Un négochiant ça se trompe énormément
Rilas s’était installé à l’écart de la cacophonie ambiante, à l’orée du dortoir commun dans lequel il créchait. Par manque de moyens, l’entièreté de ses maigres économies héritées après sa fuite du bagne étant dilapidées dans ses projets, l’entrepreneur pâtissait d’un luxe tout à fait relatif aux rades de Manshon. Dans un geste magnanime, et presque obligatoire pour avancer, Farore S. Corsandre lui avait cédé quelques millions pour organiser le départ vers Koneashima ainsi que l’achat de leurs licences de chasseurs de primes. Un don généreux qui se transformerait assurément en prêt avec intérêt, comme un « ami » qui vous rappellerait vous avoir dépanné dix années en arrière, et dont le jeune homme se servait légèrement pour dormir sous un toit. Un chaume parsemé de trous, trop peu isolant pour offrir une chaleur apaisante face au froid rugueux.
Dos au mur, aussi bien financièrement que littéralement, l’agent d’héros s’était engagé pleinement auprès de ses deux employés sans aucune certitude. Si l’envie était une coque robuste, l’argent représentait les voiles du navire dont le démuni ne disposait pas à cet instant, ni même de rames.
Il lui aurait été facile de toquer aux portes des familles criminelles de l’île pour réclamer un pécule nécessaire à ses desseins. Mais, omettant les risques que représentait la redevabilité envers des malfaiteurs, le rêveur se jurait de parvenir à ses fins via des moyens plus sains. Une promesse aussi vaine que mensongère, plus guidée par la crainte des représailles que par véritable bonté d’âme.
Assis en tailleur sur les lattes grinçantes du sol, le dandy darde intensément le morceau de papier déchiré tenant au creux de sa paume. Un autre cadeau de la mafieuse qui avait griffonné dix chiffres à la va-vite avant que leurs routes ne se séparent. Son index tendu se glisse dans l’interstice, tournant la roulette de l’escargophone avec délicatesse.
« Haylor Santa Belgerak Counsulting du Royaume de Luvneel, Alban Quier, conseiller, à votre service, que puis-je faire pour vous ? Mh-mh.. »
De l’autre côté du combiné, confortablement installé sur sa chaise rembourrée qui lui permettait d’étendre ses gambettes sur le bureau, le col blanc se délecte d’un café tout juste refroidi par la distance entre le cinquième étage et son service. Sans se forcer, le consultant prend des notes du bout de ses doigts. Un manque d’exemplarité dû à un appel effectué à une heure si avancée. Quelle idée saugrenue de les contacter en milieu de matinée, juste avant la pause qui précède la pause déjeuner.
Dans l’espace ouvert, les discussions vont bon train. Certains mettent du cœur à l’ouvrage tandis que d’autres se racontent les mésaventures des jours de repos, et tout ça dans le respect des règles de bienséance de l’entreprise. Pour un Lundi, la joie est étrangement de rigueur à en juger par les éclats de rire qui émanent d’un pupitre.
La senestre levée haut dans les airs, monsieur Quier attire ses collègues grâce à de vifs mouvements de poignet et ses ricanement étouffés.
« Vous comptez ouvrir une société de super-héros. Et vous enverrez ces types en costumes moulants, avec des pseudonymes, combattre le crime et les injustices ? J’ai bon ? »
La liesse humoristique repart de plus belle, rameutant les foules envieuses de se bidonner un bon coup. D’un commun accord silencieux, l’attroupement se calme au gré des mains qui intiment à l’affluence de baisser d’un ton pour faire perdurer le spectacle comique au bout du mollusque. Au milieu, l’instigateur du raffut se pince si fort le nez qu’il aurait pu se décrotter par l’arrête.
« Et le slip, ils le mettront en dessous ou au dessus du pantalon ? »
Les rires résonnent derechef dans tout l’étage, alertant finalement le représentant des moqueurs irrespectueux qui se décide à quitter sa loge.
- Qu’est-ce que c’est que ce foutoir ?
- Tenez, c’est à mourir de rire. Ne bougez pas, je vous passe mon supérieur.
Un petit sourire charmeur pour se dédouaner et un raclement de gorge pour reprendre son sérieux. Habile charlatan de la finance. La figure d’ordre fend la tripotée de glandeurs, déjà drastiquement réduite depuis son arrivée.
