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Partir un jour


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Après des jours d’interrogatoire, il n’avait pu tirer grand-chose de celui qu’il avait pris à Sweetsong. Il l’avait laissé gisant, tel une coquille vide, son esprit gravement blessé. Des secrets sur la fugitive, il en avait pléthore et n’en était pas avare. Mais rien qui ne fut pertinent pour le révolutionnaire. Quant à ce qu’il savait sur le Gouvernement et ses sbires … malheureusement, Rafaelo en savait déjà une grande partie. Il n’avait pas travaillé toutes ces années avec Ombre pour en rester ignorant. Il apprit cependant quelques détails croustillants, notamment vis-à-vis de Drum et de sa première capture, choses qu’il prendrait le temps de décortiquer le moment venu. Il fallait vérifier cela, car cela risquait de remuer dans les rangs révolutionnaires. Tout comme cela lui permettrait de montrer une fois de plus l’utilité de l’Ourobouros.

L’assassin s’en était donc allé pour se ravitailler, laissant les pirates régler leurs affaires. Il avait muselé sa voix et s’était fait discret. Il avait repéré une petite crique où il pouvait trouver de l’eau douce et de quoi se sustenter. La faune ici était très présente et ne représentait que peu de dangers. Ainsi avait-il l’habitude de s’en contenter. S’il pouvait éviter le poisson et tout ce qui avait attrait au sel marin …

Quoi qu’il en fût, cette fois-ci, il n’était pas seul. Un navire de haute-mer mouillait dans la crique et vu les canots et autres activités aux alentours, cela faisait plusieurs jours qu’ils étaient ici. Ils avaient dû arriver peu après le dernier passage de Rafaelo. Un camp avait été monté, des arbres abattus en vue de réparer le rafiot, qui semblait salement amoché. Les voiles étaient affalées, ce qui était déjà étrange à quai, mais surtout on pouvait voir qu’elles avaient été rapiécées en de nombreux endroits. La coque portait les sévices de coups de canon, tandis que le bastingage était brisé en de nombreux points. Ce navire était en cale sèche, les matelots en profitaient pour le rafistoler du mieux qu’ils pouvaient. D’ailleurs, les blessés étaient nombreux, et des tas de sable aux abords de la forêt témoignaient de tombes fraîches. Des gars en misère, donc. Ils ne semblaient appartenir à aucune flotte de connue. Leur pavillon était absent, bien que leur allégeance soit assez évidente. Ils étaient blessés, malades et désespérés. Nul besoin d’être devin pour le comprendre.

Le révolutionnaire s’avança sur la plage, main à la ceinture et écharpe sur les épaules et sur sa tête. On distinguait le bas de son visage, à la rigueur ses yeux. Mais guère plus. Son bras gauche était recouvert de bandages, ne laissant transparaître son gantelet de fer que çà et là. Quant à son gilet, il couvrait à peine son torse bardé de cicatrices. Une tenue légère, mais qui trahissait tout de même le vétéran qu’il était. C’était son ticket vers la liberté, après ces mois passés à supporter Sweetsong pour les beaux yeux de Judas. Ils avaient choisi leur route, et la donzelle leur serait plus utile vive que morte : à montrer toute la vilénie du Gouvernement.

- Hé là ! tonna un imposant marin, dépassant l’assassin d’au-moins deux têtes.

- Je viens en ami. répondit Rafaelo en levant les mains.

Son gantelet cliqueta, ce qui fit reculer le matelot. De bons réflexes, mais pas très doué pour lire les gestes. En quelques secondes, une foule d’une trentaine de marins entoura le nouveau venu. Ils dégageaient une forte hostilité. Une hostilité poisse et visqueuse qui débordait de tous leurs pores. Leur désespoir s’était mué en colère, et la colère ne demandait qu’à s’exprimer.

- Et tu veux quoi, l’ami ?

