Frsssch…
Il secoua l’allumette pour l’éteindre et tira sur une énième clope. Malgré les chemins sinueux qu’il empruntait et les pentes rocailleuses qu’il gravissait, son esprit était accaparé par autre chose. Il se remémorait tout ce qu’il avait traversé ces dernières semaines…
Son arrivée à Hinu Town, tant d’années après avoir quitté cette île, sa quête de « justice » contre l’Ordre du temple des sables et l’affrontement contre l’apôtre Mam’ni dans un tombeau de Denderah, son emprisonnement, sa captivité, sa fuite, son alliance avec le Cartel Capital et les Sœurs du désert, l’assassinat du Sphinx…
Tous ces évènements tournaient dans sa tête sans relâche, comme les aiguilles d’une horloge. Mais son esprit était hanté par les épisodes de la veille, ou d’il y a deux jours, il ne savait plus. L’attaque de l’Ordre au port d’Attalia contre le cartel de Ramil, la mort du chef Ahmed Ibn Saïd, mais surtout, la disparition de Shérazade, la seconde des Sœurs du désert. Il voyait tout, sentait tout, tout était encore clair… les navires en flammes, les coups de fusil, le bruit de l’acier et de la charpente qui se craquèle. L’odeur du sang.
Il secoua la tête, comme pour balayer ces horreurs hors de sa boîte crânienne, mais ce fut plutôt la glissade de son dromadaire sur un caillou qui le réveilla brutalement. Par un réflexe maladroit, il tira sur la bride de Jingo pour l’empêcher de perdre l’équilibre et de dévaler la pente abrupte qu’il grimpait.
« Eh ! Fais attention ! »
La voix de Lenny sonna à la fois comme un conseil et un avertissement. Mais, par on ne sait quel miracle, les mots de sa partenaire de fortune eurent l’effet escompté et sa monture retrouva ses appuis en même temps qu’il retrouva sa tête et son calme. Il porta sa gourde à sa bouche desséchée et la vida du peu qu’elle contenait. La chaleur, les rayons du soleil et la poussière soulevée par les pas des montures lui irritaient les yeux ; au loin il essayait d’observer le chemin qu’il leur restait à parcourir. Ou plutôt, à gravir. La route qu’ils empruntaient n’était autre que le flanc rocailleux d’une montagne aux roches orangées, un chemin naturel gravé par le temps dans la pierre, parsemé de crevasses et d’embûches infranchissables, dont on sentait le bout s’éloigner à mesure que l’on croyait progresser.
Après la débâcle aux quais d’Attalia, ils n’étaient plus que cinq ; Liana, la cheffe des Sœurs du désert, Sira et Nifa, sœurs jumelles aux talents guerriers indéniables, Lenny, sa récente partenaire, aussi sournoise que capricieuse, et lui, abîmé par des blessures et des marques de fatigue, masqué par une barbe épaisse qui ne lui seyait guère. On l’appelait « l’Etranger », et il ne savait plus très bien qui il était.
« Je vois le campement, nous sommes presque arrivés. » lança Liana depuis la tête du groupe.
Ses mots le soulagèrent aussitôt, comme si les courbatures et l’inconfort du voyage venaient de disparaître soudainement. Il releva de nouveau la tête en la couvrant de sa main, et admira le sommet de la montagne qui marquait la fin de leur expédition. Un enchevêtrement de roches formait une sorte de plateau naturel qui s’étendait à perte de vue. Et sur des centaines de mètres se dressaient des tentes, de différentes tailles, de différentes couleurs, entre lesquelles vagabondait une foule de gens.
« Alors, c’est ici ? murmura-t-il à Lenny.
- Oui, c’est le campement principal des Granulés, on trouve ici la plupart des clans ancestraux d’Hinu Town.
- Intimidant…poursuivit-il d’un ton amusé.
- Tu devrais l’être, Krid, le frère de Liana… ce n’est pas n’importe qui ici.
- Allons voir ça. »
Ils quittèrent leurs montures, pour qui le trajet avait été un véritable calvaire, et ils s’avancèrent vers le campement. Rapidement, deux hommes, qui de toute évidence faisaient office de sentinelles, vinrent à leur rencontre. La méfiance sur leur visage se dissipa aussitôt que Liana retira le voile qui lui couvrait le visage. La cheffe des Sœurs serra son poing droit contre son cœur en guise de salutations et les deux hommes l’imitèrent.
« Ma Sœur, que fais-tu ici ? Vous m’avez l’air mal en point.
- C’est une longue histoire, rétorqua-t-elle. Krid est ici ?
- Il est dans sa tente, vous pouvez y aller. »
Les Sœurs reprirent leur route, mais les deux gardes croisèrent leurs lances et barrèrent subitement la route de l’Etranger.
« Hm ? soupira-t-il.
