Tekkai ! Pas le temps de réfléchir, et encore moins d’esquiver. Je croise les bras devant ma tête pour protéger mon visage et courbe l’échine, puis fige mon corps avec le Tekkai. Les premières balles arrivent, percent mes vêtements, et commencent à entamer ma chair pourtant rendue aussi dure que l’acier. La sensation est très désagréable, comme se faire dévorer par petits bouts. Non pas que ça me soit déjà arrivé pour avoir un point de comparaison ! Dans tous les cas, c’est bon, ça ira, ce n’est que superficiel.
Les pirates marquent une courte pause, le temps d’une hésitation. Certains se sont arrêtés de tirer, pensant que ce serait suffisant. D’autres, ont le cerveau qui bugue en essayant de comprendre pourquoi je ne suis pas encore par terre en train de gésir dans mon sang. Toujours est-il qu’il m’offrent une seconde de répit, malgré eux. Et une seconde de répit c’est bien assez quand on est capable d’utiliser le Rokushiki, même partiellement.
Soru ! Je me déplace à toute vitesse droit devant moi, genou en avant. Une fraction de seconde plus tard, je percute un pirate en plein dans le ventre. Sous la violence du choc, il crache une belle gerbe de sang et titube en arrière. Autour de moi, ses camarades mettent du temps à réaliser ce qui vient de se produire. Ils me paraissent si… Lents.
Ça fait longtemps que je ne me suis pas battu en situation réelle. La plupart de mes missions étaient toutes très tranquilles, ou contre des adversaires qui comprenaient bien vite que ça ne servait à rien de se débattre. Que ce soit au QG du G-3, où la flemme règne en maître, ou avec mes hommes, personne n’a ma détermination et ma motivation et ne se tue à la tâche que moi. Ça remonte à quand, la dernière fois que j’ai vraiment vu ou affronté quelqu’un de fort ? La formation pour l’apprentissage du Rokushiki que le Sous-Amiral Niromoto avait été obligé de nous faire ? Les combats d'entraînement contre le Commandant d’élite Haas ? Les démonstrations du Commandant Jugo, au BAN ?
J’esquive un coup de sabre qui manque de ruiner ma superbe coiffure en reculant simplement le torse. Je réponds à mon assaillant d’un jab en plein visage. Il titube en arrière et alors qu’il porte ses mains à son nez, je l’attrape par le bras et l’envoie valdinguer dans un groupe de ses collègues. Soru. Je me déplace derrière un autre pirate et l’assomme d’un coup de coude dans la nuque. Soru. Coup de pied retourné dans l’estomac d’un autre. Soru. Un croisé du droit dans un des criminels qui s’effondre. Je ramène mon bras et mets un coup de coude dans le torse de celui qui s’avançait dans mon dos. Soru. Cric dans le genou et sans reposer le pied par terre, coup de pied au visage. Je bloque, je bouge, je frappe. A chaque pirate que je neutralise, je me sers de ma mobilité supérieure pour me déplacer en latéral et récupérer ma vision périphérique, pour ne pas me faire avoir dans "l'effet tunnel" de ce genre de combats de rue. J’enchaîne les déplacements instantanés et des frappes chirurgicales sans qu’ils ne sachent vraiment où donner de la tête.
C’est un véritable déluge de Raines qui s’abat sur ces pirates.
Et puis alors que je m’occupe des derniers à encore se tenir debout, je sens quelque chose derrière moi. Pire qu’un mauvais pressentiment, je sens l’air siffler près de mes oreilles. Je connais ce bruit. C’est celui d’une lame qui fend l’air. Je réagis instantanément.
Kami-E ! A l’inverse du Tekkai, mon corps acquiert une souplesse surhumaine, qui me permet d’esquiver in extremis le sabre qui venait droit vers ma tête. Sauf que ce n’est pas un sabre. C’est un poing américain, mais qui m’arrivait dessus avec une telle vitesse que c’est l’impression que ça m’a donné. Soru ! Je m’éloigne en me déplaçant de l’autre côté du pont. Je ne peux pas me vanter d’avoir déjà croisé un utilisateur de pouvoirs démoniaques. Mais dans un monde aussi vaste que le nôtre… Il y a des gens qui ont parfois des capacités surprenantes. Je suis bien placé pour le savoir… La première fois que j’ai eu vent du Rokushiki, j’avais du mal à en croire mes yeux… Toujours est-il que j’applique la règle d’or que j’ai apprise au BAN : en cas de doute, on met de la distance.
