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Les épaves se cachent pour mourir

Lieutenant-colonel ! Ils prennent la fuite vers le Cimetière d'Épaves !
Oui, je vois ça… Je siffle entre mes dents.
Que fait-on ?
Quelle question… C’est pas parce qu’ils vont se planquer au milieu de quelques morceaux de bateaux grouillant de racaille que ça va nous faire peur. On les poursuit. Jusqu’au bout du monde s’il le faut.

Je peste intérieurement. Forcément, il fallait qu’ils se dirigent vers ce cloaque abandonné par la loi. Dernier espoir pour des pirates qui se sont retrouvés dos au mur ? Sans doute. Le Lieutenant-colonel Macallan parlait de Zaun comme d’un trou puant qui mériterait de se faire raser par un Buster Call, et j’exprimais un peu plus de retenue que lui à ce sujet. Mais en ce qui concerne le Cimetière d'Épaves… La seule chose qui me fait ne pas considérer pareille option est mon respect pour la vie quelle qu’elle soit. De toute manière, je doute que l’amirauté ordonnerait une réponse militaire aussi importante, et il ne faut pas se mentir aussi onéreuse, pour une menace aussi insignifiante. Quelques laissés pour compte dans cet endroit que les courants marins eux-mêmes ont choisi pour être la poubelle de South Blue.

Comme nous avons dû effectuer une manœuvre et que les pirates, eux, avaient dès le départ un vent de poupe, ils parviennent à sécuriser une bonne longueur d'avance et à accoster avant nous sur l'île de brics et de brocs.

On fait comme d’habitude, soldats. Accostez doucement, selon la procédure et en respectant le code maritime. Je vous rappelle que que l’article R*351-1, art. 10 stipule que nous avons l’obligation d’amarrer aux organes d’amarrages prévus à cet effet ! C’est pas parce qu’on est chez des délinquants qu’on doit ignorer le protocole et se comporter comme des rustres ! Je leur lance en m’avançant vers la proue du navire. Je commence alors à fléchir mes genoux, et à étirer les muscles de mes jambes. Et puis, en un instant, je suis dans les airs.
Putain ! C’était quoi, ça ? Il est toujours comme ça ? S’écrie un soldat, qui doit retenir sa casquette sur la tête pour l’empêcher de s’envoler suite à l’onde de choc et au tremblement causé par mon décollage.
Hyper raide par rapport au règlement, ou à partir du bateau en volant ?
Euh… Oui ?
Oh, vous vous y ferez… Le Lieutenant-colonel aime bien foncer dans le tas tout seul… Il aime bien quand les regards sont braqués sur lui !

J’avale la distance qui nous sépare du navire pirate à grande vitesse en me servant de mon Kamisori, la technique de déplacement ultime du Rokushiki. Alors que j’arrive près du ponton où les pirates sont en train de débarquer à la hâte je plonge en piqué et leur bloque le chemin, empêchant toute fuite. Le bois du navire passerelle sur lequel j’atterris craque sous l’impact et se lézarde dans toute sa largeur.

Vous êtes conscient que le refus d’obtempérer sera retenu contre vous et aggravera votre cas ? Je me relève, retirant ma jambe encastrée, époussetant et défroissant mon uniforme. A la vue des médailles lustrées et impeccablement alignées sur mon poitrail ainsi que des barrettes sur ma chemise, le pirate le plus proche de moi blêmit. Je vais me répéter une dernière fois. Je suis Lieutenant-colonel Raines, du G-3. Vous êtes en arrestation pour piraterie et refus d’obtempérer, du coup. Rendez-vous sans opposer de résistance et je n’aurai pas à employer la manière forte.

Un autre pirate recule. Je les entend chuchoter mon nom, les voit s’échanger des regards et puis à nouveau me fixer. J’esquisse intérieurement un sourire. Cela fait plusieurs bateaux pirates que j’attaque, plusieurs équipages que j’appréhende… Tous réagissent à mon nom, qui semble s’être répandu sur les quatre mers bleues comme une traînée de poudre suite à mes dernières missions. Pourtant, peu d’entre eux acceptent de se rendre sans se battre. Est-ce qu’avoir un dernier baroud d’honneur est devenu une mode chez les forbans ? Il semblerait. Un des pirates, à la fois plus téméraire et inconscient que ces congénères, se jette sur moi, le sabre en avant.

Je le désarme en un instant d’une frappe dans le poignet. Ses os craquent sous l’impact de mon poing. Je le frappe ensuite à la gorge, et le balaye d’un puissant coup de pied circulaire dans la cheville. L’enchaînement est rapide, net et précis, comme moi, et le pirate s’effondre.

Un choix peu judicieux. Mais je le respecte. Je disparais en utilisant un Soru. Un autre pirate tombe en un instant. Puis un autre. Et un troisième. Ils n’ont le temps que de voir un flash blanc et bleu marine devant leurs yeux, avant de sentir les os qui se brisent sous mes coups de poings, pareils à des coups de marteaux.

L’affrontement est complètement à sens unique, et ne dure que quelques minutes. A peine ce qu’il faut de temps à mon navire et à mes hommes pour me rejoindre… Et me retrouver debout, au milieu d’une véritable marée de corps de pirates gisant au sol, tous inconscients…


Dernière édition par Alex Raines le Mer 31 Aoû 2022 - 11:34, édité 1 fois
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Tous sont au tapis... Sauf une poignée d'entre-eux. Celui qui semble être le capitaine, parce qu'il a un tricorne, bien sûr, mais également ceux qui ne ressemblent pas vraiment à des pirates, que j’examine consciencieusement. Aucun d’eux ne correspond à la description. Je relève alors le chef des flibustiers en l’empoignant par le col et le plaque avec force contre la carène d’un des navires qui forme les rues de ce dédale qu’est le Cimetière d’Epaves. La scène est d’autant plus impressionnante que je le soulève à bout de bras, étant donné qu’il mesure facilement une tête de plus que moi.

Ecoutez-moi bien car je ne vais pas me répéter. Regardez bien cette photo. De la poche de ma veste, je sors une photo de portrait. Un jeune homme aux teint mat, yeux et cheveux bruns, aux traits fins, presque féminins. Il est particulièrement bien apprêté et visiblement de très bonne naissance. En termes plus crus, il pue la noblesse et l’argent. Il s’appelle Adel, mais se fait possiblement appeler par un autre nom. Il chercherait à s’engager à bord d’un navire pirate. Vous l’avez-vu ?
J’ai rien à vous dire, chiens de mari… Ourgfh. J’enfonce mon poing un peu plus dans sa gorge, faisant craquer le bois contre lequel il est plaqué.
Je rajouterai outrage à agent dans vos chefs d’accusations, ne vous en faites pas. Je serre un peu plus mon emprise. Une clé d’étranglement, ça peut se terminer de deux façons. Vous voulez les entendre ?
Il essaie de parler à nouveau, mais la pression de ma main sur sa trachée est trop importante. Je reprends.

La première, c’est que vous répondez sérieusement à ma question. Je vous lâche et vous coffre, tout le monde gagne du temps, et je peux continuer mon travail. Je lui lance un regard enjoué accompagné d’un sourire, pour lui indiquer que ce serait l’option la plus préférable pour lui comme pour moi. La seconde, c’est que vous continuez à vouloir fanfaronner et j’appuie de plus en plus fort. Là, on a plusieurs cas possible. Je continue, avant de marquer une courte pause. Premier scénario, l’os hyoïde lâche en premier et vous vous étouffez dans votre propre sang. Deuxième cas, je comprime votre jugulaire ou votre carotide suffisamment longtemps pour que vous perdiez connaissance. Arrêt cardiaque suite à une syncope dans le premier cas, ischémie hypoxie cérébrale dans le deuxième. Beaucoup de termes techniques différents pour un même résultat : vous tombez dans les vapes et au mieux vous vous réveillez et finissez comme un légume.

