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Une belle poignée de Berrys

Rappel du premier message :

Une longue nuit venait de s’écouler. Longue nuit durant laquelle la flotte des Sandstorm Pirates s’était organisé conformément au plan. Djaymily avait attendu l’appel de son capitaine des heures durant, et d’âpres ses calculs, ce dernier devrait logiquement apparaître de façon imminente, à bord du Loup Solitaire, alourdit d’un fameux butin. Quatre jours. Voilà quatre jours que la jeune femme à la chevelure cendrée n’avait pas eu de nouvelles du sablonneux. Quatre jours, c’était également le délais estimé par Anton Finzz entre le début du braquage du casino « Le Crocoalia » et l’arrivée d’Azerios à l’embouchure du canal. Autant dire que les opérations ne tarderaient pas à être déclenchées. Profitant du récent passage des troupes de l’ex Corsaire Glutonny et du chaos qui en avait résulté, la jeune femme avait donné les directives et une partie de l’équipage s’était mêlé à la population de Nanohana avec pour objectif de semer le chaos à l’instant propice. L’autre partie se trouvant avec elle au large, non loin des quais de Nanohana, prêts à faire parler les canons. Plus tôt dans la journée, passage en revue des défenses côtières, quelques batteries de canons postés sur différents bâtiments, des cibles prioritaires lorsque l’assaut débuterait. Également quelques navires de patrouille, faiblement armés, rien que les Ailerons Perfides ne puissent saboter, profitant de l’obscurité latente les hommes poissons étaient d’ailleurs déjà à la manœuvre, prêts à intervenir au signal. Tout le monde semblait en position, même L’Iron Fleet, qui devrait débarquer en masse par voie terrestre dès lors que les premiers coups de canons seraient tirés. L’objectif ? S’en mettre plein les poches bien sûr, mais surtout couvrir l’embouchure du canal et la fuite du Capitaine des Sandstorm pirates.

Perchée à la proue de L’Indompté, Djaymily patientait, immobile, concentrée, la main sur sa petite montre à gousset, l’œil attentif à la petite aiguille qui ne cessait de tourner. Même si l’attaque se voulait soudaine et que l’effet de surprise semblait garanti, ils ne pourraient pas tenir le siège de la ville bien longtemps, le timing demeurait donc plus qu’important. Rompant le silence pesant, Elio arriva alors.


Tout le monde est prêt Djay’.. plus que prêt même… annonça le jeune navigateur.

Bien. Pas le droit à l’erreur aujourd’hui, vraiment pas le droit à l’erreur. Les Mad Guys sont en place ?

On a répété encore et encore… Ils sauront quoi faire.

Parfait. Hé bien allons-y ! répondit Djaymily en rangeant sa montre à gousset.


La jeune femme aux cheveux cendrés tourna les talons et traversa le pont jusqu’à la barre en silence. Scrutant les alentours, tout semblait effectivement en ordre. Le Noirsillage, L’Impardonable, L’Etincelle et Le Démolisseur, pavillon noir dissimulé, se trouvaient parmi d’autres navires marchands dans la baie. Dégainant sa montre à gousset, elle jeta un nouveau regard à l’heure avant de pester. L’Iron Fleet aurait déjà dû lancer les festivités, empoignant la longue vue elle la dirigea en direction des navires d’Izumi qui semblaient inertes. C’est alors que les premiers coups de canons furent tirés, les échos retentissant à quelques encablures de L’Indompté. Repliant la longue vue, Djaymily se tourna alors vers les hommes présents sur le pont.


Mesdames ! Messieurs ! Hissez nos couleurs et préparez vous à faire parler les canons !!


Et tout le monde s’activa, le pavillon noir flotta bien vite au dessus des navires, les écoutilles s’ouvrirent à la volée, laissant apparaître les canons. Et avant même que Djaymily n’ait le temps de donner ses directives, certains navires avoisinants prirent feu : les Ailerons perfides venaient d’entrer en scène. Les bateaux Sandstorm Pirates déchaînèrent les enfers sans attendre, faisant feu à volonté sur le port de Nanohana, visant en priorité les bâtiments où se trouvaient l’armement de défense du port. En quelques instants, la baie s’embrasera et les quais de la ville se mirent à trembler sous les explosions.