Oh ? Marrante, ta façon de bouger… Un coup t’es dur, un coup t’es mou, un coup tu disparais…
Lui, il ne dégage pas la même aura que les autres. C’est bien évidemment le capitaine du bateau. Il a peut-être mon âge, voire plus jeune. Mais il est deux fois plus impressionnant : là où je suis plutôt mince et athlétique, lui est une montagne de muscles. Ses pieds, comme ses poings, sont couverts de renforcement métalliques. Dont il sait apparemment se servir, vu la vitesse du coup précédent. Moi qui disais que ça faisait longtemps que je n’avais pas affronté un véritable adversaire… On dirait que l’univers m’a entendu. Je peste. J’ai la jambe qui tremble. J’ai un peu abusé des Geppou et des Soru, et mon corps commence à en subir le contrecoup. J’en aurais pourtant bien eu besoin contre ce type.
Je souffle un grand coup et me mets en garde alors qu’il contemple l’étendue des dégâts sur le pont du bateau.
Ben dis donc… Tu n’y es pas allé de main morte, hahahaha ! Je n’arrive pas à savoir s’il rit jaune, où s’il a un pet au casque. Vu que c’est un pirate, je penche plutôt pour la seconde hypothèse. Quand j’ai entendu qu’on avait un Commandant aux trousses, je suis resté bien tranquillement dans ma cabine… Des Commandants de la marine, on en a vu quelques-uns… D’habitude, ils ont moins de niaque !
Pas besoin de beaucoup de force pour étaler des minables pareil… Je lui réponds sèchement, sans me relâcher une seule seconde. J’ai même dû me retenir pour ne pas les tuer.
Comme c’est noble, monsieur le marine ! J’en tremble de peur !
Rassurez-vous, je saurai me retenir et vous capturer vivant. Ce n’est pas à moi de juger vos crimes, aussi vils soient-ils, mais seulement de le permettre.
Hahahaha ! Tu ne sais vraiment pas à qui tu as à faire, petit Commandant, hein ? Je suis le Capitaine Manguito, de la World Wide Company ! Tu crois que tu fais le poids ? Des bleus comme toi, y’en a plein qui m’ont menacé… Et ils ont tous fini par le regretter !
Manguito ? Le nom ne me dit rien. Je marque une légère pause. En tout cas, il n'a pas du beaucoup sévir ailleurs que sur East Blue. Mais il commence à me chauffer sérieusement les oreilles, à me manquer de respect. Je reprends. Par contre, j’ai vu les dégâts que vous avez fait à Cocoyashi. Et je connais la réputation de la WWC. Si les gens que vous avez kidnappés ont la moindre égratignure… Je vous garantis que vous n’aurez même plus assez de dents pour raconter que c’est le “petit” Commandant Raines qui vous a collé au trou.
Hahahaha, t’es mignon ! Non, ils ne sont pas trop amochés, il faut quand même encore que je les vende, après t’avoir crevé la gueule ! Ou alors… Ptet que tu vas aller les rejoindre. J’ai des clients qui paieraient un prix d’or pour pouvoir faire laver le sol à une gueule d’ange comme la tienne ! Et puis ça compensera pour les quelques-uns qu’on a balancé aux monstres marins !
Je ne réagis pas à ses menaces, simplement soulagé qu’ils n’aient pas décidé de blesser leurs otages. Du coin de l'œil, je vois que mes hommes sont toujours loin, affairés à repêcher et secourir les villageois. On dirait qu’il va falloir que je me débrouille tout seul.
Mon regard se repose sur Manguito. Ou plutôt sur son poing qui fuse droit vers moi. Putain. Je ne l’ai lâché des yeux qu’une fraction de seconde.
Allez, Raines. Du nerf. Il va falloir envoyer du bois.