sur mon nom.

Ce que je fais ? Je suis un Commandant de la marine, affecté à la 8ème division de West Blue. D’habitude, je me balade un peu partout où on m’envoie, mais aujourd’hui je suis de retour à Kage Berg pour renforcer la sécurité pour la foire. Je commence à lui expliquer ma situation, faisant bien évidemment omission de tout ce qui s’est passé avec mon frère.

Tu n’as pas trop changé non plus. Je marque une pause. A la différence près que la petite fille est devenue une femme, comme moi qui ne suis plus un petit garçon. Mais elle a toujours cette malice dans le regard. C’était une gamine espiègle, qui s’amusait à me tourner en bourrique alors que j’essayais de suivre religieusement le programme de mon paternel. C'était également une enfant qui laissait un peu trop traîner ses mains près des poches des gens. Toujours chapardeuse, hmmm ? Que fais-tu dans le coin ? T'es forcément là pour la foire de la vache, vu qu'il n'y a rien d'autre à faire ici… Je me trompe ?

Et même en sachant cela… Étant enfant elle suivait son père de partout sur les blues, de mémoire. Une fois adulte, j'espère bien qu'elle a trouvé des activités plus palpitantes qu'assister à un événement aussi… Insignifiant.


Dernière édition par Alex Raines le Lun 29 Aoû 2022 - 0:28, édité 3 fois
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Cela faisait maintenant un petit bail que l’on ne s’était pas vu, mais rien n’avait réellement changé. Ce sens de la justice qu’Alex possédait avait pour don de me faire plus rire qu’autre chose. Il fallait se l’avouer, il était plus qu’évident que nous étions l’opposé l’un de l’autre. Mais pour une raison qui m'échappe toujours aujourd’hui, je trouvais son côté un peu serré … adorable. Je me laissais guider par ma fausse arrestation jusqu’au moment où Alex fut contraint à prendre sa pause. Je positionnais ma main afin de cacher mon léger rire moqueur envers son comportement.

“ Tu n’étais pas obligé de prendre ta pause tu sais– ” Et avant même qu’il ne puisse réagir, je pouvais sentir le regard menaçant de sa petite équipe non loin derrière. “ Oh je vois, on commence à être plutôt important dans le système … “ Je le taquinais ouvertement, pas certain qu’il le perçoive ainsi, mais ça rendait la chose encore plus amusante. Je réfléchissais souvent à ce que j’allais dire devant un agent de la marine, mais les choses me venaient bien plus naturellement avec lui il fallait dire. Je ne sais pas vraiment si c’est pas qu’on se connait depuis tout petit, ou bien simplement parce qu’il fait tellement sérieux qu’il est difficile de le prendre au sérieux. Mieux vaut éviter ceci si l’on souhaite esquiver quelconque problème …

Je pris soin de me rapprocher de lui légèrement sans qu’il ne le remarque. Il avait plutôt bien grandi, plutôt adorable en soi ! Ce côté stricte qui n’avait jamais disparu … J’avais rencontré son père, quelqu’un de plutôt effrayant que je n’osais jamais approcher. Mais il m’arrivait justement de profiter de son autorité pour mener Alex comme je le souhaitais. Croyez-le ou pas, j’ai réussi à lui faire croire une fois, qu’il fallait manger le plus de glaces possible afin d’aider l’économie de l’île et que c’était un ordre de son père. Croyez le ou pas, Alex les a toutes gobées comme si sa vie en dépendait et est parti courir le lendemain matin comme si de rien était pendant que j’étais clouée au lit malade pendant quelques jours après avoir overdose sur les produits laitiers.

Ah, c’était le bon vieux temps où rien n’était aussi compliqué qu’aujourd’hui. Bien que je n’étais jamais vraiment certaine que ça a été simple à une époque pour lui. Il m’explique alors la raison de son retour.

