Eeny, Meeny, Miny, Moe
Flashback ~ Quête
✘ Solo
✘ Solo
Naviguer sur les mers a ce petit quelque chose d’apaisant, bercé par les vagues, quand tout se passe bien. J’avais déjà affronté trop de tempêtes sur ces eaux et je savais pertinemment qu’il fallait toujours être sur ses gardes, que l’on n’était jamais à l’abri d’une tempête. Mais, en ce jour, le temps était dégagé, une brise fraîche chatouillant mon visage tandis que j’étais posé sur un transat étendu sur le balcon. De plus, j’étais libre de faire ce que je voulais, bien que ce soit mon comportement habituel même lorsque je me trouvais aux côtés du capitaine. Mais, au départ de Boyn, nous avions décidés de nous séparer avant d’atteindre Water Seven où Aze souhaitait se rendre pour recruter de nouveaux camarades et récupérer des matériaux pour son chantier naval. De mon côté, je devais d’abord faire le plein de provisions, comptant m’arrêter à la première île venue pour remplir les cales et les greniers, la traversée s’annonçait longue après tout. Et, les tontattas avaient beau être petits, ils mangeaient comme dix les petits bâtards.
À la table dans le coin opposé du balcon, se trouvait la mystérieuse rousse qui était montée à bord à Boyn. Bien que nous l’ayons aidés dans la défense de l’île-carnivore, la beauté fatale se montrait froide et peu encline à la communication, restant dans son coin à lire des livres sur les plantes. Par moments, je la surprenais à me lancer des regards de ses yeux émeraude, toujours très furtifs. Elle semblait être restée solitaire pendant très longtemps, et un changement tel que rejoindre un équipage pirate était très brutal comme ‘retour à la civilisation’. Ainsi, je la laissais se faire à la situation à son rythme, ne souhaitant pas la brusquer après avoir vu de quoi elle était capable.
‘Liquor’ Jack, en tant que bon tenancier, passait régulièrement pour s’assurer que nous n’avions besoin de rien, la seule voix qui venait troubler ce silence pesant entre moi et la rouquine.
« Merci mon pote. » lui dis-je en posant mon verre vide sur son plateau. « Tu pourrais m’apporter une bière s’teuplait ? »
« Ça marche patron, je t’amène ça tout de suite. »
Le barman disparut dans la maison, laissant de nouveau l’embarras s’installer. Je me levais de mon transat, m’accoudant au bastingage pour me sortir une clope et l’allumer en observant les beautés de la mer. Des dauphins bondissaient par grappes de trois un peu plus loin, et quelques mouettes voletaient ci et là, indiquant que nous étions pas loin des côtes d’une île. Enfin, je n’étais pas pressé, profiter ainsi des embruns marins avait du bon pour le moral.
« Alors, c’est ça le quotidien d’un pirate ? » dit finalement la douce voix de celle qui se faisait appeler Eve Rosemary.
« Plus calme que ce à quoi tu t’attendais, n’est-ce pas ? »
« Oui, je dois l’avouer, je m’attendais à être poursuivie par la marine dès notre départ de Boyn. »
« Vu ce qu’on leur a mit, on devrait plus revoir ceux-là avant un moment. » ricanais-je en me tournant vers elle. « Mais tu as raison, la vie n’est pas toujours aussi calme lorsqu’on est pirate, il faut s’attendre à être attaqué à tout moment.. »
Et, comme une réponse divine à mes provocations, une explosion survint de l’autre côté de la taverne. Me précipitant aussitôt dans le bâtiment pour me poster à une fenêtre arrière et observer ce qui se profilait. Heureusement, calmant mon inquiétude grandissante, l’explosion qui avait détonné n’avait pas touché la taverne ou le cochon géant, mais avait touché la mer en projetant une trombe d’eau qui retombait à présent en pluie à quelques dizaines de mètres. Un tir de sommation ? Pourtant, ces navires ne semblaient pas correspondre aux standards habituels de la marine. Et, alors que je m’emparais d’une longue-vue, je pus observer leurs drapeaux avec attention. Noirs, arborant fièrement les crânes de leurs jolly roger, contrairement à moi qui optais pour un style un peu plus discret, pas un seul drapeau au sommet de la maison biscornue. Trop loin pour être à portée de canon, les trois navires à notre poursuite ne se gênaient pourtant pas pour tirer à foison de leurs canons frontaux postés sur leurs ponts supérieurs ou dans la gueule de leurs figures de proue. Trois navires, tous pirates, et apparemment ils m’en voulaient.
« Tous à vos postes les petits trublions ! » m’écriais-je à l’attention des tontattas qui, comme à leur habitude se mirent à attacher tout ce qui pouvait bouger un peu trop dans la maison-taverne.
