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... La colère déchaînée...

La matinée est belle ; les vagues se soulèvent et s’abaissent de façon uniforme et lisse et il y a dans le ciel un léger voile de brouillard blanc laissant passer, ci et là, un agréable halo de soleil. Le vent, singulier et continu, dissimule subtilement la chaleur étouffante qui tend à se manifester. Notre navire est incontestablement bon, et presque neuf. Il a été construit au Royaume de Bliss, moins de deux années auparavant, sur les recommandations des experts du chantier naval. Lorsqu’il fut mis à flot pour la première fois, achevé dans ses moindres détails, les ouvrier le contemplaient avec orgueil.

Mon aspect, pour autant que je puisse en juger, fait pendant exact à mon esprit et offre, comme caractéristique bien marquée, le doute plus que la confiance. Mais je paraît quelconque, détaché et indifférent. Tout au plus peut-on parler de mon apparent désintéressement pour mes hommes ; cela vient probablement de ce que, au QG de North Blue, je n’ai que trop l’habitude de faire, assis dans mon bureau, de remplir documents officiels et autres rapports d’archives. Cela fait longtemps maintenant que je n’ai plus pris la mer.

L’imagination, surtout lorsqu’elle est animée par la crainte, nous rend susceptibles, arrogants et difficiles à contenter. Nous prenons le temps d’établir un plan d’action solide, mais j’interdis les écarts fantaisistes à fond négatif. C’est déjà mon cas, et je me refuse de déteindre sur mes marins. Et cependant ces hommes, pour qui j’éprouve un intérêt certain, sont entièrement absorbés par l’actualité la plus simple et la plus immédiate, à savoir la capture des pirates.

J’ai attendu ce jour pendant longtemps, le jour de mon premier vrai commandement, de mon arrivé sur Grand Line. Mais ce jour n’arrive probablement pas en temps voulu.

Les mers de Grand Line, plus que celles des Blues, sont des mers uniques ; des mers semées d’imprévus, d’îles, de récifs, de courants marins rapides, changeants et imprévisibles. Aussi, et ce afin de parer à presque toutes les éventualités, je vis pratiquement sur la passerelle de mon navire et ne retourne dans ma cabine que pour dormir quelques heures (c’est là que je rédige mon journal de bord). Cependant, mes quartiers étant consciencieusement fermés à clé, personne ne sait à quel point j’ai la plume bavarde. Qui sait, peut être qu’un jour, je me délecterai de mes récits, les yeux animés, au déjeuner du matin.

Au final, tout ce dont je souffre le jour-même, je fais au mieux pour l’oublier le jour suivant.


Dernière édition par Gilgamesh le Dim 4 Sep 2022 - 11:27, édité 3 fois
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Sur les mers des Blues, il est une ancienne légende. On raconte que les marins qui entreprennent leur premier grand et long voyage sont systématiquement testés et mis à l’épreuve par l’une ou l’autre des divinités marines. Ces jours-là, on parle alors de la force inquiète des flots, de leur courroux impondérable et indomptable, celui qui passe et repasser sans jamais être apaisé, celui qui déclenche l’emportement passionné de la mer, celui dont on ne peut voir l’œuvre qu’une seule et unique fois. Et j’y crois. Je sais que cela existe, tout comme je sais que les miracles et les abominations existent. J’en entend parler depuis ma plus tendre enfance passée sur les eaux calmes et amicales de mon village natal comme le paisible citoyen d’une grande ville entend parler des batailles, des inondations ou des famines sans jamais avoir l’occasion de se représenter ce que ces mots signifient réellement. Parce qu’en fin de compte, on ne le sait que lorsqu’on le vit.

Je n’ai que peu d’expérience des temps moyens, et encore moins des temps sales. Cependant, en tant que marin, je suis « jugé digne » (par mes supérieurs) d’assumer la charge de faire naviguer un navire par temps d’orages tels que typhons, cyclones et ouragans.