L’assassin fit mine de baisser les bras, mais le chant d’un sabre qu’on tirait de sa gaine l’en dissuada.

- Disons que c’est ici que j’ai l’habitude de venir chasser pour me nourrir, et je voulais savoir ce qu’un navire en perdition faisait sur ma plage.

- Ta plage ? Ah, elle est bonne. ricana une voix plus nasillarde.

Un petit gars qui payait pas de mine s’échappa du  cercle des matelots. Il avait un bras en écharpe et claudiquait. S’en suivit un silence pesant, qui ne laissa aucun doute sur l’identité de cet énergumène. Il était quelconque, à un détail près. Ses yeux noirs sondaient l’âme.

- C’est Mangrove, ici. Tout appartient à celui qui décide de le prendre. Comme le Nouveau-Monde. Mais vu comment t’es couturé, toi aussi, je me doute que tu connais bien cette règle. continua le Capitaine.

Il était un peu plus petit que Rafaelo, et son accent trahissait une origine lointaine. Peut-être de Grand Line. Java ? Un pur produit de la misère, en ce cas.

- Je cherche à partir d’ici. Et vous m’avez l’air de gars qui ne veulent pas rester. On pourrait trouver un arrangement ? proposa l’assassin, baissant les bras cette fois-ci.

- Droit au but. J’aime ça. Baisse ta capuche l’ami, j’aime voir avec qui je négocie. Je suis le Capitaine Sacks. Et voici l’équipage du … heu … comment on avait appelé le rafiot les gars déjà ?

- Le Pécadille, Capitaine. Parce que vous trouviez ça marrant … même si je connaissais pas ce mot avant.  répondit le colosse qui devait visiblement servir de quartier maître.

Le révolutionnaire marqua un instant d’hésitation avant d’obtempérer. Il fit glisser sa capuche pour révéler sa trogne balafrée et ses cheveux grisonnant. Même si le blanc prenait le pas sur le noir, le tout restait globalement gris. Son œil à la pupille grise se riva sur les pirates. Un long silence s’installa. Difficile de passer incognito, même à l’autre bout du monde.

- Bon sang les gars, c’est … c’est lui non ? La Justice. Rafaelo, des révolutionnaires !  murmura l’un des gars.

Bien entendu … depuis qu’il avait retrouvé son apparence réelle, il était bien plus dur de cacher son identité. Quelques traits caractéristiques ne le trahissaient que trop bien. Les pirates commencèrent à faire quelques pas en arrière, ne sachant quelle posture adopter. Après tout, sa réputation d’assassin le précédait et il était connu pour s’occuper de l’ensemble des criminels : qu’ils soient en uniforme ou non. Ces types n’avaient pas la conscience tranquille, ça se lisait sur leurs traits. Mais beaucoup de légendes couraient autour du Boucher de Goa, que cela lui plaise ou non. Il n’était pas une figure qui inspirait l’amour et l’espoir. Instiller la peur lui allait largement.

- Qu’est-ce que fout un Atout ici ? Tu te planques après Jötunheim c’est ça ? grogna le Capitaine, qui n’avait pas reculé lui.

- Je le redis : je ne vous veux aucun mal. Je veux quitter Mangrove. J’ai besoin de retourner sur Grand Line. Quelques … hum … menus soucis m’ont amené ici, moi et un autre. Nous avons besoin d’un passage et de partir.

- Tu sais quand même le prix que vaux ta tête, révolutionnaire ? Le bordel que t’as mis, les conséquences … Toi et Ragnar, l’Empereur. Je n’ose imaginer ce que t’as dû faire là-bas, pour que lui ait une promotion et pas toi … Bon sang, les gars. Ce type est encore plus recherché que les membres du DRAGON.
frémit Sacks, avant de reculer à son tour.

- Des DRAGONS …. murmura l’assassin. Mais non, je ne connais pas le prix sur ma tête. J’en déduis que la prime a augmenté.

