Depuis peu, Mama était en pourparler avec l’Armée révolutionnaire. Depuis ses mésaventures à Saint-Uréa, sur l’Île aux Esclaves et enfin à Zaun, elle songeait sérieusement à les rejoindre pour avoir une puissance de frappe plus conséquente sans avoir à se mettre en danger constamment. Cependant, si elle ne voulait pas commencer cette nouvelle vie sans son homme, Grant, ou son ancienne timonière et amie, Sasha, elle ne voulait pas non plus leur imposer cela. Elle savait que cette dernière la suivrait jusqu’au plus profond des enfers, mais que le premier aspirait à plus de tranquillité, et la gérance de leur ranch sur Kage Berg lui convenait parfaitement. Même si au fond d’elle, elle se voyait déjà diriger une caraque, gérer les stocks de nourriture pour trois cents personnes, cuisiner pour autant de monde, et soutenir les siens grâce à sa baguette climatique qui pourrait souffler une brise dans les voiles ou encore remplir les réserves d’eau potable.
Mais depuis qu’elle avait été escortée de Zaun jusqu’à chez elle sur un navire de l’Armée révolutionnaire, celle-ci ne la lâchait plus. Les Valets qui l’avaient sauvée venaient régulièrement aux nouvelles, mais un peu trop pour que cela ne parût pas intéressé, bien que réellement bien intentionné.
Et du peu qu’elle avait côtoyé leur équipage, elle avait quand même entendu des bruits de coursives : des Revendiqués, donc des Révolutionnaires comme elle qui préféraient garder leur indépendance, allaient attaquer le quatrième pont de Tequila Wolf.
Mama en déduisit que l’opération était de relativement grande ampleur pour que même des mousses fussent au courant. Une chose était sûre : elle voulait y aller.
Elle pourrait faire d’une pierre plusieurs coups. Déjà, elle pourrait venir en aide à des esclaves, et c’était la chose la plus importante. Et puis, elle pouvait soit s’assurer qu’on pouvait être Revendiqué et mener des opérations importantes tout en s’assurant la victoire, soit recruter dans son futur équipage des esclaves reconnaissants envers leur sauveuse ou des esclaves sans proches ni attaches.
Alors après un peu de repos bien mérité et quelques aventures trépidantes, elle bassina Grant et Sasha pour rejoindre les forces en place à Tequila Wolf. Encore une fois, cette dernière était toujours partante, et le premier se fit désirer. A chaque fois, il tenait tête à sa femme tout en contre-argumentant, mais à chaque fois elle se montrait encore plus insistante et il cédait. Après coup, et à chaque fois, Mama s’en voulait de jouer les fillettes capricieuses mais se gardait bien de le lui avouer pour assurer l’intégrité de son amour propre, sans compter qu’il pouvait finalement changer d’avis.
A deux contre un -parce que Sasha aussi avait participé au débat, Grant avait perdu. Depuis le début, et comme à chaque fois, ce n'était qu’une question de temps.
Alors c’était devenu une habitude : avant chaque départ, ils se mettaient d’accord sur un plan d’action et quelques règles à ne pas enfreindre. Cette fois-ci, les recommandations étaient plutôt générales et brèves : il ne fallait pas se mettre en danger plus que nécessaire et Grant mènerait la barge.
Le lendemain matin, provisions faites et clés du ranch prêtées aux voisins, ils prenaient la mer.
Quand ils arrivèrent aux environs de l’île, ils avaient bien pris soin de la contourner pour arriver directement au bon endroit, malgré le raffût que l’assaut devait causer, il était hors de question de risquer des tirs de canons de la part des Marines restés à leurs postes. Ils naviguèrent donc en direction d’une des extrémités du plus grand chantier naval : le fameux pont numéro quatre.
Ils étaient habillés tous les trois très chaudement, Mama plus que les autres. Elle détestait la neige. Après tout, sur Torino, son île natale, et bien qu’elle n’eût que très peu vécu là-bas, le tissu cédait volontiers sa place à la peau, dorée par un soleil de plomb. Mais elle avait aussi d’autres préoccupations en tête : elle comptait bien jouer du bâton météo pour se frayer une place, mais elle connaissait assez mal les formations météorologiques possibles dans ses conditions glaciales. Rien que sur l’Île aux Esclaves, elle avait voulu former un mirage mais n’avait obtenu que du brouillard jusqu’en milieu de matinée car les températures n’étaient pas suffisamment élevées. Or, elle n’avait jamais entendu parler d’orages de neige.
Heureusement pour elle, sa détermination à sauver des esclaves et celle à décider de son avenir étaient plus fortes.
Quand le bagne fut enfin en vue, le combat faisait déjà rage. Ils n’auraient aucun mal à se glisser jusqu’au front malgré les quatre grands navires amarrés.
Sasha, qui brûlait d’impatience sous l’impulsion d’Alexis, une de ses deux personnalités alternatives, avait saisi la lunette et scrutait la bataille.
— Oh ! Trop marrant !
