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Dirty Tahar [FB 1607]

Salut vieux, "vieille" si t’es concernée. T’as l’temps pour une histoire ? Moi j’ai l’temps, prends un fauteuil, d’mande un rhum au mec là-bas et assieds-toi.

Que’qu’part au paradis des nains, un mec s’est planté d’porte au Grand Moment : Mais qu’est-ce que jfous là bordel, qu’y gueule partout, ohé, y a quelqu’un pour m’répondre ?!! Et y gueule, et y gueule comme il a jamais gueulé. Mais toujours, y a personne qu’s’occupe de lui. C’l’inconvénient d’calancher bourré. Tu t’attends à atterrir chez l’grand cornu à barbe, tu t’plantes de lourde à défoncer après avoir écouté l’Grand Passeur t’faire son baratin, et t’arrives dans un bouge miteux peuplé d’gonzes tout juste d’la bonne taille pour t’pomper l’dard si t’étais d’l’autre bord, et d’toute façon occupés à slurper en continu des kils et des kils de c’te boisson pour sissies qui contribue à les rendre aussi larges que hauts. La bière y z’appellent ça…. M’enfin bon. Y voit bien qu’y s’est planté d’endroit, l’mec, mais y sait pas comment résoudre le problème. Crever, y s’en fout, c’tait prévu d’puis qu’il est né. Mais crever pour arriver dans un endroit aussi pourri, merci bien. Pas un rhum, pas une gonzesse baisable à moins d’aimer les barbes, keud’. La grosse loose. L’trente-septième dessous. L’erreur dont on s’remet pas. Alors y tente bien d’se r’suicider une ou deux fois, pour voir si, mais y a rien qui marche : ni les haches en mousse, ni la noyade dans la cervoise, ni l’catch avec les voisins vertical’ment concentrés. ’semble bien qu’on puisse pas clamser quand on est d’jà trépassé.

C’mec c’était moi. C’rêve que j’ai fait c’te nuit-là, j’m’en souviens comme si c’tait hier et pour cause. C’tait un rêve prémonitoire de c’que j’allais vivre une des périodes les plus chiantes de ma putain d’vie. Et jpeux t’dire que des périodes où y s’passe rien, j’en ai vécues. Mais là en plus, le problème c’est même pas vraiment qu’y s’est rien passé… Loin d’là en fait. Nan, l’problème c’est qu’c’que j’ai vécu, j’l’ai vécu en présence du pire furoncle que la Marine ait jamais r’cruté. Pludbus Céldéborde, tu connais ? Bien sûr qu’tu connais, tu connais forcément. Bon, ben j’ai bourlingué avec lui. Alors, ouais, quand jdis bourlingué, ça veut pas dire qu’j’ai traîné avec lui pendant trois ans complets, et heureus’ment pacqu’j’aurais probablement fini pendu sous la hune, mais quand même. Les quelques jours qu’a duré la mission, ça m’a suffit. Quelle plaie ce type bordel. Tout c’que t’as entendu sur lui, c’est vrai. Mais c’est peanuts à côté d’la réalité. Bon, attends j’y arrive. Mais d’abord j’te r’situe l’truc.

J’te parle d’un temps qu’les moins d’quinze ans peuvent pas connaître. J’tais tout jeune à l’époque. Jeunot même. Vingt bouteilles qu’j’avais, ptêt un peu plus en fait, pour cause que j’tais d’jà lieut’nant. Ouais, disons vingt-deux. La Jenv dont j’t’ai d’jà causé, ça f’sait un bail qu’elle m’avait r’mis dans l’droit ch’min d’la carrière maritime. Oubliée la cour martiale, mes supérieurs m’kiffaient et jfilais droit vers les étoiles. Et puis un jour ça m’est tombé d’ssus, au réveil de c’rêve que j’viens d’te raconter. C’tait un tuyau chelou, un pneu comme mon pote d’alors au service des comm’ savait les tourner. J’me souviens encore du texte, ’coute bien, y s’était surpassé pour m’donner la motiv’ :

"Bon, lieut’nant, c’ton jour de chance. Marie-Joa t’envoie Sa Décrépitude Suprême, le Vice-amiral le Chieur en personne, pour t’évaluer. Bonne merde vieux. Oublie pas qu’le p’loton d’exécution c’est qu’quinze secondes de douleur. T’as cinq jours pour t’tirer. Adieu, Tahgel."

A propos d’gueule, j’avais la pire gueule de bois d’toutes mes années sur South. M’évaluer ? De quoi m’évaluer ? D’puis quand on évaluait les gens comme ça ? J’ai passé la matinée à m’poser c’te question. ’reus’ment qu’on était à terre et qu’y avait rien à glander, j’aurais rendu trois fois mon poids en fluides divers avec le roulis. Et puis j’ai eu la dalle. Sur l’coup d’trois heures jsuis sorti d’ma piaule chercher un truc à grailler à la cantine du QG. Dehors y f’sait un temps d’merde, j’aurais dû m’méfier. Mais j’ai continué. C’quand j’ai causé aux cuistots qu’j’me suis rappelé d’trois trucs super importants :

1°/ Quant tu t’réveilles packe qu’on cogne à ta porte alors qu’il est d’jà midi, s’planquer sous l’plumard d’façon à c’que l’sergent qui t’cherche te voie pas, c’pas une bonne idée.
2°/ Quand on t’dit qu’t’as un délai d’cinq jours sur un message papier qui t’est arrivé comme arrivent tous les autres messages papiers, par les navires postaux, c’pas comme avec les escargophones : le délai d’cinq jours court en général A PARTIR du moment où la dépêche a été écrite, c’qui veut dire qu’en gros il arrive à expiration l’jour où tu lis l’machin.
3°/ Quand t’es Marin ET bourré ET mal accompagné, parfois t’envoies des d’mandes de promotion.

Jsais pas si j’étais encore complèt’ment bourré ou si y avait un couillon qui jouait avec le tocsin, mais j’ai entendu trois cloches sonner, bien fort et une par une, quand l’gars qui m’tendait mon assiette spéciale "décuvage immédiat" m’a dit, dans l’ordre : qu’le vice-amiral Pludbus Céldéborde était arrivé l’matin même pour décider d’si oui ou non j’avais l’potentiel pour dev’nir commandant, qu’on m’avait cherché d’puis lors dans toute la base, qu’y avait un aut’ gars qui m’cherchait pour me r’mettre un ordre de mission.

Là, j’ai commis deux erreurs qu’ont fait que, alors qu’j’étais d’jà dans la merde jusqu’aux aisselles, j’me suis r’trouvé à plus avoir pied d’dans. D’abord, j’ai pas touché à mon assiette magique. Donc j’avais toujours la langue lourde, le crâne qui résonnait, l’ventre à sec et les yeux à côté des orbites. Ensuite, j’ai pensé qu’y valait mieux éviter d’faire attendre cinq petites minutes de plus le Viok plutôt qu’d’aller chercher direct mon affectation. Donc quand j’ai déboulé dans la suite où on logeait les sommités là-bas, jte laisse deviner l’chahut. Nan, tu d’vines pas ? Bon, j’t’explique, suis bien, jvais faire un effort mais ça risque d’être confus vu l’bordel qu’ça a été sur l’moment.

Donnée n°1 : jsuis arrivé en courant. Problème n°1 : les parquets v’naient d’être cirés. Problème n°2 : un mec qu’a pas décuvé a une oreille interne réglée sur le mode "aucun équilibre". Conséquence n°1 : j’ai glissé, j’ai défoncé la porte en essayant d’me ret’nir à la clenche, j’me suis rétamé, j’ai fini sur un dix mètres glisse droit vers l’pied d’la table du salon d’accueil, à côté d’une gerbe qu’était pas faite que des jolies fleurs qui traînaient dans l’vase qu’j’avais foutu par terre.

Donnée n°2 : jsavais pas quelle était ma mission. Problème n°3 : l’vice-amiral, soit la connaissait pas non plus, soit la connaissait et s’la jouait sadique, façon "tu m’as fait poireauter une demi-journée, j’t’enfonce autant qu’je peux". Conséquence n°2 : allongé sur l’sol, le pif en sang et les neurones en miettes, j’avais l’air du plus pitoyable des cons en désintox devant l’mec qui d’vait m’noter.

Donnée n°3 : Pludbus Céldéborde est une raclure de fumier quand y s’agit d’te mettre à l’aise et qu’y t’a dans l’nez. Problème n°4 : j’ai un tempérament. Problème n°5 : j’étais pas frais. Conséquence n°3 : jme suis rel’vé en essayant d’mettre une beigne à mon supérieur croûtonneux, qui s’trouvait bizarrement être le même mec que c’ui qui d’vait m’évaluer.

Ambiance.


Dirty Tahar [FB 1607] 661875SignTahar


Dernière édition par Tahar Tahgel le Dim 11 Sep 2011 - 19:33, édité 2 fois
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 Quinze ans. Pludbus aimait bien cette période de sa vie. Une époque loin de la lourdeur de l'administration, mais toujours au contact des hommes. Il aimait ça. Ça le changeait des fois ou il devait sauver le monde ou bien décider au nom de toute la Marine pour la moindre décision d'importance. Une époque de glandouille à emmerder des bleusailles en somme. Des vacances royales pour un ancêtre parmi les marines.

Petit récapitulatif de la situation de cette époque. Septuagénaire, Pludbus avait encore le plaisir de s'entendre appeler « Vice-Amiral Céldéborde ». Ces années à la tête de la Marine n'étaient plus si près que ça, mais les signes de sa gouvernance était encore bien présents parmi toutes les couches de la marine et cela déplaisait beaucoup les gradés de Marineford. Il n'était plus aussi fort que lors de sa prime jeunesse, mais il avait encore suffisamment de muscle pour balancer de bonnes patates aux récalcitrants. Et puis, il ne tremblait pas encore lorsqu'il visait avec son pétoire favoris. Il n'avait même pas encore à subir les affres de la vieillesse. Certes, il avait un peu mal au dos, il était rouillé et il oubliait souvent des choses plus ou moins vitales, mais il n'était pas encore aussi impotent et décrépi qu'actuellement. Pludbus pouvait marcher droit comme un I, portant fièrement ses vêtements de vice-amiral qui ne le quittait jamais. En fait, du rôle de vice-amiral, il n'avait plus que la classe. Le genre de pouvoir qui fait croire qu'il est puissant et respectable alors que c'est tout le contraire. Il portait les cheveux et la barbe mi-longue ; on était loin de l'hirsute d'aujourd'hui.

Pour les pontes de Marineford, Pludbus était déjà en retraite. On l'éloignait des grandes missions, il n'avait pas vu Grande Line depuis des années. Un haut gradé qui dut s'occuper de son cas décida de le charger des promotions. Le genre de poste de planqué qu'on resserve aux types d'expériences complètement devenues inutiles ; c'était exactement le cas de Pludbus, mais il refusait de l'avouer. Ainsi, depuis quelques mois, il passait son temps à aller de bateau en bateau, jugeant des capacités de ceux qui pouvaient recevoir une promotion pour leur fait d'armes. Plus que des inspections, c'était des vrais supplices pour les candidats. Ce n'est pas que Pludbus avait un tempérament exécrable, c'est juste qu'il aimait nouer une relation,de grands frères avec des marines qui faisait moitié moins son âge. Le genre de grand frère qui instruit son petit frère en profitant de son incommensurable expérience. L'instruction était rarement utile et la difficulté des candidats résidaient dans le fait de jouer la comédie au mieux afin de faire ami ami avec Pludbus qui, au final, leur donnerait leur promotion avec un grand sourire paternaliste. Pour le Vice-Amiral, c'était l'occasion de se montrer utile et de forger la jeune génération pour qu'elle puisse poursuivre son œuvre.

La rumeur voulait que se voir infliger l'inspection de Pludbus fût une punition d'un plus haut gradé que soit qui avait un sacré don contre soit. On le craignait, même s'il était gentil, parce que c'était le cas. Dans le fond, Pludbus était un type un peu chiant, mais assez sympa, qui cherchait pas trop les problèmes et aimer qu'on le brosse dans le sens de son poil.

Il y a donc quinze ans.
Pludbus était arrivé un peu en retard à la base de la marine. Il avait dû faire des pieds et des mains pour trouver un bateau qui le conduirait à destination. Aucun capitaine censé n'avait voulu de lui à bord, prétextant les plus mauvaises excuses pour leur éviter la présence du vieux marine. Pludbus avait fini par dégoter un gradé un peu moins au courant que les autres (et donc très jeune) qui accepta de le conduire sous les regards goguenards de ses homologues.
Deux jours plus tard, un capitaine dépressif et suicidaire déposa un Pludbus Céldèborde légèrement pâle dans le port du QG de South Blue, un endroit qu'il connaissait bien. Il avait même dirigé le commandant de l'époque ; il en avait perdu une jambe et un peu de foi, mais il était toujours en vie.

Pludbus se balada dans les couloirs, suivit par deux désignés d'office qui avait pour charge de le conduire. À plusieurs moments, ils indiquèrent la bonne direction, mais il n'en faisait qu'à sa tête ; il était persuadé de savoir où il devait aller.
Il perdit donc deux bonnes heures dans les couloirs, mais Pludbus était content : il aimait bien visiter les endroits qu'il connaissait, c'était nostalgique. Au final, il retrouva le commandant de la marine qu'il surnomma affectueusement « chef Bubulle » en souvenir de leur jeunesse respective ; les marines derrière lui durent se mordre la lèvre pour ne pas rire tellement leur commandant était rouge pivoine.
On lui affecta une chambre, ce qu'il accepta grandement, le voyage n'ayant pas été de tout repos pour son estomac. Il se sentait nauséeux. On lui promit qu'on lui enverrait le type pour lequel il s'était déplacé. Une fois installé dans la chambre, assez luxueuse pour une base de la marine, Pludbus put s'assoir et reposer son estomac souffrant, se concentrant sur son travail.

Le jeune lieutenant Tahgel semblait prometteur. Après quelques problèmes qu'il lui valût la cour martiale, il s'était remis à bien travailler pour la marine en filant droit. C'était de bon augure pour Pludbus. Quelqu'un qui avait flirté avec le mal et qui était revenu ne pouvait qu'être prometteur. Faire l'expérience du mal ne pouvait que le rendre plus fort. De plus, vu son âge, il semblait plus mûr que les jeunots dont il s'était chargé dernièrement. Ça faisait longtemps qu'il ne s’était pas occupé d'un lieutenant. Déjà, il prévoyait les cours de stratégie militaire qu'il allait lui faire afin de le forger telle une lame « made in Pludbuland ». C'était donc avec un avis positif qu'il préparait cette inspection.

Alors qu'il commençait à trouver le temps long, son invité arriva d'une façon assez spectaculaire. Lorsque la porte s'ouvrit, Pludbus se leva à moitié, le sourire aux lèvres.


Bienvenue, Lieut....

Il ne put continuer, surpris par la glisse du lieutenant. Il s'arrêta à côté de lui en brisant un vase contenant quelques roses. Pludbus voulut lui tendre sa main pour le relever, mais le lieutenant fit une chose étrange ; son poing jaillit en direction du vice-amiral. Surpris, Pludbus déplaça sa main, ce qui eut pour conséquence de recevoir une beigne dans le bide.
Le vice-amiral fit les gros yeux sur le coup, puis il sentit venir crescendo la régurgitation. À peine entré et Tahar Tahgel se prenait une dose de vomi de premier choix spécial vice-amiral tandis que ce dernier s'agenouillait à côté, une main sur le ventre, l'autre sur la bouche.


