Retours aux sources pour l'agent Mills

Je venais de me taper tout le trajet depuis North Blue, là où se trouvait mon ancienne affectation au CP5. La traversée n’avait pas été de tout repos, j’avais encore l’estomac qui faisait du yo-yo, pourtant j’avais vidé toute ma fiole de whisky pendant le trajet. C’était le meilleur remède que je connaissais contre le mal de mer. Une fois sur le plancher des vaches, je sortais une cigarette de ma poche pour fêter l’évènement. Alors que ma sèche se consumait, je jetais un coup d’œil aux alentours. Cela faisait combien d’années que je n’étais pas venu dans le coin ?  

Rien ne semblait avoir changé au premier coup d’œil, les bâtiments étaient toujours les mêmes et toujours autant de têtes de cons au mètre carré, pourtant j’avais la désagréable sensation de redécouvrir les lieux. Après avoir jeté un bref regard en direction de ma montre, je me mettais en route en direction de mon futur bureau. Petit à petit, un flot de souvenirs en tout genre remonta dans mon esprit, il faut dire qu’en avaient vécu des choses dans le coin. J’avais débuté ma carrière d’agent du Cipher Pol ici même, dans le QG de West Blue.

Une pointe de nostalgie me piqua au vif lorsque mon regard se posa sur l’entrée principale du QG. Je me rappelais subitement la première fois que j’étais venu ici ! Je n’étais alors qu’un jeune puceau tout droit sorti de l’école des officiers de la Marine. Qui l’eût cru, Jefferson de retour à la maison, certainement pas moi, je me souvenais encore comment j’étais si fier d’avoir réussi à décrocher un poste au CP5 ! Cela faisait combien d’années que j’étais parti ? Bien trop longtemps que cela en vaut la peine de compter.  

Subitement mes lèvres esquissèrent un sourire qui niait, car je venais de me remémorer mon départ du bureau quelques jours auparavant. Suite à une énième prise de tête avec mon supérieur, je lui avais claqué la porte au nez avant de l’envoyer chier. Notre ancien chef, quoique têtue et pointilleux pour de la merde, était partie en retraite l’année dernière. Manque de pot pour nous, et surtout pour moi, son remplaçant était une véritable calamité. Un gamin qui avait à peine la moitié de mon âge, débarquant tout droit de la haute administration et bien décidé à prendre le contrôle total du service. Bordel ! Il n’en fallait pas plus pour que cela vire à la guerre civil avec moi. Ce type était encore dans les couilles de son père alors que je bouclés mes premiers dossiers avec brio.

Ce n’était pas faute de l’avoir prévenu pourtant, j’avais mes méthodes à moi de travail et il fallait par-dessus tout me foutre la paix ! Mais non, il était aussi collant qu’un morpion sur un cul ! Donc j’avais que deux options qui s’offraient à moi.. Soit je lui collais une balle dans la tête, soit je faisais ma demande de mutation.  

« A gneugneu le Cipher Pol 5 c’est l’excellence ! Pour rien au monde Mills vous allez faire machine arrière, ce serait comme une régression pour vous ! Jamais vous ne m’entendez ! Jamais vous ne partirez d’ici et vous allez rentrer dans le moule de gré ou de force ! »

Et pourtant, me voilà à présent officiellement Agent de catégorie III au Cipher Pol 4  au QG de West Blue ! Dans le cul lulu comme qui dirait !  

Le matin de mon départ, seuls quelques collègues vraiment proches étaient au courant de ma mutation. J’avais réussi par le biais de connaissance plutôt que bien placer à avoir vent d’une réorganisation des affaires internes. Quand on a roulé sa bosse durant autant d’années que moi dans la boite, il n’est pas étonnant d’avoir sur carnet d’adresses quelques noms bien placés. Du coup au détour d’une simple discussion entre deux bureaux j’avais eu vent, que la direction souhaitée remettre à flot le CP4, qui, il faut le dire, n’était pas vraiment la direction la plus mise en avant. Un administrateur allait prendre les choses en main, pour faire sur West Blue le futur QG des affaires internes sur les Blues, avec à ses côtés plusieurs chefs d’équipes. L’idée me séduit instantanément, mais pour ne pas me retrouver dans la même merde qu’actuellement j’avais pris soin de me renseigner sur le patron. Son nom ne m’était pas inconnu, car il s’agissait d’un ancien chef de groupe que j’avais eu l’occasion de croiser à plusieurs reprises. Un mec compétent et fiable, chose rare dans notre milieu à présent.  

« Mills ?! Qu’est-ce que vous branlez avec votre barda ?! »

« Bah vous n’êtes pas au courant ? Comme c’est dommage ! Figurez-vous que je me casse aux affaires internes sur West Blue. À la revoyure pauvre con ! »

A mon époque, le chef c’était un mec avec de la bouteille, qui avait le respect de ses équipes et qui savait surtout de quoi il parlait et non pas un manager se prenant pour un Dragon Céleste.