- Qui est cet homme ? Les Sœurs du désert n’ont pas d’hommes dans leurs rangs.
- Il est avec nous, reprit Lenny en posant sa main sur les lances en signe d’apaisement.
- Avec vous ? Mais…
- On vous racontera tout, mais pour l’instant, laissez-le passer. »
Liana se retourna en entendant l’altercation.
« Lenny, l’Etranger ! Dépêchez-vous, on a des choses à faire ! »
En entendant son nom, les deux hommes se figèrent et écarquillèrent les yeux.
« L’Etranger… »
Il avança entre eux sans adresser un mot. Le groupe pénétra finalement à l’intérieur du campement. Des regards curieux s’attardèrent sur eux, suivis de salutations respectueuses adressées aux Sœurs. Il en profita pour observer autour de lui, le campement lui évoqua celui des Sœurs qu’il avait découvert au nord d’Anataka, au milieu des dunes d’Al’zir. Ils approchaient d’une large tente montée sur une estrade rocailleuse. A son entrée, deux autres hommes enturbannés montaient la garde ; ils saluèrent Liana et les Sœurs et sans attendre une quelconque invitation à entrer, la cheffe des Sœurs ouvrit du revers de la main les deux rideaux qui couvraient l’entrée. Peu importe qui il s’apprêtait à rencontrer, l’Etranger ne pensait à ce moment qu’à se couvrir du soleil qui l’asphyxiait depuis une éternité.
L’intérieur ressemblait plus à un véritable lieu de vie qu’à une simple tente de nomade. Bureau, lit spacieux, table à manger, peintures, ornements en tous genres, trophées de chasse éparpillés un peu partout, en clair, cet endroit n’avait rien d’éphémère.
Au milieu de la vaste tente, quatre hommes discutaient vivement autour d’une longue table. Un se balançait sur une chaise, breuvage en main, trapu comme un ours, le crâne rasé et un œil en moins. Un autre, à la carrure squelettique, réajustait ses lunettes et écoutait attentivement la conversation des deux derniers. L’un était gigantesque, les bras croisés et une large épée dans le dos qui lui rappela celle de Shérazade. L’autre était bien moins imposant ; plus jeune, une taille moyenne et une allure svelte cachée par une tunique ample en tissus beiges et blancs qui dénotait singulièrement des accoutrements plus sombres des autres hommes. Mais, debout, les bras ouverts et les mains plaquées contre la table, il était celui qui donnait de la voix et semblait être celui qu’on écoutait, celui à qui on adressait un respect tout particulier.
En les voyant faire irruption dans la tente, les quatre hommes relevèrent la tête en leur direction. Leurs grimaces trahissaient leur surprise, mais ils semblaient tout à fait sereins. Liana s’avança d’un pas franc.
« Krid ! Il faut qu’on parle, s’écria-t-elle en s’adressant au plus jeune au centre.
- Liana ? Qu’est-ce que tu fais ici ? rétorqua-t-il, visiblement agacé par la présence de la cheffe des Sœurs. »
La jeune femme s’avança jusqu’à la table et attrapa une chaise.
« Liana, un thé ? demanda l’homme-tige à lunettes.
- Oui, merci Amir. »
Les trois Sœurs s’avancèrent auprès de Liana, quant à lui, l’Etranger, il resta en retrait, la tête en l’air à admirer les parures qui décoraient la tente.
« Eh ! Je t’ai demandé quelque chose Liana, qu’est-ce que tu fais ici ? »
La cheffe des Sœurs prit le verre de thé brûlant qu’Amir lui tendit et sirota quelques gorgées sans adresser un mot à son frère. Puis, elle releva la tête et le regarda dans le blanc des yeux.
« Nous avons été attaqués par l’OTS à Attalia. De nombreuses Sœurs ont perdu la vie.
- A Attalia ? Je vois… »
L’expression de Krid changea brusquement, ce qui semblait au départ être de l’agacement devint de l’empathie ; on décelait même chez lui une forme de pitié, en partie masquée par une image de leader à conserver.
« Des affrontements sanglants et un gigantesque incendie aux quais d’Attalia, ça fait la une des journaux. C’était vous ? Raconte-moi.
- Nous avons été pris à partie par des fanatiques de l’OTS, je ne saurais vraiment expliquer pourquoi, nous avons dût nous défendre sur les quais. Et puis… nous avons fui.