Ouille Ouille Ouille ! Ça devait être les moules de c'cuistot, elles devaient pas être frais. Ça dégage… merci lieutenant ! … euh… désolé… vous voulez de l'aide ?


Pludbus lui tendit son mouchoir qui était déjà bien sale.

Débarbouillez vous un peu et après on f'ra les présentations… jolie glissade lieutenant !



Dernière édition par Pludbus Céldèborde le Mer 5 Oct 2011 - 2:01, édité 2 fois
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T’as vu l’tableau ? Rencontre du quatrième type, jte dis. Même sur l’moment, j’avais d’jà plus bien souvenir d’comment l’gusse avait réagi à mon pain. Pire qu’le matin quand j’m’étais réveillé. Jpense les odeurs des cuisines et la glissade avaient pas arrangé ma tir’lire. En tout cas, mon cerveau imprimait pas. Les murs bougeaient et, tout c’que j’revois, c’est moi et un vieux truc dégueu, pas vraiment humain, pas vraiment animal, tous les deux à g’noux sur l’parquet dans une mare d’un truc ignoble qui puait, mais qui puait… façon entrailles de soldats mélangées à la boue un matin d’hiver, t’vois ? Jcrois qu’jme souviens aussi vaguement qu’y s’est foutu d’ma gueule, mais jsaurais plus t’dire comment il a dit ça. Jsais pas si j’ai répondu quoi qu’ce soit. En tout cas y m’en a rien dit, ça d’vait être gentillet. Y a qu’un seul truc qui flottait sous mon scalp, qui m’grattait : décuver. Décuver. L’avantage des apparts pour hauts gradés dans les QG, c’est qu’j’ai pas eu à m’balader couvert de c’te substance innommable jusqu’à mes quartiers pour m’refaire.

Jprésume que jme suis nettoyé dans la salle de bains du vice-amiral et après j’ai tapé dans son mini-bar pour me r’mettre à flots. Ouais. D’jà à l’époque j’avais la connaissance instinctive de c’qui t’redresse un homme en situation d’survie : j’avais pas eu mon assiette magique mais jme suis inventé un cocktail qui vaut bien ça. Note les proportions, tu t’en r’sserviras ptêtre un jour : un volume de rhum pour l’goût quand même, un volume d’eau poivrée pour t’décaper les papilles, un volume d’eau salée à la pelle de terrassier pour te foutre la langue par terre, un volume d’eau pure pour bien t’dégoûter d’toute forme de truc liquide avant l’coucher du soleil, et un d’mi-volume de tout c’que tu trouveras d’un tant soit peu miscible dans l’bar où tu tapes : les alcools bien sûr, mais les jus d’fruits et légumes forcément dégueulasses, les laitages et les œufs sont aussi les trucs dans lesquels y faut pas hésiter à taper s’tu veux qu’ce soit efficace. Là ça l’a été. J’pense j’avais toujours un teint d’chandelle quand j’ai salué conv’nablement, mais au moins j’avais r’trouvé assez d’esprit pour savoir qu’deux et deux f’saient cinq. L’image d’après qu’j’ai, c’donc moi, torse poil et à moitié d’bout dans toute ma splendeur en train d’causer au vieux. Jdis "à moitié d’bout" pack’chuis aussi allé taper dans la coupe à fruits qui m’f’sait d’l’œil sur l’buffet à côté du buste de, euh, d’un gars connu des temps d’encore avant.

Lieut’nant Tahgel au rapport, Vice-Amiral !

Ouais, à l’époque j’avais d’l’entrain quand j’saluais un gradé. Pis j’jouais ma promo à v’nir, fallait qu’jsois poli. L’être que j’avais en face f’sait sal’ment plus humain qu’la chose informe avec laquelle j’m’étais r’trouvé à quatre pattes deux minutes plus tôt. Jsavais pas c’qu’elle était dev’nue celle-là, mais j’étais rassuré d’plus la voir. J’ai soupiré, m’suis assis. M’suis rappelé qu’l’ancien qui m’faisait face était pas mon pote, m’suis rel’vé vagu’ment. Vagu’ment c’est l’mot, j’ai tangué. M’suis accoudé négligemment contre l’manteau d’la ch’minée.

Comme j’te disais, j’tais tout minaud à l’époque. Minaud et mignon, et je l’savais. C’que jsavais pas en r’vanche, c’comment s’passait une évaluation en vue d’une promotion. Lieut’nant, c’est Jenv qui m’y avait catapulté, j’avais –pas comme elle– rien eu à branler. Là, aucune idée d’s’y fallait qu’jtape la parlote avec la Plaie ou qu’jfasse comme d’hab et que j’le laisse m’observer au quotidien pour qu’y puisse s’faire une idée d’mes compétences en environ’ment standard. Et comme j’t’ai dit qu’c’tait pas spécial’ment consciemment qu’j’avais postulé pour l’grade supérieur, j’m’étais pas rencardé. C’que jsavais d’aut’ par contre, c’est que l’regard du vieux bouc sur mes muscles en saillie, y m’rassurait pas. Vu qu’personne disait keud’, comme s’y m’sondait jusqu’à la moelle avec son r’gard mi-perv’ mi-endormi, j’ai cherché un prétexte pour m’barrer récup’ une veste à m’mettre et j’l’ai trouvé. Pas la veste, le prétexte. Fallait qu’j’trouve mon ordre de mission, au moins jsaurais d’quoi on parlait. J’ai pas entendu qu’y m’donne le r’pos, parti comme ça avait l’air on y aurait passé la journée.

L’premier caporal qu’j’ai chopé en sortant d'la piaule de luxe, j’l’ai plumé. L’a pas apprécié mais ’l’a pas osé répondre à ma beigne non plus. Y s’est tiré à poil et moi j’étais d’nouveau fringué comme y fallait. J’ai eu d’la chance, l’messager qui m’cherchait s’languissait d’me trouver dans un couloir pas loin. J’y suis tombé d’ssus par hasard mais c’était un genre d’bon hasard c’te fois. C’tait une messagère en fait. Une jeunotte, ‘fin comme moi à l’époque mais qu’avait, elle, sans doute pas encore connu les choses de la vie. Une rosière comme t’en vois pas deux par île en une vie entière. En deux r’gards elle était à moi. J’en avais presque oublié l’pap’lard mais quand elle m’a d’mandé si j’tais bien c’ui que j’prétendais être avec mon fringue d’caporal sur l’cul, jme suis rapp’lé qu’j’avais un ponte qui m’attendait. J’y ai fauché la babillarde en y gueulant qu’le soir même elle verrait si j’tais qu’caporal. Pis jme suis tiré en décach’tant l’machin. Elle m’a coursé mais j’avais d’jà dépassé les formules administratives et les portes de l’appart’ quand elle m’a rattrapé. On a failli commencer les galipettes un peu en avance, pour notre entrée, mais j’avais récupéré mes réflexes et c’est d’justesse que j’l’ai rattrapée avant qu’elle s’étale d’vant la bique. Moi d’mon côté, jsavais c’que j’avais à savoir.

Mon grade, mon manteau et un coupe-choux huilé à récupérer dans ma piaule, et j’tais bon pour appareiller sur l’premier bateau qui pourrait m’emmener là où c’qu’on m’conseillait d’aller. Si y avait des questions, jpouvais répondre. Et les questions, j’laissais l’étrange singe qu’on m’avait collé au cul pour ma virée à la poursuite d’Raque-Am’lœur Houj me les poser. Ca t’dit que’qu’chose c’nom hein ? Ouais, c’est normal. C’tait une sorte d’ersatz de c’que jsuis actuellement mais au niveau d’South. Un mec connu mais, ni pour sa tendresse, ni pour sa finesse. Du genre qui violait les pucelles de dix ans sous l’regard des mères et qui surinait les pères à coup d’épée +13 édition spéciale de chez Durend’île sous l’regard des fils. Du genre qu’avait d’jà dézingué un bon paquet d’gars qui, à l’époque, étaient encore "nos hommes", moi-même étant compris dans l’nous en question. Occis certains d’mes potes de régiment même parfois, et pas les plus faiblards. Enfin, on m’donnait du vrai gibier.


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Pludbus avait aidé le pauvre lieutenant à se relever, puis il avait désigné un petit cabinet de toilette dont la porte était entrebâillée. Il lui fit un autre clin d'œil et un sourire avait accompagné son doigt tendu. Tahar Taghel n'avait pas tardé à s'y engouffrer puis de se débarbouiller avec quantité d'eau et sans aucun respect pour la propreté initiale de la petite salle d'eau. Pendant ce temps, Pludbus avait pris un autre mouchoir dans une poche, un propre cette fois-ci, et il s'était empressé de nettoyer les quelques traces de la purée verdâtre qu'il venait de balancer au lieutenant en signe de bienvenue. De ce petit incident, Pludbus n'en avait pas été fier. Il avait donc décidé qu'il serait un peu plus, transigeant avec le lieutenant Taghel. Déjà, ce dernier avait fait une très bonne impression à Pludbus. Plutôt beau garçon (non, il n'aimait pas les hommes), il dégageait un charisme certain qui était de bon augure pour la suite. Le vieux marine l'avait tout de suite imaginé comme un futur vice-amiral, fier et impétueux, sillonnant les mers et inspirant le respect pour les marines. Il s'était aussi imaginé un homme plein d'admiration pour le vice-amiral qui lui aurait permis d'attendre ce stade de sa carrière, le regardant avec des étoiles dans les yeux. Pludbus avait souri en y pensant. Il faisait ces missions pour ça en vérité. Savoir que de nombreux marines se souviendraient de lui comme celui qui les avait permit de toucher les étoiles l'emplissait de fierté. Ils étaient ses protégés et il voulait tout faire pour les aider, même si les concernés n'étaient jamais chaud pour demander son aide.

Ainsi, l'hypothétique futur protéger de Pludbus Céldéborde sortit de la salle de bain, relativement propre, même si une odeur le suivait de près et titilla les narines du marine ce qui eut pour effet de lui faire froncer les sourcils. Autre point de détail, mais qui avait son importance, c'était que Taghel semblait tout aussi nauséeux que lui. Une très grande expérience des bars et des soirées arrosées le renseigna immédiatement sur le mal dont souffrait le jeune marine. Ah ! Ces jeunes ! Aucune limite quand il s'agissait de boire ! Pludbus, lui, était toujours prompt à s'arrêter, il finissait rarement complètement torcher. C'était comme ça qu'on voyait l'expérience chez les officiers. Il ferma les yeux sur cet écart de conduite. Il était jeune et plein d'espoirs ; il fallait que jeunesse se fasse. Et puis, il ne dérangeait personne. Pludbus avait fait bien pire, mais il était déjà vieux à cette époque.

Tahar Taghel semblait se sentir comme chez lui. Il se baladait torse nu dans la chambre et il se dirigea vers ses bouteilles sans qu'on lui demande son avis. Sur le coup, Pludbus était un peu moins chaud, même si, visiblement, il s'agissait de se dégriser rapidement. Le vice-amiral prit une de ces feuilles de rapport afin d'y écrire une phrase dans la catégorie « points négatifs ». L'autre ne semblait même pas le remarquer. Son seul éclair de lucidité fut de la saluer convenablement, brièvement, mais quand même un salut.


Bon… Lieutenant Taghel revenait quand vous s'rez présentable et quand votre mixture aura fait effet... Soit vous manquez de discipline… soit d'action… ça va changeait, mon gaillard.


Le Tahar ne s’était pas fait prier et était sorti se rescaper et, pendant le temps où il était absent, Pludbus s'était occupé de ranger son cabinet de toilette et son bar après le passage du Lieutenant.

L'avenir proche promettait d'être plein de rebondissements. Tous les marines du South Blue étaient mobilisés pour capturer un pirate du nom de Raque-Am’lœur Houj. Lui et son équipage terrorisaient chaque ville qu'il abordait, pillant et tuant tout ce qui bougeait. De toutes les raclures de cette mer, c'était de loin, le pire. Pas une semaine ne se passait sans que l'on parle à nouveau de lui dans les journaux. Heureusement, le capitaine était loin d'être une tête. Il se contentait d'aller tout droit et d'attaquer toutes les cibles sur son chemin. De ce fait, les gradés n'avaient pas tardé à prévoir ses futures attaques, mais les dispositions qui avaient été prises n'avaient pas suffi pour repousser Houj et ses sbires. Ainsi, la marine organisait une grosse opération en mobilisant plusieurs centaines de marines afin de prendre en étaux le pirate le plus cruel de cette époque sur South Blue. Un gradé un peu plus salop que les autres avait décidé d'y envoyer Taghel avec les hommes du QG sous prétexte que c'était là son épreuve pour être Commandant. Il était vrai qu'une mission de ce type, s'il était réussi avec brio, ne pouvait que signifier des talents de commandements chez le concerné. Pour le tester, on avait donc chargé ce bon vieux Pludbus de surveiller le Tahar. Certains espéraient vivement qu'ils prendraient une balle perdu dans la bataille, histoire que la marine en finisse avec l'Amiral en chef le plus honteux de son histoire.
Pour l'instant, il avait toujours survécu à ses soi-disant missions suicides.

Tout cela, sauf le couplet sur lui-même, le vice-amiral le dit à Tahar Taghel quand il fut revenu, habillé, au bras d'une demoiselle plutôt bien gaulé que Pludbus ne quitta pas des yeux pendant toute la durée de son intervention. En son for intérieur, il pestait contre ses jeunes qui avaient autant de succès, mais au plus profond de lui, là où règne le vice, Pludbus élaborait un plan pour se mettre Tahar dans la poche et la fille dans le lit.


Lieutenant Taghel. V'là comment on va faire. On va faire comme si c'était vous l'chef. Normalement, c'moi, mais c'vous qui commanderez. Vous choisissez vos hommes, votre équipage et vous préparez le navire, quai trois. C'est votre rafiot pour cette mission. C'est le « Tambour battant ». Z'êtes content ? J'vais voir votre façon de commander et je noterais. Vous f'rez comme si j'étais le s'cond, mais j'vous ai à l'oeil, hein ! Pas la peine de t'bourrer la gueule tout les soirs, j'le verrais ça ! M''enfin, si tu partages, j'dirais rien.
Pour commencer, j'pense que la gamine, là, à côté, elle ferait l'affaire pour cette mission. Ok ? T'es d'accord ? C'est parfait ! En v'là une, choisis les autres et tu me rejoins sur le Tambour battant, on lève l'ancre dans trois heures !


Le capitaine par intérim s'en alla presque aussitôt en retenant la gamine. Pludbus put la reluquer de derrière tranquillement tout en approuvant du chef. Pour cette histoire de bateau, rien n'était encore fait, mais il avait vu le rafiot amarrer. Pludbus prépara ses affaires et partit vers le quai trois. Juste avant, il fit un petit détour par le bureau de son pote Bubulle pour lui dire qu'il réquisitionnait un bateau et qu'on ne lui avait pas prévenu.