En tout cas, maintenant que le brave Jefferson n’était plus présent pour se coltiner toute la merde dont personne ne voulait, j’aimerais bien savoir ce qu’il compte bien faire. J’en rigole d’avance, l’imaginant organiser une réunion d’urgence avec ses chefs de groupes pour refourguer une pile de dossiers plus pourrit les uns que les autres.

Mais pour l’heure j’avais un bureau à investir, autant le fait d’avoir quitter mon ancien poste me donnait la banane, je comptais sur cette nouvelle affectation pour relancer ma carrière en quelque sorte. Non pas que j’avais des ambitions particulières, mais ces dernières années avaient été pour le moins éprouvantes pour moi, aussi bien sur le plan professionnel que personnel. Entre la gestion de mes divorces, des pensions et mes dettes, j’avais de plus en plus de mal à concevoir mon travail autrement que par l’aspect alimentaire. Pourtant, je n’étais bon qu’à une chose, résoudre des enquêtes, c’était toute ma putain de vie. D’autant plus qu’au final, je gardais de mon passage entre ces murs plus de bons souvenirs que l’inverse.

Je me présentais au poste de garde, tombant nez à nez avec plusieurs agents de la sécurité. Je baragouinais difficilement mon nom à cause de ma cigarette toujours présente.

« Jefferson, merde ce n'est pas ça qu'il faut dire, Agent Mills, du CP4. Je prends aujourd’hui mes fonctions, je suis un ancien du service. »

L’un des gardes examina mon laissez-passer avec insistance.

« A l’époque j’étais encore jeune et beau, tu verras mon coco, toit aussi un jour ou l’autre tu ressembleras à un vieux con. »

« Allez-y agent Mills. »

Voyant les escaliers devant moi, j’avais oublié depuis le temps que le service se trouvait au tout dernier étage du bâtiment. Quelle plaie ! Toujours accompagné de mes affaires et de ma clope sur sa fin de vie, je gravissais un à un les cinq étages que comptait l’édifice.

Une fois parvenu tout en haut, non sans avoir lâché un torrent d’injures, je lâchais mon énorme sac contenant toute ma vie pour m’appuyer contre le mur quelques instants. J’avais les poumons en feux ! Saloperie d’escaliers, j’aurais du prendre un service au rez-de-chaussée, chiotte !

Je faisais face à un immense miroir qui reflétait l’image d’un vieux gars totalement exténué et débrailler de toute part. Lorsque j’étais venu ici pour la première fois, je me souviens encore de toute l’attention que j’avais portée pour faire la meilleure impression.

« Non Will, tu ne peux pas te pointer comme ça Bon Dieu. Fais donc au moins illusion la première journée. »

J’écrasais ma cigarette sous le talon de ma chaussure avant de la balancer dans la cage d’escalier. Je remettais ma chemise dans mon pantalon et donnait un petit coup sur mes cheveux. Merde, je me laissais bien trop aller ces derniers temps, il était grand temps que je me reprenne. J’avais eu l’occasion de croiser tout au long de ma carrière plusieurs excellents agents qui finirent par se faire virer à force de sombrer dans leurs excès en tout genre. Je ne voulais et ne pouvais pas finir comme ça.

Franchissant l’immense porte où étais inscris en toutes lettres « Cipher Pol 4 – Accès aux personnels autorisés uniquement », je découvrais une immense pièce grouillant de vie. Ici et là des employés allaient et venaient avec les mains chargées de caisses remplies de dossiers. A mon départ, de mémoire nous étions cinq avec le chef, là il devait facilement avoir une vingtaine de types. Scrutant les différents agents à la recherche d’anciennes têtes connues en vain, je remarquais un jeune gars se pointait dans ma direction.

« Bonjour, monsieur, puis-je avoir votre nom ?! »

« Quoi ? Ah oui, Agent Mills, je dois prendre mes fonctions aujourd’hui ! Dis donc c’est un sacré bordel qui règne ici ! »

« Bienvenue Agent Mills, en effet, nous sommes en pleines installations dans nos nouveaux locaux. »

« Même une chatte n’y retrouverait pas ses petits dans ce foutoir.. Bon il est où mon bureau ?! J'en ai plein le dos de porter mes affaires. »

« Suivez-moi »

Difficile pour moi d’imaginer que je me trouvais au même endroit il y a une dizaine d’années tellement cela avait changé ici. Ils avaient refait les bureaux du sol au plafond, je dois avouer que dans mes souvenirs l’endroit était plutôt miteux alors, ce fut une agréable surprise de voir un peu de neuf. Je suivais donc mon interlocuteur dans un long couleur où se succédaient les portes sur lesquelles était apposée une petite plaque indiquant le nom des agents qui étaient censés » occuper ces locaux.

