Il y a quelques temps, sur Kage Berg …
— Le message dit “Rendez-vous à une aurore, place de l’Obélisque à Saint-Uréa, pour un ami en commun. Pas de vague.” …
Grant Crowley se gratta pensivement la barbe. Depuis la fin de la Barge des Barges, ses muscles avaient quelques peu fondu avant de se laisser choir en gras. Visiblement, la vie à la ferme demandait un peu moins d’efforts que la vie à bord d’un navire révolutionnaire, et l’on y mangeait mieux.
— Sûrement un ancien camarade …
— Ou alors un traqu’nard.
— Dans le doute, je ne veux pas laisser un des nôtres dans la merde.
Irrité, Grant souffla nerveusement du nez. Il discutait avec Mama non sans une certaine tension, une certaine appréhension, dans le salon vieillot du ranch qui appartenait aux parents de cette dernière. A leur mort, il revint à leur fille unique mais son homme préféra prendre la relève et raccrocher les gants de révolutionnaire, signant par là même la fin de la Barge des Barges.
— J’le sens gros comme une maison, c’est Bahia.
— Depuis tout ce temps ? Il aurait la dent sacrément dure ! Même moi j'ai oublié !
— Mais si ç'avait été l'inverse, t'aurais pas oublié. Et pis un chien d’la casse comme lui oublie jamais rien. Surtout quand y’avait du pognon en jeu. Indirectement, on a tapé dans sa renommée.
— Pas sympa pour les vrais chiens de casse ... Deux jours. Laisse-moi deux jours.
Grant ne releva pas la tentative d'humour de sa femme. Il grogna même en signe de protestation et se mit à taper du pied, ses réflexions fusant à toute vitesse dans son cerveau.
— J’aime pas c’te île ! C’est un vrai guêpier ! Un pas d’travers et tu finis direct la corde au cou dans l’meilleur des cas ! Tu t'rends pas compte des risque qu'tu prends ! J'peux pas t'laisser y aller !
— Rhoo, mais si ! C'est juste que t'es plus dans le move depuis longtemps ! Moi je sillonne encore les mers ! Deux jours, et tu fais l’aller-retour !
— Et les moutons ? Les cultures ?
— Oh arrête de te trouver des excuses ! On a des voisins ! Tu leur rends tout le temps service, ils peuvent bien te rendre la pareille pour une fois, non ?!
Il n’aimait pas ce qu’il se profilait, et il savait qu’il ne tiendrait pas longtemps face à sa femme. Il se pinça le haut du nez, à la base des yeux qu’il avait fermé, perdu dans ses pensées contradictoires, à peser le pour et le contre.
— Deux jours, et tu fais l’aller-retour !
— Arrête de faire l'enfant ! Tu crois que j’vais t’laisser si jamais tu r’viens pas à l’heure prévue ?! J’pourrais même pas voler à ton s’cours sans y laisser ma peau !
— Justement ! Pas besoin de voler à mon secours si je cane !
— ET C’EST SENSÉ M’RASSURER ?! J’veux pas t’perdre !
— Je ne ferai pas de vague ! Promis ! De toute façon, c’est écrit dans le message : “Pas de vague” …
— Mais j’te connais ! Quand tu vas t’rendre compte d’la pourriture qu’est c’te île, quand tu vas voir les conditions d’vie des gens d’là haut, ça va êt’ plus fort que toi : tu vas ruer dans les brancards !
— Je me retiendrais ! Pour toi ! Et puis je ne peux pas rester à ne rien faire en sachant qu’il y a quelqu’un qui nous connaît suffisamment pour savoir où on habite et qui est dans la merde jusqu’au cou !
— J’te dis qu’c’est Bahia ! Il a dû s’renseigner sur nous, sur toi, il sait comment qu’t’es, comment t’prendre au piège !
— Deux jours, je te promets de me contenir et tu me promets de repartir seul si je ne suis pas là à temps.
Grant se passait nerveusement la main dans sa tignasse grisonnante indomptable de plus en plus souvent, son battement du pied gagnait en frénésie … Le tout formait un rythme comme une ôde au stress, ponctuée par des soupirs du nez. La musique s’emballait, il allait craquer.
Alors elle le laissa macérer dans son jus, un petit sourire en coin. Elle se paya même le luxe de siroter bruyamment le whisky qu'ils s'étaient servi en le fixant droit dans les yeux.
— Tu fais chier, Mama !
— Merci mon cow-boy des mers ! Et rassure-toi, tous les connards qui m’ont maudit n’ont pas eu ma couenne si facilement ! Au final, ils ont sûrement raison : je suis une peau de vache, avec le cuir bien dur !
Victorieuse, elle arborait fièrement son habituel sourire crâne qu’elle sublima d’un clin d’oeil complice. Malgré tout, son homme lâcha un souffle amusé.