Trois heures tapantes après avoir quitté le Tahar, Pludbus se trouvait devant le bateau en question, un beau navire de la marine, retaper récemment et parfaitement opérationnel. Ce n’était pas l'un de ces énormes machins qu'on trouvait sur Grande Line, mais c'était suffisant pour les petites mers. Un calepin en main, Pludbus s'était préparé à noter le Capitaine du rafiot dès ses premières heures, histoire que les sales besognes soient faites. Après, il aurait tout le temps pour tailler une bavette avec Taghel.
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Des questions, m’en a posé aucune le grigou. M’a juste redit c’que jvenais d’lire sur notre cible mais j’ai gardé mon clapet fermé. On dit rien à un gâteux qui vous balance pour la troisième fois l’histoire de la fois où y s’est fait d’ssus au mariage de tante Suzie, j’allais pas risquer ma carrière face à un gâteux qu’avait mon destin entr’ses mains. Et puis, pour être franc, ça avait pas qu’des désavantages de réentendre l’histoire : ça m’mettait bien les idées en place. Houj était plus qu’un vrai gibier, c’était une vraie empaffure à buter au plus tôt. Alors certes j’ai un peu laissé tomber les idéaux qu’j’avais encore en partie à c’te époque, mais même maint’nant qu’jte raconte ça, quinze après avec tout c’que tu sais qu’est arrivé entre deux, jle maintiens. C’est dire.

Juste avant d’me virer, l’Vioc m’a donné command’ment sur le Tambour Battant, un bateau qu’jsavais qu’j’étais pas l’bienvenu d’ssus, rapport à c’que j’avais culbuté la sœur du mec qui l’commandait en général. J’étais un peu sur le cul mais il avait l’air sûr de lui alors j’ai fait comme si on était okay. Avec un peu d’chance j’avais mal compris et c’srait pas l’bateau qui s’rait amarré au quai numéro trois quand j’y s’rais avec mon équipe. Ca j’avais bien entendu par contre : j’avais trois plombes pour m’constituer ma dream-team et après on s’barrait. Ca changeait, j’avais l’souriant d’là à là. En tant qu’lieut’nant les missions en solo on m’en avait d’jà confié, mais jamais des où j’pouvais choisir le personnel. Tout d’suite ça s’est mis à gamberger dans mon casque.

La gamine était bien sûr d’dans, sinon comment j’allais lui prouver qu’j’étais pas un caporal, mh ? Elle est moi on a d’ailleurs pris un d’mi tour de cadran pour mieux s’connaître pendant que jrécupérais mes affaires dans ma cellule. Sergent Sar Akk-Ônor pour me servir. Elle était pas bonne à grand-chose, la pauvrette, mais jpeux t’dire qu’y a certains trucs pour lesquels elle avait r’çu un don. Jte parle de don et pas d’talent pasque ça avait jamais été travaillé, tout d’l’inné. Bon. Après ça j’ai r’groupé les noms qu’étaient dispo dans ceux qu’jvoyais bien faire l’trajet avec moi. J’ai couru partout pendant deux heures pour ça, ’reus’ment qu’la Sar v’nait d’me r’monter le, euh, le potentiel. Jme souviens pas d’tous les péons qu’ont embarqué mais y a quand même les grosses têtes qui m’reviennent pendant qu’j’te parle.

D’abord y avait un pote à moi qu’avait eu moins d’chance avec les gonzesses et qu’était donc juste vice-lieut’nant. Blèz y s’app’lait. Blèz Passe-Cale, en hommage à la fois où on l’avait enfermé dans une cale pleine de rats pour rigoler et où y s’en était sorti vivant. Un chic type, trois mois mon aîné, con comme tes pieds mais dévoué comme t’en trouves plus. Jpouvais compter sur lui. C’est lui qui s’est occupé d’la partie technique de l’équipage pendant qu’j’récoltais notre force de frappe. Ju LeVeirn le navigos, Dafi l’bosco qui v’nait d’l’îlot d’Euk, et les autres chais plus bien. Même le doc jsaurais plus bien t’dire à quoi y r’ssemblait. Blèz avait dû faire comme j’lui avais dit pour choisir tout ça : ceux qui savaient cirer leurs bottes. A l’époque c’tait important pour moi. Ah, si, quand même, y avait Gav qui servait d’cook. Un bon gamin d’seize piges, chouette à vivre, qu’avait poussé au QG d’puis ses deux ans. Jcrois c’tait l’fils du commandant d’l’époque mais on a jamais eu aucune certitude.

Moi d’mon côté, avec mon argument féminin sous l’bras, j’ai pris la crème de la crème à laquelle j’avais l’droit pour partir. Les vétérans c’tait hors de question because j’pensais qu’j’aurais largement assez des décennies d’expérience d’mon S’cond imposé pour me pourrir, donc j’ai tapé dans la trentaine d’âge max. J’ai fait dans l’éclectique aussi, jsavais pas trop d’quoi j’aurais b’soin sur place : Piotr Brosse-Man, l’barré qu’aimait bien tout faire péter, qu’avait pour seule tare d’aimer passer la brosse à récurer après chacune de ses expériences ; Oswaald, le fada des pétoires ; Jief-Kay sa contre-part, qui pouvait s’prendre deux bastos dans chaque hémisphère sans crever ; et les jumeaux bretteurs Roje Federator et Raf N’avale-Pas, l’premier pilant tout l’monde avec une épée, même moi, et l’second s’débrouillant aussi bien. Non j’t’expliquerai pas d’où y tirait son nom, c’t’un souv’nir que j’préfère laisser là où il est.

S’t’as bien compté, ça f’sait qu’on était huit, avec moi et Sar, dans l’commando. Jcompte pas l’vieux Plud’ tout rouillé mais s’tu rajoutes Ju et Dafi, qui s’débrouillaient pas mal en dehors d’leurs postes respectifs pour s’castagner, ça fait une dizaine. C’tait raisonnable. Avec l’reste de l’équipage, des mousses et des matelots même pas toujours première classe, y avait une quarantaine de pelés sur le quai, autour du Tambour Battant, quand on est arrivés. C’tait un deux ponts classique, pas trop d’canons mais suffisamment pour faire face à un abordage, pas trop d’mâts mais suffisamment pour aller vite. Y a eu un ptit incident avec l’capitaine attitré du rafiot, qu’s’est pointé pendant qu’on embarquait les dernières réserves de flotte. J’l’ai envoyé s’faire mettre auprès du vice-amiral Céldéborde, ça l’a un peu calmé mais y m’a quand même promis un duel pour quand j’rentrerais. Dommage qu’y s’était fait dessoudé à c’moment-là, c’aurait été fun.

L’vice-amiral justement, y s’est ram’né peu après, on attendait plus qu’lui. J’ai présenté l’gaillard, qu’est monté en prenant son temps, pour la forme vu qu’tout l’monde le connaissait. Oswaald qu’avait pas dû bien comprendre c’passage de mes explications a essayé d’se foutre à l’eau dans un geste qu’y voulait naturel, mais Jief l’a r’tenu par la ceinture. Lui y voulait pas nager, la flotte ça lui f’sait peur, et l’était hors de question qu’y reste tout seul. Sur ces entrefaites, j’ai gueulé deux ordres, tout est allé comme sur des roulettes. La passerelle a été r’montée, les voiles sont descendues, l’ancre s’est rel’vée et les amarres s’sont lâchées. On était partis droit pour la ptite île d’Iwo, pas loin d’Torino. Deux miliciens probabl’ment vendus, zéro défense, ptit village de pêcheurs. Conditions idéales pour un pirate qui voulait un peu d’repos. Mais y s’trouve que c’était pas la perspective d’un bon somme qu’avait laissé penser à l’amirauté qu’Raque-Am’lœur pourrait y passer à c’moment-là.

Sa dernière localisation connue, justement, c’tait Torino. Sa prochaine prévisible, c’tait Suna Land. Iwo, comme tu peux t’en douter, c’est au milieu. La ligne droite, c’tait la stratégie d’c’te raclure depuis l’début, pas d’raison qu’ça change maint’nant. Et avec son croiseur miteux d’pirate, Torino-Iwo, ça f’sait quatre ou cinq jours de voile pour lui. En gros, l’idée, c’est qu’on y s’rait juste pour l’cueillir, et qu’les dégâts collatéraux si y en avait s’raient limités. Trois jours d’traversée et on atterrirait. Trois jours d’traversée, et c’fumier d’Houj pleurerait sa maman, que jme disais. J’tais bien jeune à l’époque. Jeune et un peu con.


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Rapidement, la bande de gusses rassemblait par Taghel se retrouva autour du navire. Ils se mirent à charger le nécessaire pour une mission de ce type, c'est à dire, des victuailles pour Pludbus, de bouffe de cantine pour le reste et une tonne d'armes et de punitions pour faire la peau à l'autre enfoiré. Pludbus avait supervisé le chargement tel un contremaitre attentif, encourageant à tour de bras et lorgnant les rares demoiselles de passage dans le coin. La présence du vice-amiral les faisait fuir et les plus malchanceuses n'étaient là plus par respect de la hiérarchie que par envie d'approcher le vieux pervers. Entre deux regards lubriques, Pludbus avait observé l'équipe du lieutenant. Il s'était tout de suite dit que ce type n'aimait pas faire dans la dentelle. Il semblait avoir pris plus de gros bras et de balafrés que de types à peu près normaux. C'était par le genre de la majorité des marines, le genre à moitié gentil et pas capable de faire peur à un pirate lambda. De ce choix, il s'était déjà fait un pronostic ; l'autre Houj' allait prendre cher quand il se prendrait l'équipage sur le coin de la gueule. Pludbus comptait bien être en première ligne pour mettre la main à la patte et conseiller les bleus. Il fallait dire que Pludbus, à ce moment-là, c'était déjà plus un cerveau qu'un bourrin. Conseiller les autres, il savait faire et il adorait ça. Sauf qu'on l'écoutait rarement, mais le Tahar semblait un bon type, il écouterait surement le vieux gradé. Toute façon, s'il faisait son chieur, il pouvait toujours se torcher pour avoir sa promotion.

Pludbus était franchement pressé d'embarquement et de filé vers ce qui s'apprêter d'être l'apocalypse pour une bande de pirates de South Blue. Pour tout dire, il était vraiment chaud pour cette mission. Ça faisait longtemps qu'il avait été si motivé pour servir de surveillant à une bande de bleusailles. Quand le capitaine machin, propriétaire légitime du navire, vint protester contre le pauvre Tahar qui allait lui piquer son rafiot, Pludbus s'était planté à côté de lui et lui avait les gros yeux, le genre de tête qui fait peur. L'autre avait cherché à discuter pendant au moins deux minutes, mais Pludbus n'avait pas bougé d'un poil, se contentant de le fixer comme s'il allait le sauter. Soit c'était l'ennui, soit c'était la peur, mais, en tout cas, l'autre gusse finit par lâcher l'affaire et quitter les lieux non sans avoir manqué de laisser un cadeau pour Taghel. Fier de sa prétendue preuve d'autorité, Pludbus était remonté encore plus que jamais. Il avait alors passé les derniers instants à passer dans les rangs en distribuant moult claques dans le dos et nombre de clins d'œil salaces aux demoiselles. Heureusement, le départ étant annoncé, l'équipage put s'échapper suffisamment loin de son haleine fétide pour pouvoir exprimer sa mauvaise humeur sans se faire chopper.

Une fois que le bateau commençait à partir, Pludbus allait se mettre au milieu du pont et entreprit de noter tout ce que Tahar faisait. Ce que le vice-amiral ne vit pas, c'est que les marines avaient suffisamment d'expérience et de jugeote pour faire ce qu'il convenait de faire. Le nouveau capitaine du « Tambour Battant » n'avait pas à faire grand-chose pour la bonne marche du bateau et ses ordres faisaient un peu figuration. Sauf que Pludbus n’y fit pas gaffe. Alors que le bateau prit le large, le vioc s'était fait à l'idée que Tahar avait des talents de capitaine. Il n’était pas le premier à avoir un tel jugement aussi tôt dans l'inspection, mais c'était un premier pas pour l'accès à la sacrosainte promotion. Pludbus remplit quelques paperasses, signa en bas de chaque page, puis mit l'ensemble dans une pochette. S'en étaient fini des conneries administratives. Pludbus allait pouvoir passer aux choses sérieuses, c'est à dire, le travail au corps et la caisse de pinards qu'il avait faits embarqués en douce y seraient pour beaucoup.

Rapidement, Pludbus s'éclipsa et trouva rapidement la cuisine. Il donna ses instructions au cuistot qui venait à peine de s'installer, instructions qui consistaient à réaliser une bonne bouffe pour le soir même servi au mess à réaliser avec les rations spéciales Pludbus. La quantité de bouffe demandée était pantagruélique, mais Pludbus n'était pas du genre à manger rubis sur ongle. Il allait mettre le paquet afin que le Taghel le considère comme son pote en fin de soirée, voir son père, mais c'était déjà beaucoup demandé pour une seule soirée avec une chair féminine si peu abondante. Sortant de la cuisine, Pludbus attrapa un bleu afin de lui ordonner de convier le lieutenant Tahar et toutes les demoiselles qu'il avait à bord pour une bonne bouffe le soir même au mess des officiers. Enfin, le vioc alla dans ses quartiers afin de préparer au mieux la soirée, même s'il était bien loin d'être la nuit.

Le soir venu, donc, Pludbus trônait au milieu du mess des officiers comme un roi. Il avait fait mettre des chandeliers pour avoir une ambiance intime à la lueur des bougies. Sur la longue table, les mets du cuistot s'y étalaient et donnaient faim au vieux. Il avait tellement trimé pour ce repas que le reste de l'équipage dut faire avec une simple soupe sans gout. Pour l'événement, Pludbus s'était habillé avec son ancien tenu d'amiral en chef. Normalement, il n’avait pas le droit, mais c'était la tenue la plus pratique pour impressionner les gens. Le blanc était légèrement grisé, mais le tout avait gardé suffisamment de splendeur pour qu'il puisse parader dedans sans paraître minable. Près de son siège, il avait mis au frais plusieurs de bouteille de pinards qu'il gardait dans un petit frigo. Afin de mener à bien ses ambitions, avoir le contrôle des bouteilles était primordial, surtout que le Tahar semblait être très au fait des alcools multiples et variés.
Ce soir-là, Pludbus devait avoir bien avancé dans son entreprise. La perspective d'être élevé au rang de grand maitre respectable par le Casanova en puissance qu'il avait mérité était assez réjouissante. Le vice-amiral s'enfila une demi-bouteille avant que le premier des invités arriva. Il se l'était alors promis, le lendemain, il ne resterait aucune bouteille et il serait le moins torché des deux.
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Si t’as bien suivi l’planning de la journée que j’t’ai racontée, on est partis en fin d’aprèm. Jte passe les détails du voyage jusqu’au soir, vu qu’y s’est strictement rien passé d’intéressant. Tout c’qui devait s’faire, ça sfaisait tout seul. On avait beau être une troupe de jeunes cons, quand y s’agissait d’faire leur boulot d’marins, les autres ’taient efficaces. Le seul truc notable ctait que, où que jsois sur le pont ou dans l’entrepont, j’voyais l’pauvre Gav vers des allers-r’tours entre plein d’trucs, la sueur au front et une tasse de café dans chaque main. T’aurais été avec nous, t’aurais eu l’impression qu’y s’tait fait cloner en douze exemplaires. Et qu’chacun allait t’péter à la gueule au moind’ problème tell’ment il était stresé. Mais ça j’en avais eu l’explication par un troisième classe : monsieur l’vice-amiral comptait faire ripaille c’soir-là, et j’tais convié au dîner avec l’ensemble du corps féminin qu’avait embarqué.