« Oui bonjour, Hagrid Psou à l’appareil. Veuillez nous excuser pour le désagrément. Quel est votre projet ? »
Plus expérimenté, il sait qu’on ne juge pas un livre qu’à sa couverture, surtout lorsqu’on est adepte de romans torrides rarement explicitement notifié comme tel. Du moins c’est ce qu’on raconte à sa femme lorsqu’elle met la main sur « La tournée de la patronne » et éviter le divorce. Inutile de juger les fantasmes de chacun, quand ça ne concerne pas sa personne puisque le supérieur pouffait déjà dans sa barbe alors que Rilas s’expliquait à nouveau sur son rêve capitaliste. Essuyant une larmichette qui coule au coin de son œil, n’ayant pas ri autant sous cape depuis des années, le chef tâche de reprendre son sérieux.
« Vous désirez contracter un prêt de combien exactement ? »
« Soyons sérieux. Soixante millions c’est trop pour monter une troupe de théâtre. Le cour du cuir est en hausse mais cela ne justifie pas un tel investissement. Écoutez, puisque vous m’avez fait bien rire, je vais vous préparer un devis. Laissez-moi prendre vos coordonnées et je vous recontacte rapidement. »
A Luvneel, chacun retournait vaquer à ses occupations lorsque le gradé reposait l’appareil contre la coquille du gastéropode.
- Allez. Trêve de plaisanterie, tout le monde se remet au travail. N’oubliez pas le slogan du service : Prêter ses biens..
- Reprendre c’est mieux ! scandaient-ils tous en cœur
- Qu’est-ce qu’ils ont tous avec les super-héros ? C’est le deuxième en un mois...
Au loin, à des centaines de kilomètres du bâtiment de la HSBC, l’initiateur de la requête restait prostré sur lui-même, ramenant les genoux vers son thorax en guise de frêle consolation. Les rapaces de la finances venaient de lancer un seau d’eau gelée sur les étincelles ambitieuses de l’ancien agent gouvernemental.
La claque avait de quoi le sonner, affaiblissant considérablement la lueur qui l’animait sous son costume blanc, dont les coutures commençaient sérieusement à crier rénovation. Comment allait-il annoncer à ses nouvelles, et très récentes, recrues que le projet H.E.R.O.I.C. tombait à l’eau sans jamais réellement voir le jour ? Le Capitaine n’avait, lui, encore rien signé. Mais Fenice… Investie, presque mécène de l’initiative et première engagée à la suite d’âpres négociations, que dirait-elle ? Les images d’un canon froid pointé entre deux yeux louchant hantait déjà ses pensées suffisamment maltraitées par l’entretien téléphonique.
Démuni face à de nouvelles promesses irréalisables, se remémorant ses tentatives passées pour accéder à ses désirs, l’homme se redressa d’un bond. Il n’était plus un gamin rêveur. Cette fois, le chapeauté se donnerait les moyens de réussir. Un rebondissement dont il avait le secret. Une effusion d’idées qui lui assurerait l’obtention de ce prêt capital.
KoalaVolantDos au mur, aussi bien financièrement que littéralement, l’agent d’héros s’était engagé pleinement auprès de ses deux employés sans aucune certitude. Si l’envie était une coque robuste, l’argent représentait les voiles du navire dont le démuni ne disposait pas à cet instant, ni même de rames.
Il lui aurait été facile de toquer aux portes des familles criminelles de l’île pour réclamer un pécule nécessaire à ses desseins. Mais, omettant les risques que représentait la redevabilité envers des malfaiteurs, le rêveur se jurait de parvenir à ses fins via des moyens plus sains. Une promesse aussi vaine que mensongère, plus guidée par la crainte des représailles que par véritable bonté d’âme.
Assis en tailleur sur les lattes grinçantes du sol, le dandy darde intensément le morceau de papier déchiré tenant au creux de sa paume. Un autre cadeau de la mafieuse qui avait griffonné dix chiffres à la va-vite avant que leurs routes ne se séparent. Son index tendu se glisse dans l’interstice, tournant la roulette de l’escargophone avec délicatesse.
1337-999-007
Pulupulupulup. Pulupulupulup. Pulupu-
« Haylor Santa Belgerak Counsulting du Royaume de Luvneel, Alban Quier, conseiller, à votre service, que puis-je faire pour vous ? Mh-mh.. »
De l’autre côté du combiné, confortablement installé sur sa chaise rembourrée qui lui permettait d’étendre ses gambettes sur le bureau, le col blanc se délecte d’un café tout juste refroidi par la distance entre le cinquième étage et son service. Sans se forcer, le consultant prend des notes du bout de ses doigts. Un manque d’exemplarité dû à un appel effectué à une heure si avancée. Quelle idée saugrenue de les contacter en milieu de matinée, juste avant la pause qui précède la pause déjeuner.