“ Oh tu sais, je voyage pas mal en ce moment dans les Blues … Donc j’y repose les pieds le temps d’une journée ! Prochaine destination … Je ne sais pas encore, mais ça ne saurait tarder ! Du moment que j’arrive à dessiner mon chemin, j’m’en sortirai ” disais-je, presque trop motivée. “ J’t’ai pas mal manqué hein, HEIN …. “ Un petit clin d'œil avant de lui attraper le bras. “ Un vrai manque de couleur dans ta vie décidemment … “ Suivis d’un soupir. Non loin, un groupe de vieilles dames se mirent à sourire tout en nous regardant. “ Pas besoin d’être aussi tendu ! ” La remarque avait été faîte presque de manière sournoise. “ En tout cas, ton air coincé m’a manqué ! ” Lui disais-je avant de m’arrêter devant lui, lâchant son bras pour lui faire face. Un sourire sincère se dessinait sur mes lèvres.

“ Allez, avoue le que je t’ai manqué un tout petit peu ! “ J’étais peut être trop animée contrairement à lui, mais peu m’importait je m’amusais bien. Je pointais alors un jeu d’arcade … Tirer sur les bouteilles de lait vides afin d’obtenir une récompense de notre choix ?

“ Oh je veux cette peluche ! ” Si on voulait la jouer niaise, il valait mieux y aller jusqu’au bout ! En vrai, c’était comme retourner en enfance lorsqu’on était tous les deux de simples morveux n’est-ce pas ? Mes mains jointes, je me tournais vers l’homme afin de lui offrir ma plus belle moue suppliante suivie de plusieurs battement de cils. “ S’il te plaît ? ”
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Elle confirme indirectement mon affirmation. Bien sûr qu’elle n’a pas changé. Pourquoi aurait-elle ? Parce que les gens ne changent pas ? Je suis convaincu du contraire. Mais au final, est-ce réellement un problème qu’elle n’ait pas changé ? Effectivement, elle est enquiquinante, mais ça s’arrête là. Il n’y a pas de mal à admettre qu’une touche de légèreté ou de frivolité de temps à autre, ça fait du bien. Ça repose l’esprit. Et franchement, j’aurais bien besoin de faire une pause. Je n’ai pas arrêté depuis que je suis sorti du B.A.N., sans doute pour ne pas avoir à réfléchir et à digérer. Ça fait déjà deux ans. Et en deux ans, qu’ai-je accompli ? Je patrouille à la foire de la vache de Kage Berg, mon point de départ, avec une demi-douzaine d’hommes sous mon commandement. Pourtant, je ne sens pas de taquinerie dans sa voix, lorsqu’elle commente que je commence à prendre du grade.

Haha… Tu sais, je ne suis que Commandant, j’ai encore un long chemin à faire… Je lâche en me grattant l’arrière de la tête. J’imagine que ça doit faire un sacré contraste en se rappelant un Alex enfant encore bien loin de faire ses classes… Et ce bien que je n’ai jamais vraiment eu l’âme d’un enfant normal. On m’a toujours dit que je faisais trop adulte trop jeune, que j’avais une maturité peu commune pour mon âge… Est-ce pour ça que Megumi aime me taquiner, qu’elle dit que j’ai un air coincé ? Je ne suis pas coincé. Je suis sérieux et appliqué, car c’est comme ça que mon père m’a élevé, droit et inflexible comme la justice que je veux représenter. Forcément, elle peut se déplacer au gré des vents et marées sur les blues comme ça lui chante… Elle prend sa vie avec tellement de légèreté, d’insouciance… Tout l’inverse de moi. Est-ce que c’est quelque chose qui me manque, et que je ressens aujourd’hui, par procuration, à travers elle ? En toute honnêteté, oui.

Je ne prends jamais de pause ou de congé, alors autant en profiter à fond. Je retrousse mes manches et fais craquer ma nuque, et concentre en moi tout le cliché de virilité et de galanterie mal placée qu’attend sans le moindre doute mon amie en feignant sa niaiserie flirteuse.