***

Aujourd’hui, l’air semble épais. Mes hommes halètent tels des poissons hors de l’eau, et je pourrai bien moi-même finir par me sentir indisposé. La surface ondulée de la mer est teintée d’un blanc laiteux au travers duquel le navire trace un sillon discret. Le soleil, jusqu’alors généreux, se fait pâle et ses rayons disparaissent peu à peu. La chaleur de plomb, quant à elle, se montre plus tenace. De faibles ombres apparaissent, déposant sur le navire une impression de malaise maladif. La houle s’accentue et le bateau pique ça et là de lourdes embardées dans les creux de la mer. Le regard soucieux, je me cramponne aux rambardes de la passerelle et observe le large.

A l’heure normale du couché, le soleil n’a plus qu’un restant d’éclat sans le moindre rayonnement, comme s’il arrivait à la fin de sa vie. Un épais bandeau de nuages, à la teinte sinistre, apparaît soudain au ras de la mer ; la navire s’y engouffre. Les dernières lueurs du crépuscule s’éteignent lentement, et l’obscurité fait apparaître de petites étoiles vacillantes.

Une fois la pénombre installée, j’entre dans mes quartiers pour mettre à jour mon journal de bord. Distance, route, force du vent, tout y est soigneusement référencé du haut en bas de la page. Je lève ma plume et, les coudes appuyés sur la table, regarde au-dehors. J’observe, durant un instant, les étoiles prendre élan pour s’encrer dans le ciel noir.

J’écris alors : « La houle augmente ; tout indique l’approche d’une terrible tempête ».


Dernière édition par Gilgamesh le Dim 4 Sep 2022 - 9:43, édité 1 fois
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Je tangue jusqu’à toucher le plancher d’une main. Cette fois, ça arrive. La noirceur lointaine du ciel et de la mer semble comme une seconde nuit ancrée dans la première. Cette seconde nuit ne possède cependant aucune étoile, il ne s’agit que d’un gouffre d’obscurité dont la déconcertante tranquillité semble énonciatrice d’un terrible événement. Le navire, après un bref temps de stabilité, se lance dans une série de balancements renforcés et la moitié des marins sur le pont sont contraints de maintenir leur équilibre.

Je ne suis pas couché. Au contraire. Je me tiens debout, la main fermement agrippée au rebord de mon bureau (l’autre main est posée sur le gros volume d’une ancienne encyclopédie marine). La lampe accrochée au plafond ballote d’avant en arrière, les livres de la bibliothèque se culbutent ; certains chutent au sol. Iwa entre alors dans ma cabine : « Commandant, la houle augmente ! » Je fais une grimace embarrassée avant d’acquiescer.

Je viens de lire le chapitre dédié aux tempêtes présentent sur les mers des Blues, et tout particulièrement aux abords de la flaque. Même si je ne m’étais pas retiré dans mes appartements pour cette raison, le changement climatique soudain m’avait poussé à prendre les devants, presque comme si quelque chose m’avait guidé. Sans le savoir, j’avais pris le temps de m’asseoir et de lire plusieurs pages dans un inconscient effort qui m’avait plongé dans des théories savantes.

***

Quel est donc que ce vacarme ? Le vent ? Les vagues ? La pluie ? La lampe s’agite dans tous les sens. Je m’en empare ; il temps de remonter sur le pont. En moins de cinq minutes, l’intensité de ce qui n’était encore qu’un temps « moyen » avait quadruplé. Je claque la porte et, aussitôt, j’entend s’abattre contre la coque comme une lourde claque liquide suivie d’un crépitement d’averse. Dehors, la pluie fend le ciel en de puissantes gouttelettes qui viennent marteler le visage des hommes. Je pose enfin le pied sur le pont et je m’aperçois de la clameur confuse qui soudain a envahi mon navire. Que ce soit le fracas de la mer, la ruée du vent ou la vibration de l’air, mes oreilles sont emplies du roulement de tambour fracassant qui bat la charge au rythme de la tempête.
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Je distingue, à l’avant du navire, quelques innombrables petits éclairs palpiter dans les ténèbres. A tribord, des milliers de petites étoiles vacillent dans le chaos. Sur la passerelle, un groupe de marins s’efforce tant bien que mal de conserver le cap malgré le peu de clarté. Leurs voix, déchirées par la tourmente, arrivent en lambeaux jusqu’à mes oreilles.

- Bon sang ! Nous sommes en plein dedans !
- Ne devrions-nous pas changer le cap ?
- Surtout pas ! Répond Iwa. Le vent donne en plein de l’avant, si nous changeons de route, nous chavirons et le bateau se retournera !

