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Retour au pays !

Mama était enfin rentrée de ses mésaventures qui l’avaient traînée de Saint-Uréa à Zaun, en passant par la Nouvelle-Réa. Cela faisait un peu plus d’une semaine. Elle avait passé plus de trois mois en captivité, accompagnée, pendant un temps seulement et contre leur gré, de son amie Sasha. Grant, l'homme de la capitaine officieuse de cet équipage de trois personnes et qui s’ignorait était par deux fois parti à leur rescousse tout en se faisant un sang d’encre.

Depuis qu’il avait raccroché les gants de la Révolution quand il était le second de la Barge des Barges, il s’était porté volontaire pour prendre en charge le ranch que les parents de Mama ont légué à cette dernière à leur mort. Cette paix lui convenait parfaitement, perdu au milieu de nul part, fiché dans son petit nid douillet.

Après cet épisode tumultueux, une fois n’étant pas coutume, Mama fut pour une fois heureuse d’y rejoindre les siens. Elle avait grand besoin de se remettre en forme après les maltraitances qu’elle avait subi, et ce réconfort supplémentaire n’était pas sans lui procurer le plus grand bien.

Mais elle ne tenait jamais en place. Pour autant, il lui était hors de question de jouer les redresseuses de tort dans ce monde où les injustices étaient reines. Non, si elle se sentait obligée de lever l’ancre, elle voulait seulement emmener son amie découvrir son île natale, Torino. Après tout, ce serait pour elle aussi une découverte, ou plutôt une redécouverte, puisqu’elle l’avait quitté à l’âge de quatre ans. Tout ce dont elle se rappelait, c’était ce que lui avaient dit ses parents : c’était une île ensoleillée où trônait un arbre géant, et après une guerre mémorable entre les oiseaux immenses et les humains colossaux, toute l’île avait regagné sa paix d’antan. La seule ombre au tableau, c’était elle.
En effet, même si elle était en bas âge, elle prenait un malin plaisir à chercher des noises aux oisillons qui avaient le malheur de se poser trop près d’elle. Les deux adversaires se battaient comme des chiffonniers, si bien que ses parents avaient craint que la guerre n’éclatât de nouveau. C’était l’unique raison de leur déménagement sur Kage Berg. Ils avaient espéré que Mama serait plus sociable avec les moutons et les vaches. Et ce fut le cas !

Un peu moins de quarante ans plus tard, Mama était toujours pétrie de remords. Cette idée qu’elle avait eu soudainement pouvait également lui permettre de présenter ses excuses tardives à celles et ceux qui se souviendraient de cette époque.
Son amour propre était très fort et elle n’admettait ses erreurs qu’en dernier recours. Or, elle n’allait pas faire un détour par Torino pour présenter des excuses à des piafs, même si elle ne faisait pas de différence entre les humains et les autres animaux ! Et puis elle allait être ridicule ! De toute façon, elle imaginait que la plupart des gens, s’ils n’étaient pas morts, avaient oublié !
Mais pour autant, elle avait un sens de l’honneur marqué. Certes un peu moins que son orgueil, mais tout de même ! Alors c’était le moment idéal pour faire ce qu’elle s’était toujours juré de faire si elle en avait l’occasion !


C’était pour tout cela que leur barge barbotait tranquillement en direction de Torino. La météo avait été clémente et le voyage agréable.
Elles savaient qu’elles approchaient des côtes car déjà le piaillement des mouettes faisait son grand retour, mais elles surent qu’elles étaient arrivées à destination quand elles aperçurent l'immense arbre symbolique de l'île. D’immenses volatiles s'en envolèrent et se mirent à piqueter le ciel bleu.
Sasha ne put contenir son étonnement en voyant ces forces de la nature au loin, par dessus l'immense palissade en bois qui cernait et protégeait l'île. Mama souriait tendrement, entre la satisfaction de savourer un moment de répit et l’amusement de voir une trentenaire s’émerveiller comme un enfant.