Nous nous arrêtions finalement devant une porte similaire à la dizaine d’autres :

Bureau numéro 8 :
Agent Mills
Agent Laranja

« C’est quoi ce merdier gamin ? Je ne suis pas tout seul dans mon bureau ?! »

« Non-monsieur, par manque de place, la direction à décider de placer deux agents par... »

« Bordel ! Il est où le taulier que je lui dise que j’ai besoin d’être solo pour pouvoir bien bosser. Il est où le respect des anciens ?! »

« Monsieur, l’administrateur n’est pas.. »

« Bon, cela commence bien cette histoire. Entrons j'ai envie de poser mon cul quelque part et de m'en griller une »

Une fois à l’intérieur, je découvrais la disposition des lieux. Les deux bureaux se faisaient face, hormis cette déconvenue que je comptais bien régler rapidement l’endroit était assez spacieux, j’avais un bureau assez large pour étaler tout mon bordel sans que cela finisse par se casser la gueule et ce n’était pas les placards de rangement qu’il manquait. Je posais toutes mes affaires au sol avant de m’affaler dans mon fauteuil, en sortant dans la foulée une cigarette que j’allumais sans plus attendre.

Par politesse je tendais mon paquet en direction du sous-fifre :

« Tu en veux une, gamin ?! »

« Non, monsieur je ne fume pas... »

« Merde alors ! C'est quoi cette génération ? Il va falloir t’y mettre mon bonhomme si tu veux être efficace dans ce métier. je ne sais pas ce qu'on t'as appris durant ta formation, mais rien ne va là ! »

«  Euh je ne suis pas certain de vous suivre .. Mais, pour votre information, l’Administrateur Jenkins va bientôt revenir du QG de Marie-Joie pour les... »

*Jenkins ?! Ce nom me disait quelque chose, j’essayais de dépoussiérer ma mémoire pour faire le lien, j’étais persuadé d’avoir déjà entendu ce nom quelque part. Mais cela devait remonter facilement à une décennie.. C’était sur quelle mission ? Je me souviens vaguement, j’aurais bien dit sur North Blue avec le CP09, voilà c’était un chef de groupe du 9 à l’époque.*

« Voilà vous êtes au courant des préparatifs, je dois continuer l'accueil des nouveaux agents, si vous avez besoin de quoique ce soit. »

Il quittait les lieux pour mon plus grand soulagement, bien évidemment, je n’avais absolument rien à écouter de ce qu’il m’avait raconté. Si je détestais bien une chose dans ce boulot, c’était ce genre de formalités, devoir faire des courbettes devant la direction pour l’ouverture d’un nouveau service ou alors suite à une grosse mission. C’était aussi chiant qu’inutile à mes yeux, mais pour les hauts gradés c’était surtout un moyen de se faire mousser devant le commun des mortels.

Je jetais un œil vers mon carton d’affaires et me pencha pour récupérer quelques objets, histoire de commencer l’aménagement de mon plan de travail. Lorsque quelqu’un entra dans le bureau sans prendre la peine de frapper à la porte. J’espère qu’il avait une bonne raison de se pointer ici sans s’annoncer avant. Décidément, cette nouvelle génération d’agents n’avait plus aucune notion du savoir-vivre.

« Vous êtes qui ?! Personne ne vous a appris à frapper avant d'entrer dans le bureau de quelqu'un ?!»

    1628 - West-Blue, nouvelle section du CP4

    Malgré toute une vie à évoluer dans le silence de la grande bibliothèque d’Ohara, je parviens sans trop de problème à créer une bulle hermétique aux bruits ambiants - enfin, plus ou moins. Dans la salle de repos du nouveau bâtiment du CP4, je lis avec quelque doute le dossier expliquant les raisons et les objectifs des changements effectués dans notre section. Quelle étrange décision, en particulier pour moi qui prône depuis mon arrivée une augmentation de l’entraide entre les différentes sections du Cipher Pol. De toute évidence, le Gouvernement ne partage pas ma vision… mais j’ai appris à ne pas juger trop hâtivement la politique gouvernementale. Aussi insondable soit-elle, il serait malhonnête de ne pas relever son efficacité.

    A la fin de ma lecture, je quitte ma bulle et un chaos sonore se révèle brusquement à moi, me faisant sursauter quelque peu au passage. Il n'y a pas à dire, les agents ne dissimulent pas leur excitation face à tous ces changements. Et, quelque part, je comprends parfaitement.

    Traversant ce brouhaha en évitant soigneusement les quelques individus qui se jettent sur mon passage, j’atteins la porte de mon bureau, un café en main. Mon nom d’agent apparaît aux côtés de celui de l’agent Mills, que je ne connaissais pas avant aujourd’hui. Je m’étonne, d’ailleurs, que l’administrateur ne m’ait pas mis aux côtés de collègues que j'ai côtoyés avant.

    La porte à peine entrouverte, des plaintes hargneuses s’abattent sur moi sans que je puisse prononcer le moindre mot. Le destinataire ? Un homme d’une petite cinquantaine, peut-être plus. Son visage paraît arborer tous les malheurs du monde. Jamais je n’ai vu un regard à la fois embrasé et éteint, et pourtant, en voilà un.

    « Pardonnez-moi. Il faut dire que je n’ai pas pour habitude de frapper à la porte de mon propre bureau ». Je pose devant lui un café, lui faisant comprendre d’un regard qu’il lui est destiné, puis lui tends la main pour le saluer. « Agent Laranja. Nous serons collègues de bureau, apparemment. Ravi de vous rencontrer. »

    Bien que j’aies été informé de sa présence, je ne me suis pas renseigné sur lui. Dans de telles circonstances, je pense qu’il vaut mieux se baser sur ses premières impressions plutôt que de tenter de maîtriser la conversation de bout en bout.