Le navire plonge, le choc est violent. Le vent cinglant s’abat sur nos visages. Avant même que je puisse nettoyer mes yeux pleins d’eau salée, un second choc, tout aussi violent. Même si je suis quelque peu surpris, je n’en perds pas moins mes priorités. Je rallie plusieurs hommes avec moi pour fermer toutes les ouvertures du pont que l’on avait pas encore pris soin de condamner. Iwa redouble d’efforts, elle hurle dans tous les sens : « Aller ! Pressez, pressez ! »

En regardant autour de moi, une pensée me vient : tout ça dépassait de très loin la limite imaginable. Depuis l’instant ou j’avais senti la première rafale de vent me caresser la joue, la tempête avait grossie telle une avalanche que l’on ne peut ni stopper, ni affronter : « Ce n’est plus de la plaisanterie », me dis-je.

Je n’ai pas le temps de penser. Une bourrasque soudaine et violente surgit de l’obscurité. Sous mes pieds, je peux sentir la lutte acharnée de mon navire dont je ne distingue plus ni la proue, ni la poupe. Les flots ne cessent de s’agiter. Traversant et déchiquetant les nuages et l’obscurité, les premiers éclairs transpercent le ciel et viennent frôler les eaux tumultueuses. Les sombres silhouettes des marins se dessinent, pétrifiées, puis rejoignent à nouveau les ténèbres. Et puis, nous perdons la vue, nous perdons contact ; tel est le pouvoir des grandes tempêtes : l’isolation.

Je suis balayé par le tourbillon, j’ai la désagréable sensation d’être projeté dans les airs sur plusieurs mètres. Devant moi, tout disparaît, je ne reconnais plus mes hommes, j’ai du mal à me situer dans l’espace. Pendant un instant, je perds la faculté de penser, mais ma main parvient rapidement à trouver une rambarde à laquelle s’agripper.

Et puis, soudain, ce qui devait arriver, arrive. Je me retrouve plaqué au sol, incapable de me mouvoir. J’ai la terrible sensation que toute la mer de North Blue (si tenté que l’on soit toujours dans ces eaux) toute entière est en train de se vider sur le pont. Je m’accroche de toutes mes forces pour ne pas basculer par-dessus bord. Lorsque l’eau décide de se retirer et de me laisser me relever, mes jambes chancelantes me ramène au centre du navire.
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Les terrifiantes embardées du croiseur témoignent de sa pathétique impuissance. Il tangue, pique du nez en suivant la courbe des vagues et, à chaque remous, donne l’impression de percuter un mur. Il se couche sur le flanc, se remet d’aplomb dans un éprouvant effort. La tempête se démène du mieux qu’elle le peut pour embarquer le navire dans les ténèbres, navire qui semble se soulever tout entier hors de l’eau dans un frisson le parcourant d’un bout à l’autre. Puis, il retombe.

Je fais l’effort de me ressaisir et de reprendre mes esprits. Pour arriver à destination, je dois être capable de juger la situation avec calme et discipline. La mer nous plonge dans la nuit, loin par-delà l’horizon. Et, à travers la nappe de brume, je ne parviens à distinguer que quelques éléments de mon vaisseau : le pied du grand mat, la porte de la cabine, les capots (fermés). Sur la passerelle, Iwa se démène, accompagnée de quelques vaillants (ou désespérés) marins qui se cramponnent à la structure qui s’enfonce et remonte sans cesse, sans trêve ni repos.

Le croiseur est littéralement pillé par la tempête, mis à sac avec furie ; les voiles se déchirent, la passerelle se démembre, les canots s’envolent et se perdent dans le tourbillon. Je perçois, à peine plus distinctement que tout à l’heure, la voix d’Iwa : « Savez-vous où sont les hommes ? » dit-elle d’une voix forte et vigoureuse. Mais je n’en sais rien. Au début de la tempête, chacun d’eux était sur le pont à affronter ce qui est maintenant devenu un véritable cataclysme. Mais, à présent, je ne soupçonne même pas où ils peuvent être, je peux simplement espérer qu’ils sont toujours là, quelque part.