Sasha avait vécu des choses atroces, et Mama l’en avait sauvée. A ce moment-là, elle était complètement brisée et elles avaient dû apprendre à s’apprivoiser pour qu’elle pût à nouveau accorder sa confiance à un humain, qui allait devenir un temps sa capitaine.
Pour faire face à ces horreurs, Sasha s’était créé des personnalités alternatives. Et ces deux choses avaient marqué à vie son physique. Les traits rudes et les cheveux courts, elle avait l’air d’un vrai garçon manqué, à la limite de l’androgynie. Elle aimait en jouer auprès des personnes qu’elle ne connaissait pas et laissait planer le doute avec délectation. Mama pensait même qu’elle n’aimait pas se définir clairement, puisqu’elle-même s’était sciemment inventé une personnalité masculine, Maxime. Et puis il y avait Alexis. Une jeune femme tempétueuse et dangereuse qui était née dans la brutalité et le désespoir. Elle avait autant sauvé la vie de Sasha qu’elle ne l’avait mise dans le pétrin.
Depuis peu, Sasha et ses deux alters égos s’étaient réunis sous sa réelle identité, plus ou moins intimement. Et donc, cela faisait toujours sourire Mama quand elle voyait son amie réagir comme une jeune adolescente. Elle était persuadée que sa vie psychologique avait repris lors de leur rencontre, ce qui expliquait ses réactions encore parfois puériles.


Leur moment de délassement et de contemplation fut subitement interrompu par une flèche en fer qui vint se loger dans le bois du pont dans un craquement sec. Sasha lâcha la barre de panique, et Mama fusilla du regard de l’oiseau géant qui grossissait dans le ciel à mesure qu’il se rapprochait d’eux.
C’était une mise en garde. La personne qui chevauchait le volatile avait visé juste et ne les ciblait pas directement.

— Sasha, maintiens le cap ! On va toujours s'amarrer au port !

Malgré l’inquiétude, elle opina du chef et Mama courut dans sa cabine.
Elle fouilla dans son armoire et regagna le pont, un vêtement blanc en main qu’elle agita le plus haut qu’elle pût. De par sa morphologie, son habit était suffisamment grand pour que le cavalier aviaire le vît.

Et c’était le cas. Mama le comprit quand l’oiseau bifurqua vers l’arbre géant qui paradait fièrement sur son caillou perdu en mer. La tranche de la main plaquée au-dessus des yeux pour se protéger du soleil, elle scrutait toujours Torino à la recherche d’une éventuelle autre réaction.

— Mes parents ne m’avaient pas menti. On ne s’invite pas à l’improviste sur Torino … Ça devrait aller, mais m’est avis qu’on aura quand même le droit au comité d’accueil.
— T’façon, c’est pas comme si on avait de mauvaises intentions ! Je m’en fais pas !
— Personne n’a jamais de mauvaises intentions avant de mouiller au port.



* * *


Et effectivement, la barge enfin à l’arrêt, un petit groupe de Néotribaux, les locaux de l’île, vint au devant des deux amies qui finissaient de préparer leur débarquement. Enfin … Sasha avait interrompu sa tâche, surprise de voir que toutes et tous étaient des colosses de la même trempe que sa capitaine officieuse.

— I-I-Ils sont tous comme toi ?!
— Nan, certains sont aimables.
— Non mais je veux dire …
— Je sais ce que tu veux dire, et oui, ils sont tous comme moi : grands, gros, et au cuir tanné par le soleil, décoré de tatouages.
— C’est pas très sympa, ça …


Mama leva la tête pour voir qui lui avait adressé la parole. Elle retourna à ses affaires sans plus porter d’attention à son interlocuteur qu’elle ne connaissait ou reconnaissait pas.

— T’es jamais parti d’ici, toi … C'est le genre de truc qu'on me fait péter dans les dents à chaque fois.
— Tu t’y es peut-être habituée, mais c’est un coup dur pour moi …
— Oh, t’es grand, va ! Tu t’en remettras ! Et puis ceux qui viennent là doivent bien vous le dire, non ?
— Ils ne sont pas si nombreux, et quand ils nous voient, ils se gardent bien de nous le faire savoir … Même s’ils n’en pensent pas moins.


Personne ne bougeait. Ils attendaient un peu trop patiemment que les deux déclinassent leur identité. Le silence commençait à s'installer, aux dépens de l’autorité que la troupe représentait. Il fallait donc que leur chef la rétablît.

— Et tu es ?

Elle se releva, les poings sur les hanches, le sourire crâne.

— Ma…
— …loma R’shmalo !
— SASHA !


Mama détestait son prénom et son nom. Elle trouvait qu’il sonnait trop mou. Si sa coéquipière pensait bien faire, son sourire sournois mais complice trahissait son envie de la taquiner.