L’idée avait d’quoi faire marrer puisque, l’ensemble du corps féminin, c’était Sar. Celle-là même qui d’puis qu’j’avais fait d’elle une femme m’intéressait beaucoup moins. Faut dire qu’elle s’était mise en tête de tester son talent –maint’nant s’agissait plus d’un don puisqu’elle bossait à l’améliorer– pour faire tourner les têtes et qu’j’avais d’jà trois gars dans les voiles avec des torticolis comme aç. Elle commençait à m’courir, donc, et la perspective de la voir se r’trouver toute seule avec le vieux renard m’était d’plus en plus plaisante. Jcomptais en effet pas m’éterniser à table, j’avais des armes à fourbir et pas la moindre envie d’causer trois heures durant avec mon gard’-chiourme. M’enfin.

Nous v’là au crépuscule. J’vais pour chercher la d’moiselle là où c’qu’elle pionce. "A côté", que m’dit quand jme pointe le mousse à qui j’ai confié contre sa vie la garde de la porte, pour éviter un viol collectif par tous les mâles encore debout. Et à côté elle était bien. J’la trouve dans mes apparts en train d’faire ses essayages, tu l’crois ça !? Bon. Jme démonte pas. Elle par contre… J’la force en vitesse pour lui faire comprendre qu’on nous attend. Elle s’réajuste séance tenante et puis on arrive enfin au mess. Elle tire un peu la gueule. Jme dis qu’ça lui apprendra. C’est surtout après qu’elle a appris.

Quand on est entrés, y avait un amiral en chef dans la pièce. Pas un vrai comme dans les livres, avec le torse bombé, la barbe énergique et l’charisme tout puissant. Un truc tout mou dans un uniforme d’amiral en chef. Mais l’espace d’une seconde ça surprend. Au final c’tait l’Plud qui s’croyait à un gala d’Marie-Joa. Y m’a presque émotionné à essayer d’se rendre important comme ça. Bon, ceci dit ça a duré une aut’ seconde, grand max. Après ça, j’ai r’marqué les tonnes de bouffe qui traînaient sur la table, façon buffet d’réception pour trente personnes, tu vois ? Sauf que là on était que trois, dont une qu’avait d’jà eu assez à bouffer cinq minutes avant. On s’est assis. L’dîner a été long mais j’ai fait bonne figure. Jcrois. J’ai même ri deux-trois fois à des trucs pas drôles, approuvé deux-trois fois avant d’les oublier aussitôt des stratégies d’pour quand on accosterait. Sans avoir trop l’air de m’vendre, j’me suis montré civique, civilisé et bon vivant. Mes débuts en politique.

Mais c’pas ça l’important. L’important c’est qu’ce vieux saligaud a fait tout c’qu’y pouvait pour m’charger autant qu’y pouvait. Au vin. Au départ j’avais deux verres tu sais. Un pour la flotte et un pour l’poivré, comme y font dans les grosses soirées chez les gens biens. Ben c’pignouf a été jusqu’à m’en rajouter un troisième et un quatrième pour faire genre j’avais besoin d’goûter à tous les élixirs : le rouge, le blanc, et un deuxième blanc, et un troisième qu’avait pas d’couleur. Mais c’pas au qui-tache qu’on m’grise moi. Ou alors y faut des quantités qu’existent pas dans l’dico pour qu’jcommence à m’sentir ailleurs. Donc là, même si on a éclusé comme des trous lui et moi –oui packe j’allais pas l’laisser m’faire boire tout seul, technique de survie d’base–, au final jsuis pas tombé sous la table. L’aurait plus manqué qu’ça tiens.

Pendant qu’on sirotait comme ça, j’le r’gardais s’engouffrer comme un métronome ses mètres cubes de plats préparés par le gamin. Le Gav, y nous r’gardait d’ailleurs d’puis l’coin d’la pièce, vu qu’c’est lui qu’annonçait les plats. Y nous r’gardait façon serpillère tu sais. Crevé jusqu’à la moelle et dépité d’voir avec quelle absence de considération pour son boulot mon s’cond improvisé avalait l’tout dans n’importe quel ordre. On aurait dit un rescapé d’la Grande Guerre, qu’était resté traumatisé d’pas avoir eu assez à bouffer pendant c’t’époque. Et schcronch et schcronch et schcronch qu'y f’sait, tout ça en réussissant, comme jte disais, à m’aligner ses théories fumeuses, ses histoires sans queues ni têtes, et ses vieilles réflexions d’gars lubrique qu’a pas dû conclure d’puis sa cinquantaine. Et s’il avait conclu, jvoulais pas l’savoir. Rien qu’l’imaginer ça m’aurait fait gerber la terrine de homard du pauv’ mioche sur les g’noux du sergent Akk-Ônor.

Elle elle était bien. Ent’ moi qu’étais tout en noir façon classe et l’Vioc qu’était tout en blanc façon pas si ridicule que ça malgré tout, en rose pétant elle était bien. El’vée comme y fallait, elle riait à tout ce à quoi jriais, s’la fermait quand c’était mieux, approuvait les paroles du vieux juste c’qu’elle d’vait pour dire qu’elle existait dans la conversation, et surtout, surtout, elle s’risquait pas à placer une seule phrase qui soit complèt’ment d’elle. J’avais marqué des points en t’nant la cadence d’son sérénissime Chieur, elle marquait des points en tant qu’greluche militaire de luxe.

Pis j’ai fini par prendre congé. L’était tard, l’était pas tôt, jsais pas bien l’heure qu’il était mais l’lend’main et l’surlend’main fallait qu’jsois éveillé dès les premiers quarts du jour pour t’nir les gars et préparer l’accostage. A c’t’époque j’avais l’devoir à cœur. Et jvoulais pas savoir c’que donnaient un vieux corback et une colombe. Jvoulais pas qu’le ptit cook le sache non plus, j’lui ai dit d’aller s’pieuter avant d’tirer ma propre révérence dans les formes. Un peu d’travers pour faire genre c’vieux salopard m’avait eu avec son ptit jeu mais dans les formes.


Dirty Tahar [FB 1607] 661875SignTahar
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Dès le début de la soirée, le lieutenant Taghel déçut ce bon vieux Pludbus. Il arriva en même temps que la seule demoiselle de l'équipage ce qui déplut pour deux raisons. La première, c'était qu'une seule fille sur le rafiot, c'était pas franchement la joie pour le vice-amiral lubrique. Il n'avait le droit qu'à une seule possibilité de conclure durant la traversée. Le deuxième problème, et celui-ci renforçaient le premier, c'était qu'elle était venue avec le Tahar. En homme d'expérience pour ce genre de chose, Pludbus vit tout de suite qu'il y avait un truc pas net entre le lieutenant et la fille. Celle-ci n'arrêtait pas de lui jeter des regards en coin du genre à en faire chauffer le vieux. De plus, la Sar s'était vachement bien habillée pour l'occasion. On aurait pu se demander si sa tenue était réglementaire, mais le profond décolleté qu'elle arborait eut raison des hypothétiques volontés de Pludbus à sévir. Pour revenir à Taghel, le vioc lui fit la gueule les premières minutes. Osez venir avec la seule fille du bateau, ça sonnait comme une provocation du genre « moi, j'ai réussi là où tu peines depuis ta naissance ». Seule la présence de la délicieuse Sar l'empêcha de bouder réellement. De toute façon, bien rapidement, Pludblus oublia l'incident.

La première heure fut assez tranquille. Ils discutaient de sujets sans intérêt tout en mangeant les plats du cuistot. Ce dernier s'était surpassé et Pludbus honora son travail en mangeant de tout, faisant fi des règles de la table. En face, le lieutenant, dans son ensemble qui lui donnait un air de vautour, mangé peu, mais assez pour qu'on ne lui fasse pas la remarque. À ses côtés, Sar Akk-Ônor piaillait en mangeant de tout. Elle ne devait pas avoir l'habitude de manger aussi bonne. Pludbus lui indiquait les bonnes choses à manger et celle-ci s'empressait d'y gouter en exprimant haut et fort son contentement. Ce petit manège permit au vieux perv' de fixer la moindre partie de son corps. Au bout d'un moment, il se mit en tête qu'il avait ses chances de se faire la gamine avant la fin de cette mission.

Puis, à son plus grand regret, il se désintéressa de la mignonne pour s'occuper du Tahar. Il était fin prêt pour le mettre dans sa poche ; il avait mangé plus que de raison et l'ambiance était posée. À ce moment-là, Pludbus n'avait ouvert que quelques bouteilles pour accompagner l'orgie alimentaire. Pour arriver à ses fins, il sortit le reste de ses bouteilles et servit copieusement Taghel et Sar avec grand renfort de « je vous en prie » et de « Si si ! J'insiste ». Bientôt, alors que le vin coulait à flot ; le lieutenant buvait plus que Pludbus, les langues se délièrent, enfin, surtout celle de Pludbus. L'alcool aidant, il se mit tout d'abord à raconter ses souvenirs ô combien inintéressants ! Les invités eurent d'abord droit à sa formidable ascension au sein de la hiérarchie de la marine, puis aux anecdotes croustillantes quand il fut Amiral en chef. Pour cette première partie, les convives semblèrent intéressés. Taghel semblait écouter poliment tandis que Akk-Ônor parsemait le récit de petits cris d'exclamation particulièrement désagréable, mais indiquant un certains intérêt de la demoiselle pour le vioc. Ce dernier n'avait plus qu'à modeler cet intérêt pour qu'il aille dans son sens.

Toutefois, les bouteilles se vidant, les idées se firent beaucoup moins claires pour Pludbus. Le plan B consistant à se mettre la Sar dans la poche fut remplacé par le plan A, celui qui visait Tahar. L'alcool ne semblait pas trop le déranger, mais il pouvait très bien faire semblant de ne pas être « bien ». Pludbus partit alors dans les sujets de discussion qu'il gardait en réserve ; la stratégie. D'abord, il expliqua en long en large et en travers les données que tout le monde connaissait à propos de la mission en cours. Il fit participer Sar en lui posant des questions sur quelques points de détails sur les informations connus, ce qui lui permit d'étaler sa science alors qu'elle commençait à être rouge et avoir très chaud, pour le plus grand plaisir visuel de Pludbus. Le lieutenant semblait s'intéresser au flot de paroles et le vice-amiral n'hésita pas à répondre aux attentes du jeune homme. Même si en réalité, il n'en avait rien à foutre ; les gens n’en avaient toujours rien à faire de ses histoires.
Quand le moment arriva ou ils avaient fait trois fois le tour de la question, Pludbus enchaina sur quelqu'un de ses plus grands faits d'armes. La plupart étaient des défaites, mais les stratégies employées étaient intéressantes à évoquer, histoire de ne pas faire la même chose que le vioc. C'est dans cette période que là que Tahar Taghel quitta la table. Son pas était légèrement difficile, ce qui fit sourire Pludbus. Son travail semblait avoir fonctionné. Après un dernier salut, il laissa l'ancêtre avec la jeunette.
C'était vraiment l'occasion qu'il fallait à Pludbus. La fille semblait bien pompette et avait le regard vague. Il essaya donc quelques blagues bien salaces qui la firent rire. Puis, il tenta une approche directe en s'essayant à côté d'elle.
La suite, il ne s'en souvenait pas.

Il se réveilla dans sa chambre, tout habillé avec une affreuse gueule de bois. Une de ses bouteilles de saké était à terre, partiellement vide, ce qui pouvait expliquer le mal de tête exceptionnelle pour juste du pinard. Il n'y avait aucune trace de Sar. Plus tard, il apprit qu'elle n'avait pas passé la nuit seule, mais ce n'était pas avec lui.
Les deux jours de traversée qui rester furent particulièrement insipides. Pludbus passa la première journée entre sa chambre et le mess. Il ne croisa ni Sar, ni Tahar de la journée. Officiellement, il préparait la bataille à venir. En vérité, il se contentait de dormir et de manger. La deuxième journée, il sortit un peu plus, histoire de montrer qu'il était là. Il ne se passait pas grand-chose et il passa la journée à raconter ses anecdotes aux marines qui passaient trop près de lui. Il croisa le capitaine plusieurs fois, mais il ne se passa rien de notoire entre eux. Ce fut donc une traversée assez tranquille en fait.

Enfin, ils arrivèrent en vue de Iwo. Le petit bout de terre faisait pitié au milieu de la mer. Deux autres bateaux de la marine étaient déjà sur place. D''après leurs informations, la cible s'approchait. Deux navires le suivaient, prêt à lui toute retrait. Entre Iwo et Suna Land, il y avait les deux derniers bateaux qui faisaient voile vers la petite ile, futur lieu de la bataille. Une fois que les pirates auraient débarqué, le dispositif se mettrait en place, encerclant la cible. Le « Tambour Battant » ainsi que les deux autres navires avaient pour mission de débarquer combattre l'ennemi au corps à corps pendant que les navires restants couleraient le bateau pirate et empêcheraient les pirates de fuir. Les renseignements de la marine crédités, le navire-pirate d'environ quatre-vingts pirates. Le navire était surpeuplé, mais ses constantes attaques faisaient en sorte de renouveler constamment l'équipage. Ainsi, il avait croisé un autre navire-pirate sur sa route. On ne pouvait dire précisément le nombre de victimes et de nouveaux arrivants, mais le nombre n'avait pas dû drastiquement changé. De toute façon, pour les marines sur place, le nombre importait peu. La bataille allait être difficile, c'était ce qui importait.

Pludbus retrouva Tahar sur le pont avant alors qu'on annonçait l'arrivée imminente du forban. Il serra le poing bien fort devant lui, du genre à dire qu'il était prêt à frapper. Puis il lui donna une tape dans l'épaule comme pour lui signifier que c'était lui qui allait mener l'assaut.


Dernière édition par Pludbus Céldèborde le Jeu 1 Sep 2011 - 17:18, édité 1 fois
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Encore, jte passe les détails des jours d’après. A part causer avec Ju d’la route à suivre, à part r’garder Dafi donner les ordres aux gars concernés pour ajuster les voilures en conséquence et à part observer ma force de frappe, soit sur le pont, soit dans la cantine pendant les r’pas, j’ai pas foutu bézef. En parlant d’ma force de frappe, faut qu’jte dise quand même, si, qu’j’ai pas r’vu la Sar avant qu’on accoste. Comme j’ai pas trop r’vu l’vieux Plud jusqu’là non plus, jpeux pas t’dire c’qui s’est passé entre eux mais… C’qu’y a d’sûr, c’est qu’le mousse qu’j’avais mis à disposition d’la miss avait l’air bien disposé. L’était plus visible devant la porte, mais quand on écoutait on l’entendait bien… derrière. J’m’avance, mais jpense elle voulait lui transmettre mon savoir. Bref. Nous v’là à bon port pour la vraie action, accroche-toi bien. Enfin… "port" c’t’un grand mot.

