Les Origines d’un Roi
Présent
✘ Solo
Nous étions alors partis à l’aventure, quittant la terre ferme pour aller me poser sur le gros groin vert de Borat. Juste nous deux, avançant dans cette jungle peuplée de dinosaures qui, pour les plus petits, fuyaient devant la majesté du cochon géant. Pour les plus téméraires, un coup de pied bien placé en bondissant du groin de mon ami suffisait à calmer leurs ardeurs, à jamais pour certains. De plus, depuis ce perchoir, je pouvais continuer mes expérimentations avec mon fruit du démon. Un vélociraptor courageux en fit d’ailleurs les frais, ne s’écartant pas de la route de Borat, je l’avais soulevé dans les airs jusqu’à ce qu’il flotte vingt mètres au-dessus de moi. En nous éloignant, j’avais ainsi pus tester la distance de contrôle du pouvoir, le malchanceux raptor tombant en chute libre avant de s’écraser, mort sur le coup. Son corps fut rapidement récupéré par un plus gros carnivore qui disparut dans la forêt avec son dîner entre les dents.
Toutefois, le Grand Roi Cochon ne semblait pas mieux connaître le chemin que moi, scrutant les lieux de ses petits yeux noirs. Enfin, petits proportionnellement, car ils faisaient facilement la moitié de ma taille. Nous déambulions ainsi pendant plusieurs heures, l’instinct et le flair du pachyderme nous permettait de nous diriger sans tomber sur de trop grosses bestioles. Au passage, je condamnais quelques oiseaux qui passaient au-dessus de nos têtes à finir dans la gueule du cochon géant. L’avantage de ce genre d’animal, c’est que je pouvais le nourrir avec à peu près n’importe quoi. Ce qu’il préférait par dessus tout, c’était les pommes, sous toutes ses formes, cependant c’était compliqué d’en faire pousser ou de s’en procurer suffisamment pour sa taille. Au cas où, j’avais embarqué dans les frigos de la taverne quelques steaks de tigre géant et quelques tonneaux de bière pour la route.
Ainsi, un tonnelet à la main, nous continuions notre promenade, à la recherche des origines de Borat, sa famille, son espèce. J’étais toujours inquiet qu’il décide de rester sur Little Garden, parmi les siens, mais j’étais heureux de le voir si enthousiaste. Borat était un animal timide, peureux, qui se mélangeait très peu aux autres et, en ces lieux, je le sentais plus confiant que jamais. Il se déplaçait, le groin haut et fier. Il savait que les plus petits animaux seraient impressionnés par sa taille, se pavanant entre les arbres. Mais, à être trop confiant, on déchante vite. Et, au détour d’une jungle épaisse, le danger pointa le bout de son nez.
Les arbres frémirent et les branches craquèrent, Borat s’arrêtant net en regardant tout autour de lui d’un air inquiet. Des grognements montèrent doucement, provenant d’en face, de derrière et des côtés. Et, comme pour mettre fin au suspens, ils sortirent tous en même temps de l’ombre des arbres. Entre quinze et vingt mètres de haut, une peau de reptile épaisse, des crocs aussi longs que des bras pour une tête disproportionnée par rapport au corps. Ils ressemblaient en tout point à celui qui était venu visiter notre camp et que j’avais laissé pour mort à la lisière des bois. Ses congénères avaient dû nous suivre depuis le campement pour nous bondir dessus en nombre. Ils étaient sept, rugissant en nous tournant autour, comme s’ils cherchaient le meilleur morceau sur le corps du cochon géant.
« Woh les lézards ! C’est moi votre adversaire, alors espérez pas lui croquer un bout d’cul avant de m’avoir vaincu ! » m’exclamais-je fièrement les poings sur les hanches, le menton relevé, la tête haute.
Sur ces mots, je bondissais du groin de Borat au moment où le tyrannosaure face à nous passait à l’attaque. Passant sa tête de côté en ouvrant grand la gueule, il s’approchait dangereusement du cochon géant qui reculait effrayé. Tournant sur moi-même dans mon bond, je pris de la vitesse avant de décocher un puissant coup de pied qui vint s’écraser sur le large crâne de la bête. Les yeux exorbités sous le coup de pied, le dinosaure trébucha alors que sa tête s’écrasait au sol dans un rugissement. Je lui retombais dessus alors qu’il se tortillait pour se remettre debout, un peu sonné pour l’instant mais qui se remettrait vite.