— Sasha Poole, même ! Pour être plus précise …

Elle était rayonnante, fière d’avoir réussi son petit coup. Leur interlocuteur eut l’air sonné.

— Oh bah merde alors ! Si un jour on m’avait dit qu’on reverrait un R’shmalo ici …


Dernière édition par Mama Boutanche le Sam 2 Juil 2022 - 9:32, édité 2 fois
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— Et que vient faire la gamine R’shmalo ici, après toutes ces années ? J’imagine que tu ne te souviens même pas avoir vécu là ?
— Parce que toi oui ? Si c’est le cas, chapeau ! A peu de choses près, on a le même âge.


La tension montait, Mama était sur ses gardes et son interlocuteur remplissait son rôle. Mais Sasha sentait une forme de proximité farouche, insoupçonnée mais innée, entre les deux Néotribaux. D’ailleurs, leur façon de parler normalement l'intriguait. Elle s’attendait à une forme de langage primitif, surtout que leurs tenues, pour la plupart faites de paille et de feuilles géantes renforçaient ses croyances, mais c’était peut-être pour cela qu’ils s’appelaient les Néotribaux …

— Non, bien sûr que non. Ta famille est ancienne ici, donc j’en ai déjà entendu parlé … Mais ça ne répond pas à ma question.
— J’ai vécu un enfer ces derniers temps, et donc je prends du temps pour souffler un peu. J’ai proposé à Sasha de visiter mon île natale, ça me permet de faire la même chose finalement …
— Je vois. Tu vas aussi en profiter pour reprendre ta guéguerre avec nos piafs adorés ?
— MAIS QUOI ?! T’es au courant de ça aussi ?!
— Ah bah ... C'est que ça a marqué les mémoires !


Mama laissa tomber lourdement sa tête de dépit.

— Oh non ! Si tu savais …
— Bah c’est simple. Je peux savoir : explique-moi.


Elle releva la tête et les yeux au ciel. Décidément, son passé la rattrapait.

— Rhaa punaise ! Bah ! Si tu y tiens … C’est l’heure de me ridiculiser et je n’y couperai pas, hein ? Tu sais, quand t’es gamine, qu’on te fait parrainer un agneau, que tu t’attaches à lui et que le jour où il disparaît, tu demandes où il est passé et qu’on te répond “dans ton assiette”, ça te coupe toute envie de remanger un jour de la viande. Entre ça et mon travail dans les abattoirs, je me suis mise en porte-à-faux contre la maltraitance animale et le spécisme !

Son interlocuteur fut pris d’un rire qu’il ne pût étouffer.

— Eh beh ! Quel grand écart !
— Bon, c’est bon ? J’ai montré patte blanche ?
— Ouais, vous pouvez venir.
— Et toi, t’es qui ? On se connaît ?
— Je pense pas. Je dois être né peu après votre départ, à tes parents et toi. Mais tu connais Ana, non ? Ana R’shi ?
— Elle est toujours là, cette peste ?
— Plus ou moins … Disons qu’elle est toujours sur Torino mais qu’elle fait bande à part, comme un petit nombre d’entre nous. Y a quelques années, on a créé les “Haut Ferrés”, une bande de Néotribaux qui ont préféré le retour à la nature plutôt que les technologies. Je l’ai rejointe et on est en couple. On vit tous dans des cahutes dans l’arbre, parmi les oiseaux. Et je m’appelle Tomai.


Mama se sentit honteuse d’avoir envoyé une pique qui était sortie toute seule et tenta de masquer sa gêne dans un ébahissement sincère.

— Wow ! Trop cool ! Et … désolée pour “la peste” … J’imagine qu’on change tous … Enchanté, Tomai ! Mais par pitié, appelle-moi Mama, comme tous les autres …
— Enchanté également, Mama ! Allez, venez !


Sasha avait suivi la discussion avec ravissement. Un nouveau monde totalement inconnu s’ouvrait à elle et c’était un émerveillement à chaque instant.
Mama était plus réservée mais pas complètement fermée pour autant. Elle avait été sur la défensive mais surtout, la tenue composée de débris de métal de Tomai lui avait mis la puce à l’oreille inutilement. Ce n’était pas dans les habitudes des Néotribaux d’user de métal pour concevoir leur tenue, quasi-exclusivement constituée de végétaux. Mais s’il faisait partie d’un groupe appelé les Haut-Ferrés, cela tombait sous le sens. Depuis qu’elle avait eu vent de leur petite prouesse de cohabitation avec les colosses des cieux, elle mourrait d’envie de les rejoindre au moins pour un temps.