Prenant le commandement de troupes destinées à débarquer pour se joindre à la fête, Djaymily, accompagnée de Nox, grimpa à bord d’une chaloupe et les hommes se mirent à ramer sans perdre une seule seconde, couverts par le feu nourrit de L’Indompté et du reste de la flotte. Les défenses du port se mirent à riposter, tirant à leur tour, emportant l’une des chaloupes avec fracas. Mais malheureusement, ils ne semblaient pas faire le poids face à la coalition des Sandstorm pirates et de l’Iron Fleet. Terre ferme atteinte, Djaymily s’empressa de débarquer avec des troupes et se joignit au combat. Les canons changèrent leur orientation afin de viser la ville dans sa globalité mais surtout la cime des bâtiments les plus hauts. La jeune sniper rassembla alors ses hommes.


En avant ! Servez-vous et surtout.. pas de quartier !


Se déversant dans les rues, les Sandstorm pirates se heurtèrent bien aux premières poches de résistance. Si les défenses côtières du Royaume d’Alabasta n’étaient pas très importantes, leur armée elle était titanesque. Dégainant sa carabine, la jeune femme lança les hostilités et la ruelle sombra dans le chaos, l’assaut sur Nanohana était bel et bien lancé. Un peu plus haut en ville, les Mad Guys passèrent à leur tour à l’action, faisant exploser différents points de la ville afin d’accentuer la terreur et de laisser le champ libre aux autres pour le pillage. S’attaquant aux comptoirs commerciaux, bijouteries et autres cibles de valeurs, les Sandstorm pirates s’adonnèrent au pillage le plus primaire, chose promise par leur capitaine, chose due. Et plus les minutes passaient, plus les soldats continuaient d’affluer pour se joindre au combat et Djaymily poursuivait sa progression aux côtés de Kutcham. Submergé par le nombre, ce dernier finit par disparaître du champ de vision de la jeune femme qui fut contrainte de reculer puisque débordée à son tour.

À mesure que l’assaut gagnait en intensité, les soldats continuaient d’affluer en grand nombre. Les tirs de canons pleuvaient, causant de lourds dégâts aux bâtiments. La partie portuaire de la ville était désormais changée en véritable zone de guerre. Djaymily s’était retranchée sur une placette, éliminant chaque soldat qui commettait l’erreur de tenter un passage en force. Munitions de sa carabine bientôt épuisées, la jeune femme se mit à maudire son capitaine avant de reculer d’avantage en direction des quais. C’est alors qu’une explosion souffla un bâtiment, emportant toute la façade et la jeune sniper en même temps. Complètement sonnée, se relevant tant bien que mal et privée de son arme, elle fut rapidement neutralisée par un soldat. Ce dernier écrasa son bras de son pied, leva sa lame pour porter un coup meurtrier à la jeune femme mais il n’en fit rien, retombant soudainement inerte juste à côté d’elle. Djaymily remarqua alors que son agresseur venait fraîchement d’être gratifié d’une balle entre les deux yeux, faisant volte face, c’est à cet instant qu’elle comprit ce qui se passait avec soulagement : Azerios venait d’arriver.


T’as faillit te faire attendre… soupira la jeune femme en ramassant sa carabine.

Tu plaisantes j’espère… On est pile dans les temps. rétorqua le sablonneux, son corps granuleux se rematerialisant aux côtés de son quartier maître.

Rainbase ? Ça à donné quoi ?

Aussi bordélique qu’ici je dirais… Mais on a réussi. précisa Azerios avec un sourire.


Leur escapade sur Rainbase avait bien entendu mal tourné, mais ils étaient parvenus à s’échapper avec le magot avant de redescendre le canal comme prévu. Épaule gauche en charpie et fatigué d’avoir livré bataille deux jours plus tôt et peu dormi, le sablonneux dégaina Griffon et la pointa vers les rues de Nanohana.


Le Loup Solitaire est en passe de prendre le large, Reyshu veille sur Finzz. Allons prendre ce qu’on peut avant de sonner la retraite.

Entendu.


Tous deux s’élancèrent dans une ville à feu et à sang. Première étape de leur pillage derrière eux, ils n’auraient certainement que peu de temps avant que les forces du Royaume ne les submergent, le capitaine des Sandstorm Pirates ne se dégonfla pas pour autant lorsqu’il tomba nez à nez avec un régiment de soldats et malgré ses blessures, il se lança dans la mêlée prêt pour un deuxième round.
    Décidément je n’étais pas au bout de mes surprises ! Mais c’est quoi ce gus ?!