Non seul’ment Iwo c’est plus ptit qu’tout c’que tu peux imaginer, donc en guise de port y a une baie où les bateaux vont mouiller. Question quais et docks tu t’touches, stu veux mettre pied à terre tu fous la barque à l’eau où t’y vas à la nage. Mais en plus, en plus, y avait d’jà deux autres frégates qui nous attendaient, avec deux autres en arrivée d’un côté, et deux autres encore en arrivée d’l’autre, le même que c’ui par l’quel arrivait Houj et sa bande d’affreux. Ca avait pas été mis dans mon ordre de mission ça, jdébarquais complet. Tu m’diras qu’c’est les manières classiques de l’amirauté mais j’tais vert quand même. D’vert, jsuis passé rouge quand l’Vieux m’a tapoté l’épaule façon "je l’savais et j’t’ai rien dit, t’l’as profonde, hein ?". Jsuis resté stoïque quand même, la plus grosse des frégates d’jà sur place nous f’sait signe qu’on arrivait juste à temps pour les festivités.

L’utilisation d’la ruse, c’t’arme de faible, avait été décidée par je savais pas qui. Ordre était qu’on d’vait r’joindre les deux équipes déjà à terre. Et, pendant qu’les navires à nous qu’arrivaient par derrière bombard’raient l’bateau du pirate une fois qu’y s’rait au mouillage, nous on d’vait s’occuper des survivants qui débarqu’raient. Y avait trois trucs qui m’défrisaient la permanente dans c’plan à la con. En un, pourquoi s’emmerder à attendre qu’les méchants aient mis pied à terre pour les buter au canon ? En deux, quel était l’enculé d’chafouin qui m’avait foutu sur une mission où jdevais faire mes preuves de command’ment tout en étant subordonné à quelqu’un d’autre que jsavais pas qui c’était et en compagnie d’six autres équipages qui savaient même pas qui J’étais ? En trois, notre Den Den nous f’sait la gueule et nous obligeait à bavoter en morse avec les autres du coin, même la menace de la flotte y a rien fait. Un truc allait pas, j’le sentais mal.

J’avais raison. D’rouge jsuis passé blanc quand la vigie a vu les premiers pavillons qu’approchaient à l’horizon. Côté Houj. LES pavillons ouais. Ensemble. Quatre. Deux noirs, deux blancs. Mon vice-amiral préféré et les chefs des deux équipes d’jà à terre avaient beau m’pousser au train pour qu’j’débarque, j’avais pas donné l’ordre encore. J’le sentais pas j’t’ai dit. Et j’avais raison. J’ai à peine eu l’temps d’choper une longue-vue qu’j’savais d’jà qu’si not’ proie pleurait sa maman à la fin d’la journée, c’srait pas complèt’ment sans un coup d’pouce du destin, c’te pute. Les pavillons des deux frégates qu’taient censées couler l’connard sont tombés. Pas packe les mâts v’naient d’se faire défoncer par un boulet, mais sans doute packe ceux qu’en avaient pris l’contrôle avaient rien trouvé d’noir à foutre à la place. Et, maint’nant qu’elles étaient aussi proches, ils pouvaient s’permettre de tomber les apparences. Nous, dans not’ crique, on était baisés. Jusque-là.

Fallait qu’jrévise mon jug’ment. Raque-Am’lœur Houj était pas un gars subtil mais c’tait loin d’être un con. Non seul’ment il avait réussi à fausser les infos d’la Marine en disant qu’y s’était fait esquinter par un autre navire pirate sur la route jusqu’ici mais, en plus, pour réussir ce tour de force il avait réussi à aborder, saccager et récupérer pour sa crew deux frégates à nous. Après, passer des infos d’merde aux équipages restants qui l’attendaient à Iwo –nous et les deux autres–, c’tait un jeu d’enfants : rien d’plus facile que d’baver des conneries à distance. Résultat donc : un trois contre quatre en notre défaveur, sans aucune garantie qu’les deux navires en prov’nance de Suna Land existent vraiment. Y avait cinq minutes pour décider. J’en ai mis une, les quatre autres c’tait d’la mise en pratique.

"Chang’ment d’plan les gars ! S’vous voulez vivre, today on est des Marins qui changent de camp !

Piotr, ta ch’mise ! … A poil jte dis, grouille. Dafi, quand j’te fais signe, tu la fais monter en haut du mât.

Maître Canon
–impossible de m’souv’nir de son blase à lui, jsais qu’il avait un collier d’barbe ridicule mais c’tout c’que jrevois–, Maître Canon, tu m’prépares les lignes de babord. Ouais, jsais qu’c’est celles qui donnent sur la côte. Toi et tes hommes, vous visez les mâts d’nos futurs-ex-copains. Et fais tonner les deux grosses pièces jusque sur la plage pour faire genre.

Tout l’monde tombe son uniforme ! Jusqu’à c’que jvous donne le signal, vous êtes dev’nus des pirates. Précision : si vous m’foirez mon plan, j’srai obligé d’vous buter pour qu’vos copains vivent, c’est clair !? Si vous croyez en que’qu’chose, z’avez l’droit d’prier.
"

Clair, jcrois qu’j’l’ai été. Y a eu un blanc, d’l’agitation, et puis tout s’est préparé. Moi, avant d’courir en proue prév’nir les gars des autres frégates qu’l’allait pleuvoir dru et qu’y f’raient mieux d’courir à terre s’planquer, l’a fallu qu’je bataille sévère pour récup’ le miroir de Sar vu qu’lautre s’tait fracassé pendant l’instant d’panique qu’a suivi mes ordres. L’a aussi fallu qu’je bataille avec l’gars Céldéborde pour qu’y consente à tomber ses fringues, au moins les galons. Manifestement l’avait du mal avec le principe selon l’quel les pirates aiment c’qui brille seul’ment pack’y peuvent l’arracher et se l’mettre dans la poche. J’l’ai laissé s’démerder avec mes arguments, j’avais une comm urgente à faire. Les deux équipages ont pas compris mon message tout d’suite. Z’ont mieux pigé quand j’ai lancé l’feu d’artifice après un dernier coup d’œil aux hostiles qui fondaient sur nous. La Raque-Lure avait fait charger ses pièces de proue et s’apprêtait à nous avoiner salé ; j’avais pas d’aut’choix que d’lui couper l’herbe sous l’pied.

"Dafi, hisse les couleurs ! Maître Canon, ouvre le bal ! Tous, balancez vos consciences à la flotte !"

Pendant qu’ça pétait aux sabords, j’me suis r’gardé dans l’miroir. J’avais meilleure mine. D’blanche, ma peau était r’passée à mate. C’mat joyeux qui t’vient quand l’adré t’fait faire des trucs que t’avais pas prévus. J’ai fait peur à mon r’flet en souriant.


Dirty Tahar [FB 1607] 661875SignTahar


Dernière édition par Tahar Tahgel le Jeu 1 Sep 2011 - 22:18, édité 1 fois
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Tout le monde semblait confiant et Pludbus en était le premier. Ils étaient nombreux, ils étaient forts, ils étaient bien armés et ils avaient Pludbus en top de sa forme pour mener la mission vers sa victoire inéluctable. Évidemment, pour le navire, c'était Tahar Taghel qui commandait, mais la mission était un peu la sienne quand même. C'était le vice-amiral après tout. On n'avait pas voulu de son plan, mais il avait bien apprécié celui qu'ils allaient mettre en œuvre. Quand Pludbus était d'accord sur quelque chose, mieux valait se mettre à l'abri.
Il attendit donc, en compagnie du lieutenant, que l'inévitable se produise. On leur signala l'arrivée d'un groupe de quatre navires. L'information eut beaucoup de mal à parvenir au cerveau de Pludbus. Bêtement, il souriait alors que les petites taches commençaient à se faire voir. Il souriait toujours quand l'information fut parfaitement enregistrée dans sa petite caboche. C'est seulement quand l'agitation gagna les rangs de l'équipage que la lumière fut.


Mais… pourquoi nos navires voguent avec les… oui… les deux navires-pirates ? En plus, pourquoi deux ?

Un type pas loin vint lui expliquer la situation avec des mots bien choisis de sorte que même un enfant de cinq ans aurait pu comprendre la situation. Pludbus, n'ayant pas encore régressé à un âge inférieur à celui-ci, finit donc par comprendre. Sa façon d'exprimer la cognition de l'information fut stupéfiante. Il se mit à proférer des jurons parmi les moins jolis de son vocabulaire, se mettant les mains sur les joues, priant Dieu de venir les sauver d'une morte certaine. Pas besoin de signaler qu'il perdit instantanément le peu de crédibilité qu'il aurait pu avoir. Par la même occasion, il augmenta la panique générale de l'équipage. Passer d'une situation de supériorité à celle d'infériorité n'était pas très facile à vivre, surtout quand le vice-amiral s'avouait déjà vaincu. Heureusement, pendant ce temps, le lieutenant Taghel n'avait pas chômé.

Il avait un plan, c'était certain. Le plan pouvait marcher, c'était possible. Ils allaient devoir faire des concessions, forcément. Les sacrifices, même les plus horribles, doivent être faits au moment opportun.


Quoi ?! Abandonner mon uniforme ?! Mais z'êtes malade ! Jamais de la vie ! Plutôt crever ! Il est à moi c't'uniforme ! Devenez Amiral si vous en voulez un ! Non, mais oh !

Certains sacrifices étaient difficiles pour certains.
Ce plan était un véritable cauchemar pour Pludbus. Imaginez-vous ! Devoir se comporter comme un pirate ! Il avait passé plus de cinquante années à les combattre, son père les avait combattus, ses frères les avaient combattus et on lui demandait de faire comme eux. Même faire semblant n'était pas acceptable pour Pludbus. Impardonnable même ! Être un pirate ? Il en tremblait tellement il n'aimait pas l'idée. Il était fier. On ne se cachait pas en pirate, c'était indécent. Presque un crime. Devant un tel chieur, Taghel avait fait quelques concessions sur ce qu'il devait faire. L'idée était la suivante : il ne faisait pas le pirate, ainsi son honneur serait sauf, mais il devait enlever son uniforme.

Son uniforme, c'était un peu comme sa deuxième peau. L'enlever, c'était perdre un peu de sa condition de marine. Sans lui, il était perdu, comme abandonner, on comprend donc le déchirement que ça lui fait et son refus initial d'obtempérer. Toutefois, les regards mauvais d'un équipage entier qui risquaient la mort à cause de sa connerie eurent raisons de sa mauvaise volonté. C'est avec regrets qu'il enleva ses vêtements, les pliant soigneusement comme s'il s'agissait d'habits rares et précieux. Désormais vêtu d'une simple chemise blanche et d'un caleçon à fleurs, Pludbus le vice-amiral faisait beaucoup moins effrayant que d'habitude alors que c'était déjà pas la joie en temps normal.
Il s'esquiva rapidement afin de mettre ses vêtements à l'abri. Il ne connaissait pas la suite du plan, mais il y avait une sacrée agitation sur le pont. Tout le monde se foutait à moitié à poil (Pludbus n'avait malheureusement pas vu Sar) et les canons étaient de sorties. Il fit donc un vite aller-retour entre le pont et sa cabine afin d'y déposer soigneusement ses vêtements dans son armoire. Il ne pensa pas à enfiler quelque chose de plus habillé alors qu'il avait l'occasion. À son retour sur le pont, la situation avait étrangement changé. Les deux autres navires de la marine se faisaient exploser par les canons du Tambour Battant. En particulier, c'était les mats qui se faisaient détruire. De l'autre côté, vers la plage, des boulets explosaient pas loin des marines qui devaient se demander ce qu'il se passait. Pludbus en fut choqué. Il rattrapa Tahar, qui beuglait des ordres pour lui demander ce qu'il se passait, mais l'autre l'envoya aimablement chier, si ce n'était plus.

En gros, c'était un peu le bordel.

Pludbus ne savait pas où se mettre, alors il se mit sur le pont supérieur pour mieux voir ce qu'il se passait. Le haut, il n'y comprit pas plus, mais ça lui faisait moins mal à la tête. C'est alors qu'il entendit une voix derrière lui.


Z'êtes qui les gonzes ? Z'avez des problèmes ?


La voix était rude. Pludbus se retourna et vit un bateau passer derrière le sien. Un type avait débarqué sur le Tambour Battant après s'être balancé le long d'une corde. Avec ces cicatrices, sa tronche de meurtriers et les deux épées qu'il portait, pas besoin de voir la couleur du drapeau du bateau dont il provenait pour savoir ce qu'il était. Il ne semblait pas être très menaçant envers Pludbus. Avec son uniforme, ce serait passer différemment. Dans un coin de sa tête, l'vice-amiral salua le bon esprit de Taghel. L'autre attendait une réponse, visiblement. Derrière lui, des dizaines de pirates attendaient d'en savoir plus avant de suivre leur chef qui n'était pas le capitaine, mais surement un de ces lieutenants.

On est… des pirates… ça fait pas longtemps qu'on l'est ! On a volé un navire aux marines… et… ils nous ont suivis ! On est en train de se les faire ! Vous v'nez participer à la fête ?!


De la sueur froide coulait sur son front. L'autre le dévisagea pendant quelques secondes qui semblèrent être des heures. Puis, il sourit en prononçant un genre de « pas de prob' », puis reparti sur son rafiot qui continua sa route vers la plage. Pludbus jeta un regard aux alentours et il vit que les deux frégates volées à la marine s'attaquaient aux deux autres navires de la mouette, fraichement abimé par les bons soins de Tahar.

Sut le coup, Pludbus le sénile fut surpris de la facilité avec laquelle il avait menti aux loubards des mers. Le mensonge était un peu gros, mais, avec les évènements récents, c'était le premier truc, qu'il lui soit venu à l'esprit. Le fait qu'on puisse facilement piquer des navires de bleus devait s'être solidement implanté dans l'esprit de l'autre pirate pour que ça en devienne plausible. Enfin, l'important fut que l'autre ait gobé son baratin. La perspective de pouvoir taper à nouveau sur du bleu avait dû le motiver à abréger la discussion.
C'est ainsi que deux navires-pirates se mirent à encercler le Tambour Battant. Ainsi disposés, les trois navires stoppèrent près de la plage. Des pirates jaillirent des navires marqués du drapeau noir et chargèrent les marines de la plage. Pludbus chercha le lieutenant Taghel et le trouva au milieu de ses pirates amateurs. Le ton légèrement tremblant, il lui dit d'une voix qui se voulait importante.


Ils croient qu'on est des pirates… on fait quoi maintenant ? Z'êtes toujours en évaluation, lieutenant Taghel. Va falloir montrer que vous méritez c'te promotion.
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Les pièces ont toussé au bon moment. Les mâts d’nos cibles s’taient à peine effondrés qu’la ptite flotte pirate était sur nous. Les deux navires les plus chargés nous ont douc’ment approchés pendant qu’les deux autres, les deux-ponts qu’étaient à la base censés couper la route du r’tour à Houj, s’occupaient d’nettoyer les deux ruines encore fumantes. Packe le gros des équipages avait mis pied à terre pour r’cevoir les ennemis selon la tactique qu’avait été prévue à la base, et packe j’les avais prévenus juste à temps pour l’orage, y restait pas grand monde à bord, juste assez d’fous pour tenter une manœuvre. Comme j’t’ai dit j’avais mes convictions à l’époque. Voir deux navires de l’Ordre sombrer sous les coups d’deux autres navires de l’Ordre, ça m’a fait un ptit choc. A moi comme aux autres. Mais l’massacre était limité pour le moment et j’me raccrochais à ça. Quant à nous, on avait évité d’peu d’nous faire couler. Jsavais qu’ma tactique emport’rait pas les hourras d’mes supérieurs, mais au moins les hommes dont j’tais responsable étaient encore debout et la mission était toujours à portée.