L’ébahissement des deux femmes ne semblait connaître aucune limite. Sasha s’émerveilla davantage, comme si c'eût été possible, en découvrant le village entièrement recouvert par l’ombre énorme de l’arbre. Elle s’attendait à voir des cabanes faites de branches et de paille mais en réalité, la majorité étaient faites de pierre de la même couleur que le sable. Il y avait bien sûr quelques cahutes telles qu’elle les avait imaginées mais elles étaient en sous-nombre, et temporaires comme elle s’en doutait désormais. Derrière, une jungle dense barrait l’accès à l’arbre géant qui trônait majestueusement, reliant terre et ciel. Son feuillage dispersait même parfois les rares nuages de beau temps qui osaient passer par là.

Un homme orné de plus de tatouages que les autres se dirigeait vers eux. Ses rares cheveux ne poussaient qu’en une seule touffe en plein centre de son crâne, et il l’avait surmontée d’un crâne qu’il avait percé pour y laisser passer des mèches. Sasha se disait qu’elle ressemblait à un vieux yucca tellement assoiffé qu’il avait fané et roussi. Ses traits naturellement méfiants se détendirent en air franchement accueillant. Pour confirmer son expression, il ouvrit largement les bras.

— Bienvenue à Torino ! Mon pifomètre ne s’était pas trompé ! Des étrangers arrivaient bel et bien !
— Sauf votre respect, Chef Katabolonga, vous nous avez juste aperçu jouer les éclaireurs dans les airs, comme beaucoup d’entre vous …
— Exact ! Mais mes capteurs oculaires à zoom intégré ont été attirés par cette femme qui remuait un linge blanc à bord de son minuscule bateau sans voile. Je savais qu’il s’agissait d’une enfant du pays mais j’ignorais qui ! Et puis lors du contrôle habituel au port, mes radars d’ondes mécaniques intracrâniens ont …
— Oui, bon, vous écoutez aux portes quoi …
— Faux ! Absolument pas, mon cher Tomai ! Il n’y avait pas de porte entre nous !


Tomai se retourna vers Mama.

— Tu vois ? Outre l’autorité, c’est pour ça qu’on a pris notre indépendance …
— Parce que vous aviez un chef vantard, envahissant et intrusif ?


Il s’étouffa du culot de la question candide mais sincère de Sasha, avant d’être pris d’une bouffée de chaleur à cause du manque de respect flagrant dont elle faisait preuve. Il tenta de désamorcer la bombe du mieux qu’il pût.
Katabolonga n’avait rien entendu ou faisait la sourde oreille.

— Non ! Non non ! Comme tu peux … eh bien … plus l’entendre que le voir, les Néotribaux … réguliers dirons-nous … usent de technologie pour “améliorer” leur corps .. Leur technologie est époustouflante puisque tu ne la vois même pas mais …

Il bomba le torse et se le frappa par deux fois.

— Nous, les Haut-Ferrés, pensons que c’est une erreur. Nous estimons que c’est renier notre nature même d’insulaires ! Nous avons préféré pousser notre symbiose avec la nature au paroxysme ! Et nous nous servons des déchets métalliques pour faire des armes rudimentaires mais redoutables, ou des babioles comme autant de trophées !

Katabolonga leva mollement une main au ciel ainsi que ses “capteurs oculaires à zoom intégré”.

— Ah, ces barbares si attachés au passé … Je crois que je ne les comprendrais ja-mais ! Bien que je les estime, bien sûr !
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Sur ces mots, le comité s’était dispersé. Tomai était parti rejoindre les siens, les Haut-Ferrés, et le reste était retourné à leurs occupations. Il ne restait plus Mama, Sasha, et Katabolonga.

