Le moins que l’on puisse dire, c’était que le rythme de travail chez les Broyeurs était soutenu. Depuis qu’elle était devenue la seconde du Commodore Epinondas, Ambrosias ses hommes passaient leur temps à faire des allers-retours dans tous les sens sur les différentes voies de Grand Line. Le Sanglant était du genre à avoir un compte personnel à régler avec les pirates et il passait littéralement son temps à les chasser. Dès qu’il apprenait qu’un équipage était non loin, il lançait sa flottille à sa rencontre. Avec lui, les combats étaient incessant et les pertes conséquentes, surtout chez les ennemis. L’officier supérieur était un homme compétent, mais très sévère et exigeant envers les siens. Si la Lieutenant-colonel comprenait tout à fait sa façon de faire, ce n’était pas le cas de tous les membres de son propre équipage. Encore de jeunes marins avec une expérience finalement assez mince, ils avaient plus de mal à tenir que les hommes d’Epinondas et ou de ses lieutenants. Comment leur en vouloir ? Malheureusement pour eux, tout cela n’était que le commencement et ils allaient continuer de suer sang et eau sur la route de tous les périls.
Malgré tout, le Béluga se trouvait seul depuis quelques jours. En route pour Alvel grâce au gyropose de la capitaine confié à son quartier-maître et navigateur, ils n’avaient aucun mal à naviguer droit vers l’objectif. Si l’on évidemment mettait de côté les incessantes tempêtes ou attaques de monstres marins. Ambrosias avait beau entendre et pouvoir communiquer avec ces créatures, leur faire entendre raison relevait du miracle. Têtus et féroces, ils refusaient quasiment toujours catégoriquement de l’écouter. Fort heureusement, le fait qu’elle puisse entendre leurs pensées lui permettait souvent de faire changer de cap au Béluga pour éviter les zones à risques. Contrairement aux blues, le simple faire de se trouver en mer était dangereux, ce qui n’était pas anodin du tout pour une maudite. En dépit de tout cela, la lieutenant-colonel et les siens faisaient route pour l’île d’Alvel, réputée pour être entourée par un brouillard perpétuel. Elle savait peu de choses de l’endroit en dehors de ce que lui avait confié Miltiades. Un ancien révolutionnaire primé se trouverait sur place et l’endroit serait réputé pour être sans foi ni loi. Pour ne rien arranger, le brouillard et les hauts-fonds étaient à l’origine d’un nombre effarant de naufrages, ce que la jeune femme redoutait plus que tout.
Une fois l’île en vue, si l’on pouvait le dire ainsi tant on ne voyait rien d’autre qu’une purée de pois blanche, la capitaine prit la décision de se rendre sur place en chaloupe avec un comité réduit. La marine n’étant pas la bienvenue sur place, elle préférait rester discrète. Pour l’accompagner, elle décida naturellement de partir en compagnie du lieutenant Tanaka. La jeune femme taciturne étant une ninja qualifiée, elle faisait une redoutable éclaireuse. Pour veiller sur ses arrières, l'adjudant Thacker serait également de la partie. Avec son air effrayant et son visage masqué, il ne passait généralement pas pour un sympathisant du Gouvernement Mondial. Pour s’assurer d’être moins voyante elle-même, la militaire délaissa son tailleur rouge et sa veste d’officier pour une tenue de camouflage aux teintes vert foncé et noires avec un épais manteau à capuche pour se dissimuler le visage, et surtout sa chevelure blonde qu’elle attachait en une queue-de-cheval derrière sa nuque. Le reste des hommes du Béluga resteraient à bord pour défendre le navire en cas d’attaque surprise. Autant que possible, Ambrosias évitait de mettre les siens en danger. Ce n’était peut-être pas ce qu’on attendait d’une jeune officière supérieure, mais elle avait un peu de mal à déléguer.
Une fois l’embarcation mise à l’eau les trois marins commencèrent à ramer prudemment en direction de la terre ferme. Le Béluga n’étant pas tout près, il leur fallut presque une heure pour arriver près des côtes. Par moments, le courant devenait capricieux et les militaires virent de leurs yeux plusieurs récifs. Le fait d’avancer en chaloupe n’était finalement pas si dangereux, mais le faire avec un navire de la taille du béluga aurait relevé du suicide pur et simple. Sur le chemin, la lieutenant-colonel vit de nombreux épaves lui confirmant qu’elle avait pris la bonne décision. Quelque chose dans cet endroit lui rappelait le Cimetière d’épaves où Gerritzon avait échappé aux griffes de la Marine. Elle espérait que l’histoire ne se répète pas avec le dénommé Robin Hood dont elle devait se charger. Prenant sa prime entre les mains, elle détailla une dernière fois avant de toucher terre. Les marins firent en sorte de s’écarter des principaux lieux de vie pour arriver incognito. Quelques pêcheurs les regardèrent avec un mélange de dédain et de méfiance, mais personne ne leur adressa la parole. Posant finalement le pied-à-terre, la jeune femme remit sa capuche humide en place.
