Je marche. J'erre dans la ville, jusqu'à trouver quelque chose, quelqu'un.
[...]
Dans l’obscurité, je distingue vaguement un corps dans une pose étrange, les épaules voûtées, les genoux repliés, la tête jetée en arrière, le menton pointant vers le ciel et les yeux sombres et vitreux. Il me fixe, marmonne d’une voix basse, étrange et monocorde, émet par saccades des propos qui soudain se perdent dans le silence. Je ne prête guère attention aux paroles et m’approche de l’individu. Un vieillard grand et mince. Il laisse tomber son visage sur ses bras et se met à sangloter d’une façon aiguë :
« Je vous le dit, c’est aujourd’hui vendredi. La main du tout puissant le caresse la tête, je suis son élu. N’avez-vous pas un morceau de pain ? J’ai froid. Non, attendez, j’ai chaud, plutôt. Saviez-vous que le jour vient après la nuit ? » Est-ce un fou ? Est-il sous l’emprise d’une quelconque substance ? De l’opium peut être ? Se joue-il de moi ?
Je m’avance et, tout en retenant mon souffle pour me préserver des potentielles vapeurs de drogue, je cherche de ci, de là, des indices pouvant me confirmer son identité. Je suis interpellé par ses vêtements, qui sont sensiblement ressemblant à ceux que j’avais retrouvé dans la chambre du marin Smith, ou plutôt Arnold. Vieux et sales, ils ont la caractéristique d’être cousus à partir de pièces détachées. Le tissu est le même. Est-ce là mon homme ?
« De…bout. » lui dis-je avec difficulté. Son regarde gagne en lucidité. Il me dévisage :
« Excusez-moi, mon bon monsieur. Je ne comprends pas ce que vous voulez. » Les mots frappent désormais distinctement mon oreille. Je baisse les yeux afin d’analyser le comportement de ses mains. Il est toujours assis, aussi absorbé que jamais, ridé, courbé par la vieillesse. J’avance de deux pas pour me saisir de lui mais, avant même que je puisse lever le bras, une lame vient se poser sous sa gorge :
« Je te laisse 5 secondes pour te lever, après quoi je me verrai contrainte d’user de la force. » Dans l’ombre, Iwa, comme à son habitude, veillait sur moi. Je soupire.
Nous ne poursuivons pas la discussion. Il regarde autour de lui, comme pour trouver un soutien moral, mais personne d’autre ne se trouve à portée de vue. Il me regarde alors sans mot dire, il sait probablement que si joute verbale il y avait, je n’en perdrais pas un mot. Le sentant humilié, je préfère ne pas lancer de débat, débat qui sera renvoyé au lendemain. En réalité, je n’ai nullement l’intention d’engager une querelle de force. Je me contente, sous l’œil attentif de ma seconde, d’analyser le contenu de ses proches. J’y trouve un feuille pliée en deux. Du papier à lettre, avec un début de texte (nous venions probablement de l’interrompre) que je me permets de lire.
Une missive destinée aux hommes-poissons et relayant les points soulevés par la fausse information transmise quelques heures auparavant. Et, une destination.