— En tout cas, sachez que votre visite nous honore, très chère enfant des R’shmalo.
— Je vous en prie, appelez-moi Mama.
— Mais pourquoi, Maloma ? Pourquoi renier votre patrie et votre nom ? Soyez fière ! Soyez fière de votre famille ! Elle a longuement été celle d’humbles pêcheurs qui a en partie subvenu aux besoins vitaux de l’île ! Je me rappelle encore de la dernière invention de votre père avant votre départ ! Elle était d’ailleurs un peu trop efficace, et donc pas très au point … Il s’agissait d’un turbo-électro-hameçon ! Il détectait la poiscaille, fondait dessus en tourbillonnant comme une hélice avant de s’accrocher à sa gueule et de l’électrifier ! Aussitôt pêché, aussitôt frit ! Il était si puissant qu’il avait même gravé son arborescence sur le bois de sa barque et que presque toute la faune aux alentour était remontée à la surface ! Il avait failli y laisser sa peau, mais quel festin nous avions fait !


Le chef de Torino riait de bon cœur, mais il se calma et changea de sujet quand il vit que son anecdote choquait son interlocutrice. Elle avait levé les paumes et les yeux au ciel pour souligner l’inconscience et l'incompréhension de son paternel, avant de serrer les poings à cause de ses convictions.

— Mais j’y pense ! Peut-être préférez-vous plutôt visiter la maison de votre enfance ? Les nouveaux locataires depuis votre déménagement sont en déplacement et nous ont chargé d’arroser leurs plantes ! Je suppose qu’ils verraient pas notre petite visite d’un mauvais œil !
— Pourquoi pas … Il ne me reste que de vagues souvenirs de cette époque … En fait, je pense même me “souvenir” que de ce que mes parents m’ont raconté de mes quatre années ici …
— A la bonne heure ! Suivez-moi je vous prie !


Ils s’accomplirent, et tous les trois avaient des attitudes bien différentes. Si Katabolonga était jovial et discutait volontiers avec les locaux, Mama restait pensive et renfermée sur elle-même alors que que Sasha s’extasiait toujours d’un rien.
Arrivés juste devant la porte d’entrée, la gorge de la capitaine officieuse se noua. Une fois franchie, son trac s’évanouit en une nuée de bribes de souvenirs fugaces, comme des papillons libérés qui s’élevaient dans les airs ! Les brumes éphémères du passé balayaient sa vision du présent, et ainsi, le vide-poche des nouveaux résidents disparut à ses yeux pour laisser place au carrelage récemment lavé sur lequel elle avait glissé et s’était ouvert le crâne, le salon presque similaire lui rappela les soirées à la fraîche durant lesquelles sa mère lui lisait les livres de la bibliothèque, et la petite table de la salle à manger s’élargit pour devenir celle sur laquelle elle s’était battu avec un oiseau géant de son âge et qu’elle avait baptisé Tout-Moche car il était né avec une malformation.

Envahie sous l’avalanche de souvenirs, elle n’avait pas entendu Sasha demander si elle pouvait consulter la bibliothèque ni Katabolonga l’y autoriser, arroser les plantes, prévenir qu’il s’éclipsait et qu’il fallait lui redonner la clé une fois la visite terminée. Il esquissa même un sourire tendre à voir les deux amies plongées dans leurs occupations.

Mama avait fini par faire le tour de la maison, les yeux humides et les lèvres tirées d’une douce amertume. A ce moment-là, elle aurait tout donné pour retourner vivre à cette époque avec sa conscience actuelle, pour que sa mémoire se gorgeât de cette nostalgie, bien plus que ce que lui avait permis celle de son enfance.
Elle revint enfin voir Sasha, toujours plongée dans les bouquins. Quand elle la vit tenir dans ses mains un livre pour enfant, elle ne put s’empêcher de la charrier.

— Eh, t’as trente berges tu sais ?

Sasha sursauta mais n’eut nulle honte. Elle avait brièvement regardé Mama avant de river à nouveau ses yeux sur les pages.

— Tu plaisantes mais il est passionnant, ce livre ! Il raconte en images l’origine de Torino !
— Ah … C’est lui … C’est vrai que je l’aimais bien quand j’étais gamine … Tout le monde le connaît ici ! J’aime bien sa morale, comme quoi les trésors qu’on croit sans valeur sont en réalité souvent inestimables … Que la valeur marchande ne fait pas tout, surtout face à la valeur sentimentale …
— Je me doute ! Par contre, je me demande s’il y a du vrai … Je veux dire, votre arbre existe, donc il doit bien exister ailleurs …


Mama fut interloquée. Elle avait reculé d’un pas et était devenue pensive.