    « Et donc, Agent Mills. Comment est-ce possible que je ne vous ai jamais croisé dans nos locaux ? Je ne suis pas très ancien, mais je n’oublie aucun visage. En mission de longue durée ? »

    Je néglige volontairement le scénario dans lequel c’est un nouvel agent. Il est trop évident qu’il porte sur ses épaules un bagage bien plus grand que le mien. Ses yeux ne trompent pas non plus, il a vu beaucoup de choses. Il est aussi peu probable qu’il ait été muté, il semble trop à l’aise.

    « Si c’est le cas… ça doit faire un sacré choc, tous ces changements. Que pensez-vous de tout ça ? »
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    * Comment ça mon bureau ?! *

    Jusqu’ici avachi dans mon fauteuil, je me redressais subitement, l’occasion était trop belle pour ne pas shooter en plein vol ce perdreau de trois semaines. Lui expliquer avec mes mots qu’il était ici sur mes terres et que j’avais le droit de vie ou de mort sur les intrus comme tout bon seigneur qui se respecte.

    Mais ma tension retomba à un niveau acceptable lorsque je le vis poser un café sur mon bureau. C’est le genre de petits gestes que j’estime énormément, surtout venant de la part d’un petit jeune comme lui. Depuis mon affectation dans cette administration, j’avais vu les mentalités se transformer petit à petit, les antiques valeurs promues par nos anciens avaient étaient mise en retrait pour faire place à une génération totalement en roue libre avide d’action et de sensation forte.

    « Agent Laranja. Nous serons collègues de bureau, apparemment. Ravi de vous rencontrer. »

    « Ah oui ! Exact ! j’ai découvert la petite farce de l’administration en arrivant ici. Ce n’est pas contre toi garçon, mais je préfère bosser seul dans mon bureau. En attendant, j’en oublie presque les bonnes manières, Agent Mills, fraichement affecté au CP04 ce jour même. »

    Je me levais pour venir lui serrer la paluche, après tout ce n’était que la moindre des politesses.  

    « Et donc, Agent Mills. Comment est-ce possible que je ne vous aie jamais croisé dans nos locaux ? Je ne suis pas très ancien, mais je n’oublie aucun visage. En mission de longue durée ? »

    « Longue histoire, si je me lance là-dedans je vais devoir te séquestrer au moins pour la journée. Alors pour la faire courte, j’étais un ancien du service, cela doit remonter à une bonne quinzaine d’années maintenant. Entretemps j’ai un peu roulé ma bosse au CP05. Et par la force des choses me revoilà au bercail, en espérant couler des jours tranquilles ici jusqu’à ma retraite. »

    Je sortais de ma poche mon paquet de cigarettes complètement froissé, inspectant l’intérieur pour faire le recensement des troupes, et je tendais le paquet vers mon homologue.

    « Ah qui le dis tu, je me souviens encore quand je devais avoir un peu près ton âge, voir plus jeune. Tout juste sortie de la formation, premier poste ici, aux affaires internes. Nous n’étions alors que cinq couillons pour faire tout le boulot, mais je c’était une bonne époque. »

    Je me perdais durant quelques secondes dans mes pensées, en me rappelant une pléthore de souvenirs divers et variés de mes jeunes années d’agent au CP04. C’était une autre époque incontestablement, et j’en gardais une certaine nostalgie, allez savoir pourquoi.

    « Ouais, une autre époque, quoiqu’il en soit, c’est le maitre mot maintenant chez nous, il faut savoir faire preuve de comment ils disent ? Flexibilité ! Mais ils peuvent nous chier ce qu’ils veulent les huiles là-haut, une chose est certaine mon garçon, le travail lui, reste le même. Les techniques que j’ai apprises des anciens, je les utilise encore à l’heure actuelle et force de constater que c’est toujours aussi efficace. Je ne sais pas ce qu’ils vous apprennent maintenant durant votre formation, mais on ne devient pas un bon enquêteur uniquement en étudiant, il faut savoir travailler et développer son flair. Bon je me perds une fois encore en bavardage. »

    Je prenais une nouvelle cigarette dans mon paquet, parler autant m’avait asséché la gorge.

    « Bon et toi ?! Agent Larajan c’est ça ?! Première affectation, je suppose ? Quelques missions à ton actif déjà ?! Je me souviens encore de ma première filature, un fiasco... Tu peux me tutoyer si tu veux, je ne m'emmerde généralement pas avec les formalités, sauf avec les huiles histoire d'être sous les radars. »

    Quelqu’un tapa à la porte

    « Décidément, ce bureau est un véritable moulin. »

    La porte s’ouvrit pour laisser entrer une très belle femme très élégamment habillée, aux longs cheveux blonds. Tout à fait mon style je dois dire, mais une sirène d’alarme retenti quasi immédiatement dans ma tête, « Femme = Emmerdes » et plus la femme est belle plus les emmerdes sont grosses en règle générale.