Le teint de son visage commence à pâlir. Est-ce que c’est l’ischémie qui commence, ou visualise-t-il ce que je lui raconte et ça commence à le faire stresser ?

Ah, j’oubliais ! Il y a aussi un cas dans lequel je vous écrase la trachée et vous vous asphy… Je m’interromps quand il frappe violemment du plat de la main le bois à sa portée, signe que je reconnais immédiatement comme celui de sa soumission. Sage décision. Je desserre mon emprise tout en le gardant fermement empoigné.

Kof ! Kof ! Hem ! Kof ! Il tousse et se racle la gorge bruyamment.
Alors ?
Je sais pas qui c’est ! Kof… Il est pas chez nous ! Hem ! Kof !
Et chez d’autres pirates ? Vous n’avez pas entendu de rumeurs ? Je continue à poser mes questions, peu satisfait de sa réponse.
J’en sais foutrement rien ! Kof !
Vous en êtes sûr ? Je force et l’étrangle à nouveau pour l’intimider. Il frappe immédiatement le bois pour que je le relâche.
Kof ! Kof ! J’vous le jure !

Je peste intérieurement. Encore un coup dans l’eau. Je range la photo dans la poche de ma veste. Il va falloir que je continue à chercher.

Mais… Hem… Je peux peut-être vous aider. Le pirate continue alors, en se raclant une fois de plus la gorge. Je desserre un peu plus mon emprise.
J’écoute.
Eh… Qu’est-ce que j’ai à y gagner, moi ? Vous me laissez filer ? Il sent qu’il a piqué mon intérêt… Alors il faut croire qu’il se sent pousser des ailes. J’esquisse un sourire en coin… Et le frappe en plein ventre.
Vous croyez que je vais négocier avec un pirate ? Ou encore pire, le laisser partir ? Je commence à m’emporter et le frappe à nouveau. Estimez-vous déjà heureux d’être tombé sur moi, je suis particulièrement patient et tolérant envers votre espèce. La plupart de mes collègues vous auraient sans doute buté sans même y réfléchir. Et si vous savez quelque chose et ne voulez pas me le dire, je serai sans doute obligé de vous laisser entre leurs mains… De plus… Je marque une pause, puis reprends. ... Je suis quelqu’un d’intègre, qui n'a qu'une parole. Donnez-moi quelque chose, un os à ronger, et j’en ferai mention dans mon rapport. Qui sait, cela constituera peut-être une circonstance atténuante pour vous. C'est à prendre ou à laisser.
Kof… Il tousse en semblant considérer ses options. Assez rapidement il enchaîne. Votre sang bleu, là… Il a pris la mer pour devenir pirate, hein ? Alors il y a de fortes chances qu’il soit ici, au Cimetière d'Epaves.
Comment ça ?
De nombreux courants se rejoignent ici, et de nombreuses coques de noix y terminent. Sans un bon navire et un bon équipage, il a pu facilement dériver et s’échouer sur l’île.
Hmmm… Pas bête. Merci ! Je le relâche et l’assomme aussitôt d’un coup d’un tranchant de la main sur le côté de la nuque. Une pensée intéressante. Je suis presque étonné qu’elle vienne d’un individu à l’allure aussi patibulaire. Dans tous les cas, je suis déjà sur place, alors autant fouiner un peu dans les environs. Et puis, c’est toujours plus faisable que de devoir retourner Rokade à la recherche d'Al-Jawhara.

Lieutenant-colonel Raines ! Mes hommes, qui ont débarqué, viennent de me rejoindre.
Enseigne, je vous laisse charger tout ce beau monde à bord.
Qu’allez-vous faire, Lieutenant-colonel ?
Attendez-moi à bord, je vais faire un petit tour du Cimetière d’Epaves, voir si j’arrive à trouver quelque chose.

Le soldat se met au garde à vous et commence à ramasser les corps des pirates inconscients. Je tourne la tête vers ce qui semble être une ruelle composée… De cadavres de bateaux éventrés, comme à peu près tout sur cette “île”, si on peut l’appeler ainsi. Je me décide à m’engouffrer dedans, et débute ainsi ma recherche.


Dernière édition par Alex Raines le Mer 7 Sep 2022 - 14:59, édité 2 fois
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Tout se ressemble ici. Cela ne va pas être une partie de plaisir, de retrouver ma cible… Une véritable aiguille dans une botte de foin. Et encore, je pense qu’il serait clairement plus humainement faisable de trouver la fameuse aiguille. On pourrait s’y mettre à plusieurs, trier le foin, utiliser un aimant… Au bout d’un moment, on finirait bien par la trouver. Mais là… Retrouver un seul être humain disparu depuis plus de trois semaines sans plus d’éléments que sa photo et un “il n’a pas pu aller bien loin” ? Complètement irréaliste… Je peste intérieurement. Je pensais qu’après les évènements de Koneashima, Zaun, Luvneel ou encore l’Amerzone mes capacités étaient enfin reconnues à leur juste valeur… Et pas qu’on allait se servir de moi comme d’un vulgaire chien chercheur de truffes… Même si la truffe ici, comme son homologue fongique, vaut effectivement son pesant de berries…

Quelques jours plus tôt…

Lieutenant-colonel ? Le Sous-Amiral Niromoto pour vous.
Mon Sous-Amiral ? Ici Raines. Je vous écoute. Je mets à l’oreille le combiné escargot phonique tendu par mon enseigne.
Bonjour Raines. Vous êtes toujours au QG de South Blue ? Il est direct, comme à son habitude… Quoique je suis tout même légèrement surpris qu’il ait pris le temps de m’adresser des salutations. Le Sous-Amiral Niromoto est un homme de peu mots, principalement car il a une flemme monstre d’en prononcer plus.
Toujours, mon Sous-Amiral. Je me suis bien remis de ma mission en Amerzone et ai assisté le Sous-Amiral Sierra pour le transfert de ses prisonniers vers le Mile High Purgatory selon vos instructions. J’ai également suivi les soins des hommes qui y ont été blessés. Ils n’y a plus de risque à les déplacer, alors je songeais à rentrer au QG.
Je sais, Raines. J’ai bien reçu votre rapport. Vous étiez obligé de m’en envoyer trois exemplaires ? J’ai dû me farcir leur lecture en entier à chaque fois…

Bien sûr. Trois exemplaires, envoyés sur trois jours différents, c’est le minimum pour éviter que ça se perde ! Mon supérieur enchaîne.

Toujours est-il que vous allez devoir délayer votre retour. J’ai encore besoin de vous sur South Blue.
Mon Sous-Amiral ?
Une mission de sauvetage. Pour l’héritier d’une famille noble de Hinu Town. “Sauvetage” et “famille noble” sont deux mots particulièrement alléchants à l’oreille du carriériste, parce qu’ils impliquent très souvent une reconnaissance certaine et des connexions haut-placées. Des étoiles dans les yeux à l’idée de m’occuper d’une telle mission, je n’en reste pas moins lucide.
Vous savez que vous pouvez compter sur moi, Sous-Amiral, mais… Quel rapport avec le fait de rester sur South Blue ?
L’héritier en question a disparu lors d’un voyage familial à Suna Land, et doit donc plus se trouver dans la mer méridionale.
Mais alors comment se fait-il que ce soit au G-3 de s’occuper de ça ? Ça ne devrait pas plutôt être du ressort du G-4 et des divisions locales ?
C’est plus une faveur personnelle… La famille en question est une branche mineure de la famille royale Al-Jawhara… Et elle à le bras long, notamment au gouvernement et dans la marine sur tout West Blue. Vous saisissez ? C'est une véritable galère…
Je vois. Ce n'est pas plutôt au Cipher Pol de mener une enquête dans ce cas ? Mes questions sont innocentes, mais je reste plutôt perplexe car j’ai l’impression qu’on brûle des étapes. Il y a des procédures pour ce genre de situation, un cheminement logique et hiérarchique à respecter… Et ce serait mentir que de dire que je suis confortable avec l’idée que les nobles et les riches puissent passer au-dessus de ça et nous commander comme leurs chiens de garde, comme si nous étions de vulgaires chasseurs de primes ou des mercenaires. Hélas, c’est ainsi que le monde fonctionne, pour le moment du moins…
Ils sont justement dessus… Mais avec toute la paperasse et les procédures, ils sont débordés… Vous voyez ce que je veux dire ?
Non, pas vraiment… J’avoue ne pas comprendre.

