Quelques jours plus tôt, entre la Nouvelle Réa et Zaun
Victor Bahia, l’économiste de Saint-Uréa, avait une nouvelle fois capturé Mama. Alors qu’elle avait provoqué une révolte sur l’Île aux Esclaves puis permis à une poignée d’entre eux de s’échapper, sans le savoir ni le vouloir, l’esclavagiste l’avait coincée entre lui et les Marines sur place.
Il l’avait achetée parce qu’elle avait de vieux comptes à lui rendre. Et comme la révolutionnaire devait payer son dû, il l’intégra parfaitement à ses plans.
Tout comme la première fois, il l’avait enfermée à fond de cale comme tous les autres esclaves qu’il s’était procuré à la Nouvelle Réa, et il l’avait enfermée dans un box à part, pour ne pas qu’elle provoque à nouveau une rébellion. Mais comme tous les autres, elle était ligotée, sous-alimentée et vivait dans ses déjections. S’ils se montraient revêches, ils sautaient un repas, déjà rares, que les geôliers ne leur livreraient pas. Mama l’avait appris à ses dépends la première fois.
Sur le trajet jusqu’à une destination qui lui était inconnue, il ordonna qu’elle rejoignît sa cabine pour un entretien. Il lui était hors de question de descendre dans la cale, dans la puanteur propre aux esclaves !
Mama était une forte tête, mais depuis plus d’un mois, elle enchaînait les coups durs. Elle n’avait plus l’énergie pour lui tenir tête ou le piquer verbalement. En plus, son charisme naturel l’intimidait.
Quand on poussa Mama pour entrer dans la cabine du chef des Condors de Guerre, sa milice privée, il était tel qu’elle se l’imaginait. Il la dévisageait froidement, assis derrière son bureau, son habituel chapeau vissé sur son crâne rasé, ses petits yeux furieux derrière ses lunettes teintées, un rictus satisfait aux lèvres. Les coudes posés sur son mobilier, il avait joint les extrémités de ses doigts et la regardait par-dessus. Tout le decorum de sa cabine contrastait avec le ventre du navire. Comme s’il tenait à prouver aux autres mais aussi à lui-même sa supériorité.
Malgré sa taille et sa corpulence, on la força aisément à s’asseoir sur la chaise en face de lui en tirant sur ses chaînes. Mama regardait ses mains.
— Eh bien … Quel moucheron agaçant tu fais ! J’ai bien cru ne jamais pouvoir en finir avec toi …
Elle releva les yeux, alertée par ces derniers mots. Il allait la tuer ?! Il dut lire dans ses pensées car il émit un petit rire grinçant.
— Mais non, rassure-toi ! Tu me dois déjà un sacré paquet de pognon ! Je pourrais t’inciter à me le rendre de gré ou de force, mais ce serait trop facile. Et puis je ne gagnerai aucun investissement.
Il tapotait ses doigts sur le bureau, son sourire satisfait s'élargit et déforma son visage.
— Au début, je pensais que tes petites manigances allaient me nuire, mais depuis que j’ai mis le grappin sur toi, je pense qu’au contraire, tu vas me rapporter gros. Tant que tu restes sous mon contrôle, plus tu n’en fais qu’à ta tête, plus ta popularité explose et plus tu prends de valeur au marché noir ! Mais il faut apprendre à laisser dormir les investissements avant d'en profiter. Et le temps étant de l’argent, je ne vais pas rester sans rien faire. Späre est un peu trop laxiste à mon goût : les esclaves tiennent absolument à retrouver leur liberté. C’est pour ça qu’il faut les briser ! Il faut tuer dans l’oeuf leurs envies de rébellion ! Quand le moral n’est plus là, ils obéissent docilement et ils peuvent se consacrer pleinement à leurs tâches !
Il martelait du poing sur le bureau pour appuyer ses arguments, en parlant les dents serrées, un rictus de dédain tordant ses lèvres.
A nouveau, il se reposa sur ses coudes. Il posa ensuite sa tête sur ses mains jointes et regardait doucereusement Mama et prit un ton égal. Mais dans sa bouche, le miel tournait en fiel.
— Mais je ne suis pas un monstre ! Là où tu iras, tu seras payée, comme tous les autres ! Enfin, “tous les autres”, non … Pas les autres en fond de cale. Eux, c’est un peu spécial … Mais toi, tu l’es encore plus ! Alors il me faut te hisser au rang au-dessus !
Mama fronça les sourcils. Elle ne comprenait pas son petit manège.
— Là où tu iras, les gens vivent volontairement la même situation que les esclaves … tout en l’ignorant plus ou moins. Oh, on leur donne bien de quoi survivre un temps soit peu, pour les motiver. Mais personne n’osera se rebeller. Se révolter, c’est arrêter d’être payé. Se révolter, c’est prendre le risque de crever à petits feux dans la rue. Et personne ne veut ça ! Mais fort heureusement pour eux, l’offre est là ! Alors même si certains rendent les armes à un moment où un autre, tous y reviennent. Je te l’ai dit : il faut bien survivre !