Quelques secondes d’hésitation.

- Ça oui, t’es pas loin du top 5 maintenant. Et le top 5, ça rapporte pas mal.

Aïe. Un frisson glacé commença à glisser le long de l’échine de l’assassin.

- Je vous l’ai dit : je viens en ami. Ne commettez pas d’erreurs. Je peux vous dédommager pour le trajet.

- Oh oui, tu vas nous dédommager … C’est le Nouveau-Monde ici, mon p’tit gars. On a réussi à fuir le G-11, on a réussi à traverser les tempêtes et défaire les monstres des mers. La révo, vous jouez dans votre cour sur les blues et autres. Vous êtes juste du bruit … alors, je me dis que vous n’êtes pas aussi flippants que ça. Surtout quand j’entends ta voix, que je ressens la moindre de tes pensées … Tu n’as pas l’air de mesurer, cher Atout, ce que veut dire arpenter le Nouveau-Monde. Seuls les forts survivent. Et les forts deviennent riches.


L’arrogance était … et bien, l’apanage des puissants mais aussi des faibles. Pour toute réponse, l’assassin cessa une fraction de seconde de canaliser et de museler sa voix. Voilà qui secouerait peut-être certaines forces à l’autre bout de l’île, mais rien de plus. Le Capitaine Sacks fronça les sourcils. Il recula d’un pas, à nouveau, mais ses hommes avaient compris son signal et dégainèrent les armes. Il croisa le regard de Rafaelo et ne comprit pas ce qu’il venait de percevoir. Le révolutionnaire ne dégageait plus rien, après avoir laissé transparaître une force inouïe. Il ressemblait à n’importe quel homme, à un simple matelot. Les pirates du Pécadille levèrent leurs armes et se préparèrent à frapper. Le milliard promis par la prime du révolutionnaire se souciait peu qu’il soit mort ou vif.

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Malheureusement, si la prime avait augmenté, il y avait une raison. Le révolutionnaire avait certes gagné en renommée et importance dans le mouvement révolutionnaire, mais il n’avait que rarement eu l’occasion de faire montre de sa force brute. Les forbans ne commirent pas l’imbécilité de l’attaquer un par un, habitués qu’ils étaient à leur flibusterie. Ne se battre que lorsqu’on était persuadés de gagner. Ce qui était assez paradoxal lorsqu’on affrontait un homme parmi les plus recherchés du monde, détenteur de terribles pouvoirs et qui avait prouvé pouvoir affronter les plus grands guerriers des mers sans y laisser la peau. Mais l’assassin avait besoin d’un navire et d’une échappatoire … surtout avec le colis qu’il avait embarqué … et comptait laisser croupir à sa disposition pour des plans futurs.

Pour toute réponse, Rafaelo se recouvrit d’un fluide noir où les lames vinrent se briser. Ne pouvant maintenir sa voix lorsqu’il se battait, elle perla lorsqu’il donna son premier coup. Les os de la cage thoracique du pauvre hère craquèrent lorsque le poing fermé s’engouffra dans son plexus. Une onde de choc souffla ses voisins et il partir s’écraser contre cinq de ses camarades. Le sable s’envola dans son sillage et l’océan reflua sous l’effet du coup, loin derrière lui. Le temps se suspendit quelques secondes. Les lames se baissèrent, n’ayant abîmé que les vêtements du révolutionnaire. Ce dernier expira, le haki reflua et à nouveau son mantra s’effaça.

- Je viens en ami. Je cherche juste un passage … proposa-t-il, la prime ne vaut pas le risque d’y laisser la vie.

Légers mouvements de recul. Rafaelo serra les dents. Une autre lame, par bravoure ou tout autre sentiment futile, tenta de se glisser dans son dos. D’un simple geste de la main, il crocheta l’arme et s’empara du bras de l’imprudent. Il s’en servit pour précipiter son propriétaire contre le sol et enfonça sa tête dans le sable chaud avant d’y appuyer son talon. Les cris étouffés du pirate peinèrent à se faire entendre, mais les gerbes de sable qu’il déplaça en gesticulant eurent l’air de faire leur petit effet chez ses camarades.