« Espères pas te barrer toi ! » grognais-je à mon tour.
Utilisant les facultés de mon fruit du démon, j’augmentais drastiquement la gravité sous la grosse tête de l’animal préhistorique. Il aurait beau tenter de se relever, sa tête resterait collée au sol et ne lui faciliterait pas la tâche. Je le voyais déjà racler le sol de ses pattes arrière, mais j’avais d’autres t-rex à fouetter. Le cercle de dinosaures autour de Borat commençait à se refermer, s’approchant en claquant des dents.
« Eh Borat, maintiens celui-là à terre, fais-moi confiance mon poto ! »
Le gros cochon suivit mes ordres et posa ses pattes avant sur la tête du tyrannosaure, à son tour attiré par la gravité mais qui parvenait à se maintenir debout grâce à son poids. Le pauvre dinosaure en-dessous se faisait enfoncer la tête dans le sol petit à petit, grognant lamentablement sous le poids du pachyderme géant.
D’un bond, je m’accrochais aux sangles sous le ventre de mon ami cochonesque, m’en servant pour me balancer et me diriger d’un nouveau saut périlleux vers la gueule d’un tyrannosaure qui s’approchait un peu trop à mon goût. Exécutant une vrille sur moi-même, je rebondissais sur le nez de la bête pour atterrir juste au-dessus, me servant de l’énergie cinétique de la rotation pour décocher un coup de poing, déroulant mon épaule d’arrière en avant pour écraser mes phalanges en plein dans son œil. La puissance de l’attaque fut suffisante pour faire exploser le globe oculaire comme une bulle qu’on éclate, déversant un flot de sang par son orbite. Le dinosaure partit en arrière en titubant, rugissant de douleur. Je quittais le haut de sa mâchoire en poussant puissamment d’un coup de talon pour me propulser d’une vrille en salto arrière.
Me servant du dos du pachyderme comme centre de mon aire de combat, mes pieds regagnèrent sa surface, me préparant au prochain assaut. Et c’est à deux qu’ils se jetèrent sur nous, côtes à côtes, ouvrant simultanément leurs mâchoires en visant un flanc de l’animal vert géant. Je vérifiais brièvement que Borat était toujours posé sur la tête du t-rex à terre, puis je relâchais la pression exercée par mes pouvoirs démoniaques. Je passais dans le vide d’un pas, longeant le flanc de Borat en me positionnant à l’horizontale, plaçant mes pieds sur son ventre pour me projeter vers la tête d’un des deux dinosaures. Arrivé à hauteur de sa mâchoire, je lui envoyais un violent coup de pied auquel j’appliquais une zone de gravité pour le pousser encore plus sous l’impact, l’envoyant sur son camarade. Les deux tyrannosaures s’écrasèrent l’un sur l’autre en s’emmêlant les pattes, rugissant de frustration et de colère.
~ Guiiiiiiiiiik ~
Me retournant, je vis Borat lutter pour maintenir le premier t-rex au sol, attaqué par derrière par les trois autres encore debout. Celui que j’avais éborgné se rapprochait également petit à petit, s’étant remit de mon attaque et étant sacrément en colère après ce que je lui avais fais. Seul, je ne doutais pas que je pourrais les écraser uns à uns sans trop de difficultés, mais protéger mon ami pachyderme était une autre histoire. Annulant mon pouvoir, je le réactivais dans une zone qui souleva un rocher sur lequel je grimpais, le faisant monter assez haut pour que je puisse rejoindre le dos vert du cochon d’un nouveau bond.
Mais, cette fois-ci, les t-rex revinrent à la charge, se relevant et se dirigeant aussitôt vers nous avec la ferme intention de nous dévorer. Borat ne put retenir celui au sol et dû reculer alors que lui aussi se relevait péniblement. J’avais beau les repousser à grands coups de poings, de pieds, usant de mon pouvoir à foison et même quelques droites de fluide offensif. Cependant, rien n’y faisait, les dinosaures blessés continuaient de se relever. Ne pouvant tenir ma promesse, le gros cochon subit plusieurs morsures et griffures, gémissant à chaque attaque en tentant de les éviter et de s’éloigner.
