La route de tous les périls, un lieu dangereux mais réputé. De grands noms de la piraterie et la Marine y avaient fait leurs armes. Aujourd’hui, Ambrosias le savait, son tour était venu. Bien qu’elle soit déjà rapidement passée sur Grand Line récemment, faisant notamment halte sur Little Garden, elle avait malgré tout l’impression d’y faire ses premiers pas. Les choses devenaient sérieuses à présent, si tant est qu’elles ne l’aient pas vraiment été avant cela. La militaire savait fort bien que sa nouvelle zone d’affectation avait été à l’origine de la fin de nombreuses étoiles montantes. Prendre l’endroit à la légère était une erreur qu’elle ne comptait pas faire. Le simple souvenir de l’effroyable tempête dont elle avait été témoin quelque temps auparavant la faisait encore frémir.
Une fois encore, l’ancienne vétérinaire avait laissé la manœuvre au sergent-chef Paracchini pour le passage de Reverse Mountain. Le marin vétéran avait une excellente maîtrise de la navigation, il y brillait bien plus qu’au combat. Sa cigarette au bec, il barrait en personne pour ne pas envoyer le Béluga contre les parois dangereuses de l’entrée de Grand Line. Bien que mouvementé, le passage se fit sans encombre, ce qui était tout ce que la jeune femme espérait. Le front légèrement en sueur malgré tout, elle se détendit à l’approche du port des Jumeaux. De nombreux navires naviguaient dans ces eaux et celui des marins n’était pas le seul à effectuer sa manœuvre d’accostage. Un bâtiment de la Translinéenne se trouvait d’ailleurs au coude-à-coude avec le Béluga. Sur les immenses quais de la cité, un bon nombre était réservé aux membres du Gouvernement Mondial. Suivant les consignes, les hommes en provenance de North Blue allèrent se placer non loin des navires de la flottille des Broyeurs.
Une fois la coupée mise à terre, Ambrosias descendit pour se rendre droit vers le bâtiment amiral du commodore Epinondas. Elle le connaissait déjà pour y mettre monté lors des évènements du Cimetière d’épaves. Aujourd’hui, les choses étaient bien différentes, Claes Gerritzon étant mort. Si son trépas était en réalité le fait de la formidable et très puissante agent Caramélie D’Isigny, c’était pourtant bien à la jeune commandante qu’on attribuait cet exploit. La raison ? Elle était membre de la régulière là où son ancienne alliée faisait partie du Cipher Pol. L’injustice du Gouvernement avait donc fait que ses actes ne pouvaient être connus du grand public, conséquence de quoi, c’était l’officière la plus gradée sur place qui avait eu la chance de se voir portée aux nues pour cet exploit. La jeune femme n’aimait pas qu’on loue son talent pour quelque chose qu’elle n’avait pas fait, mais les ordres avaient été clairs et elle ne contentait pas s’y opposer. S’annonçant, aux factionnaires de quart, la militaire monta à bord pour saluer Miltiades. L’homme n’était pas loin, aussi sévère et froid qu’à son habitude. Il regarda la jeune femme approcher l’air impassible en se redressant légèrement, les bras croisés dans son dos. La militaire se mit au garde-à-vous et salua son supérieur avec fracas.
« Commandante Ambrosias, à vos ordres Commodore.
- Commandante, plus pour longtemps. La cérémonie prévue pour votre promotion aura lieu demain à huit heures tapantes.
- Bien sûr, comme vous voudrez commodore.
- J’espère que vos hommes sont en forme, nous rappellerons la flottille au poste de manœuvre à l’issue.
- N’ayez crainte, nous sommes frais et motivés. Les généreuses permissions que vous nous avez accordées ont été appréciées à leur juste valeur.
- Bien. Dans ce cas rompez. »
Hochant la tête avec engouement, la jeune femme salua une fois encore son nouveau supérieur avant de tourner les talons pour redescendre la coupée. Le moins que l’on puisse dire sur Epinondas, c’était qu’il n’était pas très loquace. Il allait à l’essentiel et ne s'embarrassait pas avec des simagrées. En cela, Ambrosias et lui se ressemblaient beaucoup, ce qui n’était pas forcément pour déplaire à la jeune femme. Retournant à bord, elle donna les ordres à ses hommes avant de prendre congé dans ses quartiers. La nuit approchant à grands pas, elle décida de prendre son repas en compagnie de ses officiers. Il était important qu’elle puisse parler avec eux pour leur donner ses consignes sur la suite des événements. Le Commodore Epinondas n’était pas du tout du même bois que le Colonel Shoga. Une plus grande discipline que celle déjà en place serait demandée à bord du Béluga et il serait important que les résultats soient au rendez-vous. L’échec n’était plus permis à présent.
« C’est pas un rigolo le nouveau patron à ce qu’on dit.
- Le commodore Epinondas.
- Oui, oui, d’accord, ça va on est entre nous.
- Je n’aime déjà pas votre familiarité.
- Ouais, je sais.
- Mais le Commodore la détestera purement et simplement.
- C’est bon, j’ai compris, pas besoin de se pisser dessus.
- Du calme, sergent-chef, la commandante dit ça pour votre bien.
- D’accord !
- Ceci étant, c’est vrai qu’il semble être un homme assez dur.
- Un peu, oui, mais c’est aussi et surtout un formidable officier. Il est compétent et redoutable au combat, nous devrions tous prendre exemple sur lui.
- Oh, si l’idée c’est d’avoir l’air aussi droit que lui on peut bien emprunter quelques balais aux jeunes. »
Particulièrement fier de sa blague, Dario afficha un large sourire malgré le regard noir de sa capitaine. Voyant bien qu’Ambrosias n’appréciait guère cela, Snick chercha à lui rendre service. Furtif, il se faufila entre les jambes des convives et vint mordre le mollet du sergent-chef à travers le bas de son pantalon.
« Aie ! Bordel de merde !
- Bien fait.
- Quoi c’était votre idée ?!
- Plus ou moins.
- C’est bon j’arrête ! »
Riant de bon cœur, le rat se rua vers la jambe la militaire qu’il remonta jusqu’à se poser sur son épaule. Bienveillante, la jeune femme lui donna un morceau de ce qui se trouvait dans son assiette. La blague n’était pas très orthodoxe, mais Dario avait poussé le bouchon un peu loin cette fois-ci.
ciitroon