- Oh non ! Pas le mousse ! Pauvre Gregory ! piailla l’un des forbans, tandis que le Capitaine Sacks hurlait à tout le monde de reculer.

- Ecoute, si tu ne veux pas que ton mousse se retrouve à flotter au milieu des eaux, je te conseille d’écouter ce que j’ai à dire, Sacks. Je ne vais pas y aller par quatre chemins : vous avez un navire et j’ai besoin de quitter Mangrove … grommela Rafaelo.

Il relâcha son étreinte pour que le mousse puisse respirer autre chose que des coquillages.

- C’est toi qui a besoin, assassin … Nous, nous on a un navire … et toi tu n’as rien d’autre à nous offrir que ta prime.

Que les pirates étaient futiles …

- Prime que tu ne toucheras pas si tu n’as pas de licence … et tu seras exécuté avant d’avoir rendu mon corps pour que le Gouvernement profite de sa prise et redore son blason … Mais t’expliquer la politique reviendrait à apprendre à parler à une poule. Tu as surtout un navire et l’incertitude quant à ma capacité de le naviguer seul, une fois que je vous aurai tous neutralisés … ou tués.

Il appuya sa déclaration avec une légère pression sur la nuque du mousse. Quelques secondes s’égrenèrent. Les menaces, toujours des menaces. Quelle lassitude que ce monde ne comprenne que la violence et la peur. Certes, il était un peu responsable de ce rapport de force … parce qu’il le pouvait.

- Tu as de la chance que je sois magnanime … murmura le Capitaine Sacks après avoir jeté un œil derrière lui. Et que le Pécadille soit un grand navire.

Ben voyons. L’illusion du choix restait un choix, après tout, le choix de le croire.

- Un assez grand navire pour transporter ton arrogance, révolutionnaire, et ton corps !

Et bien voilà, c’était tout ce qu’il fallait pour … hein ?

Un coup de feu retentit et le bras en écharpe du Capitaine sembla s’embraser pour révéler une sorte de canon greffé. Rafaelo eut un mouvement de recul mais put à peine dégainer sa rapière pour tenter d’encaisser le coup que le boulet la frappa de plein fouet. Une fois de plus, sa fragile lame éclata sous l’impact et il fut projeté quelques mètres en arrière. Il emporta quelques pirates avec lui et se releva d’un saut de main. Le petit Grégory était sauf. Ses camarades entreprirent de l’aider à se relever. Une ligne de sabre se dressa entre l’assassin et les forbans.

Le Secret contempla le pommeau de son arme, inutilisable. Quelques soldats parèrent les leur de haki. Il n’en avait pas eu le temps, et les avait sous-estimés. Mais il était vrai que sur le Nouveau-Monde, n’importe qui ne pouvait pas venir. Soit. Alors ce serait le combat. Il faudrait juste ne pas les tuer tous, il avait trop besoin de partir d’ici.

Sans se faire attendre, il bondit au milieu des pirates et frappa du plat de la main le premier qui se proposa à lui. Bien qu’ils soient forts, ils n’étaient pas à sa hauteur. A chaque coup, il relâcha son mantra, s’obligeant à les neutraliser avec le plus d’efficacité possible.

En quelques secondes, une dizaine de corps gisaient à ses pieds. Sacks avait tiré quelques boulets de plus, mais sans effet. La troupe de pirates diminuée d’un tiers se rapprocha de son Capitaine qui grimaçait. Et oui mon grand, il y avait toujours un plus gros poisson. Trois hommes se ruèrent sur Rafaelo mais il les envoya rouler dans le sable d’un coup de pied. D’un bond, il se projeta sur le plus proche de lui, l’attrapa à la gorge et l’envoya rencontrer son chef. Le Quartier-Maître se dressa contre le révolutionnaire mais un uppercut lui fit décrire une longue parabole avant de s’écraser dans les flots. Puis, trois détonations retentirent. Fracassantes. Une palmeraie qui bordait le fond de la plage s’effondra dans les flammes, tandis que quelques corps furent déchiquetés. Sacks se retourna et jura.