    « Bonjour, messieurs, vous avez eu le temps de faire connaissance, je présume ?! »

    Elle avança jusqu’au bureau de l’agent Laranja pour s’assoir sur le rebord. De mon côté je me laissais glisser dans mon fauteuil, j’avais beau avoir de la bouteille ici, une si belle plante était chose rare par chez nous.  

    « Cela ne vous dérange pas j’espère que je m’assois ici ?! Je me présente, je suis l’agent Sterling, votre chef d’équipe. »

    J’écarquiller mes yeux, cette sublime créature était notre N+1 ? Improbable ! Elle sortit une petite boite métallique de sa poche pour en extraire un cigarillo.

    « Vous avez du feu ?! »

    Je plonger ma main dans ma poche à la recherche de mon briquet

    *Bordel, il est où ! Pour une fois que j’ai véritablement besoin de lui, il me fait faux bon !*
      En définitive, il s’agit bel et bien d’une mutation. Particulière, cependant, en ce sens qu’il appartenait déjà au CP4 auparavant. Voilà une situation intéressante, je suis curieux de connaître ses méthodes de travail. La palette de compétences des agents du CP5 est souvent très fournie. Sans parler du fait qu’il confirme mon intuition initiale : il a de l’expérience.

      « Je vous en prie. Ce n’est pas sur le terrain que nous aurons le temps de bavarder. » répondis-je d’un sourire à ses “craintes” après avoir accepté sa cigarette. Je l’allume aussitôt avec une de mes allumettes, que je lui tends par échange de bons procédés. « C’est Laranja... et effectivement, je suis loin d’être un ancien. J’ai atteint il y a peu les quatre ans de servi-... »

      Interrompu, je me tourne en direction de la porte et étudie un instant la femme qui se présente. ... Notre nouvelle cheffe d’équipe ? Elle paraît assez énergique. D’une certaine manière, elle dégage une aura relativement similaire à celle de mon nouveau collègue. En voyant l’agent Mills en quête de son briquet perdu, je m’empare à nouveau de ma boîte d’allumette pour ne pas prolonger son tourment.

      « Enchanté. Agent Laranja, et voici l’agent Mills ». Une présentation assez vide de sens, étant donné qu’elle sait pertinemment qui nous sommes, mais c’était surtout de la politesse. « Nous avons pu discuter un peu. Je pense que nous nous entendrons très bien. »

      J’allonge mon bras et ouvre une fenêtre. Trois fumeurs dans le bureau, ça commence à faire beaucoup. Bientôt, nous aurons l’air d’être dans le repaire d’un dragon.

      « Vous vous en sortez mieux que dans d’autres bureaux, alors. Il y a eu quelques disputes par-ci, par-là. Et pour être franche, vous avez meilleur temps d’être conciliants. Je ne suis pas très patiente avec les emmerdeurs. »

      Elle place une mèche derrière son oreille et nous regarde tour à tour, examinant notre réaction à sa mise en garde. Le message était bien passé. Elle joint alors ses deux mains pour témoigner de sa satisfaction.

      « Merveilleux ! Ne tardez pas trop à prendre vos marques et à vous connaître, messieurs, car votre première mission est déjà en attente d’approbation. Je suis certaine que ça vous plaira, compte tenu de vos profils. Nous aurons une entrevue dans peu de temps. »

      Elle se lève dès la fin de sa phrase et se dirige vers la porte sans plus de formalité. Avant de clôre la porte, elle nous jette un regard tranchant et nous lance un avertissement on-ne-peut-plus clair : « Ne me décevez pas. »

      La porte claque et la silhouette de l’agent Sterling s’évanouit derrière le verre dépoli du bureau. Un léger soupir s’échappe de mes poumons tandis que je me redirige vers l’agent Mills.

      « … voilà qui était intense. J’ignorais qu’une mission nous était déjà attribuée. Enthousiaste à l'idée de retrouver votre ancien pôle ? ». Le bout de ma cigarette s’illumine d’une lueur flamboyante alors que je tire une bouffée et la recrache dans un nouveau soupir. « Comme nous aurons bientôt à collaborer sur le terrain, je serais curieux d’en apprendre plus sur vous à ce niveau-là. Quel genre d’agent êtes-vous ? Vous êtes spécialisé dans un certain domaine ? »

      Il a été membre du CP5… donc je suppose qu’il est très polyvalent. Cependant, il a clairement sous-entendu tout à l’heure une affinité particulière pour l’enquête. Je suis intéressé de connaître un peu les compétences et l’expérience de l’agent Mills.
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      Comme aimait le répéter mon défunt grand-oncle, « la vieillesse est un naufrage ». J’en étais le parfait exemple, incapable de sortir mon briquet à temps. Voilà que même les dernières recrues me griller la priorité sans dire pardon.  


      De toute façon, j’avais déjà donné dans ce genre de créature, et d’ailleurs je m’en mordais encore les doigts. Cela me faisait penser qu’il fallait que je trouve rapidement quelques extras pour réussir à payer ces maudites pensions alimentaires. Sous peine de me retrouver avec la corde au cou à devoir faire un régime spécial de patates pour le restant du trimestre. J’aimerais tellement pouvoir d’une manière ou d’une autre remonter le temps, pour venir foutre une patate au Jefferson de l’époque et lui dire de laisser son engin dans le slip au lieu de tenter de relever la courbe de la démographique sur North Blue.