Le désavantage du King’s Hat, c’est qu’il n’existait qu’une arme à bord en l’absence de tous canons. Et, cette arme, c’était moi. Craquant ma nuque d’un mouvement similaire à si j’avais souhaité me la briser, une main sur le front, l’autre sous le menton, c’était un sourire qui animait mes lèvres. Et voilà la folie qui repointait son nez, remplaçant la peur contre toute attente désirée de mes nouveaux adversaires. Craindre la mort, très peu pour moi, je l’avais sentis me frôler à maintes reprises et l’accueillerais comme une vieille amie le jour où elle me tendrait la main dans mon dernier souffle. Non, jusque là, mon sang aurait coulé sur chaque côte de ce putain de monde. Ils voulaient jouer ? J’allais les dévorer.
Descendant à toute berzingue au rez-de-chaussée, je sortis de la taverne en hâte en m’assurant que les tontattas étaient bien à l’œuvre. Je croisais Norbert et Mirabelle qui vinrent m’escalader pour se poster chacun sur une de mes épaules.
« Qui nous attaque chef ? T’as encore emmerdé quelqu’un ? » demanda le chef des tontattas, sa salopette mal enfilée ne laissant que peu d’idées à ce qu’il faisait avec sa femme quand nous fûmes attaqués.
« Des pirates, et c’est probablement pour cette raison, bien que je ne les reconnaisse pas à leur jolly roger. » répondis-je en descendant le perron, me dirigeant vers la tête de Borat.
« T’es sûr que t’as rien à nous dire ? Vilain Ren ! » gronda Mirabelle comme une daronne qui vous fait la leçon, les poings serrés sur les hanches accompagné d’un air bougon, elle aurait eut une main de libre qu’elle aurait fait aller et venir son doigt en disant, ah ben justement elle l’a fait. « Fais attention à toi jeune homme ! »
« C’est pas impossible qu’une prime alternative à celle du gouvernement mondial trône sur ma tête. Apparemment j’aurais pas buté le bon gars, ce Sal Veol me pète les roustons même en étant mort... »
« T’es sûr que c’est ça ? »
« J’vois que ça qui pourrait motiver autant de navires à nous coller au cul. » déclarais-je pensif, enfin à portée de l’oreille du pachyderme pour m’accroupir et communiquer. « Hey copain ! On a de vilaines personnes qui nous veulent pas du bien derrière, alors si tu peux accélérer autant que tu peux, atteints la terre-ferme au plus vite, ça marche ? »
~ Gruiiiik gruiik ! ~ * Comptes sur moi, accrochez vous !* grogna le pachyderme géant avant d’augmenter les brasses de ses larges oreilles avec plus d’ampleur pour doubler notre vitesse de croisière.
« Parfait ! Continue comme ça tu gères mon pote ! » m’exclamais-je en luttant contre la soudaine pression de l’air face à la vitesse en perpétuelle augmentation du cochon géant.
Assurant chacun de mes pas, j’atteignis le perron pour m’aider de la balustrade pour faire le tour de la taverne et me retrouver de l’autre côté à observer les trois navires qui continuaient leur bombardement d’intimidation. Comme s’ils ne voulaient pas nous toucher, mais nous pousser prestement vers la terre qui se profilait à l’horizon. Et, sans trop de choix hormis nous confronter frontalement à eux, le Borat en prit la direction comme je le lui avais ordonné précédemment, jouant le jeu de nos poursuivants sans le savoir.
Les minutes passèrent, angoissante pour l’équipage, excitantes comme le calme avant la tempête pour moi. Enfin, leurs bombardements n’avaient rien de calme, les boulets s’approchant malgré la vitesse du cochon géant. Trois encâblures, puis deux, et enfin plus qu’une où les boulets s’approchaient certainement plus que dangereusement. La main paume ouverte en leur direction mouvante, tentant de calculer leur trajectoire. Et la lueur violette se prononça, douce amie à présent si commune à mes yeux, part de moi-même maintenant que cette puissance était mienne. L’aura entoura vivement ma main alors que les boulets arrivaient droit sur moi.
Wonderwall !
En réponse à la violine lumière pourléchant ma paume levée, des anneaux luisant de la même lueur se formèrent juste devant moi, pour délimiter la zone de renvoi. Et le cercle s’élargit, jusqu’à atteindre une dizaine de mètres de diamètre, couvrant tout le postérieur du pachyderme verdâtre menacé par la salve. Les boulets vinrent alors, s’enfonçant dans la zone formée, ce mur immatériel qui, comme un trampoline, ralentit d’abord la projection des boulets, ceux-ci parcourant les quelques mètres qui nous séparaient. Tout d’abord vivement, puis de plus en plus lent jusqu’à n’être plus qu’un boulet flottant mollement vers ma position. Narquois mon sourire ne quittait plus mes lèvres, la paume levée se courba de ses doigts telle une serre d’un prédateur ailé. D’une poussée gravitationnelle, la zone projeta violemment les boulets vers l’endroit duquel ils avaient été tirés.