- Merde ! Merde ils sont là ! Ils nous ont retrouvé les gars !
piailla-t-il en faisant demi-tour en direction de son navire.

Les pillards hésitèrent à l’image de leurs camarades morts ou mourants sur la plage, mais une nouvelle salve les découragea de toute tentative de camaraderie. Des cris retentirent au loin, l’assassin fronça les sourcils. Par-dessus les gerbes de sable soulevées, il percevait un pavillon. Un pavillon blanc et bleu, au symbole de la mouette.

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Le plomb pleuvait, frappant bois et flots. Les remous dans l’eau indiquaient que les fonds marins s’agitaient en vue d’un repas régalien en devenir. Le navire militaire avait viré de bord pour percer la coque du flibustier de ses canons, et le temps que les pirates reviennent à bord, les dommages étaient déjà grands. La poupe s’enfonçait dans les eaux, et deux mats étaient brisés. Les chaloupes avaient été mise à la mer pour aller cueillir la racaille que la Marine pourchassait. Les manœuvres avaient été précises et brutales, comme les marins de cet endroit du monde en avaient l’habitude. A l’instant même où le Capitaine Sacks mettait pied sur son navire, les hommes du rang en avaient déjà détruit les commandes et pris le contrôle des cales qui s’enfonçaient dans les eaux.

Les pirates sur le navire avaient été mis à genoux, un mousquet posé sur la nuque. L’assassin se conforta sur son approche un peu plus … diplomatique. Cependant, cela trahissait tout de même une certaine efficacité dans la mise en œuvre. Il n’était pas rare qu’un tel assaut soit commandé par un Contre-Amiral et Sacks avait dû froisser de la dorure pour un tel acharnement à le poursuivre sur Mangrove Works. La solution de sortie de Rafaelo s’envolait en fumée. Il aurait été plus facile de fuir avec les pirates … mais tout n’était pas perdu : ils avaient oublié sa présence dans le lot. Cela risquait de rendre le transport du prisonnier qu’il avait fait plus complexe. Hors de question de laisser les petits papiers de Sweetsong lui échapper. Notamment vis-à-vis des quelques taupes dissimulées au sein du mouvement qu’il comptait bien purger. Certains de ses anciens griefs seraient ainsi corrigés, mais peu de chance de coincer Mafaele aussi aisément. Ainsi, le révolutionnaire s’effaça du champ de bataille, un plan déjà en tête.

Lorsqu’il arriva en vue de sa planque de fortune, il avisa Sloan O’Murphy qui essayait encore une fois de cisailler ses liens. Il tira une dague de sa ceinture et lui ôta ses liens du tranchant de la lame. L’ancien administrateur du CP9 haussa les sourcils.

- Allez, tu es libre. Dégage d’ici et sors-toi des ronces comme tu veux. ordonna Rafaelo.

Sloan ouvrit et ferma la bouche plusieurs fois. Son esprit s’était grippé.

- Je connais ton identité, ton visage et, disons, que pour les informations révélées, je t’accorde le doute d’une repentance. En l’état, je t’autorise à la tenter ailleurs. De mon côté, j’ai mieux à faire que de chercher ce que te voulais Annabella, je m’occuperai d’elle plus tard …

Surtout qu’elle avait montré des propensions intéressantes à l’aider lui aussi … même s’il ne lui faisait pas confiance. Quant à ce qu’était devenu Sloan à présent, ce n’était plus qu’une nuisance. Aucun allié, aucun refuge. Traître de tous les côtés. Peut-être se souviendrait-il du geste de l’assassin. Ou pas. Une certaine urgence pressait le révolutionnaire et il n’avait pas le temps de chercher une autre solution. Il fallait lâcher du lest et s’en aller au plus vite de Mangrove pour reprendre la main sur les affaires du monde.