- Mais qu’est-ce que vous faisiez à Attalia ? Et pourquoi l’OTS s’en prendrait à vous, ils n’ont aucun intérêt à s’attaquer à El Beïda. Je sais que la marine essaye d’étouffer cette affaire, mais des contacts chez les mouettes m’ont certifié que c’était une véritable bataille et que les opposants étaient bien des hommes de l’OTS, mais aussi des hommes des cartels. Alors, je réitère, qu’est-ce que vous faisiez au beau milieu d’une querelle entre l’Ordre du temple des sables et le Cartel Capital ? »
Le visage de Liana se referma. L’Etranger l’observa et pour la première fois depuis leur rencontre, il la sentit vulnérable, prise dans un mensonge de trop longue date, incapable de dire la vérité à son propre frère. Les Sœurs du Désert appartenaient au Cartel des Wraiths et donc au Cartel Capital. Mais il avait beau s’agir de son frère, Liana ne pouvait se permettre de tout dévoiler au leader du clan El Beïda, clan qui œuvrait depuis des années à la protection du désert, et qui donc par définition était l’ennemi des cartels.
Elle hésita un moment et ravala rapidement son début de gêne lorsqu’elle sentit le poids du regard de son frère.
« En vérité, nous, les Sœurs, traquons intensivement l’OTS depuis plusieurs semaines. La menace que représente l’Ordre étant grandissante, nous avons décidé de passer à l’action. Mais on s’est rapidement rendu compte que nous n’étions pas les seuls à avoir décidé de passer à l’offensive. Les cartels et l’OTS semblent mener une guerre qui n’a plus rien d’insidieuse, on a en payé les frais à Attalia. Ce qui était au départ une simple mission de reconnaissance s’est transformée en véritable bataille lorsque les hommes de l’OTS nous ont pris également à partie.
- Hm… Liana, toi et tes Sœurs, vous auriez pu toutes y rester. Je suis heureux de te savoir en vie, mais souviens-toi de notre accord, nous ne devions pas agir frontalement contre l’Ordre. En intervenant comme tu l’as fait, c’est l’ensemble du clan El Beïda qui a désormais sa part de responsabilité dans cette affaire. Il y a de grandes chances qu’Abu Mussa, le gourou de l’OTS, nous considère comme ses ennemis désormais… les représailles ne sauraient tarder. Nous devons redoubler de vigilance.
- Maintenant que nous avons mis un pied à l’étrier, nous devrions agir plutôt que de nous préparer à subir une attaque. L’OTS est une gangrène pour Hinu Town, nous devons l’éradiquer avant qu’elle ne prolifère, qui sait ce qu’Abu Mussa ambitionne ?
- L’OTS est un problème, je suis d’accord, mais notre rôle est avant tout de protéger ce désert, l’OTS n’est pas une menace directe pour les citoyens d’Hinu Town et pour les voyageurs, nous avons d’autres chats plus importants à fouetter, des chats qui s’appellent les cartels.
- Dans ce cas, faisons notre devoir et éliminons l’Ordre et les cartels, finissons-en une bonne fois pour toutes avec la criminalité qui se pavane dans nos sables. »
Liana avait repris le contrôle de ses mots et de son expression, son regard avait retrouvé sa dureté habituelle. « Eliminer les cartels », ce n’était pas un mensonge, à ce moment-là, en l’observant, l’Etranger comprit que son ambition était sincère. Mais de quelle manière voulait-elle les éliminer, alors qu’elle en faisait partie ? Ou alors, par « éliminer », elle entendait peut-être se débarrasser des têtes pensantes et réunir chaque cartel sous sa propre bannière. Quoi qu’il en soit, le ton était donné, et vraisemblablement, l’Etranger n’était pas le seul à être surprit par ses paroles, Lenny et les jumelles Sira et Nifa peinaient aussi à dissimuler leur étonnement.
Un court silence fit suite aux injonctions de Liana. Le visage de Krid se referma à son tour, il parut pensif, voire perplexe. Mais, il finit par donner son accord d’un léger acquiescement de la tête.
« Hm… Je pense que ça ne plaira pas au Gouverneur, mais je tâcherai de régler nos différends plus tard. Ma sœur a raison, nous devons en finir avec l’OTS et les cartels. Nous sommes les gardiens de cette île, nous ne pouvons laisser des organisations criminelles s’adonner en toute impunité à leurs activités illégales qui mettent en péril la sécurité de nos parents, de nos enfants, de nos frères et de nos sœurs. »
La flamme dans son regard et le cœur dans ses mots firent à cet instant comprendre à Ned pourquoi le nom de Krid Chawki était autant respecté.
« Mais sache que, si aujourd’hui je mets en danger la vie de nos frères et sœurs, c’est en partie à cause de ta transgression, Liana. Mais soit, mettons cela sur le compte du destin… Nous avons fort à faire désormais, j’espère d’ailleurs que tu as des renseignements utiles à m’apporter.
- Eh bien, comme je te l’ai évoqué, nous étudions attentivement l’OTS et leurs agissements, et pour tout te dire nous avons déjà entrepris une action contre eux. Ou une attaque, plus précisément.
- J’écoute.
- Nous avons éliminé le prêcheur de Denderah d’Anataka, celui qu’on surnommait le Sphinx. Il était l’un des apôtres de l’Ordre, ces têtes pensantes qui dirigent la secte sous les ordres directs d’Abu Mussa.