— Le message dit “Rendez-vous à une aurore, place de l’Obélisque à Saint-Uréa, pour un ami en commun. Pas de vague.” …
Grant Crowley se gratta pensivement la barbe. Depuis la fin de la Barge des Barges, ses muscles avaient quelques peu fondu avant de se laisser choir en gras. Visiblement, la vie à la ferme demandait un peu moins d’efforts que la vie à bord d’un navire révolutionnaire, et l’on y mangeait mieux.
— Sûrement un ancien camarade …
— Ou alors un traqu’nard.
— Dans le doute, je ne veux pas laisser un des nôtres dans la merde.
Irrité, Grant souffla nerveusement du nez. Il discutait avec Mama non sans une certaine tension, une certaine appréhension, dans le salon vieillot du ranch qui appartenait aux parents de cette dernière. A leur mort, il revint à leur fille unique mais son homme préféra prendre la relève et raccrocher les gants de révolutionnaire, signant par là même la fin de la Barge des Barges.
— J’le sens gros comme une maison, c’est Bahia.
— Depuis tout ce temps ? Il aurait la dent sacrément dure ! Même moi j'ai oublié !
— Mais si ç'avait été l'inverse, t'aurais pas oublié. Et pis un chien d’la casse comme lui oublie jamais rien. Surtout quand y’avait du pognon en jeu. Indirectement, on a tapé dans sa renommée.
— Pas sympa pour les vrais chiens de casse ... Deux jours. Laisse-moi deux jours.
Grant ne releva pas la tentative d'humour de sa femme. Il grogna même en signe de protestation et se mit à taper du pied, ses réflexions fusant à toute vitesse dans son cerveau.
— J’aime pas c’te île ! C’est un vrai guêpier ! Un pas d’travers et tu finis direct la corde au cou dans l’meilleur des cas ! Tu t'rends pas compte des risque qu'tu prends ! J'peux pas t'laisser y aller !
— Rhoo, mais si ! C'est juste que t'es plus dans le move depuis longtemps ! Moi je sillonne encore les mers ! Deux jours, et tu fais l’aller-retour !
— Et les moutons ? Les cultures ?
— Oh arrête de te trouver des excuses ! On a des voisins ! Tu leur rends tout le temps service, ils peuvent bien te rendre la pareille pour une fois, non ?!
Il n’aimait pas ce qu’il se profilait, et il savait qu’il ne tiendrait pas longtemps face à sa femme. Il se pinça le haut du nez, à la base des yeux qu’il avait fermé, perdu dans ses pensées contradictoires, à peser le pour et le contre.
— Deux jours, et tu fais l’aller-retour !
— Arrête de faire l'enfant ! Tu crois que j’vais t’laisser si jamais tu r’viens pas à l’heure prévue ?! J’pourrais même pas voler à ton s’cours sans y laisser ma peau !
— Justement ! Pas besoin de voler à mon secours si je cane !
— ET C’EST SENSÉ M’RASSURER ?! J’veux pas t’perdre !
— Je ne ferai pas de vague ! Promis ! De toute façon, c’est écrit dans le message : “Pas de vague” …
— Mais j’te connais ! Quand tu vas t’rendre compte d’la pourriture qu’est c’te île, quand tu vas voir les conditions d’vie des gens d’là haut, ça va êt’ plus fort que toi : tu vas ruer dans les brancards !
— Je me retiendrais ! Pour toi ! Et puis je ne peux pas rester à ne rien faire en sachant qu’il y a quelqu’un qui nous connaît suffisamment pour savoir où on habite et qui est dans la merde jusqu’au cou !
— J’te dis qu’c’est Bahia ! Il a dû s’renseigner sur nous, sur toi, il sait comment qu’t’es, comment t’prendre au piège !
— Deux jours, je te promets de me contenir et tu me promets de repartir seul si je ne suis pas là à temps.
Grant se passait nerveusement la main dans sa tignasse grisonnante indomptable de plus en plus souvent, son battement du pied gagnait en frénésie … Le tout formait un rythme comme une ôde au stress, ponctuée par des soupirs du nez. La musique s’emballait, il allait craquer.
Alors elle le laissa macérer dans son jus, un petit sourire en coin. Elle se paya même le luxe de siroter bruyamment le whisky qu'ils s'étaient servi en le fixant droit dans les yeux.
— Tu fais chier, Mama !
— Merci mon cow-boy des mers ! Et rassure-toi, tous les connards qui m’ont maudit n’ont pas eu ma couenne si facilement ! Au final, ils ont sûrement raison : je suis une peau de vache, avec le cuir bien dur !
Victorieuse, elle arborait fièrement son habituel sourire crâne qu’elle sublima d’un clin d’oeil complice. Malgré tout, son homme lâcha un souffle amusé.