Le Sous-Amiral continue.

Toujours est-il que vous serez plus rapidement en action. Je compte donc sur vous, Raines. Je hoche la tête, bien qu'il ne puisse pas me voir, à l'autre bout de la ligne. S'il compte sur moi, cela veut dire qu'il est véritablement dos au mur… C'est décidément très bon pour ma carrière.
Vous avez des infos à me transmettre ?
Très peu, malheureusement. Il s'appelle Adel Al-Jawhara. On sait juste qu'il a fugué en barque depuis Suna Land, avec pour objectif de rejoindre un équipage pirate, vu qu'il en est passionné depuis qu'il est enfant… Il y a environ une semaine. Et mis à part une photo de lui et son nom, nous n'avons rien d'autre.

Je peste intérieurement. Il a disparu depuis une semaine ? Alors les chances de le retrouver sont plus que minces.

Donc il faut que je passe South Blue au peigne fin, en arrêtant les équipages pirates jusqu’à ce que je le retrouve ?
Oui. Ou jusqu’à ce que le Cipher Pol avance et donne plus d’éléments ou vous écarte du dossier.
Hm. J’esquisse une moue. Il semblerait que la situation tourne en ma défaveur. Le Sous-Amiral Niromoto me met sur cette mission pour atténuer les tensions qui pèsent sur lui… Tout en ayant la possibilité de se dédouaner si je ne retrouve pas l’héritier. Quant au prestige de son sauvetage… Déjà, l’individu a souhaité s’engager dans la piraterie de son plein gré : la seule option que j’envisage est donc de le capturer afin qu’il soit jugé, privilèges ou pas privilèges. En admettant ensuite qu’il n’ait pas commis de crimes en un laps de temps si court et qu’il soit restitué à sa famille… Je compte sur le Cipher Pol pour ne pas mentionner ma contribution. Je connais leurs pratiques et leur sympathie naturelle, que j’ai pu observer de très près à bord du Cuisino. Mais une mission est une mission, et je me dois de l’accepter. En plus, chasser du pirate, c'est tout de même joindre l'utile à l'agréable… Je vous laisse me transmettre la photo par escargofax, mon Sous-Amiral.
Entendu Raines. Bon courage.

Je raccroche le combiné et lève les yeux au ciel. Le courage, ça n'est pas vraiment ce qui risque de me manquer. La patience, par contre, c'est une autre paire de manches…
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Bonjour. Lieutenant-colonel Raines, de la base G-3. J’aimerais vous poser quelques questions.
Dégage de la ! On parle pas aux bleus, ici ! On poucave p… Le pirate est interrompu par un coup violent et qui lui remonte en plein dans le plexus solaire. La douleur est instantanée, et s’accompagne de la désagréable sensation d’avoir le souffle coupé. Le plexus solaire, ou plexus cœliaque, est appelé ainsi parce que c’est un carrefour de rameaux de nerfs qui innervent toutes viscères, et qu’ils sont disposés au creux de la poitrine dans la forme d’un soleil. Quand il est touché, il envoie un message au diaphragme qui se contracte violemment, comme s’il était crampé, ce qui cause un blocage de la respiration. En des termes moins savants, ça les lui fait remonter jusque dans la gorge, et il se met à convulser vers l’avant en s’étouffant.
Vous êtes au moins le vingtième connard qui répond à ma très simple requête par des insultes et refuse de répondre à mes questions. Je commence à perdre patience. Personne ne vous a appris la politesse dans ce trou ?
C’est parce que vous ne savez pas vous y prendre. Dans l’obscurité, une voix rauque s’adresse à moi. La voix reprend. Vous n’êtes pas né ici. Vous n’y avez pas grandi. Ces épaves n’ont pas été votre refuge. Vous ne pouvez pas comprendre la solidarité qui nous unit.

Je m’avance en direction de la voix, qui appartient à un homme au crâne rasé, couvert de cicatrices et de tatouages. Son teint buriné, ses dents jaunies et sa voix bien plus cassée que ce qu’elle ne devrait l’être témoignent de son abus du tabac… En plus de son haleine fétide, que je sens clairement mieux depuis que je me suis rapproché.

Bonjour, je suis le Lieutenant-colonel Raines. Je me répète, bien qu’il m’ait sans doute déjà entendu m’introduire auprès de l’autre énergumène quelques secondes auparavant. Question de principe. Je reprends en m’adressant à lui. Et vous êtes ?
Appelez-moi Rahul.
Enchanté. Effectivement, vous dites vrai Rahul, je ne connais rien de cet endroit si ce n’est ce qu’on en dit.
Ici les gens n’ont rien, alors tout ce qui peut intéresser quelqu’un a de la valeur. Vous voulez une information ? Vous devrez payer quelque chose en échange… Et inutile de menacer ou de violenter les gens. Ceux qui habitent ici sont déjà roués de coups par la vie au quotidien, physiquement comme mentalement. Et puis… On ne peut pas dire qu’on porte vraiment la marine dans notre cœur. Vous n’intimiderez personne ici. Il termine en désignant de la tête son camarade, qui est recroquevillé au sol en boule et se tient fermement le ventre contre ses bras en silence.
Je vois ça. Je me retourne à nouveau vers lui. Vous semblez plus loquace, dans tous les cas.
Disons que je fais de l’information mon principal commerce… On dit que la parole est d’argent et que le silence est d’or… Mais l’argent, ça rapporte quand même vachement. Que cherchez-vous ici ?
Je suis à la recherche d’un dénommé Abel. Je sors la photo de la poche de ma veste et je la lui présente. Il serait parti de Suna Land en barque, seul, et aurait pu dériver jusqu’ici.
Je pourrais avoir un renseignement qui pourrait vous intéresser, mais… Commence Rahul.
... Mais ça dépendra du prix que je suis prêt à payer, j’imagine ?
Exactement. Il se frotte les mains comme un banquier véreux. Mais ne vous en faites pas, je vous propose un deal qui pourrait vous arranger…
Comment ça ?
Un million de berries, et mon information est à vous. Je manque de m’étouffer, tant il ne manque pas d’air. Il reprend. Mais, je vous propose également un petit jeu. Si je gagne, le prix double. Si je perds, le prix est divisé par deux.
Hm…
Héhé… J’ai piqué votre curiosité, on dirait, hm ? Ne vous en faites pas, il est impossible pour moi de tricher, c’est un jeu fréquemment utilisé sur l’île pour résoudre les querelles et nous départager… Ça s'appelle “Bière, Bourrin, Lopette, Termite, Clodo, Planche de bois”.


Dernière édition par Alex Raines le Mer 7 Sep 2022 - 15:00, édité 1 fois
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Qu’est-ce que c’est que ce truc ?
Une variante locale du “Empereur, Amiral, Corsaire”, héhé.