- Le Sphinx a bel et bien disparu d’après les récentes informations qui circulent, mais les rumeurs parlent d’un assassinat commis par les cartels.
- Nous avons fait en sorte de faire porter le chapeau au Cartel Capital pour qu’un conflit naisse entre les deux organisations. Maintenant que nos deux ennemis sont occupés à s’entretuer, nous aurons plus de facilité à les éliminer.
- Pousser ces deux organisations à la guerre n’apportera rien de bon à Hinu Town. Regarde ce que ça a généré, un carnage en pleine ville à Attalia et des incendies, la sécurité de notre peuple est entachée désormais. Et puis, toi et tes Sœurs, vous en avez aussi payé les frais cette nuit-là… Shérazade, est-elle… ? »
Un silence pesant envahit brutalement la pièce. Liana avala une gorgée de thé, et baissa les yeux.
« Sans elle, nous ne serions pas là. Elle a donné sa vie pour nous offrir une porte de sortie. »
Le visage des Sœurs se referma sous le poids des mots de leur cheffe. La disparition de Shérazade avait profondément atteint les sœurs, la plaie était encore fraîche. Krid semblait lui aussi troublé par la réponse cinglante de Liana. Ned ne savait rien de la relation entre Krid et Shérazade, mais au vu du regard vide que le leader d’El Beïda affichait, nul doute que les Sœurs n’étaient pas les seules à être affectées par cette perte. En bon guerrier qu’il était, Krid reprit ses esprits et sembla mettre ses émotions de côté.
« Tu as d’autres infos ?
- Comme tu le sais, l’OTS protège tout ce qui a trait à Denderah. Leurs activités ne s’arrêtent pas au prosélytisme, ce n’est un secret pour personne Abu Mussa a des archéologues de l’IHAS sous sa botte et les rumeurs qui circulent parlent d’un musée secret que la secte cacherait à Anataka. Un musée qui abriterait toutes les trouvailles archéologiques détenues illégalement par l’Ordre. Si on met la main sur les trésors de l’OTS, on leur portera un grand coup.
- Tu as un lieu ?
- Pas un lieu, mais un nom. Gibab Nah.
- Gibab Nah ? J’ai déjà entendu ça quelque part.
- Pas étonnant, ça vient des Quartiers Rouges. D’après nos infos, ce serait un vieil ermite qui prierait Denderah.
- Et son lien avec l’Ordre ?
- On le soupçonne d’être engagé par la secte pour servir de guide de musée pour tous les adorateurs de Denderah. Et donc, il saurait où se trouve ce fameux musée.
- Des rumeurs qui viennent des Quartiers Rouges… on peut s’y fier ?
- On peut aller interroger ce vieillard, nous verrons bien si les rumeurs disent vraies.
- Pourquoi tes informateurs trainent aux Quartiers Rouges ?
- Simple précaution, il faut bien avoir des oreilles partout.
- Bon. Dans ce cas, mettons-nous en route. Amir, rassemble nos meilleurs hommes, nous partons dès l’aube. »
Le ton était donné et la détermination de Krid ne laissait pas de doute sur la suite des évènements. Liana se leva de sa chaise, le groupe s’apprêtait à quitter la tente sur les derniers mots de Krid, mais les murmures du chef d’El Beïda se firent entendre.
« Une barbe, de longs cheveux noirs, deux sabres à la ceinture… Alors c’est toi, n’est-ce pas ? Celui qu’on appelle l’Etranger ? Le tueur de l’apôtre Mam’ni ? »
L’Etranger approuva d’un signe discret de tête.
« Un homme débarque il y a quelques mois sur notre île et y délivre la mort comme bon lui semble… Un justicier, ou un meurtrier sanguinaire, sans foi ni loi ? Pour le bien de mon peuple, est-ce que je me dois de séparer ta tête de tes épaules, ici et maintenant ? Réponds-moi, étranger, dois-je te traiter en allié, ou en ennemi ?
- Je ne suis l’ennemi que de ceux qui arborent un soleil orange. Mais ne vous méprenez pas, je ne suis pas votre ami pour autant, j’aide les Sœurs et tous ceux qui lèvent leurs épées contre l’Ordre du temple des sables, mais ce n’est que temporaire. Lorsque Abu Mussa et ses apôtres seront ensevelis sous les sables, je disparaîtrai.