    Alors que la situation était totalement désespérée et l’issue inévitable dans ce chaos ambiant. J’avais eu la chance ou la malchance de tomber sur le type le plus barré que le monde avait engendré.

    Pourtant, j’avais de l’expérience dans ce rayon ! Ce n’est pas ce qu’il manquait sur Rokade des énergumènes qui avaient totalement débloqué et étaient à présent en total roues libres ! Mais là bordel de merde, cela dépassait l’entendement. Il se dressait là, devant moi à me hurler des ordres tout en balançant des tonnes de gravats à tout va ! Alors que je ne le connaissais ni d’Eve, ni d’Adam, couvert de blessures et de sang. Un homme normalement constitué aurait déjà eu l’occasion de crever cinq ou six fois avec de pareilles blessures. Mais lui, non ! Il était toujours solidement fixé sur ses deux poteaux, tel un phare faisant face à une mer déchainée.

    Je dois avouer que sa détermination et sa hargne à accomplir sa funeste tâche me laissèrent un moment pantois ! Il se dégageait de lui une telle férocité couplée d’une puissance brute que je ressentais en mon for intérieur mon sang bouillir. C’était à n’en point douter, un guerrier des plus impitoyable tout à fait le genre à broyer des tibias et des mâchoires au petit déjeuner. Cette enflure me plaisait en tout point !

    Balayant intérieurement mon envie d’en découdre avec ce bougre, et surtout n’ayant aucune autre alternative pour m’en sortir. Je me plaçai à ses côtés pour le soutenir dans son génocide. Je n’avais pas la moindre idée de ce qu’il faisait là et encore moins son véritable but. Mais il mettait tellement d’ardeur à vouloir recouvrir un millier de soldats avec de la roche que je me pris rapidement au jeu sans poser la moindre question. D’autant plus qu’il montrait clairement, qu’il prenait son pied à écraser ses adversaires comme de vulgaires moucherons.

    Je dois dire qu’après avoir expérimenté deux ou trois lancées, c’était plutôt grisant comme sensation. J’avais l’impression de me battre contre des fourmis ! Le plus difficile dans l’histoire, c’était de trouver un rocher suffisamment grand et solide pour faire le maximum de dégâts. Le reste ce n’était qu’une partie de plaisir. Il faut dire qu’en face, nous n’avions pas vraiment les couteaux les plus aiguisés du tiroir. Je n’arrivais pas à savoir si nos adversaires étaient stupides ou alors totalement lobotomisés par leurs officiers. Ils arrivaient par vagues, pour finir écrabouiller dans le meilleur de cas. Cela en devenait limite flippante, comment pouvaient-ils mettre autant d’ardeur à courir vers leurs propres morts ? Cela dépassait totalement mon entendement.

    J’avais une conception bien à moi de la bravoure et du courage, mais ce que je voyais devant moi n’avait rien à voir avec ça ! Plus je les voyais venir se faire ratatiner par nos projectiles, plus j’éprouvais du dégout pour eux. Ce n’était en somme même pas des hommes, mais de vulgaires cafards nés pour crever sous la semelle d’une chaussure.

    Malheureusement, toutes les bonnes choses ont forcément une fin. Je jetais de temps en temps un œil dans sa direction et il semblait montrer de plus en plus de signes de faiblesses. Comme quoi, même ce monstre avait finalement ses limites… D’autant plus qu’en face de nous, nos ennemies se regroupaient et je pouvais voir à leurs têtes la combattante qui m’avait tenu tête.

    J’avais aussi perdu de vue Trembol et le groupe de combattants qui étaient venus jusqu’ici avec moi dans toute cette confusion. Mais impossible pour moi dans mon état et au vu de la concentration d’ennemies au mètre carré de partir à leurs recherches. C’était un gars rudement solide et avec un cerveau, j’avais donc l’intime conviction qu’il avait réussi à trouver une échappatoire à cet enfer de sable.

    D’ailleurs en parlant de sable, celui qui semblait être le principal fauteur de trouble était venu à notre rencontre pour nous proposer de le rejoindre dans son projet de fuite.

    Je ne pris même pas la peine de répondre, ce type ne m’inspirait absolument aucune confiance. Je ne savais pas comment l’expliquer, mais quelque chose clochait chez lui. J’avais appris depuis peu à me méfier des belles promesses… C’était sans doute la pire chose à faire dans ce bas monde, prendre pour argent comptant la parole d’un pirate. Je crois que dans ce domaine, seule la Marine pouvait faire jeu égal question fourberie et traitrise.