      Je sortis finalement de mes pensées lorsque la porte claqua et que la silhouette s’évapora.


      *Dieu quel fessier tout de même ! *


      « … voilà qui était intense. J’ignorais qu’une mission nous était déjà attribuée. Enthousiaste à l'idée de retrouver votre ancien pôle ? ».  

      « Comme nous aurons bientôt à collaborer sur le terrain, je serais curieux d’en apprendre plus sur vous à ce niveau-là. Quel genre d’agent êtes-vous ? Vous êtes spécialisé dans un certain domaine ? »

      Je tournais mon regard vers l’agent Laranja et soupira. Difficile pour moi de passer d’une créature de rêve à lui sans un pincement au cœur. Mais j’avais parfaitement reçu le message de la patronne, je savais aussi faire profil bas quand il fallait le faire. Même si j’étais un ancien de la maison, je n’avais rien à gagner à me pointer avec mes gros sabots. Pas besoin d’être expert dans le domaine pour comprendre que ce n’était pas le genre de personne à accepter les chouineries d’un vieil agent dès son premier jour d’affectation.

      Je reviendrais à la charge pour avoir mon bureau lorsque j’aurais déjà quelques dossiers bouclés à mon actif. Avoir des billes c’est toujours préférable lorsqu’il est question de négocier en sa faveur.

      « Quel genre je suis ?! Hum… Le genre à avoir sa place dans un musée, je crois, bien. »

      J’écrasais ma cigarette dans le cendrier devant moi et je laissais tomber contre le dossier de mon fauteuil. Fixant ma tasse de café vide, je continuais la discussion.

      « Je préfère te prévenir tout de suite, les sensations fortes ce n’est plus de mon âge. J’ai déjà failli calquer en montant les escaliers pour arriver jusqu’ici. Alors les courettes et ce genre de conneries, je passe mon tour. »

      Mon regard se dirigea alors vers mon interlocuteur :

      « Je suis un fouille-merde moi. Je cherche sans relâche le moindre indice, la moindre piste qui fera avancer mon dossier. Alors si tu souhaites bosser avec moi, j’espère que tu n’es pas du genre hyper actif. Moi il faut que je pose mes bases, que je collecte le maximum de renseignements. Ensuite je me mets à la chasse aux indices. Comme un clébard cherchant le gibier, moi je gratte, je fouine, je renifle. Le crime parfait n’existe pas ! J’ai appris ce métier avec des vieux de la vieille et j’applique toujours leurs méthodes plus de vingt ans après. Enfin trêve de bavardages, ne faisons pas attendre la patronne sinon elle risque de nous chier une pendule ! Allons voir ce qu’elle nous a dégoté comme mission. »

      J’embarquais avec moi mon fidèle calepin et un crayon, voilà mes meilleures armes depuis toujours.

      Nous nous dirigions dans le fond du couloir, là où les têtes pensantes avaient leurs bureaux.

      «  Agent Sterling – Chef d’équipe du groupe 2 »

      Je frappais deux coups secs sur la porte vitrée avant d’entrée dans la pièce. Notre responsable nous attendait, elle avait déjà plusieurs dossiers disposés devant elle.

      « Asseyez-vous messieurs. J’ai réussi à nous récupérer un dossier prioritaire, venant directement de la direction. Je vous fais un rapide topo. Un officier de la Marine, le commandant O’Nell en fonction au QG d’East blue, a été découvert gisant dans son sang à l’intérieur de son bureau. À ce stade je n’ai rien d’autre à vous dire. Juste que pour le moment, l’hypothèse du suicide est totalement exclue. Tenez, j’ai ici son dossier avec ses états de services, vous allez rapidement comprendre que ce personnage était assez fantasque. Au vu des éléments collectés par la Marine, la piste la plus probable est que ce soit quelqu’un de chez nous qui à fait le coup. »

      La cheffe d’équipe se redressa subitement :

      « J’ai dû batailler sévère avec l’Administrateur pour pouvoir récupérer ce dossier et ainsi couper l’herbe sous les pieds des autres chefs de groupe. Je suis ici pour prendre du galon, et je n’oublie jamais ceux qui m’ont aidé. J’ai lu vos états de service en long en large et en travers, je sais que vous n’allez pas me décevoir messieurs ! Allez au boulot ! »

      Je me relevais de ma chaise et l’agent Sterling me tendit le dossier du macchabée qu’elle tenait toujours fermement entre ses doigts  

      « J’espère que j’ai bien était clair agent Mills et agent Larenja ?! »

      « Bien reçus cheffe ! »

      Je faisais signe à mon partenaire qu’il était temps de mettre les voiles.