A l’incompréhension de Mama se mêlait la peur. Bahia le lut sur son visage et explosa d’un rire malsain, et peut-être un brin forcé.
— Alors voilà le deal. Tu vas aller travailler, et tu seras payée. Tu devras t’assurer le gîte et le couvert. Enfin … tu devras assurer votre gîte et votre couvert ! Parce que tu te doutes bien que je ne vais pas te laisser sans surveillance ! Laisse-moi te présenter Brody Rodman !
Alors que Mama allait se retourner pour chercher l’homme des yeux, elle sentit une main glacée se poser sur son cou, suivie du dos d’un poignard qui tira un trait sur sa jugulaire, entre le majeur et l’annulaire de l’homme. Elle se redressa aussitôt de terreur, une suée froide déferlant dans son dos.
L’homme relâcha son étreinte et lui tapota “amicalement” l’épaule avant de s’écarter.
Bahia était aux anges. Il se délectait de la situation. Mama tournait frénétiquement la tête pour essayer de voir son agresseur, mais ses chaînes l’entravaient.
— Pour le gîte, un ami a accepté de me rendre ce petit service. Il n’est pas regardant et ne s'immiscera pas dans votre petite vie privée … tant que tu lui paies le loyer. Tu devras donc aussi payer de quoi manger à ce brave Brody. Tu verras, c’est un brave type ! Lui aussi n’est pas très envahissant, on l’oublie vite … tant que tu ne me joues pas un sale tour … Mais ne t’inquiètes pas ! Il ne va pas te tuer ! Non ! Je ne m’assieds jamais sur un profit ! Non, il va simplement s’assurer de ta coopération ! Je te déconseille donc d’essayer de nous doubler ou de lui mener la vie dure.
Il écarta les mains pour signifier qu’il avait terminé et qu’il était satisfait.
— Bien compris ? demanda-t-il avec un grand sourire.
Mama acquiesça timidement de la tête. Son sourire satisfait s’élargit à nouveau.
— Ravi que nous trouvions enfin un terrain d’entente ! Ramenez-la dans son trou !
La mine et les épaules basses, Mama se leva de sa chaise. Pour autant, ses tortionnaires l'incitaient déjà à avancer en silence.
Alors qu’elle allait franchir le seuil de la porte de la cabine, une ombre invisible s’avança dans la pénombre et lui fit un petit sourire radieux.
Victor Bahia, l’économiste de Saint-Uréa, avait une nouvelle fois capturé Mama. Alors qu’elle avait provoqué une révolte sur l’Île aux Esclaves puis permis à une poignée d’entre eux de s’échapper, sans le savoir ni le vouloir, l’esclavagiste l’avait coincée entre lui et les Marines sur place.
Il l’avait achetée parce qu’elle avait de vieux comptes à lui rendre. Et comme la révolutionnaire devait payer son dû, il l’intégra parfaitement à ses plans.
Tout comme la première fois, il l’avait enfermée à fond de cale comme tous les autres esclaves qu’il s’était procuré à la Nouvelle Réa, et il l’avait enfermée dans un box à part, pour ne pas qu’elle provoque à nouveau une rébellion. Mais comme tous les autres, elle était ligotée, sous-alimentée et vivait dans ses déjections. S’ils se montraient revêches, ils sautaient un repas, déjà rares, que les geôliers ne leur livreraient pas. Mama l’avait appris à ses dépends la première fois.
Sur le trajet jusqu’à une destination qui lui était inconnue, il ordonna qu’elle rejoignît sa cabine pour un entretien. Il lui était hors de question de descendre dans la cale, dans la puanteur propre aux esclaves !
Mama était une forte tête, mais depuis plus d’un mois, elle enchaînait les coups durs. Elle n’avait plus l’énergie pour lui tenir tête ou le piquer verbalement. En plus, son charisme naturel l’intimidait.
Quand on poussa Mama pour entrer dans la cabine du chef des Condors de Guerre, sa milice privée, il était tel qu’elle se l’imaginait. Il la dévisageait froidement, assis derrière son bureau, son habituel chapeau vissé sur son crâne rasé, ses petits yeux furieux derrière ses lunettes teintées, un rictus satisfait aux lèvres. Les coudes posés sur son mobilier, il avait joint les extrémités de ses doigts et la regardait par-dessus. Tout le decorum de sa cabine contrastait avec le ventre du navire. Comme s’il tenait à prouver aux autres mais aussi à lui-même sa supériorité.
Malgré sa taille et sa corpulence, on la força aisément à s’asseoir sur la chaise en face de lui en tirant sur ses chaînes. Mama regardait ses mains.
— Eh bien … Quel moucheron agaçant tu fais ! J’ai bien cru ne jamais pouvoir en finir avec toi …
Elle releva les yeux, alertée par ces derniers mots. Il allait la tuer ?! Il dut lire dans ses pensées car il émit un petit rire grinçant.