- Qui es-tu pour en vouloir autant à cette secte ? Un agent du gouvernement sous couverture ? Un chasseur de primes ? Non, ça n’a rien à voir avec tout ça…
- Vous l’avez dit vous-même, je ne suis qu’un étranger…
- Soit. Restons-en là, mais sache que je t’ai à l’œil, étranger. Mangez, reposez-vous, nous partons aux premières lueurs. Demain sera une rude journée. »
Il secoua l’allumette pour l’éteindre et tira sur une énième clope. Malgré les chemins sinueux qu’il empruntait et les pentes rocailleuses qu’il gravissait, son esprit était accaparé par autre chose. Il se remémorait tout ce qu’il avait traversé ces dernières semaines…
Son arrivée à Hinu Town, tant d’années après avoir quitté cette île, sa quête de « justice » contre l’Ordre du temple des sables et l’affrontement contre l’apôtre Mam’ni dans un tombeau de Denderah, son emprisonnement, sa captivité, sa fuite, son alliance avec le Cartel Capital et les Sœurs du désert, l’assassinat du Sphinx…
Tous ces évènements tournaient dans sa tête sans relâche, comme les aiguilles d’une horloge. Mais son esprit était hanté par les épisodes de la veille, ou d’il y a deux jours, il ne savait plus. L’attaque de l’Ordre au port d’Attalia contre le cartel de Ramil, la mort du chef Ahmed Ibn Saïd, mais surtout, la disparition de Shérazade, la seconde des Sœurs du désert. Il voyait tout, sentait tout, tout était encore clair… les navires en flammes, les coups de fusil, le bruit de l’acier et de la charpente qui se craquèle. L’odeur du sang.
Il secoua la tête, comme pour balayer ces horreurs hors de sa boîte crânienne, mais ce fut plutôt la glissade de son dromadaire sur un caillou qui le réveilla brutalement. Par un réflexe maladroit, il tira sur la bride de Jingo pour l’empêcher de perdre l’équilibre et de dévaler la pente abrupte qu’il grimpait.
« Eh ! Fais attention ! »
La voix de Lenny sonna à la fois comme un conseil et un avertissement. Mais, par on ne sait quel miracle, les mots de sa partenaire de fortune eurent l’effet escompté et sa monture retrouva ses appuis en même temps qu’il retrouva sa tête et son calme. Il porta sa gourde à sa bouche desséchée et la vida du peu qu’elle contenait. La chaleur, les rayons du soleil et la poussière soulevée par les pas des montures lui irritaient les yeux ; au loin il essayait d’observer le chemin qu’il leur restait à parcourir. Ou plutôt, à gravir. La route qu’ils empruntaient n’était autre que le flanc rocailleux d’une montagne aux roches orangées, un chemin naturel gravé par le temps dans la pierre, parsemé de crevasses et d’embûches infranchissables, dont on sentait le bout s’éloigner à mesure que l’on croyait progresser.
Après la débâcle aux quais d’Attalia, ils n’étaient plus que cinq ; Liana, la cheffe des Sœurs du désert, Sira et Nifa, sœurs jumelles aux talents guerriers indéniables, Lenny, sa récente partenaire, aussi sournoise que capricieuse, et lui, abîmé par des blessures et des marques de fatigue, masqué par une barbe épaisse qui ne lui seyait guère. On l’appelait « l’Etranger », et il ne savait plus très bien qui il était.
« Je vois le campement, nous sommes presque arrivés. » lança Liana depuis la tête du groupe.
Ses mots le soulagèrent aussitôt, comme si les courbatures et l’inconfort du voyage venaient de disparaître soudainement. Il releva de nouveau la tête en la couvrant de sa main, et admira le sommet de la montagne qui marquait la fin de leur expédition. Un enchevêtrement de roches formait une sorte de plateau naturel qui s’étendait à perte de vue. Et sur des centaines de mètres se dressaient des tentes, de différentes tailles, de différentes couleurs, entre lesquelles vagabondait une foule de gens.
« Alors, c’est ici ? murmura-t-il à Lenny.
- Oui, c’est le campement principal des Granulés, on trouve ici la plupart des clans ancestraux d’Hinu Town.
- Intimidant…poursuivit-il d’un ton amusé.
- Tu devrais l’être, Krid, le frère de Liana… ce n’est pas n’importe qui ici.
- Allons voir ça. »
Ils quittèrent leurs montures, pour qui le trajet avait été un véritable calvaire, et ils s’avancèrent vers le campement. Rapidement, deux hommes, qui de toute évidence faisaient office de sentinelles, vinrent à leur rencontre. La méfiance sur leur visage se dissipa aussitôt que Liana retira le voile qui lui couvrait le visage. La cheffe des Sœurs serra son poing droit contre son cœur en guise de salutations et les deux hommes l’imitèrent.
« Ma Sœur, que fais-tu ici ? Vous m’avez l’air mal en point.
- C’est une longue histoire, rétorqua-t-elle. Krid est ici ?
- Il est dans sa tente, vous pouvez y aller. »
Les Sœurs reprirent leur route, mais les deux gardes croisèrent leurs lances et barrèrent subitement la route de l’Etranger.
« Hm ? soupira-t-il.