***

Je fais comprendre mes ordres à Iwa, elle se charge de les retransmettre aux membres de l’équipage encore aptes à gérer le navire. Mais le vent ne tourne pas, la tempête ne faiblit pas. Dans un accès de furie, elle lance un assaut qui immobilise littéralement le croiseur qui, pendant un instant de suspens terrible, ne présente plus la moindre fougue combative. Un choc. Une colonne d’eau me fracasse ; je suffoque, les yeux clos. Le vaisseau commence à céder ; quelques débris fracassent le pont. Nos cœurs cèdent également, mais le navire continue sa course et se remet à foncer à travers l’obscurité. Assourdis par le bruit et bâillonné par le vent, je ne lâche rien.
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Un cris sauvage, puis un autre, et un autre. Cris que l’ouragan transporte mystérieusement au gré du vent et qui sifflent entre les déchirures de la voile jusqu’à nos oreilles. « Ils ne s’en sortiront jamais vivants », me dis-je. Quoique concentré, une sensation de peur non-dissimulée et aussi involontaire que soudaine jaillit malgré moi dans ma poitrine. « Pourquoi ce cris ? Qu’est-il en train de se passer ? » Peut être tout, peut être rien ; je n’ai pas la réponse. Mais, à travers les voix difformes et incompréhensible, celle d’Iwa me parvient un peu plus distinctement : « Braves marins… continuez… faites confiance… » Elle fait ce que je ne peux pas faire.

Puis je sens l’étreinte se relâcher et la voix de ma seconde disparaît peu à peu avant de cesser d’exister. En plus d’un malaise pénible, je commence a m’épuiser, sans pour autant me détacher de mes responsabilités. Mes vêtements emplis d’eau sont lourds, le vent tente à chaque instant de l’arracher la tête des épaules, le frisson me gagne. Les mais crispées et profondément encré dans les profondeurs de la détresse physique, je ne bronche pas devant la tempête qui reprend haleine.

Je regarde mes mains et agrippe l’une des cordes servant à maintenir le mat droit et à sa place. Tout en résistant au vent puissant sans pitié, je tire de toutes mes forces, mais avec prudence, afin d’empêcher le bois de se briser sous le poids des vagues qui s’acharnent. J’ai l’allure hargneuse, je ne fléchis pas. Pourquoi abandonnerai-je ? Les hommes font tous de leur mieux pour empêcher le navire de sombrer au fond de cette mer noire et glaciale. Que penseraient-ils d’un Commandant incapable d’en faire de même ? Après tout, un meneur ne déchoie de sa place que lorsqu’il perd la considération et l’estime de son équipage.

La tempête tend mes nerfs tel un diable s’acharnant à traîner chaque âme dans le monde souterrain. Mais je la considère à présent comme une rivale et j’éprouve même un léger état de satisfaction, d’enjouement même… comme une forme de contentement.
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Il y a dans mes mouvements toute l’expérience et la détermination d’une force téméraire et désespérée. Quoiqu’il arrive, je ne ploierai pas devant les caprices d’un navire à l’agonie et désemparé. Nous sommes au milieu des vagues, au cœur même de la tempête.

Soudain, une impétueuse explosion éclate et résonne comme si elle était poussée par un démon. Personne, pas même moi, n’ose ne serait-ce que regarder par-dessus bord et faire face à l’effrayante profondeur du gouffre sous-marin que la tempête creuse sur notre sillage. Les tonnes d’eau continuent à tomber sur le pont, fracassant le bois dans un furieux tumulte. Le croiseur plonge, remonte et plonge à nouveau, comme s’il cherchait à basculer par-dessus le bord du monde. Dans les cales, la chambre des machines, ébranlée, tourne à plein régime. Elle tremble de façon menaçante, comme si la terre était en train de se fissurer en deux. Les pièces s’entrechoquent, la ferraille résonne dans tout le bâtiment dans un vacarme assourdissant. Mais le navire tient bon, il ne flanche pas. En cet instant, nous espérions tous qu’il tiendrait assez longtemps pour nous permettre de sortir de cette interminable tempête.