Allons te gagner cette peluche.

Je m’approche du stand de la foire. Un chamboule-tout, où il faut faire tomber des bouteilles de lait avec une balle afin de gagner un prix.

Bonjour monsieur, Commandant Raines. Je peux voir une licence commerciale et un permis d’exploitation s’il vous plaît ? Il serait préférable de ne pas participer et financer une activité qui serait illégalement déclarée…
Euh, je… Oui, bien sûr. Le forain bredouille mais s’exécute… Et je constate avec grand plaisir qu’il tient son administratif à jour et dispose effectivement de toutes les autorisations et permissions nécessaires.
Bien ! Combien dois-je faire tomber de tas de quilles pour la petite peluche de veau toute mignonne, là ? Je pointe du doigt l’objet des convoitises de ma partenaire du jour.
Combien de… Tas de quilles ? Ah, Commandant, je ne doute pas de votre force, mais ce jeu n’est pas si simple qu’il n’y paraît !
Hm. Je fais la moue. Il reprend.
Faites-en déjà tomber une ! Dix bouteilles à faire tomber pour gagner, 500 berries les trois balles. Ça vous tente ?

Je dévisage le forain. Je pourrais lancer un véritable boulet de canon et y mettre toutes mes forces… Et ça m’étonnerait franchement que les bouteilles tiennent le coup.

Bien sûr, comme vous êtes un honnête homme et que vous êtes réglo, j’imagine que votre jeu l’est également, n’est-ce pas ?
Bien évidemment ! C’est simplement un jeu d’adresse !
Par exemple, vous n’avez pas lesté les bouteilles du bas pour les rendre plus difficiles à renverser ? Ou rempli la balle que je dois lancer de liège pour qu’elle soit plus amortie plus à l’impact ?
Euh... Et si je vous fait la partie à moitié prix ?
Vous savez, elles sont connues vos combines. C’est malhonnête… Pas illégal, pour une raison qui me semble inconnue, mais malhonnête…
Hé… Vous n’êtes pas obligé de jouer ! Le forain se défend en levant les mains en l’air et en reculant d’un pas. Je lui jette ses 500 berries.
Hé, j’ai dit que c’était malhonnête, pas que ça m’empêcherait de jouer…

Je m’empare des trois balles, arme le bras et les balance toutes les trois en y mettant le poids de mon corps. Chaque balle touche un tas de bouteilles de lait différent et explose celles qui se trouvent à la base des empilements. Le choc est violent, sourd, lourd… Et c’est au final trente bouteilles qui dégringolent et finissent par terre. Le forain, dont la bouche grande ouverte laisse tomber sa mâchoire au sol, ne lâche pas un mot alors que je passe à côté de lui récupérer la peluche tant convoitée.

Merci, bonne journée et bonne foire ! Je lui lance, avec un air particulièrement enjoué. Finalement, ça fait du bien d’évacuer un peu et de se laisser aller. Megumi me saute au cou alors que je lui donne sa peluche. Voilà, comme ça même si tu quittes Kage Berg et reprends la mer, tu ne seras pas toute seule ! Et puis, c’est un peu comme si je veillais sur toi !

Le rouge me monte un peu aux joues, quand je réalise à quel point mes paroles sont fleur bleue. C’est bizarre après tout… On ne s’est pas vus depuis quinze ans, pourquoi je lui dis un truc pareil ? C’est déjà plus qu’étrange qu’on se soit reconnus et qu’on se balade ensemble, alors ça…

Tu veux te balader un peu dans la foire ?