    Pourtant, c’était peut-être là, la seule occasion pour moi de réchapper vivant de cette île de malheur. Mais je préférais encore une fois rester l’unique maitre de mon destin, même si cela devait me conduire tout droit vers une mort une certaine.

    Faisant signe à mon compagnon d’infortune, je partais dans la direction opposée du port. Partant du principe que le gros des soldats était maintenant masser dans cette zone, si nous arrivions à sortir de ce périmètre alors nous avions potentiellement une chance de survie.

    Les rues se suivaient et se ressemblaient, c’était partout le même chaos. Les bombardements avaient fait des ravages dans les habitations, un nombre incalculable de rues étaient totalement bloquées à cause des éboulements et des flammes. Je croisais ici et là des soldats en perditions qui n’offraient qu’une résistance symbolique. Les avenues étaient jonchées des corps des assaillants et des défenseurs, j’aurais été curieux de connaitre le chiffre exact du nombre de victimes. Ce mystérieux pirate des sables n’était décidément pas allé de main morte dans son assaut. Il devait forcément avoir un compte à régler avec les autorités locales pour avoir mis autant de moyens.

    Mon instinct ne m’avait pas trompé finalement, au détour d’une rue, je tombais avec mon partenaire sur un escadron de soldats en prise avec un groupe d’assaillants. Et à leur tête je reconnus immédiatement Trembol et son style de combat si singulier. Une fois le menu fretin mis en déroute, nous étions maintenant un groupe d’une soixante de pirates en vadrouille.

    Mais d’après les informations du samouraï, il était préférable de repiquer vers les quais que de continuer tout droit. Une légion entière de soldats se pointait droit vers et à première vue nous étions parmi les rares intrus encore présents ici.

    La bouche remplie de sable, j’avais la gorge sèche. Je crachai au sol en maudissant les dieux de nous avoir foutu dans un merdier pareil. Nous n’avions plus qu’à rebrousser chemin à présent en espérant de ne pas finir par être pris en tenaille. Le chemin retour s’effectua non sans heurts, les patrouilles de soldats se multipliaient au fur et à mesure de notre progression. Je n’avais bien évidemment pas le plan de la ville à ma disposition, mais le champ des possibilités se réduisait comme peau de chagrin.

    Une fois revenu sur les quais, à seulement quelques centaines de mètres de l’épave de notre cuirassé, je découvrais enfin une lueur d’espoir dans toute cette obscurité.

    « Une ancre ! Là-bas ! Il me la faut ! C'est une question de vie ou de mort ! »

    Ne prêtant absolument aucune attention aux mises en garde de Trembol, je me précipitais près de la carcasse d’un navire marchand qui avait certainement dû croiser la route de notre bâtiment de guerre. Il avait été littéralement projeté contre la devanture d’un commerce, m’offrant ainsi la possibilité de récupérer à nouveau une sublime ancre. J’avais eu un bon feeling en maniant sa sœur jumelle quelque temps auparavant.

    « Tu n’as vraiment rien d’autre à foutre que de faire les poubelles pour récupérer de la ferraille ? ! Tu as conscience que notre seule chance de survie à présent c’est de se taper la traversée d’une putain de désert ? Et toi, tu ne trouves rien de mieux que de ramasser une putain d’ancre qui doit facilement peser 200 kilos ! »

    « Qu’est-ce que tu veux ! Je me sentais nue sans elle.. Regardes comment elle est belle ! Bon, et maintenant on fait quoi ?! »

    « On fonce en direction de la porte-Ouest de la ville, avec un peu de chance on arrivera à passer entre les mailles du filet et après… ce sera le désert avec toutes ses conneries... »

    Mon nouveau partenaire de jeu grogna quelques mots à côté de moi. Il ne semblait pas vraiment enchanté à l’idée de se taper la traversée de cette mer de sable.

    « Si tu veux, libre à toi d’essayer de te barrer d’ici à la nage… Mais perso je préfère tenter ma chance sur la terre ferme. Plutôt crever en affrontant une armée avec seulement ma bite et mon couteau que de finir becté par des poissons à la con  ! »

    Je posais mon ancre sur l’épaule et commençais à prendre la tête de ce groupe de bras cassés. J’étais de toute façon convaincu que cet ours des cavernes allait me suivre sans broncher, lui et moi étions faits du même bois.