— Qu’est ce qu’il y a ? s’étonna Mama.
— Les Révolutionnaires, ils ont des petites feuilles sur la tête ! C’est trop mignon !
— Hein ?!
— Mais oui je te jure ! C’est pour qu’ils puissent se reconnaître dans la bataille je parie !
— Hm … Ca m’dit que’que chose …
Grant, toujours à la barre, se grattait la barbe d’un air pensif. Il cherchait dans ses souvenirs en gardant un œil sur sa trajectoire et son allure.
— C’est peut-être l’équipage des Mauvaises Herbes ? Ou celui des Bergers des Mers, vous savez, les écoterroristes !
— Tu les connais ?
— Non, je viens de les inventer ! Mais vous voyez où je veux en venir …
— Sasha, t’sais qu’t’as trente balais maint’nant ?! Alors arrête de t’comporter comme une gamine ! Faut êt’ sérieux là !
Mama s’empara de la lunette et constata que Sasha disait la vérité. Cette dernière avait vécu une série d’horreurs jusqu’au début de l’âge adulte. Mama l’avait sauvée alors qu’elle avait été brisée, anéantie par des esclavagistes, et dès lors, elle était devenue la petite protégée de sa capitaine après un dur moment d’apprivoisement et de resociabilisation. Depuis qu’elle était redevenue elle-même, elle aimait badiner un peu comme une enfant.
— Les pousses ont l’air tellement naturelles … C’est perturbant …
Et puis …
— Non mais t’as vu leur peau ?! Je veux bien que le temps et les combats soient rudes mais … ils sont déjà couverts d’engelures de partout ! Elle est même nécrosée pour certains !
— Gaffe les filles, ça m’dit rien qui vaille …
Grant était parvenu à s’approcher de Tequila, Mama et Sasha s’étaient chargées de gagner le front en assurant aux assaillants que la cavalerie était arrivée.
L’accueil avait été quasi-inexistant. Et même … glacial. La capitaine officieuse avait mis ça sur le compte du fait qu’elle n’était composée que de deux personnes, certes volontaires mais bien insuffisantes pour renverser la balance.
Aussi, elle crut bon d’irradier les gens autour d’elle des Heat Balls de son bâton météo pour les réchauffer, mais les intéressés grognaient ou gémissaient quand les bulles rouges de chaleur dansaient autour d’eux. Elle se dit alors qu’adoucir par le chaud des blessures liées au gel devait leur procurer davantage de mal que de bien. Donc sans plus de procession, elle cessa sa petite affaire.
Enfin, quelques secondes plus tard, Sasha réalisa que les cris qu’elle entendait en contre-bas et qui peinaient à percer le brouhaha du combat était un appel de Grant, toujours à la barre de la barge.
— MAMA ! SASHA !
L’intéressée se pencha et fit de grands gestes des bras pour se signaler au timonier improvisé.
— J’ME SOUVIENS ! C’EST PAS DES GRIS ! C’EST DES ZOMBIES DE L’ÎLE EN FÊTE !
Mais depuis qu’elle avait été escortée de Zaun jusqu’à chez elle sur un navire de l’Armée révolutionnaire, celle-ci ne la lâchait plus. Les Valets qui l’avaient sauvée venaient régulièrement aux nouvelles, mais un peu trop pour que cela ne parût pas intéressé, bien que réellement bien intentionné.
Et du peu qu’elle avait côtoyé leur équipage, elle avait quand même entendu des bruits de coursives : des Revendiqués, donc des Révolutionnaires comme elle qui préféraient garder leur indépendance, allaient attaquer le quatrième pont de Tequila Wolf.
Mama en déduisit que l’opération était de relativement grande ampleur pour que même des mousses fussent au courant. Une chose était sûre : elle voulait y aller.
Elle pourrait faire d’une pierre plusieurs coups. Déjà, elle pourrait venir en aide à des esclaves, et c’était la chose la plus importante. Et puis, elle pouvait soit s’assurer qu’on pouvait être Revendiqué et mener des opérations importantes tout en s’assurant la victoire, soit recruter dans son futur équipage des esclaves reconnaissants envers leur sauveuse ou des esclaves sans proches ni attaches.
Alors après un peu de repos bien mérité et quelques aventures trépidantes, elle bassina Grant et Sasha pour rejoindre les forces en place à Tequila Wolf. Encore une fois, cette dernière était toujours partante, et le premier se fit désirer. A chaque fois, il tenait tête à sa femme tout en contre-argumentant, mais à chaque fois elle se montrait encore plus insistante et il cédait. Après coup, et à chaque fois, Mama s’en voulait de jouer les fillettes capricieuses mais se gardait bien de le lui avouer pour assurer l’intégrité de son amour propre, sans compter qu’il pouvait finalement changer d’avis.
A deux contre un -parce que Sasha aussi avait participé au débat, Grant avait perdu. Depuis le début, et comme à chaque fois, ce n'était qu’une question de temps.