Je porte ma main à mon menton. Je ne suis pas un grand amateur de jeu, mais je connais forcément ce jeu si simple et si répandu qu’il est très fréquemment utilisé dans de nombreuses activités de la vie quotidienne. Pendant que je passais mon temps à m’entraîner, les autres enfants de Kage Berg, eux, passaient le temps avec ce genre de futilités… Le concept est simple : au bout d’un décompte, les deux participants effectuent chacun un signe de la main qui représente une des trois possibilités, dont les rapports de force sont équilibrés. L’Amiral capture l’Empereur. L’Empereur tue le Corsaire. Le Corsaire trahit l’Amiral. Je sais qu’il y a également une variante avec un Révolutionnaire, mais je crois qu’il perd contre les trois autres, alors je ne suis pas sûr d’en saisir l’utilité… Dans tous les cas, le jeu est simple, efficace, et diablement bien équilibré, bien qu’un peu incohérent : l’Amiral qui perd contre le Corsaire ? L’Amiral devrait gagner contre tout le reste ! Effectivement, il est impossible de tricher à un jeu pareil, mis à part en conditionnant son adversaire et en l’orientant inconsciemment vers une action en particulier. J’avais lu dans un ouvrage qu’après avoir hésité quant à la réponse à une question qui n’avait pourtant rien à voir avec le jeu, les joueurs étaient plus tentés de jouer Empereur. Je relève la tête vers le dénommé Rahul.

Allez-y, expliquez.
Héhé… Le jeu se joue comme ceci : le Bourrin boit la Bière, qui tabasse la Lopette, qui devient ami avec le Clodo, qui élève le Termite, qui mange la Planche de Bois, qu'on utilise pour se venger du Bourrin. De même, le Bourrin défonce la Lopette, mais se fait avoir par les tours du Clodo ; la Bière noie le Termite, mais est sifflée par le Clodo ; la Lopette utilise la Planche en bois, mais est mis K.O. par le Bourrin ; le Clodo quant à lui se rince le gosier avec la Bière, mais dort sur la Planche de bois ; le Termite terrorise la Lopette, mais se fait écraser par le Bourrin ; la Planche en bois éclate le Bourrin et piétine le Termite. L’homme explique tout en singeant les différentes intéractions avec ses mains. Je prends des notes mentales. Vous avez tout suivi ? Vous voulez que je répète, héhé… ?
Encore une fois, pour voir ?
Pas de problème, héhé… Le Bourrin boit la Bière, qui tabasse la Lopette, qui devient ami avec le Clodo, qui élève le Termite, qui mange la Planche de Bois, qu'on utilise pour se venger du Bourrin. De même, le Bourrin défonce la Lopette, mais se fait avoir par les tours du Clodo ; la Bière noie le Termite, mais est sifflée par le Clodo ; la Lopette utilise la Planche en bois, mais est mis K.O. par le Bourrin ; le Clodo quant à lui se rince le gosier avec la Bière, mais dort sur la Planche de bois ; le Termite terrorise la Lopette, mais se fait écraser par le Bourrin ; la Planche en bois éclate le Bourrin et piétine le Termite. C’est bon ?
Yep.

Il récite à l’identique. Le jeu paraît logique et équilibré, mais présente plusieurs problèmes évidents, comme on pourrait s’y attendre d’un jeu qui tire son origine d’un trou crasseux comme le Cimetière d'Épaves. Déjà, la dernière phrase n’a aucun sens. Si la Planche de bois piétine le Termite, comment le Termite peut la manger ? Que se passe-t-il si les deux joueurs utilisent ces deux signes ? Y a-t-il une égalité ? Même chose entre la Planche de bois et la Bière, qui n’ont aucune interaction. Faut-il rejouer la manche ? Dans le cas où ces deux options conduisent à des égalités, la Planche de Bois est la meilleure option : elle gagne contre le Bourrin et le Clodo et perd contre la Lopette, ce qui lui donne 66% de chances de victoire.

Dans ce cas-là, la Lopette devient soudainement une option intéressante, malgré le fait qu’elle perde trois intéractions et n’en gagne que deux, lui donnant un taux de succès de 40%, exactement pareil que le Clodo. D’un point de vue purement statistique, le Bourrin est une option bien plus intéressante, puisqu’il permet de gagner trois rencontres et n’en perd que deux, soit un ratio de 60% de victoire… Mais reste une option risquée, vu qu’il perd tout de même contre la Planche de Bois. Dans tous les cas, le Clodo et la Bière apparaissent comme des options moins attractives.

En revanche, si on suit le raisonnement bien plus logique où la Termite doit gagner contre la Planche de bois, ses chances de victoire tombent à 50%... Et le Bourrin redevient la meilleure option, vu qu'il bat le Termite qui est la seule autre option ayant un taux de victoire similaire.

Typiquement, le dilemme n’est pas sans me rappeler un ouvrage que j’avais lu à la bibliothèque de la base, qui était intitulé : “Approximation par une classe de modèles stochastiques de May-Leonard, avec trois espèces qui se dominent mutuellement de manière cyclique et non hiérarchique, selon le jeu Empereur-Amiral-Corsaire”, et que j’avais lu dans mon temps libre. Oui, il y a vraiment des gens qui écrivent sur tout et sur rien… Et non, nous n’avions pas beaucoup de choix dans notre bibliothèque.

L’auteur discutait de l’introduction d’une inégalité dans le système, en ajoutant une espèce qui la hiérarchie de domination des trois autres, et qui influe sur les probabilités de sélection de l’espèce la plus faible. Les résultats du travail de l’auteur montrent que la formation du modèle est radicalement affectée par la présence de l'espèce la plus faible. Des domaines spatiaux monospécifiques dominent cycliquement l'ensemble du territoire jusqu'à ce qu'une région occupée par l'espèce la plus faible soit suffisamment étroite pour être traversée par des individus sans être sélectionnée. Ceci conduit à l'apparition de motifs spatiaux responsables de la coexistence des espèces. L'asymétrie des probabilités de sélection conduit à une fonction d'autocorrélation spatiale et à des abondances relatives moyennes des espèces différentes. Au final, la probabilité de coexistence et la présence de l'espèce survivante dépend du niveau d'inégalité du modèle et de la mobilité des individus. En gros, le jeu arrête de compter sur un équilibrage naturel et mathématique et compte sur des biais psychologiques de sélection des options qui évoluent selon les patterns mentaux des joueurs. Et n’ayant aucune notion du métagame du Cimetière d'Épaves… Autant me rabattre sur l’option la plus sûre.

Prêt ? Demande alors tout à coup Rahul.
Oui !
1, 2, 3… Bière, Bourrin, Lopette, Termite, Clodo, Planche de bois !
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Sa main prend la forme qui correspond à… Je ne me souviens plus trop de quel signe il s'agit. Le Termite ? Le Clodo ? Oh, et puis... Cela n’a pas tellement d’importance puisque je l'attrape à toute vitesse, serre de toutes mes forces et d’un coup sec lui brise le poignet.

Aaaaaaaaaaaaaaaaaah ! Il hurle de douleur en portant sa main valide à celle que je tiens toujours fermement dans la mienne, essayant de me frapper pour que je relâche mais prise. Vous êtes malade !
Vous pensez vraiment que je vais m’abaisser à négocier avec de la racaille et à parier pour avoir une réponse à ma question ? Qui plus est à un jeu qui emploie des termes aussi réducteurs et discriminatifs ? D’autant que la loi n° 83-628 prohibe le pari et les jeux d’argent en dehors d’un cadre réglementé… Je commence en serrant sa main un peu plus fort. Il hurle de douleur de plus belle. Vous disiez que je n’arriverais pas à faire parler les gens ici ? Je n’ai pas vraiment essayé. Mais vous, je sais désormais que vous avez des informations qui m’intéressent.
Ah ! Putain, lâchez-moi, vous êtes en train de m’arracher la main ! Rahul essaie de se débattre, mais il est à des années-lumières d’avoir la force nécessaire pour renverser la situation.
Je vais vous demander poliment une seconde et dernière fois. J’ignore complètement ses invectives et ses gesticulations. Dites moi ce que vous savez.