      « Et contactez-moi dès que vous êtes sur place. »

      Bordel, moi qui pensais pouvoir faire les choses à mon rythme ici, j’avais à présent sur le dos une carriériste de premier ordre.
        Silencieux, je le regarde quitter la pièce pour rejoindre à nouveau notre chef d’équipe. Souvent impassible, mon visage affichait un léger sourire à la vue de l’agent Mills qui prenait avec lui un calepin. Nous apparaissons comme deux profils relativement similaires, mais il paraît bien plus énergique que moi. Plus rude et expérimenté également. Sans mentionner le fait qu’il parle beaucoup. Mais en tout cas, c’est positif. J’ai hâte de débuter notre mission.

        A ce sujet, notre entrevue avec l’agent Sterling nous permet de savoir plus exactement l’objectif de notre mission. Soit-dit en passant, je suis confus sur la raison qui l’a poussée à nous convoquer au lieu de simplement nous remettre le dossier dans notre bureau. Peut-être une manœuvre d’autorité - comme en témoigne sa résistance lorsque mon partenaire essaie tant bien que mal de lui prendre le dossier des mains.

        Revenus à notre bureau, nous consultons aussitôt le dossier pour en connaître tous les détails. La conscience professionnelle de l’agent Mills est tout à son honneur : j’avais pris l’habitude d’être le seul à parcourir méticuleusement les dossiers, les autres agents préférant directement se rendre sur le terrain. Ce n'est cependant pas son cas. Le regard d'une personne attentive ne trompe pas.

        « Il s’agit donc du meurtre d’un officier dans son propre bureau ? Intriguant. Parvenir à assassiner un  commandant au sein même du QG de la Marine paraît irréel. »

        Je soupire longuement en m’attardant avec lassitude sur les différents détails du dossier transmis par l’agent Sterling. East Blue est chapeautée par la Sous-Amirale Debossah Bii, sur laquelle j’ai un peu enquêté par le passé. Une personne extravagante qui ne me plaît pas, mais qui est incontestablement une femme de poigne et aspirant à l’ordre.

        « Si une enquête a été menée et qu’elle a conclu qu’un Marine était probablement impliqué, alors nous pouvons peut-être partir du principe qu’il ne s’agit pas d’une personne trop influente. »

        Il ne s’agit là que d’une simple supposition qui n’exclut aucunement les officiers supérieurs, mais s’il fallait dresser une situation préliminaire, alors j’opterais plutôt pour un proche, un collègue de rang similaire ou un quelconque rival.

        « Nous verrons sur place, de toute manière. Je pense que nous devons partir au plus tard demain ». Je marque une petite pause alors que j’ordonne quelques affaires de mon côté du bureau, puis lève légèrement mes yeux par-dessus mes lunettes pour regarder l’agent Mills. « Vous l’avez entendu, n’est-ce pas ? L’agent Sterling. Elle nous a totalement étudié, et elle semble avoir une totale confiance en nous pour cette affaire. Vous devez avoir quelques beaux faits d’armes derrière vous, je me trompe ? »

        Je continue, par ailleurs, à le vouvoyer. Il m’est difficile de tutoyer les gens, il devra s’habituer.
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        J’écoutais mon partenaire avancer ses premières hypothèses tendit que mon regard était braqué le stylo qui je faisais passer de doigt en doigt.

        Pour le moment, il ne faisait qu’enfoncer des portes ouvertes, rien de très passionnant de prime abord. Pourtant, c’est un passage obligatoire pour chaque enquête, cela faisait partie intégrante de la méthodologie. Un bon enquêteur ne doit jamais écarter une piste, même si cette dernière peut paraitre grotesque ou totalement inadéquate sans avoir au préalable travaillé sérieusement dessus.

        Ce n’est un secret pour aucun limier, que parfois les crimes les plus complexes ont finalement les mobiles les plus futiles. La jalousie était sans doute le meilleur exemple, existant depuis la nuit des temps.

        Toutefois, j’avais besoin, avant toute chose, de pouvoir m’imprégner du dossier. J’étais dans ce genre-là d’enquêteur, il fallait que je me plonge corps et âme dans la vie de ma victime, de comprendre qui elle était et ce qu’elle faisait. Mais, pour ça, il n’existait pas trente-six solutions, il fallait que je puisse potasser le dossier dans de bonnes conditions.  

        « Vous l’avez entendu, n’est-ce pas ? L’agent Sterling. Elle nous a totalement étudiés, et elle semble avoir une totale confiance en nous pour cette affaire. Vous devez avoir quelques beaux faits d’armes derrière vous, je me trompe ? »

        « Première chose, je suis obligé de me lever chaque nuit pour aller pisser, alors le vouvoiement cela me rajoute une décennie dans la tronche. Nous sommes partenaires n’est-ce pas ?! Appelle-moi Jefferson, ou alors Mills. Les conneries de doubles identités cela n’a jamais était mon fort moi, nous ne sommes pas au CP09 ou en opération sous couverture. »

        Je piochais dans mon paquet une cigarette que j’allumais dans la foulée pour reprendre le fil de la discussion.