Pendant c’temps y a un d’nos futurs nouveaux alliés qu’nous a abordés sans qu’jpuisse faire quoi qu’ce soit. Un seul type. Pas Houj, mais un d’ses dévoués sûrement. L’est arrivé par l’gaillard arrière et j’tais encore à la proue. Pas la place d’un capitaine jsais, mais les circonstances étaient c’qu’elles étaient. C’l’vieux Plud qui lui a fait face. Tout seul. A moitié dépoilé après avoir enfin lâché son uniforme. Jsais pas c’qu’y s’est dit mais l’affreux s’en est r’tourné et on a pas été coulés. Puis on s’est fait conduire à terre. Pas l’choix que d’suivre, s’non on était grillés à sec par deux jeux d’canons. Les quatre navires pirates s’sont vidés. Z’étaient genre deux cents jpense. Sur l’sable j’ai pu r’pérer deux d’ses lieutenants, dont c’ui qu’était déjà monté sur le Tambour, mais impossible encore d’voir le chef pirate dans la masse. En face, quatre ptites vingtaines de bleus d’jà débarqués avait eu l’temps d’établir quelques défenses. Z’ont résisté comme y pouvaient mais y pouvaient pas beaucoup.

Des gars féroces, j’en avais d’jà vu s’taper d’ssus gratuit’ment, entre autres à bord des navires d’Mezzrahý sur West. Là, j’ai découvert un aut’ genre de férocité. D’la qui dépucèle l’restant d’foi en l’homme s’t’en as encore. Du coup, j’ai pas bien écouté l’vice-amiral en calbut qu’est v’nu m’baver dans l’oreille après qu’on est descendus nous aussi. Assez bien quand même pour bitter qu’y m’causait promo. J’ai rien répondu mais à c’moment-là jpeux t’dire qu’j’avais plus masse d’intérêt pour l’truc. En priorité, fallait qu’jcoache mes gars pour qu’y fassent semblant d’tirer sur leurs collègues sans les buter. Que j’leur montre l’exemple. Stoire qu’Houj, dont j’tais certain qu’il était d’jà au courant et à la place d’quel j’nous aurais observés, s’méfie pas trop. Ajuster, tirer, manquer d’justesse. Ajuster, tirer, toucher. Merde. Mon équipe de choc s’est mise au boulot pareil. Même Roje et Raf s’sont mis aux flingues pour l’occasion. L’reste de l’équipage tirait en l’air mais ça s’est pas trop vu. Sar s’est couchée dans l’sable et a gueulé à s’en arracher la gorge. Et ça, jusqu’à la fin du jour. J’t’ai dit qu’Iwo c’tait pas grand mais c’pas si ptit qu’ça non plus. Assez peu en tout cas pour qu’jpuisse pas m’rendre moi-même en r’connaissance au village pendant la grande sanglante. C’aurait été prendre le risque qu’mes gusses se r’trouvent seuls à causer à Houj ou ses sbires. J’ai envoyé Blèz à ma place. Direction l’casse-pipe. L’brave gars s’est fait choper par un shrapnell perdu à peine y partait. Un d’moins.

Puis la bouch’rie s’est finie. D’nos gars, jsais pas si on en a vraiment tués nous-mêmes. M’fin de c’que j’ai pu voir après c’est surtout à la lame qu’on les avait dessoudés, c’qu’avait que’qu’chose de rassurant. Etait v’nu en tout cas l’temps d’faire un bilan des forces en présence. A vue d’pif, y avait encore une très grosse centaine de méchants valides. Autant d’bœufs à endormir avant d’pouvoir espérer toucher l’chef. Chez les bons restaient not’ ptitre quarantaine infiltrée, moins l’pauvre Blèz, et ceux des marins qu’avaient eu l’temps d’aller plus avant dans les terres, qui d’vaient s’planquer au village. Chez les neutres, y avait l’village justement. Des civils. Des fermiers. L’groupe dont tu sais jamais s’y s’ront d’ton côté ou pas. Et Plud, mais jcrois qu’il avait eu sa part en causant au pirate sur l’gaillard du Tambour et jpouvais pas lui confier grand-chose.

Accroche-toi jme la joue poète : nos cœurs étaient sombres comme l’heure quand la flibuste pro s’est intéressée d’près à nous. Les cent brigands nous ont entourés comme des gamins autour d’la cage du lion au cirque. Avec des gueules beaucoup moins enfantines. L’grand manitou voulait voir son homologue dans notre groupe. Jsuis allé trouver viteuf Céldèborde et j’lui ai dit d’monter un camp qui fasse pas trop discipliné. J’ai répété l’même ordre à LeVeirne et Dafi, qui dev’naient mes vrais seconds : l’premier packil était loin d’être con comme j’avais pu m’en apercevoir en discutant avec lui autour des cartes pendant la traversée, l’second packe les manœuvres de groupe c’était son truc. Pis jme suis barré direction l’cœur du pouvoir des arsouilles. J’m’étais pas planté sur les deux lieut’nants qu’j’avais vus. L’troisième était là aussi. Une belle brochette de salopards tout c’qu’y avait d’classiques, que j’me s’rais faits illico si j’avais pas eu quarante gars qu’attendaient mon r’tour à protéger. La raclure suprême est sortie d’la tente d’vant laquelle on m’avait am’né. La façon était classe mais l’gars beaucoup moins.

Vois-tu, j’t'ai dit qu’j’avais dû réviser mon jug’ment et qu’Houj était loin d’être con au final. Pas subtil mais loin d’être con. Jmaintiens le "pas subtil". Quoi, ça t’fait marrer que j’parle de subtilité ? ‘foiré. Mais mire plutôt : six pieds de haut comme ton serviteur pour un quintal de hargne, dont une bonne livre de barbe comme dans les bouquins, avec les perles, les morbacks visibles à l’œil nu et tout, un trois-cornes sur l’chev’lu, une douze-apôtres en bandoulière, deux crosses sur les hanches et une troisième sur l’poitrail, et une lame contre le jarret gauche. Et l’animal était au r’pos là. M’a jaugé du r’gard. J’aurais pas bien su lui donner d’âge mais jme sentais bizarrement pas trop jeune en face d’lui alors qu’vu ses exploits il avait facile une décennie d’plus que moi. L’devoir de command’ment ça t’transforme un gamin en homme mûr… Bref. ’m’a tendu une ptite dame-jeanne sans m’dire un mot. Manière d’voir si j’avais des tripes ? Jsais pas, l’a dû être convaincu par l’résultat en tout cas. Pas commode la bibine mais mon gosier avait connu bien pire trois jours plus tôt. J’ai t’nu l’coup sans broncher, l’a attendu deux instants pour voir si j’m’écroulais pas en r’tard, pis l’a éclaté d’rire en m’tapant sur l’épaule. J’étais d’dans. Pour l’moment.


Dirty Tahar [FB 1607] 661875SignTahar
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Plus loin, c'était une véritable boucherie. Les pirates rentraient dans les marines comme un couteau dans du beurre. Ils tailladaient dans la chair aussi facilement que c'était des cochons qu'ils coupaient. En face, les marines résistèrent bravement. Les tireurs firent des ravages chez les plus imbéciles des pirates, touchant les parties exposées du corps avec une efficacité qui ne devait rien à la chance. En première ligne, les épéistes vendaient chèrement leur peau face aux multitudes d'armes potentiellement coupantes que possédait l'équipage pirate. Afin de faire une bonne impression, le lieutenant Taghel avait ordonné de tirer sur les marines, mais de faire gaffe à ne pas les toucher, histoire que les bleus s'occupent du plus grand nombre de pirates sans qu'on ait à aider ces derniers. Pour tirer, Pludbus savait faire. Il sortit son pétoire de derrière son dos et arma l'engin. L'antiquité le suivait partout en toute circonstance. Il en prenait soin, même si son état n'était plus aussi parfait qu'à l'origine. Comme tout le monde se mit à viser à côté des marines, Pludbus fit de même. Il repéra un tireur au fusil qui se tenait immobile, étant ainsi une cible facile pour le vice-amiral. Prenant son arme à deux mains, Pludbus visa, se concentrant tout en passant la langue entre les lèvres. Ses sourcils étaient froncés et il bougeait plus. Puis, il tira. La balle fusa du canon, survola le champ de bataille, puis alla se loger entre les deux yeux du marine qui n'aurait pas dû se la prendre, en théorie.

Silence, Pludbus resta immobile un instant. Il jeta discrètement un regard à gauche et à droite, puis, constatant que personne ne semblait l'avoir vu faire, il se permit de souffler. Les gens n'aimaient pas trop s'occuper de Pludbus d'habitude, la situation complexe n'avait pas aidé à inverser la tendance. Il était certain d'avoir visé à un mètre à gauche du pauvre marine qui n'avait pourtant pas bougé. Les hasards de la météo prirent le dessus sur la vieillesse dans la liste des explications possibles. Oui, ça devait être ça. C'était le vent. Pludbus fit un discret signe vers le cadavre tout frais comme une sorte de bénédiction assez sommaire. Puis, la bataille prit fin et Pludbus n'eut pas le loisir de tester à nouveau ses hypothétiques talents de tireurs ; les marines étaient déjà tous hors d'état de combattre.

Les pirates se firent face. Rapidement, il eut une discussion entre Taghel, que les flibustiers devaient considérés comme le chef (alors que c'était quand même Pludbus, l'officier supérieur, non mais ! Même s'il était second sur le coup. Il n’avait pas l'étoffe d'un chef ?) et les pirates eux-mêmes. Le lieutenant vint demander à Pludbus d'installer une tente pour organiser une entrevue. Il était bien embêté ; il ne savait pas comment monter une tente, il n’avait jamais fait. Il laissa donc faire les deux sous-chefs que Tahar avait choisis. C'est dans la pagaille qui suivit ces ordres que Pludbus entraperçut Taghel lui faire un drôle de signe de la main. Il ne le regardait pas directement, mais le vice-amiral sentait que c'était pour lui. Le lieutenant semblait dire quelque chose d'important, la main indiquait vaguement la direction du village. En quelques secondes de réflexion, tout devint limpide chez le vioc. Il devait aller au village pour demander de l'aide ! Il pouvait aussi retrouver les marines survivants et préparer une grande charge qui ferait diversion et qui prendrait à revers les pirates. Excellente idée que voilà ! Taghel avait vraiment des idées de génie ! De plus, il savait les exprimer à travers quelques signes bien dissimulés ! Non, vraiment, il l'avait très bien formé. Il était fier de ce bougre.

Bien vite, Pludbus trouva un moyen de s'éclipser de la plage ; des pirates couraient dans tous les sens, cherchant à débusquer les dernières poches de résistance chez les marines. Le vice-amiral était suffisamment insignifiant pour qu'on ne s'y attarde pas, surtout quand il y avait du bleu à éliminer, un vieux n'était pas divertissant. Ainsi, il parvint à rejoindre le couvert des fourrées et des arbres sans qu'on l'accroche de trop. Il prit la direction du village, faisant attention à ce qu'on ne le voie pas. Une telle attitude était terriblement suspecte, mais Pludbus n'était pas assez futé pour le comprendre. Il arriva en bordure du village visé, qui semblait un poil mort. Il faut dire, la bataille un peu plus loin n'avait pas dû passer inaperçu. Le vioc entra dans l'enceinte de maison de bois qui constituait le village paisible, quoique simple. Des gens étaient regroupés dans un coin. Les hommes étaient armés de bâton et d'instruments de jardin tels que des fourches et des pelles. Ils les brandissaient vers Pludbus tandis que les mères de famille protégeaient leurs enfants entre leurs bras. Visiblement, on le prenait pour un pirate. Les hommes lui demandaient de s'en aller et de les laisser tranquilles. Les enfants pleuraient. Les adultes avaient peur. Il fallait les rassurer. Pludbus s'approcha, les mains bien en évidence.


N'ayez aucune crainte ! Je suis Pludbus Céldéborde, vice-amiral de la marine. N'ayez aucune inquiétude ! Je suis juste venu demander votre aide pour combattre ses sales forbans de mes fesses !

Les femmes couvrirent les oreilles de leurs garnements tout en fusillant Pludbus du regard qui vacilla presque sous l'attaque tellement elle fut brutale. Les hommes, eux, échangèrent quelques regards surpris, mais quelqu'un osa dire tout haut ce que tout le monde pensait tout bas.


Mais… vous êtes vice-amiral, vous n'avez pas besoin d'aide, non ?


Intéressante question. Malheureusement, ils ne connaissaient pas le célèbre Pludbus tandis que ceux le connaissant auraient voulu ne jamais en avoir entendu parler. Sous le coup, Pludbus fut désarçonné. Il est vrai qu'il aurait dû, à ce moment-là, montrer les incroyables talents dont il avait preuve au cours de sa carrière. Sauf qu'il ne se sentait pas capable ce jour-là de sauver tout le monde tout seul. Évidemment, un autre jour, il aurait pu… évidemment...
Enfin, le vice-amiral se sentait maintenant ridicule. Lui le puissant marine qui demandait de l'aide à quelques paysans, c'était assez cocasse. Il aurait voulu dire quelque chose pour préserver les apparences, mais rien ne sortit. De toute façon, il n'en eut pas le temps. Un cri se fit entendre dans son dos. Se retournant, il aperçut une jeune demoiselle en détresse poursuivie par trois moches ;des pirates donc ; qui ne semblaient pas lui vouloir le plus grand bien ? Une femme derrière lui eut alors le malheur de prononcer une phrase qu'elle n'aurait jamais dû dire.


Monsieur le marine ! Sauvez ma fille !!


Le premier pirate était à quelques pas de Pludbus alors que la fille passait à côté de lui. Subtilement, le pirate changea de trajectoire et chargea le vice-amiral, lui balançant son énorme point dans le ventre. Le vioc ne s'était pas préparé à cette attaque violente. En fait, il ne s'était préparé à rien du tout ; il avait été trop lent à réagir. Le point lui coupa le souffle et il bascula en avant tandis que son agresseur lui attrapait la tête par les cheveux.