Il semble se calmer un instant et nos regards se croisent. Je le sens hésiter, tout en essayant de ne pas céder à la panique.

Vous savez, je suis médecin. Je connais le corps humain par cœur… Ses zones les plus douloureuses, et comment en abuser sans vous tuer. Vous finirez par craquer. Pourtant, je vous assure que je suis quelqu’un de plutôt sympa, mais je n’apprécie pas qu’on me prenne pour un crétin ou qu’on pense pouvoir me mener par le bout du nez alors que je suis le plus haut représentant de l’autorité du gouvernement mondial sur cette île. J’essaie de l’intimider, en lui montrant que je commence à perdre ma patience mais pas mon sang-froid, sans relâcher d’un iota ma poigne sur sa main. Ses yeux sont fuyants, son regard nerveux et il se met à suer à grosses gouttes. Il semble avoir compris qu'au-delà de la menace, il s’agissait plutôt d'un avertissement. Je n’aime pas utiliser la violence. Mais quand c’est le seul langage que les gens semblent comprendre… Je n’ai pas vraiment le choix. Je dois mener ma mission à bien.
Okay, c’est bon, je vais parler mais lâchez-moi par pitié avant qu’on doive m’amputer la main !

Je desserre légèrement mon emprise, et il en profite pour retirer sa main qu’il presse fermement contre sa poitrine en tombant au sol. Il recule en rampant pour s’éloigner de moi jusqu’à ce que sa retraite soit bloquée par un mur en bois.

Ne racontez pas d’âneries. Faites-moi voir ça. Je m’avance à son niveau et lui tends la main pour qu’il me présente sa main blessée. Ses yeux s’écarquillent.
Hein ?

Je lui saisis la main avec une grande délicatesse et commence à l’ausculter.

Ouf, ah ouais, c’est pas joli. Belle fracture du poignet et de plusieurs carpes et métacarpes, à vue de nez.
Ne faites pas genre que ça vous surprend, c’est complètement de votre faute !
Je considère que votre attitude désagréable et votre manque de serviabilité qui vous a mis dans cette situation ! Je lui réponds sèchement en le fusillant du regard. Je sors une bande de plâtre de mon uniforme, puis ramasse un morceau de bois qui traîne juste à côté de nous. Tenez, mordez ça avec vos dents.

Avant même qu’il ne puisse réagir, je lui enfonce le morceau de bois dans la bouche. Et puis, je lui remets la main en place comme si je la lui serrait. Je sens qu’il manque de s’évanouir sous le coup de la douleur, et je profite qu’il soit sous le choc pour lui bander la main jusqu’au milieu du bras en un temps record.

Voilà, comme ça. Ne faites pas l’imbécile pendant quelques semaines et vous ça devrait se ressouder. Voilà pour la douleur. J’ajoute en lui lançant une petite boîte contenant quelques cachets anti-douleur. Je reprends. Maintenant, dites-moi ce que vous savez.
Gnnnn… Putain… Il recrache le bout de bois, fébrile. Si je vous dis ce que je sais, vous vous tirez ?
En fonction de la pertinence.
Y’a un type dans le Cimetière… Jack Beckerfield. Il squatte Encanis.
Encanis ?
Un regroupement de cinq caravelles au centre de l’île. Vous pouvez pas le rater si vous continuez par là. C’est le repaire de gangs qui trempent dans tous les vices… Prostitution, drogue, jeu… Il commence à énumérer. Il marque une pause pour essayer de masser sa main fraîchement plâtrée mais s’interrompt après un sursaut de douleur à l’instant où il la frôle à peine. Beckerfield est arrivé il y a quelque temps avec ses gros bras… Et depuis, ils font “disparaître” les gens.
Ce sont des tueurs à gage ?
Non… Disons qu’ils cherchent des gens qui n’ont plus rien à perdre. Ou des gens seuls, un peu perdus, un peu fragiles… Dans le Cimetière, il y a une rumeur que s’ils s’intéressent à vous… Personne ne vous reverra.
Ce sont des trafiquants d’êtres humains ?

Il hoche la tête en silence, et je peste intérieurement. Après m’être frotté aux esclavagistes Rokadiens en Amerzone… Voilà que je tombe sur des trafiquants au Cimetière d'Épaves. A croire que mes missions ne me font me frotter qu'aux pires cafards qui grouillent sur cette Terre.

Et vous pensez que celui que je recherche à pu les rencontrer ?
Disons que si un étranger arrive dans le coin, un peu naïf, un peu paumé… Il y a de grandes chances pour que Beckerfield l’ait pris pour cible.
Je vois. Je me relève. Encanis, hein ? Je confirme auprès de Rahul qui hoche la tête sans dire un mot. Fléchissant sur mes jambes, j’effectue une série de bonds contre les carcasses de bateaux qui constituent les ruelles de l’île, jusqu’à me retrouver suffisamment en hauteur pour apercevoir le fameux cercle de caravelles.

Quand on fouille une immense botte de foin à la recherche d’une minuscule aiguille, et qu’on apprend qu’on a peut-être trouvé un mince filin qui est relié à cette dernière… On le suit sans hésiter. Je m'élance alors, enchaînant les Geppous dans les airs pour m'éviter de serpenter dans les rues de l'île artificielle.
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Hey beau gosse… Tu veux qu’on passe du bon temps, toi et moi ?
Merci du compliment, madame… Mais je doute que ce que vous ayez en tête soit de nous présenter à tour de rôle nos articles de loi préférés…
Hein ?
C’est ma définition personnelle du bon temps… Sur ces mots, je congédie la catin qui s’était approchée de moi. Rahul n’a pas menti sur le fait qu’Encanis est le repaire de tous les vices, même d’après les standards plutôt élevés de ce trou d’enfer qu’est le Cimetière d’Epaves. Si j’étais avec mes hommes, je n’aurais aucun mal à remplir ma cale de hors-la-loi et de petits délinquants… Mais quel intérêt ? Prostituées, consommateurs d’opioïdes, parieurs… Les gens du coin ne sont sans aucun doute pas des criminels par choix, mais poussés au vice par l’environnement et la mise au rebut systémique dont ils sont victimes. Est-ce que cela leur donne pour autant une excuse pour se soustraire au bras aveugle et juste de loi ? Bien évidemment que non. Mais je ne suis qu’un seul homme, alors je choisis de prioriser les problèmes plus urgents et importants que d’avoir le plaisir abusif de coffrer des laissés pour compte par la vie.

Dans tous les cas, la présence de gangs de trafiquants d’êtres humains pour profiter de cette misère omniprésente ne m’étonne pas du tout… Me laissant penser que Rahul ne m’a sans doute pas envoyé vers Encanis sur une fausse piste pour se débarrasser de moi et que j’aurai l’occasion de récolter des indices, aussi infimes soient-ils. Alors que je me faufile au milieu des épaves en demandant des renseignements sur le fameux Beckerfield aux badauds… On finit par m’indiquer – non sans avoir obtenu les informations avec violence – un tripot dont l’entrée est cachée dans la cale d’un navire planté dans le sol quasiment à la verticale, et qui me fait sérieusement me poser la question de la possibilité physique d’une telle architecture… Et me fait m’en poser davantage concernant les manquements aux normes de sécurité de la structure. Je rentre dans le bar, et le balaye du regard.