        « Deuxième chose, concernant mes faits d’armes, je ne te cache pas que je suis assez fier de deux ou trois enquêtes qui ont réussi à me tenir en haleine pendant parfois de longs mois. Mais, gardes en tête qu’au final, mise à part une lettre de félicitations et une poignée de main, l’administration ne m’a jamais rien offert d’autres en retour, la preuve je suis encore un simple agent après toutes ces années. Bon, OK, je suis mauvaise langue, car je déteste à avoir à gérer les autres. Mais, si tu veux tout savoir, je travaille uniquement pour moi. Je fais ce taf, car c’est dans mes tripes et cela me colle à la peau, de toute façon je ne sais rien faire d’autre. »

        Je soufflais un grand nuage de fumée en m’interrompant quelques secondes

        « Mais je peux comprendre que son discours a réussi à flatter ton égo, c’était l’objectif, je pense. Mais, je pense que tu as bien compris à quel genre de personnage nous avons à faire. Inutile, donc de te mettre en garde, car quand ce genre de personne se brule les ailes dans son ascension, généralement elle entraine tout son entourage avec elle. »

        Mon esprit commençait à divaguer dans une époque lointaine, je me souvenais de cet administrateur qui avait lui aussi les dents qui rayaient le parquet. Et quand il avait fini par se griller à vouloir trop en faire, il avait entrainé avec lui bon nombre d’excellents éléments dans sa chute.


        « Bref, passons, j'ai l'impression de radoter comme un vieux sénile. Rendez-vous demain à la première heure si tu le veux bien. Nous aurons tout le loisir de potasser le dossier pendant le trajet, je pense que nous ne serons pas trop de deux pour cette enquête. Ce n’est pas chose courante un commandant qui se fait dessouder dans son bureau. Mais j’ai besoin d’avoir la tête claire, et pour ça, rien ne vaut une bonne nuit de repos. »

        Je me relevais de mon siège, j’écrasais ma cigarette avant de prendre mon impair.

        « Agent Laranja, mes respects. Profite bien de ta dernière nuit paisible, quelque chose me dit que cette enquête ne sera pas de tout repos. »

        Je quitter les lieux sans demander mon reste, bien trop de monde à mon gout entre ces murs. C’était limite oppressant pour moi, j’avais besoin de respirer un peu. Après avoir quitté l’édifice, je me dirigeais vers une petite rue parallèle, j’avais eu à l’époque mes habitués dans ce quartier où étaient présents nombre de troquets.  

        Je poussais la porte du premier établissement que je croisais. L’endroit était plongé dans la pénombre, le mobilier hors d’âge et cela sentaient le renfermer. En somme, le genre d’endroit que j’appréciais par-dessus tout. Ici pas de brouhaha, ni de gens pour vous tenir le crachoir, loin du tumulte de la ville c’était un îlot de tranquillité.

        « Patron, tu as quoi en stock pour remettre un vieux briscard comme moi en selle ?! »

        J’avais besoin de quelque chose pour me remettre les idées en place. Il fallait que je retrouve au plus vite le rythme, mon rythme. Hors de question de me faire dépasser par la nouvelle génération. J'avais moi aussi ma fierté, et je comptais bien montrer à mon jeune partenaire que les vieux cons comme moi pouvaient toujours tenir la route.



          Il n'en démord pas avec son vouvoiement. Mon sourcil s'arque alors que je pose mon regard sur lui. Un regard exaspéré quoique amusé. Je lâche un soupire et m'écrase doucement sur le dossier de mon siège avant de hocher doucement la tête.

          « Soit. Accomplissons notre mission avec succès et j’arrêterais de vous vouvoyer, agent Mills. »

          Un contrat plus qu’équitable à mon avis. De toute manière, il ne va pas en démordre. Les personnes dans son genre ne lâchent rien, et encore plus les petites futilités dans ce genre. Un trait de caractère qui a sa place dans notre domaine, néanmoins, je ne vais donc pas non plus me plaindre.

          « Il n’était pas question d’égo. Il s’agissait d’une observation. Je connais mon dossier et mes réalisations. Elles sont honorables, mais pas de quoi miser sa carrière dessus. La conclusion la plus rationnelle est donc qu’elle a trouvé chez vous un moyen d’être promue. »

          Pour le moment, je ne savais pas comment tenir compte de cette information. Je pense que travailler en collaboration avec l’agent Mills me permettra de mieux comprendre la situation. Pour l’heure, je vais rester prudent à propos de l’agent Sterling. Là où mon partenaire dit vrai, c’est qu’elle risque de nous entraîner dans sa chute au moindre problème. Ça ne fait que me mettre encore plus sur le qui-vive.

          « Bonne soirée, agent Mills. Rentrez prudemment. »

          Hum ? Il est déjà parti. Il apparaît en hurlant, parle énormément et disparaît à toute vitesse. Je sens que je vais devoir suivre son rythme lors de notre mission. Non pas qu’il semble négligeant, mais son esprit a l’air d’être beaucoup plus jeune que son corps. En son absence, je comptais lire quelques rapports le concernant. Connaître son histoire et ses habitudes... mais je m'en dissuade pour une raison qui m'échappe. Après tout, j'en saurais plus demain sur lui, non ? Les affaires de meurtre, ça rapproche les agents du Cipher Pol, c'est bien connu. Pour ce soir, je vais me contenter d'éplucher les dossiers de missions. Je ne compte pas attendre demain pour ça.

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