Alors c’était devenu une habitude : avant chaque départ, ils se mettaient d’accord sur un plan d’action et quelques règles à ne pas enfreindre. Cette fois-ci, les recommandations étaient plutôt générales et brèves : il ne fallait pas se mettre en danger plus que nécessaire et Grant mènerait la barge.
Le lendemain matin, provisions faites et clés du ranch prêtées aux voisins, ils prenaient la mer.
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Quand ils arrivèrent aux environs de l’île, ils avaient bien pris soin de la contourner pour arriver directement au bon endroit, malgré le raffût que l’assaut devait causer, il était hors de question de risquer des tirs de canons de la part des Marines restés à leurs postes. Ils naviguèrent donc en direction d’une des extrémités du plus grand chantier naval : le fameux pont numéro quatre.
Ils étaient habillés tous les trois très chaudement, Mama plus que les autres. Elle détestait la neige. Après tout, sur Torino, son île natale, et bien qu’elle n’eût que très peu vécu là-bas, le tissu cédait volontiers sa place à la peau, dorée par un soleil de plomb. Mais elle avait aussi d’autres préoccupations en tête : elle comptait bien jouer du bâton météo pour se frayer une place, mais elle connaissait assez mal les formations météorologiques possibles dans ses conditions glaciales. Rien que sur l’Île aux Esclaves, elle avait voulu former un mirage mais n’avait obtenu que du brouillard jusqu’en milieu de matinée car les températures n’étaient pas suffisamment élevées. Or, elle n’avait jamais entendu parler d’orages de neige.
Heureusement pour elle, sa détermination à sauver des esclaves et celle à décider de son avenir étaient plus fortes.
Quand le bagne fut enfin en vue, le combat faisait déjà rage. Ils n’auraient aucun mal à se glisser jusqu’au front malgré les quatre grands navires amarrés.
Sasha, qui brûlait d’impatience sous l’impulsion d’Alexis, une de ses deux personnalités alternatives, avait saisi la lunette et scrutait la bataille.
— Oh ! Trop marrant !
— Qu’est ce qu’il y a ? s’étonna Mama.
— Les Révolutionnaires, ils ont des petites feuilles sur la tête ! C’est trop mignon !
— Hein ?!
— Mais oui je te jure ! C’est pour qu’ils puissent se reconnaître dans la bataille je parie !
— Hm … Ca m’dit que’que chose …
Grant, toujours à la barre, se grattait la barbe d’un air pensif. Il cherchait dans ses souvenirs en gardant un œil sur sa trajectoire et son allure.
— C’est peut-être l’équipage des Mauvaises Herbes ? Ou celui des Bergers des Mers, vous savez, les écoterroristes !
— Tu les connais ?
— Non, je viens de les inventer ! Mais vous voyez où je veux en venir …
— Sasha, t’sais qu’t’as trente balais maint’nant ?! Alors arrête de t’comporter comme une gamine ! Faut êt’ sérieux là !
Mama s’empara de la lunette et constata que Sasha disait la vérité. Cette dernière avait vécu une série d’horreurs jusqu’au début de l’âge adulte. Mama l’avait sauvée alors qu’elle avait été brisée, anéantie par des esclavagistes, et dès lors, elle était devenue la petite protégée de sa capitaine après un dur moment d’apprivoisement et de resociabilisation. Depuis qu’elle était redevenue elle-même, elle aimait badiner un peu comme une enfant.
— Les pousses ont l’air tellement naturelles … C’est perturbant …
Et puis …
— Non mais t’as vu leur peau ?! Je veux bien que le temps et les combats soient rudes mais … ils sont déjà couverts d’engelures de partout ! Elle est même nécrosée pour certains !
— Gaffe les filles, ça m’dit rien qui vaille …
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Grant était parvenu à s’approcher de Tequila, Mama et Sasha s’étaient chargées de gagner le front en assurant aux assaillants que la cavalerie était arrivée.
L’accueil avait été quasi-inexistant. Et même … glacial. La capitaine officieuse avait mis ça sur le compte du fait qu’elle n’était composée que de deux personnes, certes volontaires mais bien insuffisantes pour renverser la balance.
Aussi, elle crut bon d’irradier les gens autour d’elle des Heat Balls de son bâton météo pour les réchauffer, mais les intéressés grognaient ou gémissaient quand les bulles rouges de chaleur dansaient autour d’eux. Elle se dit alors qu’adoucir par le chaud des blessures liées au gel devait leur procurer davantage de mal que de bien. Donc sans plus de procession, elle cessa sa petite affaire.
Enfin, quelques secondes plus tard, Sasha réalisa que les cris qu’elle entendait en contre-bas et qui peinaient à percer le brouhaha du combat était un appel de Grant, toujours à la barre de la barge.
— MAMA ! SASHA !
L’intéressée se pencha et fit de grands gestes des bras pour se signaler au timonier improvisé.
— J’ME SOUVIENS ! C’EST PAS DES GRIS ! C’EST DES ZOMBIES DE L’ÎLE EN FÊTE !