La pièce sent un mélange de tabac froid, d’alcool frelaté et de MST, comme on peut s’y attendre. Plusieurs clients, ivres morts, jonchent les tables crasseuses et rongées par le sel et l’humidité. Au fond de la pièce, deux loubards gardent une petite porte dérobée qui semble mener vers une arrière salle. Je m’approche d’eux, persuadé que je commence à toucher mon but du doigt.

Bonjour, Lieutenant-colonel Raines. Je cherche un certain Jack Beckerfield, et quelque chose me dit que vous saurez me dire où il se trouve. Je lance aux deux hommes en les fusillant du regard.
Y’a personne de ce nom là ici, le bleu. Casse-toi. Je me fais rembarrer sèchement. J’esquisse un sourire nerveux qui témoigne mon agacement sans le masquer. Je commence à en avoir plein le dos de me faire manquer de respect dans ce trou puant.
Shigan.

Comme des balles de fusil, l’index et le majeur de mes deux mains fusent à toute vitesse dans la poitrine des deux gaillards. Le choc est violent, si violent qu’ils sont plaqués au mur avec tant de force qu’ils en tombent directement dans les vapes. J’essuie mes mains dans un mouchoir que je sors de la poche de mon veston, en faisant attention à ne pas tacher mon uniforme… Et je souffle un grand coup, toisant les corps qui gisent à mes pieds. Ils ne sont pas morts, mais ce n’est pas passé loin. J’ai perdu ma patience et ma tempérance, l’espace d’un instant. Allez. On se ressaisit, Raines. Garde ton calme, ta droiture et ton sérieux. Tu es la loi. Tu es la justice.

Je défonce la porte d’un puissant coup de pied. En pénétrant dans l’arrière salle, je tombe sur plus d’hommes aux mines patibulaires. Au centre de la pièce, sur un canapé en velours tâché, est assis un homme en costume beige qui sirote un verre de liqueur et fume un cigare qu’il tient dans sa main gauche. Il porte également un chapeau de feutre assorti à son haut ainsi qu’une paire de lunettes noires. Son bras droit est enroulé autour du cou d’une jeune femme en tenue burlesque. Alors que la porte tombe dans un craquement sourd au sol, il sursaute.

Jack Beckerfield, je présume ? Je commence en m’avançant. Je reprends, persuadé d’avoir fait mouche au vu de sa réaction. Ce n’est décidément pas facile de vous mettre la main dessus. Je suis le Lieutenant-colonel Raines. J’aurais quelques questions à vous poser.
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Laisse-nous, poupée… Beckerfield congédie de manière extrêmement rabaissante et misogyne son escorte d’un geste de la main, puis fait un autre signe à ses hommes, qui viennent de dégainer des sabres, comme pour leur dire de nous laisser parler. Sa partenaire s’éclipse en se faufilant entre l’embrasure de la porte et moi, alors que je la salue au passage d’un petit hochement de tête. Qu’est-ce que vous me voulez ? Que vient faire la marine ici ?
C’est moi qui pose les questions. Je réponds sèchement, et je sors la photo d’Al-Jawhara de ma poche.Vous savez qui c’est ? Vous avez eu à faire à lui ? Il se ferait appeler Adel.
Je n’ai aucune idée de qui il s’agit, Lieutenant-colonel, mais il n’a pas l’air d’être du coin… Vous savez, nous ne sommes que des petites frappes locales… On se contente de marchander entre nous, de rendre des services… Nous ne sommes certainement pas des menaces sur South Blue… Et certainement pas le genre de gros gibier que vous recherchez sans doute… Il s’approche lentement de moi, en faisant de grands gestes avec ses mains gantées.
Ce n’est pas ce qui se dit dans le coin. Les clodos que j’ai questionnés semblent particulièrement vous craindre… Je lui rends la pareille en m’avançant à mon tour, marquant une pause. Je reprends. Répondez honnêtement à mes questions. Je ne suis pas vraiment d’humeur à me répéter.

Je l'agrippe par le col et plonge mes yeux dans les yeux. Mon regard est noir.

Écoutez, Lieutenant-colonel… Il commence à parler puis tente de changer de sujet. Il ne vaudrait mieux pas pour vous que vous vous immisciez là-dedans… On peut sans doute trouver un arrangement, non ? Quel est votre vice ? Les femmes ? Ou bien les hommes ? Peut-être les deux ? L’alcool ? L’argent ? Donnez-moi votre prix…

J’enrage intérieurement, incorruptible, complètement courroucé par le fait qu’il ose tenter une manœuvre aussi vile avec moi. Pour qui me prend-il ? Un vulgaire putain qui peut écarter les cuisses de sa moralité à son bon vouloir ? Il se fourre le doigt dans l'œil jusqu’au coude.

Vous venez d’être pris en flagrant délit de tentative de corruption d’agent assermenté du gouvernement mondial. L'article 432-11 du code pénal prévoit 10 ans de prison et 5 millions de berries d'amende pour la corruption passive ou active d'une personne dépositaire de l'autorité publique. Je vais vous demander de me suivre sans faire d’histoires, vous êtes en état d’arrestation. Le ramener au navire est la meilleure option. J’aurai alors tout le temps pour le cuisiner et lui faire cracher le morceau. Pas besoin d’avoir un sixième sens pour savoir que cette raclure ne me dit pas tout.

Mauvaise décision. Vous auriez mieux fait de rester chez vous dans votre garnison ! Il m’assène un coup de poing particulièrement rapide au niveau de l’estomac. J’active mon Tekkai in extremis… Et suis surpris que le coup me fasse aussi mal. Son poing s’enfonce dans mon ventre et me repousse en arrière, me faisant lâcher ma prise sur lui. Je relève la tête, et constate qu’autour de sa main fumante après l’impact, son gant s’élime et laisse apparaître une main de métal. J’esquisse un sourire nerveux.

Une prothèse ? Vous êtes un cyborg… Voilà pourquoi il m’a chatouillé, celui-là.
Jouez pas au héros, haha ! S’il vous a “chatouillé”, alors je vous présente son petit frère ! Il rit à gorge déployée, et tente de me donner un nouveau coup de poing… Que j’encaisse cette fois dans le creux de ma main et stoppe net dans son élan. Beckerfield semble sous le choc. Qu’est-ce que… ?
Quel est le problème ? La question est posée sarcastiquement, alors que que ma main commence à serrer son poing de plus en plus fort. Il ne ressent pas la douleur, mais instinctivement il cherche à enlever son bras… Sans succès. Mes doigts commencent à mordre le métal dans un crissement métallique suraigu. Et puis finalement, il parvient à s’extirper, laissant dans ma main une charpie de métal qui constituait jusqu’à il y a quelques secondes sa main mécanique. L’horreur est clairement lisible sur son visage.
Ma… Ma main ! Il chute au sol, sur les fesses, et recule en se tenant les restes de son bras artificiel dans sa dernière main valide, complètement pris de panique. C’est qui ce monstre ?! Tuez-le !

Ses hommes, qui jusque-là s'étaient soit contentés d'obéir à leur chef, soit n’osaient pas agir par peur de se faire maîtriser comme leurs comparses qu’ils avaient pu désormais apercevoir derrière moi, me ruent dessus. En un instant et après quelques Sorus bien placés, ils s’effondrent au sol sans m’opposer la moindre résistance. Le niveau d’anxiété de Beckerfield semble atteindre un nouveau palier. Je m’avance vers lui, et l’attrape à nouveau par le col avant de le plaquer contre le mur de la petite pièce dans laquelle nous nous trouvons.