Bravo Raines. Niveau niaiserie, on touche le fond.
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Il y avait quelque chose dans ses yeux que je pourrais très certainement reconnaître même s’il s’était déguisé ; Ce zeste de fermeté. Quelque chose que j’avais pour le coup toujours admiré chez lui. En effet, s'il fallait comparer nos deux personnalités et cela depuis notre enfance, j’étais la définition même d’une gamine qui était droguée au sucre. Vous l’aurez compris, toujours excitée, j’roulais partout et je trainais qui que ce soit autour de moi pour faire des bêtises. Et je dois dire qu’à son insu, le jeune Alex en a été la victime plus d’une fois. Il aime jouer l’innocent, mais je suis certaine qu’il aimait nos petites escapades nocturnes aux ports marins. J’ai failli l’emmener sur le bâteau de mon père, mais on s’était fait choper par l’un des hommes de mon père. Alex pensait qu’on allait à la guerre. Très naïf comme gamin. Tout ça pour dire que c’est sûrement pour ce genre de souvenirs un peu tordus qu’on se souvient l’un de l’autre ! Un été réellement peu comme les autres.

Et nous voici bien des années plus tard, mon bras autour du sien, bien trop contente de la peluche qu’il venait de me gagner. C’était assez marrant même juste de le voir embrouiller le gérant du stand sur la légitimité du jeu. Bien que j’étais derrière, la grosse sueur sur le front entrain de lui tapoter le dos afin qu’il lâche le morceau. Mais ça ne m’étonnait pas, au fond, on n’avait vraiment pas changé.

“ Je penserai à toi alors lorsque je regarderai … ce veau … “ Je continuais à fixer l’animal tout en le mettant sous mon bras. J’avais remarqué cette teinte rouge sur ses joues et bien que ça me tentait beaucoup de le taquiner dessus, j’étais plus surprise par le fait qu’il ose dire ce genre de chose. Où était donc passé le commandant dédié uniquement à son travail ? Était-ce différent parce qu’il était en pause ? Était-t-il un charmeur malgré lui ?  J’étais bien contente de voir le temps d’une demi-seconde, ce côté plus lax’ de sa personne. “ Si je suis en danger et que je t’appelle … Tu viendras à ma rescousse n’est-ce pas ? ” Je lui demandais simplement muni un léger sourire narquois.

J’acquiesçais à sa dernière question, lui tirant légèrement le bras pour nous approcher de la petite boulangerie. Une fois sur place, je fis mine d’avoir oublié mon porte monnaie ! Il aura plutôt du mal à me contredire vu la localisation de l’objet.

“ Deux confiseries au chocolat et lait de vache frais s’il vous plaît !  “ Annonçais-je à la dame tenant la boulangerie, puis me tournais vers Alex, attendant bien évidemment qu’il paie. “ D’ailleurs tu sais, j’ai un petit cadeau pour toi ! “ Changer de sujet en attendant qu’il règle la transaction était une bonne idée ! “ Mais je te le passerai plus tard ! ”

Une fois sortie avec nos pâtisseries en main et quelques minutes de marche s’écoulèrent. La brise commençait un petit peu à se faire fraiche balayant mes mèches de cheveux à l’arrière. Après avoir entamé mon gâteau, je commençais à marcher de mon côté. “ Tu sais, si je pars à l’aventure un peu partout, c’est pour me prouver certaines choses. Un peu comme toi d’ailleurs avec ton parcours ! Avec la navigation, j’ai toujours voulu suivre les pas de ma mère bien que je ne l’ai jamais vraiment connu. “ Je marquais une simple pause avant de reprendre sous un soupire. “ Je veux savoir si abandonner mon père et moi en valait vraiment le coup. Tu sais, partir à l’aventure, rencontrer de nouvelles personnes … Je vais sûrement m’engager sur Grandline d’ici quelque temps en plus ! Après mon tour des Blues … “ Mon regard commençait doucement à se perdre vers l’horizon.

J’ai toujours été inspiré par ses ambitions, peu importe si on les approchait de manières tellement différentes. Je secouais ma tête de gauche à droite avant de le regarder droit dans les yeux.