Dans l’espace ouvert, les discussions vont bon train. Certains mettent du cœur à l’ouvrage tandis que d’autres se racontent les mésaventures des jours de repos, et tout ça dans le respect des règles de bienséance de l’entreprise. Pour un Lundi, la joie est étrangement de rigueur à en juger par les éclats de rire qui émanent d’un pupitre.
La senestre levée haut dans les airs, monsieur Quier attire ses collègues grâce à de vifs mouvements de poignet et ses ricanement étouffés.
« Vous comptez ouvrir une société de super-héros. Et vous enverrez ces types en costumes moulants, avec des pseudonymes, combattre le crime et les injustices ? J’ai bon ? »
La liesse humoristique repart de plus belle, rameutant les foules envieuses de se bidonner un bon coup. D’un commun accord silencieux, l’attroupement se calme au gré des mains qui intiment à l’affluence de baisser d’un ton pour faire perdurer le spectacle comique au bout du mollusque. Au milieu, l’instigateur du raffut se pince si fort le nez qu’il aurait pu se décrotter par l’arrête.
« Et le slip, ils le mettront en dessous ou au dessus du pantalon ? »
Les rires résonnent derechef dans tout l’étage, alertant finalement le représentant des moqueurs irrespectueux qui se décide à quitter sa loge.
- Qu’est-ce que c’est que ce foutoir ?
- Tenez, c’est à mourir de rire. Ne bougez pas, je vous passe mon supérieur.
Un petit sourire charmeur pour se dédouaner et un raclement de gorge pour reprendre son sérieux. Habile charlatan de la finance. La figure d’ordre fend la tripotée de glandeurs, déjà drastiquement réduite depuis son arrivée.
« Oui bonjour, Hagrid Psou à l’appareil. Veuillez nous excuser pour le désagrément. Quel est votre projet ? »
Plus expérimenté, il sait qu’on ne juge pas un livre qu’à sa couverture, surtout lorsqu’on est adepte de romans torrides rarement explicitement notifié comme tel. Du moins c’est ce qu’on raconte à sa femme lorsqu’elle met la main sur « La tournée de la patronne » et éviter le divorce. Inutile de juger les fantasmes de chacun, quand ça ne concerne pas sa personne puisque le supérieur pouffait déjà dans sa barbe alors que Rilas s’expliquait à nouveau sur son rêve capitaliste. Essuyant une larmichette qui coule au coin de son œil, n’ayant pas ri autant sous cape depuis des années, le chef tâche de reprendre son sérieux.
« Vous désirez contracter un prêt de combien exactement ? »
« Soyons sérieux. Soixante millions c’est trop pour monter une troupe de théâtre. Le cour du cuir est en hausse mais cela ne justifie pas un tel investissement. Écoutez, puisque vous m’avez fait bien rire, je vais vous préparer un devis. Laissez-moi prendre vos coordonnées et je vous recontacte rapidement. »
A Luvneel, chacun retournait vaquer à ses occupations lorsque le gradé reposait l’appareil contre la coquille du gastéropode.
- Allez. Trêve de plaisanterie, tout le monde se remet au travail. N’oubliez pas le slogan du service : Prêter ses biens..
- Reprendre c’est mieux ! scandaient-ils tous en cœur
- Qu’est-ce qu’ils ont tous avec les super-héros ? C’est le deuxième en un mois...
Au loin, à des centaines de kilomètres du bâtiment de la HSBC, l’initiateur de la requête restait prostré sur lui-même, ramenant les genoux vers son thorax en guise de frêle consolation. Les rapaces de la finances venaient de lancer un seau d’eau gelée sur les étincelles ambitieuses de l’ancien agent gouvernemental.
La claque avait de quoi le sonner, affaiblissant considérablement la lueur qui l’animait sous son costume blanc, dont les coutures commençaient sérieusement à crier rénovation. Comment allait-il annoncer à ses nouvelles, et très récentes, recrues que le projet H.E.R.O.I.C. tombait à l’eau sans jamais réellement voir le jour ? Le Capitaine n’avait, lui, encore rien signé. Mais Fenice… Investie, presque mécène de l’initiative et première engagée à la suite d’âpres négociations, que dirait-elle ? Les images d’un canon froid pointé entre deux yeux louchant hantait déjà ses pensées suffisamment maltraitées par l’entretien téléphonique.
Démuni face à de nouvelles promesses irréalisables, se remémorant ses tentatives passées pour accéder à ses désirs, l’homme se redressa d’un bond. Il n’était plus un gamin rêveur. Cette fois, le chapeauté se donnerait les moyens de réussir. Un rebondissement dont il avait le secret. Une effusion d’idées qui lui assurerait l’obtention de ce prêt capital.