Dites-moi ce que je veux savoir, si vous ne voulez pas que je passe mes nerfs sur vous et que vous ayez besoin d’une prothèse pour votre autre bras. Je lui retire ses lunettes de soleil que j’écrase dans le creux de ma main, dévoilant que ses yeux ont été remplacés par des prothèses oculaires. Je sors à nouveau la photo de l’héritier disparu, que je lui approche à quelques centimètres du nez. Est-ce que vous l’avez vu, oui ou non ?
Ou… Oui… ! Oui, on l’a trouvé qui errait dans le Cimetière d’Epaves ! Un type tout basané, l’air Rhétalien, et plein de manières ! Beckerfield commence à craquer, et j’affiche un sourire satisfait. Enfin de l’avancement.
Et où est-il désormais ?
Je… Je peux pas vous dire, il me tuerait !
Qui ça ?! Le ton monte, et Beckerfield apparaît de plus en plus apeuré, ses pupilles artificielles fuyant mon regard.
Je ne peux pas vous dire !
Si vous ne me répondez pas, c'est moi qui vous tuerai !
C’est… C’est le Docteur !
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Le Docteur ? Beckerfield en est presque aux larmes. Quelle que soit cette personne qui l’effraie, il en est clairement terrorisé, même si c’est un lâche qui semblait avoir bâti toute sa confiance en lui et son identité derrière ses prothèses. Je suis interrompu dans mes questions et ma tentative d’en apprendre plus quand je sens deux individus qui entrent dans la pièce où nous nous trouvons. Le visage de Beckerfield se décompose à leur vue, et je tourne la tête vers eux.

Ils sont vêtus de costumes sombres et de lunettes de soleil, ont des cheveux gominés et des mines impassibles, et s’avancent vers nous. Ma première réaction est de commenter mentalement leur élégance. Elle dénote particulièrement comparé à tous les pouilleux du coin, mais même sans cette référence qui permet une comparaison forcément élogieuse, ils n’en restent pas moins particulièrement propres sur eux… Si bien que si mes hommes étaient avec moi, je leur dirais de prendre exemple sur eux… Et ce même s’ils ont des tronches de mafieux très stéréotypées.

Sans lâcher un seul mot, le premier sort un poignard de sa veste et tente de me planter dans le flanc… Du moins c’est ce que je crois. Alors que je me prépare à esquiver en utilisant mon Kami-E, afin de ne pas risquer de lacérer mon uniforme impeccable, je me rends compte que je ne suis pas celui qui est visé par le coup de surin… C’est Beckerfield. Je me ravise et contracte mes muscles avec mon Tekkai pour le protéger. La lame glisse contre mon corps, entaillant ma veste comme je l’appréhendais. Je peste intérieurement.

Je me saisis du poignet de mon assaillant et le fait vriller pour le désarmer. Prenant alors le poignard dans ma main, je me retourne vers son camarade et le lui plante dans le biceps. A ma grande surprise, la lame ripe sur son bras dans un crissement métallique, et déchire le tissu de sa chemise pour laisser entrevoir une prothèse mécanique. Je réagis immédiatement en lâchant mon arme, ramenant mon bras en arrière pour attraper le sien au niveau du poignet, et dans un mouvement de rotation avec mes hanches venir appuyer mon avant-bras gauche sur son coude. L’articulation mécanique de sa prothèse explose sous l’impact, dans lequel je mets toute ma force, n’ayant pas besoin de me retenir et de penser aux dégâts que je pourrais occasionner contre un membre artificiel. Dégageant le manchot sur le côté et l’envoyant voler dans le décor du bar, je me retourne désormais pour faire face au premier de mes assaillants… Qui cible lui aussi Beckerfield. Visiblement, il ne se trompait pas tout à fait en disant qu’il se ferait tuer s’il parlait. J'envoie au mafieux un direct vif et puissant en plein dans le visage avant qu’il n’ait le temps de faire quoique ce soit. Il se retrouve propulsé en arrière et s’écrase contre le mur, le nez bleu et sanguinolent enfoncé au milieu de la figure, les lunettes de soleil brisées en milles morceaux… Laissant alors entrevoir ses yeux cybernétiques qui grésillent et frétillent dans tous les sens.

Qu’est-ce que c’est que ce bordel ? Je ne peux m’empêcher de jurer et de lâcher mes pensées à voix haute, quand je constate que d’autres individus, vêtus exactement de la même façon, commencent à occuper le bar et à venir vers nous, toujours sans un mot. Kamisori.

En utilisant ma technique de déplacement hyper rapide, je fonds sur eux et les neutralise en quelques instants par des Shigans bien placés. Mes frappes, à différents endroits de leurs corps, confirment mes suspicions. Ils sont tous truffés de prothèses de bras ou de jambes. Qu’est-ce que c’est que ce délire ? Je prends les devant et fais le ménage dans les hommes en noir, tout en faisant attention à n’en tuer aucun. Je me déplace dans le bar désormais vide, hormis les multiples corps en costume qui gisent au sol. Je dégage leurs lunettes de leurs visages. Tous, sans exception, ont des prothèses oculaires comme celle de Beckerfield, avec la même sorte de plaque métallique au niveau de la tempe droite.

Tout d’un coup, alors que je me suis penché pour les observer d’un peu plus près, un grésillement électrique se fait entendre au niveau de l'œil artificiel de l’homme à côté duquel je me trouve. Quelques secondes plus tard, son corps se met à convulser, comme s’il était pris de spasmes et une épaisse mousse blanche sort de sa bouche. J’en approche mon nez. Une vive odeur d’amande très significative pénètre mes narines. Je porte immédiatement mon mouchoir à mon visage pour m’empêcher de le respirer plus longtemps. Du cyanure. D’autres grésillements se font entendre tout autour de moi, et les autres hommes de main subissent le même sort. Mes yeux s’écarquillent alors que je devine la suite. Je n’ai qu’un instant pour réagir. D’un Soru, je bondis vers Beckerfield, dont l’implant commence lui aussi à émettre d’infimes cliquetis à peines audibles… Et je lui transperce l'œil avec un Shigan. In extremis, je parviens à me saisir de l’appareil et à le lui arracher du crâne avant de le jeter au sol et de l’écraser du pied. Un liquide incolore et légèrement fumant s’en échappe. Beckerfield, quant à lui, hurle de douleur, portant sa main à son orbite de laquelle du sang gicle dans tous les sens. Je ricane intérieurement. Quand je me disais qu’il pourrait se mettre le doigt dans l'œil jusqu’au coude, je ne pensais pas que cela finirait par être si littéral… Ni que ça serait mon doigt. Toujours est-il qu’il l’a échappé belle.

Vous m’expliquez ? C’est quoi exactement votre petit manège ? C’est quoi ce bordel ?
Je… Je… Il balbutie péniblement, sous le choc.
Je ne suis pas stupide. Ces hommes, là, que je viens de neutraliser… Ils étaient équipés de prothèses drôlement bien réalisées… Et particulièrement bien greffées. Ça se voit au premier coup d'œil que c’est pas du travail d’amateur. Ce n’est ni le genre de matériel ni le genre de qualité d’opération qu’on trouverait dans un coin aussi misérable que le Cimetière d'Épaves. Pour qui est-ce que vous bossez ? Qui aurait besoin de vous implanter des prothèses pour vous faire taire définitivement en cas de pépin ? Je sais que vous n’auriez pas le cran de le faire vous-même… C’est ce fameux Docteur ?! Répondez, bon sang ! Je lui mets une gifle suffisamment forte pour lui faire reprendre ses esprits sans le blesser.
On… Je… Je savais pas que j’avais ce truc dans la tête ! Beckerfield craque complètement. Je suis un ancien pirate… J’ai été grièvement blessé, et on m’a ramassé et reconstruit à condition que je m’occupe de ramasser des gens paumés, ou isolés, et que je les fasse acheminer chez Tif Argilo, à Zaun !