- Qui est cet homme ? Les Sœurs du désert n’ont pas d’hommes dans leurs rangs.
- Il est avec nous, reprit Lenny en posant sa main sur les lances en signe d’apaisement.
- Avec vous ? Mais…
- On vous racontera tout, mais pour l’instant, laissez-le passer. »
Liana se retourna en entendant l’altercation.
« Lenny, l’Etranger ! Dépêchez-vous, on a des choses à faire ! »
En entendant son nom, les deux hommes se figèrent et écarquillèrent les yeux.
« L’Etranger… »
Il avança entre eux sans adresser un mot. Le groupe pénétra finalement à l’intérieur du campement. Des regards curieux s’attardèrent sur eux, suivis de salutations respectueuses adressées aux Sœurs. Il en profita pour observer autour de lui, le campement lui évoqua celui des Sœurs qu’il avait découvert au nord d’Anataka, au milieu des dunes d’Al’zir. Ils approchaient d’une large tente montée sur une estrade rocailleuse. A son entrée, deux autres hommes enturbannés montaient la garde ; ils saluèrent Liana et les Sœurs et sans attendre une quelconque invitation à entrer, la cheffe des Sœurs ouvrit du revers de la main les deux rideaux qui couvraient l’entrée. Peu importe qui il s’apprêtait à rencontrer, l’Etranger ne pensait à ce moment qu’à se couvrir du soleil qui l’asphyxiait depuis une éternité.
L’intérieur ressemblait plus à un véritable lieu de vie qu’à une simple tente de nomade. Bureau, lit spacieux, table à manger, peintures, ornements en tous genres, trophées de chasse éparpillés un peu partout, en clair, cet endroit n’avait rien d’éphémère.
Au milieu de la vaste tente, quatre hommes discutaient vivement autour d’une longue table. Un se balançait sur une chaise, breuvage en main, trapu comme un ours, le crâne rasé et un œil en moins. Un autre, à la carrure squelettique, réajustait ses lunettes et écoutait attentivement la conversation des deux derniers. L’un était gigantesque, les bras croisés et une large épée dans le dos qui lui rappela celle de Shérazade. L’autre était bien moins imposant ; plus jeune, une taille moyenne et une allure svelte cachée par une tunique ample en tissus beiges et blancs qui dénotait singulièrement des accoutrements plus sombres des autres hommes. Mais, debout, les bras ouverts et les mains plaquées contre la table, il était celui qui donnait de la voix et semblait être celui qu’on écoutait, celui à qui on adressait un respect tout particulier.
En les voyant faire irruption dans la tente, les quatre hommes relevèrent la tête en leur direction. Leurs grimaces trahissaient leur surprise, mais ils semblaient tout à fait sereins. Liana s’avança d’un pas franc.
« Krid ! Il faut qu’on parle, s’écria-t-elle en s’adressant au plus jeune au centre.
- Liana ? Qu’est-ce que tu fais ici ? rétorqua-t-il, visiblement agacé par la présence de la cheffe des Sœurs. »
La jeune femme s’avança jusqu’à la table et attrapa une chaise.
« Liana, un thé ? demanda l’homme-tige à lunettes.
- Oui, merci Amir. »
Les trois Sœurs s’avancèrent auprès de Liana, quant à lui, l’Etranger, il resta en retrait, la tête en l’air à admirer les parures qui décoraient la tente.
« Eh ! Je t’ai demandé quelque chose Liana, qu’est-ce que tu fais ici ? »
La cheffe des Sœurs prit le verre de thé brûlant qu’Amir lui tendit et sirota quelques gorgées sans adresser un mot à son frère. Puis, elle releva la tête et le regarda dans le blanc des yeux.
« Nous avons été attaqués par l’OTS à Attalia. De nombreuses Sœurs ont perdu la vie.
- A Attalia ? Je vois… »
L’expression de Krid changea brusquement, ce qui semblait au départ être de l’agacement devint de l’empathie ; on décelait même chez lui une forme de pitié, en partie masquée par une image de leader à conserver.
« Des affrontements sanglants et un gigantesque incendie aux quais d’Attalia, ça fait la une des journaux. C’était vous ? Raconte-moi.
- Nous avons été pris à partie par des fanatiques de l’OTS, je ne saurais vraiment expliquer pourquoi, nous avons dût nous défendre sur les quais. Et puis… nous avons fui.