    « Et de toute façon, si toute cette vermine en armure a réussi à faire le trajet jusqu’ici, alors cela ne devrait pas nous poser de problème. Car non de dieu, qu’est-ce qu’ils sont mauvais en bagarre ! Je me suis rarement fait aussi chier de ma vie. »
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    Olek suivait la troupe de joyeux lurons sans vraiment trop comprendre ce qu'il se passait, ils dévalaient les rues détruites, enjambaient corps et gravas qui jonchaient les pavés, ajoutant à chacun de leur passage un peu plus de destruction et de morts dans une ville qui n'avait pas encore dit son dernier mot. Ils étaient pourchassés plus qu'ils ne chassaient, les soldats du royaume se regroupaient, les renforts arrivaient, et c'est en revenant sur le quai qu'Olek remarqua, dans un éclair de lucidité, que les véritables responsables de tout ce merdier s'étaient déjà tirés. Ça puait la poudre d'escampette à plein nez tellement leur retraite avait été minutieusement préparée. Le colosse se maudit, lui et son compagnon de fortune, de ne pas avoir accepté l'offre du sablonneux. C'était les risques du métier, se dit-il en relativisant, une petite moue réprobatrice sur le faciès ne manqua pas d'apparaitre alors qu'il regardait le leader de cette équipe de vauriens courir comme un gosse pour récupérer une ancre.

    Olek peinait à réfléchir, son état était critique avec tout le sang qu'il avait déjà perdu, la seule bonne note dans toute cette cacophonie était qu'il avait largement eu le temps de décuver. Mais au vu de leur situation, il n'était plus si sûr de vouloir le rester. Non pas qu'il cherchait à fuir la réalité, mais plutôt qu'il trouvait sa triste de finir sa vie sobre. Le colosse avait toujours imaginé qu'il crèverait au bout du monde dans un éclat de rire démoniaque, sur une montagne de cadavres, transpercé par des dizaines de lances. La mort qui semblait l'attendre d'ici quelques minutes était beaucoup moins glorieuse, il ferait tout au plus la une des journaux. Olek grogna dans sa barbe à cette idée, il était hors de question de finir ainsi ses aventures. Il revint au présent alors que Jack s'adressait à lui, proposant une traversée du désert comme seule alternative.

    - Du coup j'ai pas tout compris, ton ancre ? C'est ta bite, ton couteau ou elle fait les deux ?

    Rigolant à sa propre blague et crachant du sang en même temps, il se saisit d'un mât de bateau cassé et le posa sur son épaule, calquant la dégaine de son leader du jour. Ils devraient faire une percée à travers l'armée, créer un véritable miracle pour atteindre la porte ouest, Olek userait de ses dernières forces pour aider son faux jumeau et sa clique de dégénérés. Tous s'armèrent de ce qu'ils pouvaient trouver sur le sol, lances, boucliers, épées, certains trouvèrent même quelques pièces d'armures à leurs tailles et encore en bon état sur les cadavres alentour. Le colosse déchira en plusieurs morceaux la voile de son mât et s'en servit comme bandages précaires qui se tintèrent de rouge beaucoup trop rapidement à son gout. Il trouva un casque et un plastron pour terminer sa tenue, fin prêt, il se retourna vers ces gueux qui seraient probablement ses derniers compagnons de voyage.

    À la vue de cette clique pittoresque, il ne put que se fendre la gueule dans un éclat de rire tonitruant, très vite suivi par toute la troupe, tous aussi ridicules les uns que les autres, ils riaient autant d'eux que de la mort qui les attendait. La peur était visible dans leurs yeux, presque palpable, mais cette saloperie était leur femme depuis le jour où ils avaient pris la mer, elle ne les avait pas arrêtés lors, elle ne les arrêterait pas non plus aujourd'hui. Olek fit un signe de tête à Jack tandis qu'une troupe de soldats s'approchait rapidement, rejoint par des dizaines d'escouades, une véritable petite armée s'approchait. Le calme retrouvé, la ferveur du combat et du dernier espoir animait à présent chacun des pirates présents, le colosse leur adressa la parole.