Alors, le vieux ? T'es un marine ?! T'es avec les autres glandus d'lautre bateau ! Z'êtes des marines alors ! Vous vouliez nous rouler, bande de crevard, on va vous faire la peau ! Zuf' ! Va prévenir l'chef, on a des bleus à…

Il fut brusquement coupé dans ses paroles par un coup de genou dans les valseuses. Les yeux exorbités, il grogna, basculant en avant. Pludbus s'était redressé et enchaina sur une manchette puissante sur la nuque exposée d'un pirate. Le coup fit mal au cou. L'autre s'écroula par terre. Les deux autres pirates s'étaient arrêtés. Pour tout dire, le dénommé « Zuf' » ; nom assez ridicule, il fallait l'avouer ; s'était retourné et repartait en courant en direction de la plage et de son chef. Des ennuis en perspective pour le Taghel. L'autre pirate dégaina une épée et chargea, la bave aux lèvres. Pludbus oublia la mauvaise surprise qu'il avait envoyée au marine de la plage et se concentra sur son adversaire de l'instant. En fait, au lieu d'utiliser ses attaques physiques, Pludbus se contenta de dégainer son pistolet et de faire exploser la cervelle à l'autre gusse qui s'étala de tout son long après s'être pris une balle qui, cette fois, n'avait pas atteint la caboche d'une innocente victime. Plus pour la forme que par utilité, il logea une autre balle dans la tête du premier pirate, non sans avoir manquer à sa première tentative alors qu'il se trouvait à deux mètres du corps.

Sortir victorieux de ce combat avait remonté le prestige qu'avaient les villageois pour le vioc. On le remercia chaleureusement, surtout la jeune demoiselle, mais elle ne lui fit pas de bisous, à son plus grand regret. Il en était encore aux félicitations enthousiasme quand du bruit se fit entendre dans son dos. Il découvrit une poignée de marines dirigés par un commandant armé d'une épée. L'autre, en le voyant, jura en crachant par terre.


Fichtre ! Pludbus ?! Z'êtes pas mort ?! Merde !


L'intéressé fut heureux de cette marque d'affection qui n'en était pas une. Il semblait si heureux qu'il ne soit pas mort. L'autre pesté à propos d'un gradé qui allait l'engueuler pour avoir manqué son coup, mais Pludbus ignora cette agitation qui ne sied point à un homme de sa trempe. Maintenant qu'il avait trouvé les villageois et les marines, ils allaient pouvoir mener sa grande contre-offensive dont il rêvait, en espérant que le Taghel soit toujours de ce monde à l'heure arrivé. Tout comme Sar, pour qu'elle puisse chaleureusement récompenser Pludbus et sa fantastique attaque.

Vite, il fallait vraiment se mettre au travail s'il voulait récolter les fruits de son travail.
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J’étais d’dans j’t’ai dit. D’dans avec boustifaille, rhum à gogo et barbus qui piquent du r’gard. L’monstre s’est mis à m’causer. Causait rauque, genre monstre de fond d’caverne. Causait pas beaucoup d’ailleurs. M’a d’mandé qui on était, c’qu’on foutait là. J’avais deux options vois-tu : soit j’le balivernais soit j’me cassais pas à inventer des salades et j’maquillais juste un peu c’qui s’tait passé. Dans les deux cas d’toute façon, y avait qu’deux issues possibles : ou on arrivait à l’buter et peu importe c’que j’lui aurais dit, ou on y arrivait pas et c’tait nous qu’on crevait et peu importe c’que j’lui aurais dit. J’tais pas inspiré, j’ai choisi l’option flemme. Moi et mon équipage de Marine, on v’nait d’changer d’camp dans nos têtes, trop des oufs. Enfin surtout moi à la base, mais les autres avaient suivi. En écoutant aux portes, on avait découvert qu’y avait un rassemblement d’nos ex-confrères sur Iwo et on avait décidé d’aller y faire un tour pour étrenner notre nouvelle disposition mentale. L’a grogné des sourcils, un peu comme ça, t’vois, comme jte fais là. Un peu puis y s’est arrêté.

Si tu m’mens j’le saurai bien assez vite garçon. Si c’est l’cas profite de ta dernière nuit à nos côtés, mes hommes sont tes potes jusque-là. Si c’est pas l’cas, profite d’ta nouvelle liberté autant qu’tu peux. Et quand j’te f’rai confiance, ptêt même que j’tapprendrai des trucs.

Quand j’y r’pense maint’nant, ben tu l’vois d’ailleurs, j’ai un ptit sourire aux lèvres. Déjà à l’époque ça m’rapp’lait ma rencontre avec Mezzrahý quatre ans plus tôt sur West, mais aujourd’hui, aujourd’hui ça m’rappelle tout c’qui s’est passé d’puis avec les Saigneurs et tout. Mais ça aucun d’nous deux l’savait à l’époque, et j’me suis contenté d’répondre en m’resservant du distillé, manière de m’donner du courage pack’au fond d’moi j’sentais qu’un truc allait foirer d’ici l’lend’main matin. L’lend’main pour lequel le pirate avait r’mis le sac du village. Un sursis pour les braves gens, qu’il avait dit en riant comme un perv. Mais pour l’instant donc ça s’passait pas trop mal. Pendant qu’Houj baffrait comme quatre et qu’moi et ses lieut’nants on essayait d’suivre la cadence en balançant des trucs de pirates d’temps à autres, j’entendais mes gars qui s’détendaient et s’mélangeaient peu à peu avec la flibuste dehors. Pas qu’y z’étaient vraiment d’venus des pirates mais bon, une fois qu’la tésto d’la journée a été évacuée au cours du grand carnage, le soir, deux zigues qu’aiment picoler c’est des copains, qu’z’aient les mêmes convictions ou pas. Bon, ça grinçait un peu des dents du côté où y brûlaient les cadavres d’la journée, jcrois bien, mais au final, ben ça collait pas trop mal entre tout l’monde. J’tais pas peu fier jpeux tdire.

Mais, là, c’est le drame. Juste quand j’commençais à entrevoir un début d’soluce pour le lend’main. Jte la r’fais comme j’l’ai entendue la première fois :

SALE CATINNNNNN

Bon, comme c’tait chelou vu qu’on était dans un coin où y avait a priori pas masse de gonzesses à part au village qu’on avait pas encore pillé, j’ai checké mes portugaises un peu. J’ai r’gardé mes potes de tablée aussi pour m’faire une idée d’si leur réaction ’tait cohérente avec c’que j’avais compris… Elle l’était pas. En vrai, après vérif, donc, le couillon qui beuglait partout sur la plage, y disait ça :

C’EST DES PUTAINS D’MARINNNNNNNNNNNNNNNNNNS

J’aurais pu m’en sortir vu qu’c’était un peu c’que jvenais d’raconter à Houj. Mais même si j’avais déjà des couilles à l’époque, ma réaction m’avait trahi et il aurait fallu qu’jvende un truc plus gros qu’ta mère pour m’récupérer. Jpouvais pas, c’tait pas dans mes moyens à c’t’époque. J’tais plus d’dans.

Quand t’es face à trois pirates moyens et au grand manitou d’une des quatre Blues, jpeux t’dire que ça fait comme un froid. Enfin la raclure était pas trop surprise, en fait, sûr’ment rapport à l’avertiss’ment qu’y m’avait lancé au début du gueul’ton. Genre plutôt déçu qu’aut’ chose en fait, jcrois, en y r’pensant. Mais les autres… Y en a un qu’a pas attendu deux s’condes avant d’se j’ter sur moi. ‘reus’ment qu’j’avais la carafe à proximité. Jcroyais qu’y voulait m’planter donc jme suis fait un tesson par réflexe et j’lui ai r’fait la face avec juste quand il allait m’prendre par l’colback. Jsaurai jamais s’y voulait pas juste m’immobiliser. Les deux autres zouaves ont été plus patients, z’ont attendu qu’le chef leur donne l’ordre pour foncer. C’tait tard, j’avais déchargé mon calibre en direction d’la montagne sans r’garder et j’tais déjà dehors. Pas packe jvoulais pas m’les faire tous les trois, oh ça non crois-moi, mais surtout pack’jvoulais voir l’grabuge qui s’lançait.

D’un côté y avait les gars d’jà complèt’ment bourrés qui avec leurs deux d’tens’ ont pas pu faire grand-chose. Ceux-là y s’sont fait défunctés par mes bons marins encore sobres dans les deux minutes. L’entraîn’ment militaire, en situation d’urgence, ça paie.

Mais y en avait pas beaucoup des gars pintés comme y fallait : un pirate en début d’soirée, ça a encore d’la réserve. Et les autres, c’fut plus compliqué. L’a fallu batailler et ça a bataillé, comme dans l’aprèm sauf qu’là y f’sait nuit. Trente contre cent. Un contre trois. Dans l’noir. Nombres de merde, circonstances de merde. J’aurais bien cherché l’couillon qu’était responsable, mais j’l’ai pas fait. C’aurait voulu dire que j’aurais buté un vice-amiral au premier coup d’œil si j’l’avais fait et, d’abord, l’était pas là et, ensuite, ça aurait servi à keud’. Et puis j’srais pas là aujourd’hui, probabl’ment. Mais n’empêche, c’tait la merde. L’agitation a gagné façon traînée d’poudre sur le sable, j’ai juste eu l’temps d’me rendre auprès d’ma troupe d’élite avant qu’ça pète. Et pour péter, ça a pété. J’ai envoyé Piotr, toujours torse poil, faire péter les navires ennemis pour nous débarrasser d’ce problème. L’était accompagné des deux bretteurs pour lui ouvrir le ch’min. Ca m’laissait avec pas grand-monde : le tank Jief-Kay, son copain sniper, Sar qui servait à rien et Ju qui pouvait encore s’battre. Dafi s’tait fait niquer la jambe par un connard qu’avait plus d’tête. J’l’ai laissé avec Oswaald pour l’aider à r’charger, dans un bosquet jusqu’où on l’a traîné. D’là, y z’ont arrosé copieux. Z’ont bien flingué l’cinquième des troupes adverses à eux tous seuls au final, jpense.

Ouais packe y a eu un final, vers trois-quatre heures du mat’, juste avant l’aube en gros, mais ça on y est pas encore. Là on en est au moment où, la ptite Akk-Ônor collé aux basques, un bourrin à ma droite et un navigos reconverti en bourrin à ma gauche, j’essaie d’galvaniser trente pelés dont l’nombre décroît à peu près au même rythme que n’tirent les pétoires des deux snip'. Même pas l’temps d’ajuster l’regard pour repérer l’grand Houj et les deux assistants que j’lui avais laissés. Autant dans l’aprèm on avait joué aux apprentis planqués, autant là j’t’assure qu’on a pas chômé pour conserver juste nos vies.


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Dernière édition par Tahar Tahgel le Lun 5 Sep 2011 - 20:59, édité 1 fois
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Pludbus s'approchait doucement de la plage. Derrière lui, ce qu'il avait pu trouver de marines le suivait, fusil en main et sabre prêt à être dégainé. Ils ne faisaient pas les fiers ; ils savaient qu'ils avançaient soit vers une mort certaine, soit vers une victoire éclatante. Comme c'était Pludbus qui commandait, la première était la plus logique. Certains plus anciens que d'autres tentèrent de déserter, mais, les plus jeunes, les en empêchèrent. Les pauvres, ils ne comprenaient pas les terribles avertissements que leur faisaient leurs ainés. Après plusieurs tentatives, Pludbus bougonna un bon coup, promettant qu'il chargerait en premier et qu'ils ne tenteraient de viser personne si un marine se trouvait à porter. C'était peu comme concession, mais les plus récalcitrants finirent par obtempérer. S'il fallait mourir, autant mourir héroïquement pensait-il. Devant, Céldéborde se demandait pourquoi on avait peur de lui. C'est vrai qu'il était une brute de puissance et qu'il pouvait, à l'occasion, blesser ses subordonnés, mais il ne les tuait pas ! Brièvement, le souvenir de la caboche du bleu qu'il avait détruite, sur la plage, à coup de pétoire lui revint. Il la chassa comme on chasse un moustique, c'est à dire, en agitant la main devant lui dans le genre « J'viens de lâcher, ça chlingue ». C'est ce que compris son second pour l'occasion, l'commandant des marines, qui leva les yeux aux ciels dans le genre de dire qu'il s'en foutait.

Un peu plus tôt, la bande de marines s'était retrouvée dans un endroit assez calme dont seuls les villageois connaissaient l'existence, pour le moment. Ces mêmes villageois, au nombre d'une trentaine – des hommes pour la plupart – étaient toujours équipé d'armes rustiques, quoique potentiellement efficace quand elle pouvait être manié par des mains expertes, ce qui était le cas, l'expérience militaire en moins. Les bleus étaient un peu moins nombreux. Ils étaient ceux qui avaient survécu en fuyant. Pas très glorieux, certes, mais, ils avaient toujours de la vie pour la retirer aux pirates. Les plus jeunes étaient pas forcément chauds pour retourner dans l'enfer, mais ils savaient qu'ils finiraient pas se faire débusquer par les zouaves s'ils ne se bougeaient pas. Alors, ils étaient pas mal stressés pendant la mise en place du plan. Deux pirates qui crurent bon de les attaquer le regrettèrent aussitôt après s'être pris une rafale de balles qui vinrent les tuer avant qu'ils ne puissent toucher terre. Le conseil de guerre, comme Pludbus avait aimé l'appeler, réunissait Pludbus, évidemment, le commandant dont le nom n'est pas très utile puisque l'histoire se souviendra juste qu'il allait mourir dans l'heure et enfin le chef des villageois, une sorte de grand type chauve avec une hache de bucheron. Bucheron qu'il était. Logique.

Le plan de Pludbus n'avait pas été du goût de tout le monde. En plus d'être assez basique, il comportait beaucoup de risques pour les survivants. Le genre de risque qui ferait qu'ils ne resteraient pas des survivants très longtemps. En gros, Pludbus voulait faire charger tout le monde sur la plage lorsqu'il jugerait le moment opportun. Le hic, c'était que personne ne savait ce que pourrait être ce moment opportun. Si ça désignait le moment où ils n'auraient aucune chance de faire dix mètres sans crever, très peu étaient volontaires. Mais Pludbus était confiant, trop peut-être. Il disait qu'il saurait quoi faire. Il avait confiance dans le Taghel. Ils allaient poutrer ces pirates allégrement.
C'est à ce moment-là que le bucheron s'est interrogé sur sa présence dans ce conseil. C'est vrai, il n’était pas soldat. Qu'est ce qu'il foutait là ? Pludbus lui avait demandé de regrouper des volontaires pour on ne sait quoi et de venir avec les marines. Ce fut le moment à Pludbus de s'expliquer.


Z'allez charger avec nous !


Ça avait le mérite d'être clair. Sur le coup, tout le monde fut surpris. Puis, tout le monde éclata, allant de sa protestation de sa question et de sa demande de permission. Pludbus fit respecter l'ordre difficilement, mais il y parvint quand le plus chieur de tous se fit menacer par un poing toujours aussi douloureux malgré l'âge. Le calme revenu, il donna plus de détail.

Avec vous en plus, vous allez faire de la masse ! Ils vont nous voir nombreux ! Ils vont avoir peur ! Et là, on les frappera tel le marteau contre l'enclume. L'enclume, c'est Tahar Taghel et ses troupes. On va les pulvériser. V'là ce que vous pouvez faire. Nous, on charge. On défonce la majeure partie. Vous vous occupez de nos blessés, vous éliminez leurs blessés et vous vous mettez à dix sur ceux qui passent au travers des mailles !
T'façon, si on échoue, ils vont pillés votre île et ça sera pas joli joli.


L'argument était assez juste, pour une fois. Ça gambergea un peu dans la tête de chacun, puis, finalement, tout le monde s'accorda à dire qu'ils avaient pas trop le choix de toute façon. Après avoir dessoudé un clampin qui s'était perdu, le groupe se mit en mouvement.