- Mais qu’est-ce que vous faisiez à Attalia ? Et pourquoi l’OTS s’en prendrait à vous, ils n’ont aucun intérêt à s’attaquer à El Beïda. Je sais que la marine essaye d’étouffer cette affaire, mais des contacts chez les mouettes m’ont certifié que c’était une véritable bataille et que les opposants étaient bien des hommes de l’OTS, mais aussi des hommes des cartels. Alors, je réitère, qu’est-ce que vous faisiez au beau milieu d’une querelle entre l’Ordre du temple des sables et le Cartel Capital ? »
Le visage de Liana se referma. L’Etranger l’observa et pour la première fois depuis leur rencontre, il la sentit vulnérable, prise dans un mensonge de trop longue date, incapable de dire la vérité à son propre frère. Les Sœurs du Désert appartenaient au Cartel des Wraiths et donc au Cartel Capital. Mais il avait beau s’agir de son frère, Liana ne pouvait se permettre de tout dévoiler au leader du clan El Beïda, clan qui œuvrait depuis des années à la protection du désert, et qui donc par définition était l’ennemi des cartels.
Elle hésita un moment et ravala rapidement son début de gêne lorsqu’elle sentit le poids du regard de son frère.
« En vérité, nous, les Sœurs, traquons intensivement l’OTS depuis plusieurs semaines. La menace que représente l’Ordre étant grandissante, nous avons décidé de passer à l’action. Mais on s’est rapidement rendu compte que nous n’étions pas les seuls à avoir décidé de passer à l’offensive. Les cartels et l’OTS semblent mener une guerre qui n’a plus rien d’insidieuse, on a en payé les frais à Attalia. Ce qui était au départ une simple mission de reconnaissance s’est transformée en véritable bataille lorsque les hommes de l’OTS nous ont pris également à partie.
- Hm… Liana, toi et tes Sœurs, vous auriez pu toutes y rester. Je suis heureux de te savoir en vie, mais souviens-toi de notre accord, nous ne devions pas agir frontalement contre l’Ordre. En intervenant comme tu l’as fait, c’est l’ensemble du clan El Beïda qui a désormais sa part de responsabilité dans cette affaire. Il y a de grandes chances qu’Abu Mussa, le gourou de l’OTS, nous considère comme ses ennemis désormais… les représailles ne sauraient tarder. Nous devons redoubler de vigilance.
- Maintenant que nous avons mis un pied à l’étrier, nous devrions agir plutôt que de nous préparer à subir une attaque. L’OTS est une gangrène pour Hinu Town, nous devons l’éradiquer avant qu’elle ne prolifère, qui sait ce qu’Abu Mussa ambitionne ?
- L’OTS est un problème, je suis d’accord, mais notre rôle est avant tout de protéger ce désert, l’OTS n’est pas une menace directe pour les citoyens d’Hinu Town et pour les voyageurs, nous avons d’autres chats plus importants à fouetter, des chats qui s’appellent les cartels.
- Dans ce cas, faisons notre devoir et éliminons l’Ordre et les cartels, finissons-en une bonne fois pour toutes avec la criminalité qui se pavane dans nos sables. »
Liana avait repris le contrôle de ses mots et de son expression, son regard avait retrouvé sa dureté habituelle. « Eliminer les cartels », ce n’était pas un mensonge, à ce moment-là, en l’observant, l’Etranger comprit que son ambition était sincère. Mais de quelle manière voulait-elle les éliminer, alors qu’elle en faisait partie ? Ou alors, par « éliminer », elle entendait peut-être se débarrasser des têtes pensantes et réunir chaque cartel sous sa propre bannière. Quoi qu’il en soit, le ton était donné, et vraisemblablement, l’Etranger n’était pas le seul à être surprit par ses paroles, Lenny et les jumelles Sira et Nifa peinaient aussi à dissimuler leur étonnement.
Un court silence fit suite aux injonctions de Liana. Le visage de Krid se referma à son tour, il parut pensif, voire perplexe. Mais, il finit par donner son accord d’un léger acquiescement de la tête.
« Hm… Je pense que ça ne plaira pas au Gouverneur, mais je tâcherai de régler nos différends plus tard. Ma sœur a raison, nous devons en finir avec l’OTS et les cartels. Nous sommes les gardiens de cette île, nous ne pouvons laisser des organisations criminelles s’adonner en toute impunité à leurs activités illégales qui mettent en péril la sécurité de nos parents, de nos enfants, de nos frères et de nos sœurs. »
La flamme dans son regard et le cœur dans ses mots firent à cet instant comprendre à Ned pourquoi le nom de Krid Chawki était autant respecté.
« Mais sache que, si aujourd’hui je mets en danger la vie de nos frères et sœurs, c’est en partie à cause de ta transgression, Liana. Mais soit, mettons cela sur le compte du destin… Nous avons fort à faire désormais, j’espère d’ailleurs que tu as des renseignements utiles à m’apporter.
- Eh bien, comme je te l’ai évoqué, nous étudions attentivement l’OTS et leurs agissements, et pour tout te dire nous avons déjà entrepris une action contre eux. Ou une attaque, plus précisément.
- J’écoute.
- Nous avons éliminé le prêcheur de Denderah d’Anataka, celui qu’on surnommait le Sphinx. Il était l’un des apôtres de l’Ordre, ces têtes pensantes qui dirigent la secte sous les ordres directs d’Abu Mussa.