Les premiers connurent la noyade, sombrant pitoyablement entre les navires. Mais, quatre ou cinq boulets rencontrèrent le bois et les ponts, arrachant bois et marins à la rencontre des eaux. Et, derrière moi, les tontattas continuaient de s’activer, sortant l’arme qu’ils considéraient comme la plus aboutie de leur arsenal. Ridicule, risible même, l’arme en question consistait à un assemblage de poutres large de deux mètres, équipé de deux bras qui tendaient un maillage de sous-vêtements cousus ensemble par des fils et noués à des cordes pour former un ersatz de catapulte. Toutefois, nous n’avions rien à leur balancer, à moins que…
« Jack !! Ramènes tes alcools les plus forts ! » criais-je à pleins poumons, espérant que l’intéressé m’entende.
« Bordel à cul ! Tu te rends compte de ce que tu me demandes ?! Tu veux gâcher de l’alcool, vraiment ? » s’exclama alors le barman en ouvrant la fenêtre la plus proche donnant sur son lieu de travail.
« Tu sais que je te le demanderais pas si c’était pas une situation d’urgence ! »
« Tu fais chier... » grommela-t-il avant d’accepter à contrecœur et de retourner son attention vers la salle de la taverne. « Z’avez entendus le captain ?! Embarquez moi ce tonneau, et c’ui-là aussi, et aussi lui là il est vénère. »
Aussitôt, une ribambelle de tontattas firent sortir une dizaine de tonneaux, les faisant rouler jusqu’à l’endroit où je me trouvais, aux côtés de la catapulte des nains voleurs de slips. Armant l’outil qui contre toute probabilité fonctionna à la perfection, ils tirèrent les slips en y ayant placé quatre tonneaux entassés les uns sur les autres, si maladroitement posés pour que cela fonctionne. Les petits bonshommes avaient placés des mèches qui sortaient des tonneaux et, à l’aide d’un briquet à percussion j’y mis le feu. La corde d’élastiques à slips tendue, je m’assurais de la bonne direction du tir, baissant un bras tandis que l’autre était tendu dans la même direction.
Shlack
L’élastique fut lâché, et les tonneaux libérés partirent à veau-l’eau pour la plupart, ou en direction du moins. Ma main s’ouvrant en paume telle un bourgeon se change en fleur, ses pétales s’affichant au bout de mes doigts sous la forme d’une aura violette. Et à nouveau, les objets, déjà soumis à une certaine célérité, furent réorientés en un couloir allant droit en direction des nos poursuivants. Le feu d’artifice pouvait débuter et, avec lui, sonner le début de la fête.
Les projectiles alcoolisés et enflammés volèrent, croisant la course d’une nouvelle volée de canons qui, pris dans le mouvement repartirent en leur compagnie vers leur point d’origine, ou s’écrasant dans l’océan dans des clapotis furieux. Une nouvelle salve tonna et entreprit de détruire une partie des tonneaux qui explosèrent en boules de feu qui retombèrent en pluies enflammées. Et, la moitié des tonneaux catapultés s’écrasèrent sur les bateaux, éclatant en projetant des gerbes de feu un peu partout sur le pont du navire touché. Quelques flammèches parvinrent même à embraser une petite voile sur l’un des trois vaisseaux. Par la longue-vue, je voyais les marins s’activer sur le pont alors que les flammes mêlées à l’alcool collant se propageaient.
« Voilà, avec ça on devrait avoir une bonne avance. » m’exclamais-je fièrement, les poings sur les hanches. « Bien joué les petits gars, comme quoi vos inventions loufoques ont leur utilité. »
Les navires endommagés perdirent un peu de leur vitesse, permettant à Borat d’atteindre les abords de l’île en toute sécurité. Une ville d’un côté, d’où s’échappaient des volutes et où des navires semblaient mouiller au port, et de l’autre côté ce n’étaient que ruines calcinées et plaines arides, ne laissant que peu de place à la forêt qui couvrait un autre flanc de l’île. Autant dire l’endroit idéal pour un affrontement, les ruines offrant suffisamment de reliefs et de petits espaces pour s’en aider au combat. Je ne savais pas ce qu’ils me voulaient exactement, mais j’allais bientôt en connaître les raisons.
Fiche par Ethylen sur Libre Graph'
Dernière édition par Ren Aoncan le Ven 26 Aoû 2022 - 22:12, édité 1 fois