    - JE VAIS LE DIRE QU'UNE FOIS ! JACK ET MOI ON VA ÊTRE LA POINTE DE LA LANCE, ON VA TRAVERSER CES MISÉRABLES SANS JAMAIS S'ARRÊTER, UNE DERNIÈRE CHARGE AU TRAVERS DES RUELLES ET JUSQU'AU DÉSERT. SI VOUS TOMBEZ, PERSONNE NE VOUS RELÈVERA, ON NE S'ARRÊTE SURTOUT PAS ! NOTRE SEULE CHANCE EST D'USER DE NOTRE PUISSANCE ET DE NOTRE VITESSE ! OUI ILS SONT NOMBREUX, MAIS LEUR AVANTAGE EST INUTILE SI ON GARDE CETTE FORMATION ! ON NE S'ARRÊTE POUR RIEN NI PERSONNE ! UN PUTAIN DE BOULET DE CANON BANDE D'ENFOIRÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉS !

    Et il était parti, dans une petite foulée cadencée aux premiers abords pour permettre à tout le monde de prendre le rythme, puis de plus en plus rapide, sans un regard en arrière. Il hurla à la mort et entendit son cri de guerre être repris par des dizaines de voix derrière lui. Une pointe de fierté ou d'excitation naquit dans son bas ventre, ils étaient pas si mal pour une meute d'idiots.  Olek tenait de ses deux bras puissants son mât à l'horizontale comme une lance, ses muscles saillants semblaient prêts à craquer sous l'effort et ses veines pulsaient au rythme de sa course effrénée. Il vit du coin de l'œil un Jack le talonner, le visage défiguré par la rage et le plaisir, son ancre brandie telle une massue géante.

    Les soldats du royaume, aussi entrainés, fusent-ils, n'avaient jamais été préparés à ça. Couplés avec la fatigue des combats, la tristesse de leurs compagnons morts et de leur belle ville détruite, beaucoup affichaient une mine défaitiste, éreintée. Leur haine cependant n'avait d'égale que la ferveur de l'ennemi et ils ne baisseraient jamais les bras. Il s'agissait de leur foyer, de leur patrie, ils la défendraient jusqu'à la fin. Aucun d'entre eux ne recula, ils prirent la charge des pirates en pleine gueule.

    Ce fut le début d'une course aussi effrénée qu'ensanglantée, pour les deux camps. Jack et Olek tenaient bon sans jamais ralentir, ils fonçaient tout droit comme deux buffles enragés, pivotaient dans des dérapages forcés lorsqu'il le fallait, défonçant de leurs corps gigantesques et armes de fortunes tout ce qui se mettait en travers de leurs chemins. Un nuage de poussière les accompagnait semblable à l'aura de mort qui planait sur le groupe et le reste de la ville. Les Défenseurs figurèrent leur manège et s'organisèrent de plus en plus rapidement, une cavalerie fraichement arrivée se mit à les harceler par l'arrière, tranchant dans leurs rangs comme dans du beurre. S'arrêter signifiait la mort, la seule chose que les deux colosses pouvaient faire était de ne pas flancher, de ne pas ralentir.

    La porte ouest fut finalement visible, et contre toute attente elle était ouverte, en grand. Aucune barricade, aucune armée, aucun accueil. Seule, la liberté les attendait à bras ouverts, à quelques mètres seulement. Ils survivraient ! Les soldats qui les poursuivaient ralentissaient également petit à petit pour complètement s'arrêter et ranger leurs sabres.  Trop fatigués pour réfléchir ou pour simplement voir plus loin que le bout de leur nez, les pirates traversèrent les portes dans un hurlement de joie et s'engouffrèrent dans le désert.


    S'ils s'étaient retournés, ils auraient vu les portes se refermer immédiatement, et des centaines de soldats prendre place sur les remparts. La commandante Tamila rejoignit ses troupes en compagnie de Dagathar, tous observaient d'un œil noir, mais avec un sourire sadique aux lèvres, la troupe de criminels se faire au loin engloutir par une tempête de sable. Au bout de plusieurs minutes, sans qu'aucune âme ne ressorte de la tempête, l'officier transmit ses ordres à l'état-major.

    - Ces fous n'ont aucune chance de survivre. Que tout le monde se mette à l'abri, ça va souffler fort, le désert n'est pas connu pour sa miséricorde. Pansons nos plaies, nous ferons l'inventaire des dégâts une fois la tempête passée.

    L'heure de pleurer morts et disparus était arrivée. Tout ça pour une poignée Berrys...
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