“ Enfin– Je parle beaucoup trop ! Tu dois être pas mal comblé avec ce que tu fais, avoir des hommes sous tes ordres ! Alex Raines, bientôt un sous-amiral ? ” Je ne cesserai donc jamais de le taquiner.  
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“Je penserais à toi lorsque je regarderai ce veau”. Ce ne sont pas vraiment des paroles qu’on aimerait entendre, d’un ami comme d’un ennemi. Mais dans ce cas précis, ça a un côté mignon.

Bien sûr que je viendrai à la rescousse. C’est pour ça que je me suis engagé dans la marine. Pour protéger et aider les gens. Je commence, en bombant le torse et en me passant une main dans les cheveux. Puis, je lui lance un regard en coin. Bien évidemment, ça veut aussi dire que je viendrai t’arrêter si jamais tu passes du mauvais côté de la loi !

Cela n’est ni une menace, ni un avertissement. Je connais la Megumi de mon enfance. Je sais que flirter l’amuse, que ça soit avec moi comme c’est actuellement le cas ou bien avec la légalité… Qu’elle soit chapardeuse, à la limite de la kleptomanie… Ce n’est pas un drame en soi. Mais qu’elle fasse attention à elle. La criminalité est une pente glissante. Elle pourrait se retrouver au mauvais endroit au mauvais moment et s’associer avec les mauvaises personnes. Nous vivons dans un monde de plus en plus dangereux, et tous mes collègues n’ont pas ma bienveillance et ma tempérance. S’ils étaient médecins et avaient un patient qui a mal au pied, il serait logique pour eux d’amputer la jambe ou d’abréger ses souffrances.

Après un petit détour pour nous restaurer, où elle me fait forcément payer en prétextant un oubli de portefeuille, nous continuons à déambuler dans les rues d’une ville habituellement déserte et qui ne se bonde de monde qu’à l’occasion de cette foire.

Notre discussion semble perdre Megumi dans ses pensées, et la jeune femme se met alors à se confier à moi. Elle cherche à se prouver des choses. Suivre les traces d’une mère et essayer de comprendre son abandon. Une histoire bien triste, à laquelle je ne peux pas vraiment me référer. Mes parents nous ont choyé, mon frère et moi, durant toute notre enfance. Enfin, ils ne nous ont pas vraiment choyé… Ils nous ont supervisés. Comme si nous étions à l’armée avant l’heure. Dans tous les cas, je pense qu’elle se trompe à mon sujet. Je n’ai rien à me prouver. J’ai suivi les enseignements que mes parents voulaient donner à mon frère, le génie. Personne n’avait de vraies attentes pour moi. Quand il a déserté, et que je ne me suis plus trouvé dans sa lumière, j’ai cru, instant que peut-être je pourrais briller. Mais je me suis simplement retrouvé dans son ombre. Je n’ai rien à prouver à personne. Surtout pas à ceux qui m’ont trahi ou n’ont pas cru en moi. La seule chose que je peux faire c’est continuer sur cette voie sur laquelle je me suis lancé, et ne pas donner raison à ceux qui disent que les Raines sont des traîtres et des moins que rien.

Alex, ça va ? Je suis happé hors de mes pensées par Megumi, qui pose sa main sur son épaule. Alex ? Alex. C’est vrai, c’est comme ça qu’elle me connaît et qu’elle m’appelle… Depuis nos retrouvailles, d’ailleurs. Cela fait longtemps qu’on ne m’a plus appelé par mon prénom, et que je n’ai pas disputé quelqu’un pour l’avoir fait. Je relève la tête, et lâche un petit rire nerveux en me grattant l’arrière du crâne.

Haha, oui t’en fais pas… Sous-amiral, hein ? C’est le strict minimum ! Je finirai Amiral et mon nom sera un synonyme d’espoir pour tous les habitants du globe ! Je me ressaisis et reprends l’écaille du roi des mers en parlant de ce rêve de gosse, avant ma voix à demi-teinte de naïveté. Ca semble trop gros pour être vrai, dit comme ça… Mais je suis sérieux ! Même si je sais que ça ne sera pas facile… Je marque une pause, puis me tourne vers elle. Et toi, alors ? Partir sur Grandline ? Assurément, c’est le rêve de toute navigatrice, j’imagine, de faire le tour du monde… Mais c’est une mer périlleuse ! Tu te sens d’aplomb ?