Tif Argilo ?
Un médecin, qui tient une clinique clandestine pour la pègre… Je lui amène juste les gens, je ne sais pas ce qu’il en fait ensuite ! Il prend leurs organes, ou leur greffe des prothèses… J’en sais rien ! Je suis juste payé et je pose pas de questions !
C’est donc lui, le fameux “Docteur” ?
Peut-être… Non… J’en sais rien ! Je sais qu’il prend ses ordres de quelqu’un d’autre, je l’ai entendu lui parler… Putain, j’en ai déjà trop dit ! Ils vont me tuer !
Vous aviez une capsule de poison dans la tête. Il n’y a pas plus efficace pour vous tuer. Maintenant que je l’ai retirée… Vous ne risquez plus rien.
Vous n’en savez rien, ils peuvent être partout… Ils vont continuer d’essayer de me réduire au silence ! Rien à faire. Il est toujours trop paniqué pour lui faire entendre raison. Je tente une autre approche.
Alors venez avec moi. La marine vous protégera. Je vous protégerai. Rentrez à mon navire avec moi, je vais m’occuper de soigner votre œil. Et ensuite vous pourrez vous calmer et me répéter tout ça très calmement.
Non… Non ! Il faut que je m’enfuie, que j’aille me cacher ! Peut-être me planquer en Amerzone, ils ne m’y trouveront pas !
Vous savez, en Amerzone, il y a des moustiques énormes qui peuvent vous vider de votre sang en une fraction de seconde, je ne suis pas sûr que ça soit mieux comme mort… Tant qu’à faire, visez plutôt Suna Land, là-bas au moins… Oh, et puis merde ! Je ne sais pas pourquoi j’argumente avec lui comme si j’essayais de lui vendre une offre de séjour touristique. Je lui assène un coup du tranchant de la main dans la nuque, qui le fait tomber inconscient. Je le charge alors sur mon épaule. Il va rentrer avec moi, celui-là ! J’enjambe les cadavres des hommes en noir pour sortir du tripot d’Encanis, portant Beckerfield comme un fagot de bois. Des mafieux augmentés par des prothèses et tués à distance par des capsules de cyanure, liés à un trafic d’êtres humains… Dans quelle histoire de fous me suis-je encore embarqué ?

Au moins, maintenant, j’ai des indices. Des noms. Une direction. Une marche à suivre. Je n’ai toujours pas retrouvé Adel Al-Jawhara, mais je m’en rapproche… Hors de question de m’arrêter là. Je découvrirai le fin mot de cette histoire…
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Quelques heures plus tard.

Il n'a rien dit de plus ?
Il a donné quelques détails supplémentaires… Mon enseigne commence en revenant quelques pages en arrière sur son calepin. Il minimise énormément, en disant qu’il ne kidnappe que des clodos et des types un peu paumés comme le ferait un réseau classique de trafic… Mais on a corroboré les infos avec le QG. Il semble que lui et d’autres “recruteurs” opèrent un peu partout, sur Rokade, à Zaun, ou dans le Cimetière d'Épaves… Forcément, dans les zones où la marine n’a pas de présence claire.
Logique. Ça me paraîtrait bizarre que ce ne soit pas un réseau avec une envergure bien plus large que ce qu’on pense.
Exactement. De plus, bien qu’ils ciblent effectivement des esclaves et des laissés pour compte, ils ont également fait dans le pirate ou le criminel. En réalité, ils sont sans doute la cause de l’explosion du nombre d’augmentés sur les blues mêlés à des larcins et des attaques armées qu’il y a eu récemment.

Il y a sans doute un lien. Je ne crois pas que la bande de mafieux dont mes hommes sont en train de rapatrier les cadavres jusqu’au navire soient un groupe isolé. Le simple fait que quelqu’un leur ait installé un dispositif pour le réduire au silence en cas de pépin me donne clairement l’impression que ce n’est que la partie émergée d’un immense iceberg. Ce n’est plus juste l’affaire de retrouver un fils de bonne famille disparue, mais de démêler une toile de fond bien plus complexe. De plus, outre la simple présence de leur implant-suicide… Le timing de l’élimination des hommes de main était parfait. Et puis… J’ai sommairement regardé ce qui semblait composer ces fameux implants. L’électronique utilisée fait furieusement penser à celle des escargophones, ce qui confirme mon intuition : ce n’est pas une procédure qui se déclenche automatiquement quand ils sont mis hors combat. Quelqu’un, à distance, avait le doigt sur la gâchette, et à préféré ne pas risquer qu’ils parlent. Est-ce que cette personne nous observait, quelque part depuis Encanis ? Est-ce que nous étions écoutés ? Si cette dernière conjecture s’avère vraie, elle sait que la marine est sur l’affaire, mais pense sans doute avoir fait taire Beckerfield… Et donc que leur clinique Zaunienne est hors de notre portée.

Un sourire satisfait se dessine sur mon visage. Voilà l’occasion rêvée pour une occasion coup de poing, une frappe chirurgicale avant qu’ils n’aient le temps de réagir, et d’effacer leurs traces. Apparemment, nous n’avons pas à faire à des amateurs, au vu de la discrétion dont ils font preuve et des précautions qu’ils semblent prendre, alors nous devons absolument composer avec l’effet de surprise. “Le Docteur”, hein ? Le Lieutenant-colonel Raines vient pour vous.

Beckerfield a bien confirmé la piste Zaunienne ? Il n’est pas revenu sur ses déclarations ?
Non. Dans tous les cas, nous avons regardé d’un peu plus près les prothèses des hommes de main… Ça vient clairement de Zaun. Même si on a essayé de les effacer, il y a des traces de l’insigne du régime sur certaines pièces.
Parfait. Je tourne le dos au soldat et commence à me diriger vers mes quartiers.
Qu’allez-vous faire, Lieutenant-colonel ?
J’ai quelques appels à passer.

Je rentre dans ma cabine, et me dirige vers le combiné escargophonique. Je contacte tour à tour le Sous-Amiral Niromoto pour lui faire mon pré-rapport et le tenir au courant que je tiens une piste plus que solide que j’aimerais creuser sur Zaun. Ayant obtenu son aval, j’ai ensuite contacté le Commandant d’élite Bathory, qui m’a confirmé la présence et les exactions de Tif Argilo, ainsi qu’il était bien sur sa liste des cibles à neutraliser pour son grand plan de purge de l’île… Et a fortement implicité que j’avais le champ libre pour en faire mon affaire, si je le souhaiter. Parfait.

Je compose alors le dernier numéro, que je connais par cœur comme les deux autres, sur le cadran. L’animal laisse s’échapper une tonalité d’appel. Au bout d’un moment, mon interlocuteur décroche.

Allô ?
Lieutenant-colonel Macallan ? Bonjour, c’est le Lieutenant-colonel Raines. Je salue mon collègue, et affiche un sourire excité qui lui est transmis par les mimiques de son combiné escargophonique. J’ai besoin d’aller plonger les mains dans la fiente du côté de Zaun et remuer tout ça. Il y aura très sûrement de la castagne… Vous en êtes ?

Sa réponse ne se fait pas attendre. Bien sûr qu’il en est.

Et c’est ainsi, voyageant d’un trou puant à un autre, que je me dirige vers Zaun, bien décidé à retrouver Adel Al-Jawhara, à déterminer le fin mot de cette histoire et à mettre les vrais responsables derrière les barreaux…
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