Puis, comme un coup de clairon, un mugissement survint non loin de là, depuis la forêt où les arbres étaient secoués sur le passage de quelque chose. Son cri résonna comme un écho alors que d’autres, de tous côtés, lui répondaient. Tout autour de nous, la forêt dansait d’un côté puis de l’autre sur le passage de nombreuses créatures qui criaient et meuglaient. Les grandes oreilles de Borat se levèrent à l’affût, et les dinosaures se stoppèrent pour se tourner vers les arbres, attentifs aux mouvements des inconnus.
J’aperçus alors une forme dépasser d’entre des arbres, d’un bleu clair pétant, arrondie et qui me rappelait étrangement quelque chose. De même que leurs hurlements, j’en avais déjà entendus des similaires, et ce bien des fois. Soudain, les formes sortirent du couvert des arbres, hautes de près de trente mètres pour certains. Un corps tout rond juché sur quatre pattes proportionnellement petites, de grandes oreilles aussi larges que des voiles, et un gros groin représentant la majorité de leur tête, surplombé par deux billes noires en guise d’yeux. Des cochons géants, en tous points similaires à mon ami pachyderme Borat, si ce n’est que leurs couleurs étaient différentes. L’un d’eux, le plus massif était tout rouge, tandis qu’un autre était bleu clair et un autre blanc, des roses et des violets. Ils étaient nombreux, près d’une vingtaine qui sortaient uns à uns des bois en grognant sur les dinosaures. Les reptiles préhistoriques s’étaient retournés vers eux, tout d’abord confiants à l’apparition des premiers avant de déchanter devant leur nombre.
~ Gruik Gruik Gruiiiiik !!! ~ s’exclama un Borat enthousiaste en sautillant, martelant le sol de ses petites pattes.
Les cochons géants lui répondirent en chœur du même grognement joyeux. Les dinosaures tentaient de se soustraire alors que les cochons les entouraient, leur lançant des regards noirs. Moi qui pensais que tous les cochons géants se comporteraient comme Borat, timidement et évitant le conflit, j’étais surpris de les voir ainsi s’attaquer directement à des prédateurs. Et, profitant de leur nombre, les pachydermes gigantesques se mirent à attaquer les t-rex, les frappant de leurs groins ou se lançant sur eux flanc en avant. Le rouge, qui mesurait facilement trente-cinq mètres de haut, gonfla ses joues à tel point qu’il se mit à rouler sur lui-même, accélérant sa course avant de percuter deux tyrannosaures qui furent projetés plus loin. Les cochons géants coopéraient entre eux et attaquaient les dinosaures de tous côtés, les empêchant de réagir et les piétinant pour les plus malchanceux. Rapidement, les quatre encore capables de se mouvoir prirent la fuite à travers la forêt, claudiquant pitoyablement sous les acclamations mugissantes des pachydermes. Les trois autres gisaient par terre, piétinés à mort et baignant dans leur propre sang.
« Qu’est-ce que... » soufflais-je, surpris mais surtout impressionné par la scène qui venait de se dérouler sous mes yeux.
Les cochons géants se détournèrent alors de leurs adversaires en fuite pour revenir vers nous, nous entourant en continuant de pousser de petits « Gruik Gruik » auxquels répondait Borat. Ils semblaient converser, bien que je ne connaissais pas les tenants de leur conversation. Mais, je compris assez rapidement lorsque le gros rouge, qui devait être leur chef, s’approcha de Borat face à lui, et donc à moi toujours posé sur son groin. La grosse tête du pachyderme écarlate s’arrêta juste devant moi, posant ses deux billes rondes sur moi avant de pousser un long grognement.
~ Gruiiiiiiiiiiiiiiiiiiik Gruik Gruik Gruiiiiiik ! ~
Face à mon air d’incompréhension, il s’approcha plus encore, ouvrit lentement sa grande gueule, me révélant un grand nombre de petites dents tranchantes et une haleine à réveiller les morts. Mais, contre toute attente malencontreuse, c’est sa langue qui en sortit pour venir me lécher de la tête aux pieds, me soulevant dans l’exercice et me trempant jusqu’aux os.
« Bien, j’imagine que c’est bon signe. »
~ Gruik Gruik ! ~