Je me reprends.

Je ne souhaite pas sous-estimer et insulter ta détermination ou tes capacités… Mais Grandline est tristement célèbre pour avaler les Hommes et les recracher en morceaux. C’est une mer sans pitié sur laquelle il est dangereux de s’aventurer seul. Tu es sûre de ta décision ? Je marque une pause et lui esquisse un sourire. Tu pourrais t’engager dans la marine. Après quelques années, tu pourrais diriger ton propre équipage. Les ordres ne sont pas aussi stricts qu’on le croit… Mais j’imagine que ce n’est pas assez libre pour toi dans tous les cas, n’est-ce pas ? C’est quelque chose que tu dois justement faire seule, hm ?

Une proposition pas vraiment sérieuse. Nous ne nous sommes pas vus depuis une éternité, et les gens changent… Mais à ce niveau-là, je pense pouvoir affirmer sans trop me tromper qu’elle n’a pas l’ombre d’un intérêt pour s’engager…
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C’était vraiment adorable à regarder, il semblait vraiment avoir trouvé sa vocation cet Alex. Bien que contrairement à moi, il avait une ligne toute tracée et c’était admirable. J’étais plutôt du genre à voir où le vent m’emmène et à ce rythme si j’fais pas plus attention, j’vais terminer dans une cellule quelque part dans les Blues. Mais l’entendre juste parler de ses convictions et des espoirs qu’il s’était autorisé à avoir … Je dois avouer que ça m’inspire de plus belle à en faire de même.

“ On s’inquiète pour moi ? ” Disais-je, marchant fièrement un pied devant l’autre. Un léger rire s’échappait alors, ma tête se penchant vers Alex. “ J’imagine que oui ? J’sais pas si c’est vraiment ce que je souhaite faire. Bien sûr, j’adore la navigation, la cartographie c’est une grande passion que j’ai depuis que mon père m’a acheté mon tout premier kit à mes 3 ans ! “ Un index levé contre mon menton, mes yeux levés vers le ciel. “ Il avait justement peur que je devienne comme ma mère, partir à l’aventure ! Lui qui préfère vagabonder entre les Blues … Faut dire que je ne pouvais pas résister à l'envie de découvrir l’inconnu non plus.  Et ce malgré les risques qui pourraient se présenter ! Mais c’est ce qui me fait vibrer pour l’instant … Enfin je crois !  ”

Je m’arrêtais alors de marcher avant de lui prendre la main et de le tirer vers un banc qui venait tout juste de se libérer afin de s’y poser ensemble. Je prenais mes propres initiatives comme il prenait les siennes, on ne s’était pas vu depuis de belles lurettes et nous avions chacun dû faire face à des challenges qui nous étaient propres. J’imaginais qu’il avait une vie assez compliquée, rien qu’à l’idée d’avoir un père comme le sien me faisait froid dans le dos.

“ Mais bien que la proposition soit alléchante. ” Je rajoutais sarcastiquement. “ Je ne pense pas être un bon atout à la marine ah ! Et puis je dois t’avouer que je me sentirais étouffée par autant de règles à suivre … et de  tissus… “ Je rajoutais en jetant un simple regard sur son uniforme.

Si je pouvais figer ce moment rien que pour une éternité, je le ferais. Nous deux, assis sur ce banc en regardant la vie défiler à toute vitesse. Et mes yeux vagabondaient entre des enfants se battant pour un ballon ainsi qu'un couple de vieilles personnes visiblement follement amoureux l’un de l’autre. Je pouvais presque nous voir il y a une dizaine d'années dévalant les rues à toute vitesse. Finalement mon regard se posa alors sur le jeune homme, très certainement entrain de surveiller chaque villageois. Quand soudain, une idée m’empara l’esprit. Je ne pris pas une seconde de plus avant de me lever, lui faisant alors signe d’attendre là où il était. Accélérant le pas vers un petit magasin ambulant, je fis ce que je savais faire le mieux : marchander. Quelques minutes étaient passées avant que je ne puisse ressortir du magasin, fière de moi. Un grand sourire amusé sur mes lèvres, je me positionnais devant l’homme assis.