- Comme … ça ? Tout ça pour … ça ? s’étonna Sloan, le visage encore tuméfié de leurs discussions mouvementées.

Peut-être qu’il ne se souviendrait pas que de ce dernier geste après tout …

- Je t’avais promis la vie sauve si tu me révélais assez d’éléments sur tes fameux rapports. C’est chose faite. Je reste un homme … d’honneur. répliqua-t-il, avec un petit temps d’hésitation sur le dernier mensonge.

A peu près, ce n’était pas la première fois qu’il brisait un serment lorsqu’il jugeait les conséquences du serment plus délétères. Il soupira, se releva. Laissa tomber sa dague devant Sloan. Un compas trônait de manière ostensible sur sa garde.

- Tu sauras quoi en faire.

Puis il farfouilla dans ses affaires avant de tourner les talons. Les coups de canon s’étaient tus. Il n’avait plus beaucoup de temps pour agir. Il musela sa voix et se rapprocha de la plage où les militaires avaient alignés les proies capturées, leur navire mouillant pas très loin au large. Le révolutionnaire remarqua un tas de corps sur le côté, aux multiples couleurs. Soudain, des coups de feu retentirent. Il serra les dents. Pas de prisonniers. Sacks avait vraiment dû agacer quelqu’un en haut lieu. Peut-être un lien avec la technologie cyborg sur son bras ?

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Laver le pont. Encore, et encore. Passer la serpillère, s’assurer que le bois ne s’assèche pas à cause du sel. Graisser les poulies, tresser les cordes. Vider les seaux des latrines pour espérer avoir sa portion et un quart de sommeil. Les recrues militaires du Nouveau-Monde n’avaient pas la vie simple, mais le travail était à la hauteur de la célébrité qui les attendait de retour dans leur caserne d’origine. N’importe qui n’arpentait pas ces mers, il fallait être un sacré soldat pour en avoir l’honneur. Cependant, pour certains, la chute était dure car il fallait toujours s’occuper des basses besognes et être un héros dans les blues ne suffisait pas. Peu de premières classes venaient arpenter ces lieux. Et beaucoup mourraient sur la route. Il n’était pas de bon ton de s’y attacher, vu à la vitesse à laquelle ces graines de héros changeaient. Une certaine solidarité s’était créée entre eux, bien qu’elle restât timide et teintée par la rudesse du travail. Mais l’un d’entre eux attirait bien trop les regards. Volontaire, téméraire même. Il accomplissait les corvées sans se plaindre, affrontait les ordres comme s’il en avait déjà vu des milliers d’autres. Il arborait de grandes cicatrices, se pavanait en carrant les épaules comme si rien ne pourrait jamais les affaisser. Partout derrière lui naissait un vent de jalousie.

Et la jalousie, c’était une mauvaise camarade dans des endroits avec autant de promiscuité. La jalousie se mua en colère au bout de quelques jours, et la colère en haine tenace. On commença à lui inventer tout un tas d’erreurs, et de paroles qu’il n’avait jamais prêtées. Que ses cicatrices étaient dues à un homme qu’il avait tué avant de fuir de sa ville natale, que ses épaules portaient le fardeau d’une bavure monumentale. Que ce type, qui ressemblait en tout point à un héros, n’était qu’un raté comme eux, pire même ! On en vint à le mépriser, sans même qu’il ne s’en rende compte et, un beau jour, un seau d’eau salle lui tomba dessus. On prétexta la maladresse, mais nul n’était dupe : ce n’était que le début. Il ne fallut pas longtemps pour que la haine se mêle au mépris et que les conditions de vie en viennent à saper même la force morale des héros qui étaient devenus des racleurs de ponts sur le nouveau-monde. Une chope vola, un coup de poing éclata. Tout cela n’était qu’un prétexte, car les coups dégénérèrent et ce fut un discret coup de dague qui mit fin à la carrière de ce présomptueux héros. Mort dans le rhum, la bile et le sang.