- Le Sphinx a bel et bien disparu d’après les récentes informations qui circulent, mais les rumeurs parlent d’un assassinat commis par les cartels.
- Nous avons fait en sorte de faire porter le chapeau au Cartel Capital pour qu’un conflit naisse entre les deux organisations. Maintenant que nos deux ennemis sont occupés à s’entretuer, nous aurons plus de facilité à les éliminer.
- Pousser ces deux organisations à la guerre n’apportera rien de bon à Hinu Town. Regarde ce que ça a généré, un carnage en pleine ville à Attalia et des incendies, la sécurité de notre peuple est entachée désormais. Et puis, toi et tes Sœurs, vous en avez aussi payé les frais cette nuit-là… Shérazade, est-elle… ? »
Un silence pesant envahit brutalement la pièce. Liana avala une gorgée de thé, et baissa les yeux.
« Sans elle, nous ne serions pas là. Elle a donné sa vie pour nous offrir une porte de sortie. »
Le visage des Sœurs se referma sous le poids des mots de leur cheffe. La disparition de Shérazade avait profondément atteint les sœurs, la plaie était encore fraîche. Krid semblait lui aussi troublé par la réponse cinglante de Liana. Ned ne savait rien de la relation entre Krid et Shérazade, mais au vu du regard vide que le leader d’El Beïda affichait, nul doute que les Sœurs n’étaient pas les seules à être affectées par cette perte. En bon guerrier qu’il était, Krid reprit ses esprits et sembla mettre ses émotions de côté.
« Tu as d’autres infos ?
- Comme tu le sais, l’OTS protège tout ce qui a trait à Denderah. Leurs activités ne s’arrêtent pas au prosélytisme, ce n’est un secret pour personne Abu Mussa a des archéologues de l’IHAS sous sa botte et les rumeurs qui circulent parlent d’un musée secret que la secte cacherait à Anataka. Un musée qui abriterait toutes les trouvailles archéologiques détenues illégalement par l’Ordre. Si on met la main sur les trésors de l’OTS, on leur portera un grand coup.
- Tu as un lieu ?
- Pas un lieu, mais un nom. Gibab Nah.
- Gibab Nah ? J’ai déjà entendu ça quelque part.
- Pas étonnant, ça vient des Quartiers Rouges. D’après nos infos, ce serait un vieil ermite qui prierait Denderah.
- Et son lien avec l’Ordre ?
- On le soupçonne d’être engagé par la secte pour servir de guide de musée pour tous les adorateurs de Denderah. Et donc, il saurait où se trouve ce fameux musée.
- Des rumeurs qui viennent des Quartiers Rouges… on peut s’y fier ?
- On peut aller interroger ce vieillard, nous verrons bien si les rumeurs disent vraies.
- Pourquoi tes informateurs trainent aux Quartiers Rouges ?
- Simple précaution, il faut bien avoir des oreilles partout.
- Bon. Dans ce cas, mettons-nous en route. Amir, rassemble nos meilleurs hommes, nous partons dès l’aube. »
Le ton était donné et la détermination de Krid ne laissait pas de doute sur la suite des évènements. Liana se leva de sa chaise, le groupe s’apprêtait à quitter la tente sur les derniers mots de Krid, mais les murmures du chef d’El Beïda se firent entendre.
« Une barbe, de longs cheveux noirs, deux sabres à la ceinture… Alors c’est toi, n’est-ce pas ? Celui qu’on appelle l’Etranger ? Le tueur de l’apôtre Mam’ni ? »
L’Etranger approuva d’un signe discret de tête.
« Un homme débarque il y a quelques mois sur notre île et y délivre la mort comme bon lui semble… Un justicier, ou un meurtrier sanguinaire, sans foi ni loi ? Pour le bien de mon peuple, est-ce que je me dois de séparer ta tête de tes épaules, ici et maintenant ? Réponds-moi, étranger, dois-je te traiter en allié, ou en ennemi ?
- Je ne suis l’ennemi que de ceux qui arborent un soleil orange. Mais ne vous méprenez pas, je ne suis pas votre ami pour autant, j’aide les Sœurs et tous ceux qui lèvent leurs épées contre l’Ordre du temple des sables, mais ce n’est que temporaire. Lorsque Abu Mussa et ses apôtres seront ensevelis sous les sables, je disparaîtrai.
- Qui es-tu pour en vouloir autant à cette secte ? Un agent du gouvernement sous couverture ? Un chasseur de primes ? Non, ça n’a rien à voir avec tout ça…
- Vous l’avez dit vous-même, je ne suis qu’un étranger…
- Soit. Restons-en là, mais sache que je t’ai à l’œil, étranger. Mangez, reposez-vous, nous partons aux premières lueurs. Demain sera une rude journée. »