“ Faisons une promesse ! ” Je pris une grande respiration avant de sortir de derrière mon dos un simple bracelet rose avec une mini bouteille de lait de vache accrochée tel un porte clé. Sur la bouteille pouvait être lue la lettre M écrite avec un marqueur noir. “ N’abandonnons jamais– “ C’était simple mais plutôt efficace. “ Avec ce bracelet autour de ton poignet, tu seras bien obligé de penser à moi et de te rappeler de ne jamais t’arrêter. “ Je pris une pause, attrapant délicatement sa main avant d’y glisser le cadeau autour. Il pouvait déjà voir qu’un bracelet bleu avec la lettre A était positionné sur mon poignet droit. “ Je sais que tu n’as pas forcément besoin de cette promesse, mais jusqu’à notre prochaine rencontre … Pense à ça comme un porte bonheur ! ”

Je soupirais enfin avant de lâcher son poignet. Bien que nos chemins soient différents, restons dans l’esprit de l’autre... était le genre de pensée que j’avais. “ Puis comme ça, tu pourras me protéger à distance aussi ! “ Lui disais-je avant de dignement montrer mon bracelet à mon tour.

“ Ah– ! Je n’ai pas volé les bracelets, si ça peut te rassurer. “ Je pris la précaution de sortir mon porte monnaie devant lui avant qu’il ne me fasse quelconque remarque.
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Comme je m’y attendais, elle refuse cette proposition qui faisait presque plus office de blague. Nous passons un moment agréable, pendant lequel elle parvient presque à m’arracher un gloussement lorsqu’elle avoue qu’elle ne pourrait jamais porter nos uniformes. Je comprends son rêve, son envie de voyager. Le fait qu’il n’y a aucun intérêt pour quelqu’un qui est affamé de découvertes, de liberté et d’aventure à se balader en terres connues.

Mon regard se promène sur les habitants de la ville qui vaquent à leurs occupations. Un couple de personnes âgées qui flânent main dans la main, un groupe de gamins en train de jouer à la balle… En les regardant, je me revois enfant. Je vois cette vie que j’aurais pu avoir, et cette vie à laquelle je pourrais encore aspirer. C’est un moment un peu hors du temps, assis sur ce banc, ou plus rien d’autre n’a réellement d’importance. C’est pour cette raison que je ne voudrais pas figer ce moment, je ne voudrais pas qu’il dure une éternité. Ce n’est pas la vie que j’ai eu. Ce n’est pas celle que j’aurai un jour. Par contre, c’est celle que j’aspire à protéger. Et ce n’est pas en restant assis sur ce banc à me demander ce qui j’aurais pu être ou ce que j’aurais pu faire qui me rapprochera de cet objectif. Alors que je me décide à prendre congé de Megumi pour retourner à ma ronde, cette dernière me devance et me demande de patienter alors qu’elle rentre dans un magasin.

Elle en ressort quelques minutes après, et m’offre un bracelet rose duquel pend une petite bouteille de lait sur laquelle est inscrite son initiale. Elle manque de me faire rire à nouveau et essaie de me prouver qu’elle ne l’a pas volé, mais l’a bien payé avec son argent. Derrière la blague, je devine donc qu’elle est sérieuse, avec ce cadeau et cette promesse… Je secoue la tête. Pourquoi cet attachement envers quelqu’un qu’elle n’a pas revu depuis des années ? Est-ce une déclaration de sentiments que je ne sais percevoir ? Je ne sais pas trop quoi en penser, et le rouge me monte définitivement aux joues.