Et, soudain, le navire se relève lentement, se redresse difficilement, comme s’il était en train de soulever une montagne. Je me remet sur pieds et observe l’horizon pour y trouver une infime lueur d’espoir. J’aperçois quelques soldats : certains chancèlent, d’autres présentent des blessures et plaies ouvertes que l’eau de mer n’avait pas manqué de laver, nettoyer et saler. Et tandis que le bruit de l’eau, qui balaye violemment le pont depuis plusieurs heures, fait tantôt relâche, je suis encore tremblant de la lutte. J’ai l’illusion de devoir dompter le temps lui-même, de devoir réduire le vent au silence et de balayer la pluie.

***

Après un long moment, les gouttes cessent et l’ouragan se calme. Est-ce la fin de la tempête ? Je n’en suis pas sûr. Cependant, à l’instant présent, je n’entends plus que le grondement des flots contre les flancs du navire.
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Une lueur traverse le ciel et atteint le visage aux traits tirés d’Iwa. Elle renverse la tête en arrière comme pour profiter d’une touche de chaleur. D’un air à la fois gêné et soulagé, elle me dit : « On dirait bien que c’est terminé. » Nous pataugeons encore dans l’eau bruyante, mais je suis m’étonne de pouvoir enfin discerner les formes obscures de mon croiseur et de mes hommes. Je discerne les contours, encore vagues, de tout ce qui me semble alors familier.

Il n’y a plus de vent ; tout juste un léger souffle créé par les embardées du bateau en mouvement sur les vagues encore agitées. J’entends les pulsations des machines qui semblent avoir survécu à la tempête. Sur la passerelle, les débris sont nombreux. Les marins se tiennent aux rambardes comme s’ils y étaient cloués.

Après avoir traversé une telle épreuve, la tranquillité inattendue de l’air me semble presque oppressante. Il y a tout juste quelques minutes, tout le monde était forcé de hurler pour se faire entendre et, à présent, la moindre parole retentit comme si nous nous trouvions dans une bulle faite d’échos.

Levant les yeux au ciel, je m’aperçois que les sombres nuages commencent à se lacérer et que les premières lueurs de quelques étoiles parviennent à caresser la mer encore obscure qui continue à se lever et à s’abaisser de manière confuse. Quelques retombées d’eau de mer s’écroulent encore sur pont et se mêlent à l’agitation roulante de l’écume ; mais nous n’y prêtons que peu d’importance.

Notre vaisseau, cependant, gémit. Affaibli, je l’entends se plaindre de douleur, pleurer la fureur de la tempête. Mais ce navire est sous ma responsabilité. Ce navire qui, battu et solitaire, continue de redoubler d’efforts pour nous faire avancer dans un décor encore sauvage. Nous avançons lentement, mais la vibration profonde de notre bâtiment me laisse croire que nous arriverons à bon port.

Je reste silencieux, je tends l’oreille tout en observant le rugissement lointain et traînant s’éloigner peu à peu. Je contemple l’ouragan, heureux et reconnaissant d’y avoir survécu. Les étoiles semblent désormais me regarder, comme pour me guider avec une attention toute particulière.
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Je regagne mes quartiers. Ma chambre ne ressemble en rien à ce qu’elle était, je ressens le désordre provoqué par la tempête jusque dans les moindres recoins. Moi qui a l’habitude d’être si ordonné, je trouve mon lit renversé, mes livres tombés à terre, des morceaux de verre sur le sol, mon bureau brisé en deux. Mais, sans raison distincte ni réellement justifiable, je ressent un sentiment de confiance et de satisfaction, comme si un souffle chaud venu de l’extérieur venait de me pénétrer.

Le navire fatigue sans relâche sur les eaux. Son ballottement, qui n’est pas naturel, me laisse penser qu’il est en train de payer la rançon de sa vie.

***

Finalement, le lendemain, par un jour brillant et ensoleillé, nous faisons notre entrée sur la Flaque. La brise est légère et favorable, tout danger semble alors écarté. « Regardez ! Voici l’entrée ! » me dit Iwa. Le croiseur a l’allure las et épuisé des navires qui reviennent du bout du Nouveau Monde, et non sans cause, mais nous sommes là, nous sommes en vie. Durant les quelques heures qu’il nous reste à naviguer, nous procéderons à toutes les réparations d’urgence. Le plus gros devra attendre notre arrivée sur Innocent Island.

Je regarde l’horizon. Le lointain murmure des ténèbres s’insinue furtivement dans mon oreille. Je le note, sans m’émouvoir.
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