« Tanaka, je vous laisse faire le tour de l’île et recueillir le plus d’informations possibles. Thacker et moi allons chercher la plus grande ville et y chercher un endroit où passer la nuit. Je doute qu’il y ait beaucoup d’endroit qu’on puisse vraiment qualifier de ville ici de toute manière. »
Muette comme à son habitude, la ninja hocha lentement la tête avant de disparaître dans la brume. L’adjudant Thacker posa son regard sombre sur sa supérieure en se raclant la gorge. Connaissant son passé pour avoir lu son dossier, Ambrosias savait qu’il avait un compte personnel à régler avec la révolution. Qui de mieux pour l’accompagner et l’aider à capturer un ancien membre de l’Armée révolutionnaire que lui ?
« En avant.
- Hum. » grogna-t-il derrière son masque.
Aux alentours, seuls quelques cabanes de pêche en piteux état se tenaient debout. Elles semblaient faites de matériaux de récupération, typiquement le genre de chose que l’on s’attendait à voir sur une île réputée pour survivre grâce aux naufrages des autres. Sur les chemins boueux, les deux marins ne trouvèrent pas grand monde avant d’arriver à une espèce d’immense mélange entre un village et un bidonville. Le centre névralgique d’Alvel faisait vraiment peine à voir. Rien ne semblait avoir de grande cohérence ici. Certains bâtiments étaient faits de tôle et de bois flotté quand d’autres étaient en pierres ou en briques. Ici, la loi du plus fort régnait. L’arène, seul édifice réellement imposant, rappelait bien cet état de fait. Sur leur chemin vers une auberge potentielle, les militaires furent alpagués par une bande de jeunes. Ils semblaient pauvres et assez peu dangereux malgré leur air bagarreur.
« On vous a jamais vu dans l’coin. C’quoi vos blazes ?
- Occupe-toi de ton cul.
- T’es sérieux ? Tu veux t’la jouer comme ça bâtard ? »
Se pensant visiblement bien plus effrayant qu’il ne l’était réellement, le jeune qui semblait être à la tête du groupe sortit un cran d’arrêt qu’il fit danser devant lui avant de cracher par terre.
« Vas-y, donne-moi une bonne raison de répandre tes organes au sol. J’ai pas tué quelqu’un depuis des jours, ça me démange... »
Face à la réaction de l'adjudant Thacker, les jeunes commencèrent à manquer de confiance. L’un d’eux recula d’un pas en grimaçant. Le regard rouge et démoniaque du militaire ne laissait aucun doute quant à la réalité de ses intentions.
« Fais pas l’mâlin toi !
- Vous voulez vraiment en arriver là ? Rentrez chez vous, ça vaudra mieux. »
Voyant que ses deux acolytes n’avaient pas l’air spécialement motivés à l’idée d’attaquer les deux inconnus, le voyou en chef fronça les sourcils avec agacement.
« Ouais, c’est ça, barrez-vous les minables. C’bon pour cette fois. »
Visiblement assez déçu de voir les choses se régler aussi calmement, Thomas soupira dans son masque avant de se remettre en route. Plusieurs autres groupes de voyous les apostrophèrent de loin, mais les choses ne dégénérèrent pas. Ambrosias souhaita éviter qu’ils se fassent trop vite remarquer. L’endroit étant rempli de pirates et autres criminels, se les mettre tous à dos n’était pas une bonne idée. Faisant rapidement le tour de la ville, si l’on pouvait vraiment l'appeler ainsi, les deux compères décidèrent de faire halte dans une bicoque qui ne vendait pas du rêve. Le tenancier était mal aimable et les clients douteux, mais il avait une chambre de libre, ce qui était déjà bien. Les militaires se contenteraient d’un lit pour trois et dormiraient à tour de rôle. Après tout, ils n’étaient pas là pour se détendre. Plus tard, alors que la nuit succédait au jour, l’éclaireuse entra dans la chambre par la fenêtre. Silencieuse, elle salua sa supérieure d’un rapide signe de tête avant de poser sur la table une carte de la ville qu’elle avait faite. Cette dernière n’était pas parfaite, par moments même très schématique, mais toutes les informations importantes s’y trouvaient. Une information attira l’œil de la lieutenant-colonel.
« Une maison de jeux ? Tu penses que notre cible s’y trouvera ? »
Les bras croisés contre son torse, la ninja hocha lentement la tête de bas en haut. Sa manie de rester muette était parfois ennuyeuse, obligeant la vétérinaire à lui donner l’ordre de parler, mais elle préférait éviter de le faire. Dans le cas présent, elle arrivait sans mal à communiquer avec elle, ce qui lui suffisait amplement. Sur la carte, ce qui faisait visiblement office de petit casino était entouré en rouge et trois étoiles indiquaient la dangerosité des lieux. Emiko avait en effet l’habitude de noter les dangers potentiels avec des étoiles sur une échelle allant de un à cinq.
« Je vois. Si Robin Hood a l’habitude de se rendre sur place, nous devons en avoir le cœur net. Thacker, vous veillerez sur la chambre, Tanaka vous resterez à l’extérieur du bâtiment pour le filer s’il en sort. »
Connaissant la haine que portait l’adjudant aux révolutionnaires, mieux valait éviter se le mettre en présence de la cible avant que ne soit venu le moment de s’en prendre à elle. Les ordres ayant été donnés, les militaires savaient ce qu’ils avaient à faire. Croisant les doigts pour que tout se passe bien, Ambrosias quitta la taverne putride, suivie dans l’ombre par le lieutenant Tanaka.
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Dernière édition par Ambrosias le Sam 10 Sep 2022 - 12:41, édité 1 fois