L’article D4137-3 stipule que tout militaire en service doit porter l’uniforme, et qu’il doit être porté dans la plus stricte correction… Je commence à réciter le règlement auquel je suis obligé de me conformer. Je reprends. Ce que je veux dire, c’est… Merci. Même si je ne peux pas le porter, je le garderai précieusement avec moi. Je prends le bracelet et le mets dans ma poche. Elle a raison. Je n’ai pas besoin d’un grigri comme ça pour me rappeler qui je suis et ce que je dois accomplir. Je n’ai pas non plus besoin d’un porte-bonheur. Par contre, je sais qu’à chaque fois que je regarderai cette babiole, cela suffira à dissiper mes doutes et à me rappeler qu’Alex Raines aurait pu avoir une toute autre vie.

Tu sais, je…
Commandant ! La voix d’un de mes hommes m’interrompt, comme un brusque retour à la réalité, alors que la pensée fugace que je m’apprêtais à concrétiser en la prononçant s’estompe dans mon esprit. Ce sera pour une autre vie, Raines.
Je vous l’ai déjà dit Caporal, si je ne suis pas en service, il ne faut pas m’appeler par mon grade !
Betsy a disparu ! Elle a sans doute été enlevée !

Merde. Betsy, c’est la dauphine du concours de l’an dernier. Mais cette année, son éleveur a mis les bouchées doubles et c’est la grande favorite. C’est LA vache dont tout le monde parle à Kage Berg. Et bien que ces problématiques paysannes semblent relativement superficielles, sa disparition risque de faire l’effet d’un véritable séisme dans cette petite communauté.

Désolé, je dois absolument aller m’occuper de ça, je… Je commence à m’expliquer à Megumi, mais je la vois déjà rassembler ses affaires.

Pas de souci, je t’accompagne !

Je peste intérieurement. Je pourrais perdre quelques précieuses minutes à essayer de la dissuader et de lui faire entendre raison, mais… Elle n’est ni du genre à écouter, ni du genre à obéir sagement parce qu’un représentant de la loi le lui demande. Quelle option me reste-t-il ? L’arrêter ? Ce ne serait pas élégant, et ma réputation en prendrait un coup… Non, la seule solution c’est de l’ignorer. Si elle décide de me suivre, après tout, je n’y peux pas grand-chose…

Nous partons comme des fusées pour suivre le Caporal jusqu’au lieu où la prestigieuse bête de concours aurait disparu…  Et puis, tout à coup, alors que nous sommes en chemin… Nous leur tombons dessus. Une demi-douzaine d’individus, qui tiennent une bête couverte d’un large drap en laisse. Ils émergent d’une ruelle, et gardent leur tête baissée en semblant se hâter d’avancer… Dans la direction opposée à la foire. C’est trop gros pour passer à côté.

Excusez-moi… Bonjour, je suis le Commandant Raines. Je commence à leur adresser la parole en posant ma main gauche sur l’épaule droite d’un des individus. Vous n’avez rien contre le fait que je vous pose quelques questions ?
Merde, la marine ! Cassons-nous ! Le type gueule pour avertir ses collègues, puis tente immédiatement de se dégager. Je serre ma main sur sa clavicule et exerce une pression qui le fige sur place, puis je le retourne vers moi.
Vous voulez extrapoler ?

Pour seule réponse, il tente de m’envoyer un crochet du gauche dans la tête. De ma main droite, je bloque le coup en allant à la rencontre de celui-ci et en le frappant dans le poignet. Puis, m’en saisissant, je m’en sers pour lui mettre un puissant coup de genou dans l’estomac. Voilà qui devrait le calmer, celui-là. Les quelques soldats qui m’accompagnent parviennent à maîtriser les autres… Sauf un, qui s’enfuit en courant dans la direction de Megumi, restée quelques mètres en retrait.

Dégage, toi !
Attention ! Je m’écrie à l’attention de la jeune femme, sur laquelle l’individu est en train de foncer…
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