Une enquête fut ouverte, et le plus misérable des racleurs de pont fut bien prompt à ouvrir la bouche, à accuser qui ne voulait pas le croire. Car le sort pour une telle action était clair : la mort. On ne pouvait se permettre de tels débordements dans le Nouveau-Monde. On chargea un lieutenant strict et irréprochable pour tirer le vrai du faux. Plutôt mince, grisonnant, mais avec un cache-œil qui démontrait tout ce qu’il avait sacrifié au nom de la cause. Et il écouta le racleur de pont qui en savait tant, qui avait parlé, qui avait fomenté. Il avait des preuves, il avait même vu qui avait donné le coup de dague disait-il. Mais avant tout, il était innocent. Alors le lieutenant les fit tous venir, les interrogea tous. Il était intolérable qu’un brave homme ne meure qu’à cause de la jalousie de certains. On retrouva dans les quartiers de l’un une dague ensanglantée, barrée d’une étrange estampille. Chez un autre, des armes inappropriées pour un matelot de la marine. Chez un dernier, une correspondance étrange. Ainsi que plusieurs autres possessions dérangeantes chez les uns et les autres, voir des pamphlets et diatribes concernant les DRAGONS chez le pauvre racleur qui se clamait innocent.

Tout cela sentait le coup monté, l’arnaque et la manipulation. Il était impossible qu’autant de soldats fussent coupables de trahison : tous ne pouvaient pas tourner casaque si vite, après tant d’années à servir le Gouvernement. Il y avait autre chose, un goût plus amer. Quelque chose n’allait plus sur ce navire, et à l’approche d’Arcadia il devenait important de régler cette histoire avant que pire ne se produise. La dague portait le seau d’infamie des assassins révolutionnaires. Il y avait donc une taupe parmi eux, mais qui ? Un ensemble de balles fumigènes non réglementaires, des informations sur le navire … nul doute : il y avait un assassin parmi eux. Un soldat mort, un coup monté : voilà qui siérait les compétences du strict lieutenant. Une fois encore, il les écouta tous, un par un. Pour lui, il n’y avait pas de doutes, le racleur de pont le plus bavard n’était pas aussi innocent qu’il le prétendait. Sous ses airs soumis, sous sa mine débonnaire, il avait parfois cru déceler un sourire malicieux. Ses yeux vairons, ses tempes blanches ne l’y tromperaient pas. Il en aurait juré son cache-œil. Et ainsi prouva-t-il ses dires, ainsi fut-il récompensé pour avoir trouvé le vrai coupable, qui clama son innocence jusqu’au bout. Même sur la planche, où il fut monté alors que les terres d’Arcadia s’annonçaient : il se tourna vers ses camarades qui le méprisaient à présent. Mais nul salut ne vint. Ses larmes ruisselèrent sur ses joues, nimbèrent son bâillon et une balle vint terminer sa supplique. Il s’effondra dans les eaux, une dernière image gravée en lui.

Un lieutenant strict et irréprochable. Plutôt mince, grisonnant, mais avec un cache-œil qui dissimulait toute sa vilénie. A l’approche d’Arcadia, il avait récupéré ses effets dissimulés dans différentes chambres. A l’approche d’Arcadia, il avait discrètement tué avec une dague celui qui avait eu des doutes sur sa réelle identité. A l’approche d’Arcadia, il avait trouvé le parfait bouc-émissaire. Il ne lui tardait plus que le moment fatidique où il mettrait le pied à terre et où il pourrait enlever cet uniforme qui lui brûlait la peau.

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