— Mais non, rassure-toi ! Tu me dois déjà un sacré paquet de pognon ! Je pourrais t’inciter à me le rendre de gré ou de force, mais ce serait trop facile. Et puis je ne gagnerai aucun investissement.
Il tapotait ses doigts sur le bureau, son sourire satisfait s'élargit et déforma son visage.
— Au début, je pensais que tes petites manigances allaient me nuire, mais depuis que j’ai mis le grappin sur toi, je pense qu’au contraire, tu vas me rapporter gros. Tant que tu restes sous mon contrôle, plus tu n’en fais qu’à ta tête, plus ta popularité explose et plus tu prends de valeur au marché noir ! Mais il faut apprendre à laisser dormir les investissements avant d'en profiter. Et le temps étant de l’argent, je ne vais pas rester sans rien faire. Späre est un peu trop laxiste à mon goût : les esclaves tiennent absolument à retrouver leur liberté. C’est pour ça qu’il faut les briser ! Il faut tuer dans l’oeuf leurs envies de rébellion ! Quand le moral n’est plus là, ils obéissent docilement et ils peuvent se consacrer pleinement à leurs tâches !
Il martelait du poing sur le bureau pour appuyer ses arguments, en parlant les dents serrées, un rictus de dédain tordant ses lèvres.
A nouveau, il se reposa sur ses coudes. Il posa ensuite sa tête sur ses mains jointes et regardait doucereusement Mama et prit un ton égal. Mais dans sa bouche, le miel tournait en fiel.
— Mais je ne suis pas un monstre ! Là où tu iras, tu seras payée, comme tous les autres ! Enfin, “tous les autres”, non … Pas les autres en fond de cale. Eux, c’est un peu spécial … Mais toi, tu l’es encore plus ! Alors il me faut te hisser au rang au-dessus !
Mama fronça les sourcils. Elle ne comprenait pas son petit manège.
— Là où tu iras, les gens vivent volontairement la même situation que les esclaves … tout en l’ignorant plus ou moins. Oh, on leur donne bien de quoi survivre un temps soit peu, pour les motiver. Mais personne n’osera se rebeller. Se révolter, c’est arrêter d’être payé. Se révolter, c’est prendre le risque de crever à petits feux dans la rue. Et personne ne veut ça ! Mais fort heureusement pour eux, l’offre est là ! Alors même si certains rendent les armes à un moment où un autre, tous y reviennent. Je te l’ai dit : il faut bien survivre !
A l’incompréhension de Mama se mêlait la peur. Bahia le lut sur son visage et explosa d’un rire malsain, et peut-être un brin forcé.
— Alors voilà le deal. Tu vas aller travailler, et tu seras payée. Tu devras t’assurer le gîte et le couvert. Enfin … tu devras assurer votre gîte et votre couvert ! Parce que tu te doutes bien que je ne vais pas te laisser sans surveillance ! Laisse-moi te présenter Brody Rodman !
Alors que Mama allait se retourner pour chercher l’homme des yeux, elle sentit une main glacée se poser sur son cou, suivie du dos d’un poignard qui tira un trait sur sa jugulaire, entre le majeur et l’annulaire de l’homme. Elle se redressa aussitôt de terreur, une suée froide déferlant dans son dos.
L’homme relâcha son étreinte et lui tapota “amicalement” l’épaule avant de s’écarter.
Bahia était aux anges. Il se délectait de la situation. Mama tournait frénétiquement la tête pour essayer de voir son agresseur, mais ses chaînes l’entravaient.
— Pour le gîte, un ami a accepté de me rendre ce petit service. Il n’est pas regardant et ne s'immiscera pas dans votre petite vie privée … tant que tu lui paies le loyer. Tu devras donc aussi payer de quoi manger à ce brave Brody. Tu verras, c’est un brave type ! Lui aussi n’est pas très envahissant, on l’oublie vite … tant que tu ne me joues pas un sale tour … Mais ne t’inquiètes pas ! Il ne va pas te tuer ! Non ! Je ne m’assieds jamais sur un profit ! Non, il va simplement s’assurer de ta coopération ! Je te déconseille donc d’essayer de nous doubler ou de lui mener la vie dure.
Il écarta les mains pour signifier qu’il avait terminé et qu’il était satisfait.
— Bien compris ? demanda-t-il avec un grand sourire.
Mama acquiesça timidement de la tête. Son sourire satisfait s’élargit à nouveau.
— Ravi que nous trouvions enfin un terrain d’entente ! Ramenez-la dans son trou !
La mine et les épaules basses, Mama se leva de sa chaise. Pour autant, ses tortionnaires l'incitaient déjà à avancer en silence.
Alors qu’elle allait franchir le seuil de la porte de la cabine, une ombre invisible s’avança dans la pénombre et lui fit un petit sourire radieux.