— C’est vrai, ça … Je n’y ai jamais pensé … Pour nous, c’est la normalité donc la question ne se pose pas mais …
— Vu sa taille, il vient peut-être de Erbaf ?
— Peut-être … En tout cas, la légende raconte que nos ancêtres sont des naturalistes de Grand Line qui ont préféré retourner à l’état sauvage …
— Oui, mais le livre parle surtout d’une famille ! De la première famille même !
— Un bourgeois qui cane, mais qui veut malgré tout apprendre à ses enfants que tout argent se mérite. Les valeurs se sont perdues entre temps …
— Mama !
— Bah quoi ?! Maintenant, les fils à papa et leurss amis sont pistonnés, ils héritent de tout leur pognon et de leur place ! Et après, ça vient dire qu’il faut combattre l’assistanat ! Que les petites gens sont des fainéants ! Que s’ils gardent tout l’argent, c’est parce qu’eux prennent des risques ! Mais j’ai vu sur Zaun ! Qui vit avec le risque de se blesser gravement au boulot et de perdre sa place, donc son logement ?! Et même ! Pense aux petits ! Les pêcheurs par exemple ! Ils prennent le risque de prendre le bateau et de rencontrer une tempête imprévue ! Les bourgeois, le seul risque qu’ils prennent, c’est celui de sortir de chez eux !
— Non mais d’accord ! Pardon hein ! Mais juste, reste concentrée s’il te plaît ! L'aîné a hérité d’une mine, le cadet d’un immense champ, et le benjamin d’une énorme graine. Les deux premiers exploitent immédiatement leurs legs, et le petit dernier, un peu déçu, plante sa graine sur une île déserte par dépit et l’oublie pour continuer à vivre sa vie.
— Je connais l’histoire ! La mine est vite asséchée, les champs sont rapidement lessivés … Ils étaient déjà capitalistes à l’époque !
— Mama ! Arrête de penser comme ça !
— J’ai toujours pensé comme ça !
— Toujours est-il que quand le plus jeune retourne sur l’île où il a planté la graine lors d’un voyage, il s’aperçoit qu’il est devenu un arbrisseau géant qui a permis le développement d’une grande variété de faune et de flore ! Du coup, il plaque tout pour vivre ici, et ça deviendra plus tard Torino !
— Je t’ai dit que je connaissais déjà tout ça … Et depuis bien plus longtemps que toi !
— Je réfléchis à voix haute ! C’est tout ! Et je peux pas m’empêcher de me demander si on peut retrouver qui étaient ces gens !
— Euh … ouais … ? Et ça te servirait à quoi ?
— A rien … Ca me tient à coeur, j’ai juste envie de le faire, comme ça … Un peu comme ce voyage en fait … Je veux juste passer du bon temps, surtout si c’est avec toi !


Pour une fois, ce n’était pas Mama qui avait touché les autres en plein cœur, comme elle le faisait si bien avec son homme, Grant.
A chaque fois qu’ils débattaient pour prendre une décision importante ou dangereuse, ils allaient jusqu’à se chamailler, et elle se transformait en gamine gâtée qui finissait par sortir un argument à la hauteur de celle qu’elle devenait.
Là, elle voyait enfin quel effet cela faisait. Attendrie, elle était parfaitement à sa merci et ploya sans sourciller.

— D’accord, je veux bien t’aider. Parce que ça me fait marrer et parce que ça me fait du bien de te voir comme ça. Et à toi aussi, ça fait du bien de te changer les idées !
— Chouette ! T’as une idée de par où commencer ?
— De mon temps, il y avait une petite bibliothèque sans prétention au village, je ne sais pas si elle existe encore … Elle était spécialisée en biologie végétale, comme tu peux t’en douter. Mais avant d’y aller, j’aimerais te faire visiter le reste de la maison, parce que tu t’es arrêtée au salon … Et j’aimerais faire un crochet pour … j’espère revoir quelqu’un … Deal ?


Sasha bougonna un peu, mais accepta finalement. De toute façon, elle n’avait pas trop le choix, puisque Mama aurait joué de la carte de capitaine officieuse. Elle n’aimait pas le pouvoir ou la hiérarchie … sauf quand elle en avait envie. Heureusement pour les autres, elle était loin d’être tyrannique.

— Deal …
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