Ce n’est donc pas trop longtemps après avoir la réunion de Pludbus que le groupe de bleus et de neutres se retrouva à la limite des fourrées, zieutant les pirates sur la plage. Un problème devait avoir eu lieu, car on se battait. Il était tard, c'était même la nuit, mais on voyait les lumières et ce n’était pas une fête amicale qui se produisait. Les marines devaient prendre cher. Pludbus lança un coup d'œil au commandant qu'était déjà prêt à s'envoyer l'air. Le bucheron était moins joyeux, mais sa hache luisait dans la pénombre. Pour les autres, Pludbus ne les voyait pas, mais ils sentaient leur respiration dans son dos. Enfin, métaphoriquement, ils ne le collaient pas au cul quand même. Le vice-amiral donna alors le signe de l'attaque. Signe qui consistait à se précipiter en avant en gueulant comme un putois. Tout le monde le suivit, formant une grosse tache très bruyante dans le champ de vision des pirates les plus près. Pludbus, bien que partit en premier, fut vite dépasser par ses compères. Par contre, c'est lui qui buta contre le premier adversaire. C'était un pirate avec une sale plaie sur le côté. Il avait dû se réveiller un peu plus tôt et s'était difficilement relevé malgré la douleur. Pludbus lui balança son pied dans la figure puis fit la même chose avec son gros point vieilli, l'autre retourna pioncer, la gueule en bouilli.

Ça tirait de tout côté. Devant, on pouvait discerner une sorte de séparation entre les pirates et les marines. Pludbus et l'Commandant pointaient dans la direction des pirates et les bleus suivirent en extériorisant leur peur. L'bucheron et ses potes restaient derrière à démembrer les récalcitrants. Pludbus ne voyait pas le Tahar dans le lot, mais il pouvait deviner ou se trouver le grand boss. C'était là où ça semblait le plus peuplé. Pludbus se dirigea dans cette direction, pétoire dans la main.
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Bon, j’te fais pas un dessin, des guerres et des trucs sales t’en as vu comme moi. Tu sais c’que c’est qu’l’enfer de la bataille finale. L’palpitant qui t’fait vibrer de haut en bas, l’adré qui t’fait trancher tout c’qui vient t’chatouiller d’un peu près. Jief c’tait un bastonneur donc y savait garder ses distances, mais Ju et Sar j’ai bien failli les buter deux ou trois fois chacun. L’sang qui t’gicle à la gueule et les vagues qui viennent de labourer les ch’villes, l’odeur d’gros rouge mêlé au sel de la flotte, tout ça aussi tu sais c’que ça donne. Au bout d’jsais pas combien d’temps toute la plage était folle. Les pirates s’tapaient entre eux pour avoir une chance d’nous matraquer et mes gars étaient en mode berserk. Dur d’les maîtriser. J’tais en plein milieu avec mes trente, nan vingt bonshommes, quand la caval’rie est arrivée. Sans s’presser mais en fanfare. Nous ont r’joints sur l’arrière, z’ont bien amoché ceux des méchants qu’avaient commencé à nous entourer. C’tait toujours pas équilibré mais on t’nait. Et pour l’moment j’m’en sortais sans une balafre, jsavais pas qu'on v'nait d'forcer des civils à entrer en guerre et jme sentais comme un dieu.

Pis y a eu comme une odeur. Un truc qui flottait par-d’ssus la mort qu’tout l’monde r’niflait. Celle du bois qui brûle. Piotr et les autres avaient bien fait leur boulot : au mouillage, là où avant y avait les cinq ombres des cinq navires, y avait quatre torches. Sur l’sable y a plus eu un seul claqu’ment d’métal. Juste ce gros silence d’après la bataille, sauf qu’là c’était pendant. Puis y a eu un rugiss’ment, jcrois c’était sur ma gauche devant. Raque-Am'lœur était pas content et ça s’faisait entendre. Tu m’connais, j’ai foncé. Mais j’tais pas l’seul à foncer : quand ton bateau brûle à trois encablures d’la côte, c’est très con mais ton premier réflexe c’est d’t’approcher jusqu’à plus avoir pied. L’ont tous fait. J’me suis pas fait marcher d’ssus mais à un moment j’ai senti un truc me planter l’bras gauche. Jsais même pas qui a fait ça, ami ou ennemi. Sur l’instant t’façon j’ai pas eu trop l’esprit à penser au problème, vu qu’quatre saintes-barbes ont fait boum. On était pas tout près, mais l’souffle et la surprise a quand même fait tomber la moitié des pelés qu’avaient mis pied à l’eau jusqu’à mi-cuisse. C’tait un beau feu d’artifice. Brosse-Man avait beau être complèt’ment frappé, l’avait une âme d’artiste. Et cette fois il nettoierait pas à la brosse, la mer est bien pour ça. Que jme disais.

En tout cas l’intervalle de temps où tout l’monde s’est couché m’a suffit pour r’pérer Houj. Lui c’tait clair’ment pas vers ses navires qu’il avait prévu d’aller, vu qu’les deux chaloupes dans lesquelles il s’engouffrait avec une quinzaine de ses affreux, il y est resté même après l’explosion. Hors de question qu’y soit en train d’fuir aussi, c’tait pas l’genre. Ptêtre packe j’aurais fait pareil, j’ai direct capté qu’il allait sur le Tambour pour, un, trucider l’enflure qui lui avait pourri sa flotte (on voyait la barque d’Piotr et des deux sabreurs à la lueur des flammes) et, deux, récupérer un navire. Et j’le sentais bien capable aussi d’bourriner la plage en r’présailles avec les grosses pièces, peu importe si ça f’sait des trous dans ses hommes au passage. J’ai couru vers lui mais ’videmment j’ai pas été assez rapide. Jsuis même pas sûr qu’il ait entendu mes insultes sur sa maman. J’srais probablement mort si ça avait été l’cas en fait. M’aurait attendu, l’aurait vidé une crosse, puis y s’rait r’parti.

J’avais complèt’ment zappé mes potes dans ma course, mais quand j’me suis r’tourné LeVeirn était toujours là. Sacré Ju, l’aurait vraiment fait un bon s’cond. J’lui ai confié l’command’ment d’ceux d’nos gars qui restaient, pis j’ai chopé la première yole que j’ai trouvée et j’l’ai foutue à la mer. En luttant packe avec un bras c’pas simple. J’ai pas eu l’temps d’me dire que jamais j’allais pouvoir ramer assez vite sans la main gauche pour arriver à notre deux-ponts avant la fin du monde qu’une forme s’est étalée d’vant moi en poussant des cris d’souris. Sar. L’avait été propulsée d’puis le sable, dont j’m’étais d’jà éloigné d’quelques mètres dans mon élan, par… Tu d’vines pas ? Bon, jte la r’fais comme j’l’ai vue : d’abord la sergente qui tombe, donc, pis une main blanche qui s’accroche d’puis la baille, pis un bras flasque, pis un deuxième, et enfin une tête de pou… Toujours pas ? Si hein, jvois qu’t’as compris. Encore et toujours le même, l’vice-amiral voulait pas m’lâcher. Bon j’ai rien dit pour cette fois packe là j’avais pas à m’plaindre. J’ai donné ordre à Sar d’m’aider à souquer. Et pour souquer on a souqué ferme matelot.

C’tait vous la caval’rie ?

Qu’j’ai d’mandé pour meubler à la Plaie, ent’ deux poils de barbe. Mais jme foutais d’sa réponse. On est pas arrivés à temps pour épingler les deux autres chaloupes avant qu’elles accostent, mais c’tait pas loin. Tu m’diras, chais pas c’qu’on aurait fait à trois dont un ancêtre, une presque vierge et moi blessé à distance contre douze gars armés et un capitaine pirate. Ou plutôt, si, jsais : on aurait canné. L’échelle de corde pendait encore d’puis l’pont, on est montés direct, sans un mot et en silence. En haut y avait du grabuge. Piotr hurlait à la mort. Ouais, comme un clebs sauf qu’c’était lui qu’on trépassait. Et j’entendais qu’un seul bruit d’lames. J’savais qu’un des jumeaux était mort avant d’voir le cadavre de Roje empalé sur ses propres lames cont’ le bastingage. L’en avait emporté trois, l’en restaient neuf et Houj. Des neuf, y en avait quatre qui luttaient avec N’avale Pas. Deux autres maint’naient Brosse-Man à genoux d’vant la racaille suprême. Jsais pas si c’était moi quand j’avais fait feu en m’tirant d’sous la tente, mais même de dos jvoyais bien qu’il avait l’bras droit en écharpe. Esquinté contre esquinté, ça m’allait. Dans les trois autres zigues, y en avait un qui trifouillait les longues portées et deux qu’étaient les lieut’nants pirates. J’ai envoyé l’apprenti canonnier par le fond en lui balançant dans la gueule un bolas improvisé avec une de ces chaînes qu’on garde toujours à proximité du grand mât, tsais, au cas où. Ç’a été l’signal. Tout c’beau monde s’est r’tourné et on a commencé les festivités dès qu’Sar a eu fini d’tomber dans les vapes en voyant l’visage de Piotr. A sa décharge, c’tait pas bien joli.

Trois dont un croulant contre neuf, les chiffres s’amélioraient pas.


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Les quelques premières minutes de combats se sont relativement bien passées. Pludbus n’a pas fait trop de connerie pendant ce laps de temps pourtant conséquent pour un gaffeur tel que le vice Amiral. Il avait failli tuer deux marines en visant de traviole avec son pétoire. Il avait même failli coller une balle dans la jambe de Taghel. Il n’aurait pas apprécié, mais Pludbus aurait tout fait pour faire l’innocent. Toute façon, tout le monde s’en foutait de ce qu’il faisait. Les marines qui le suivaient renforcé la position du lieutenant tandis que les villageois restés loin du gros des troupes pirates à s’occuper des adversaires isolés. Pludbus avait quand même aidé un peu. Les pirates voulaient s’occuper de lui, ce qui faisait d’eux des cibles faciles pour quelques francs-tireurs bleus qui ne perdaient pas espoir de coller une balle perdue au vice amiral. Ils ne voulaient pas le faire exprès. Ils avaient encore une once de respect pour l’uniforme. Juste un cheveu — pas plus — c’était bien suffisant. Le vieux leur rendait la monnaie en ne tuant pas plus de collègues que d’habitude. C’était un bon deal, surtout que les bleus n’étaient pas forcément assez nombreux pour se permettre un pourcentage de perte. Enfin, Pludbus faisait ce qu’il avait toujours fait ; balancer des bonnes patates aux plus faibles.

Il eut même, un moment, un instant de flottement ou personne ne bougea. Pludbus se permit de balancer un beau beigne à un type qu’il n’aurait jamais osé frapper si ce dernier ne regardait pas autre part à ce moment-là, les yeux écarquillés par une surprise tintée de peur. Puis, après cet instant de gloire tout juste personnel, ce fut vraiment le chaos. Les pirates couraient dans tous les sens alors que la zone était joyeusement éclairée par des bateaux enflammés. On se serait dit à un carnaval sauf que les visiteurs n’étaient pas très heureux de voir leur rafiot servir de feu de joie. Certains rouges partaient dans l’eau comme s’il voulait partir à la nage. Pludbus tira plusieurs coups dans la masse histoire d’en abattre. Il crut en avoir touché un, mais ce pouvait être un marine, alors il ne préféra pas vérifier. Ce pouvait être Tahar Taghel en plus. Ça aurait été con de tuer son protégé, mais si c’était lui, valait mieux ne pas le lâcher d’une semelle. Il n’était pas mauvais en premiers soins, mais ce n’était pas un expert. On disait qu’il était expert pour achever, mais c’était des ragots.

Il aperçut le lieutenant en train de patauger dans un d’mi-mètre d’eau. Il semblait être obnubilé par une chaloupe qui s’approchait du Tambour Battant. Ce ne devait pas être des marines dans l’embarcation, Pludbus pensa alors aux pirates, évidemment. L’idée que ces crapules puissent lui prendre son navire lui était insupportable. Il l’avait pris entier, il le rendrait entier. Il aperçut une autre embarcation pas trop loin et s’y dirigea aussitôt non sans éviter les attaques erratiques de quelques pirates sonnés. L’Tahar semblait aussi vouloir prendre la chaloupe. Il semblait avoir un truc au bras ; Pludbus s’inquiéta un peu plus d’avoir pu faire mouche. Puis, il cogna contre un bleu qui couinait. Trop aigue pour être celle d’un homme, il attrapa le bras de Sar et l’emmena avec lui comme s’il allait lui faire des trucs pas bien dans un coin au milieu de ce paysage de guerre. Pludbus n’était pas comme ça… enfin, ce n’était pas prévu pour tout de suite. Il l’a pris sans réelle raison, ou, plutôt, il valait mieux la prendre avec lui et la protéger ; les villageoises ne semblaient pas très libres, même après une victoire, surtout que certains de leurs maris avaient pris de sales coups. Arrivé à côté de l’embarcation, il la balança dedans alors qu’il montait dedans à sa suite. Le Taghel semblait pas très content de le voir, ou, peut-être, il n’était pas content du tout. On le comprenait.

La traversée se fit sur quasi silence de mort. Pludbus lâcha quelques plans d’attaques de son cru qui avait toutes les chances d’échouer tellement ils comptaient sur ses talents, qui étaient inexistants, évidemment. Puis, il s’est tu en regardant Sar suer à souquer. Il se mit à penser à des choses obscènes comme s’il n’allait pas bientôt affronter la mort une nouvelle fois. C’était juste que la mort était l’un de ses types que l’on salue généralement en agitant de la main. On la côtoie souvent, mais on ne fricote pas physiquement avec. Peut-être un jour, mais pas maintenant.

La montée à bord fut faite aisément. Pludbus eut un peu de mal, au début, mais il rattrapa son retard quand les cris se firent entendre. Pourtant, c’était le genre de cri qui aurait donné à n’importe qui de faire demi-tour. Le pont s’était transformé en salon de torture pour pirates ayant besoin de se calmer un bon coup. Sauf que les zouaves qu’ils avaient déjà exécutés n’étaient pas assez. Le Tahar attaqua aussitôt et ce fut le début de la grosse baston. Le problème, c’est qu’il n’y avait personne pour servir de bouclier, ni personne pour prendre à revers ceux qui oseraient s’attaquer à Plud’. Il y avait Tahar, mais il semblait ne pas vouloir faire dans la coopération. Après, il y avait Sar, mais il n’oserait jamais la blesser dans le feu de l’action. Ça serait con de faire perdre de la valeur à ce joli bout de fille. Enfin, il n’eut pas trop le temps de discuter, des gusses venaient dans sa direction. Regardant par terre, il vit des tonneaux, des boulets et des gamelles qui pouvaient l’aider. Les gamelles étaient exclues d’office et les boulets semblaient sympathiques. Pludbus en attrapa un et le porta difficilement à la taille. Les quatre pirates s’arrêtèrent, croyant qu’il allait leur balancer la masse de métal dans leur figure. C’était sans compter sur la force du Plud’ qui fit des merveilles de ridicules. Il balança le boulet qui s’écrasa durement à un mètre devant lui. Lancer du poids, Pludbus Céldéborde éliminé. Il tirait une de ces gueules, les pirates aussi, partagés entre l’envie de rire et d’attaquer ; heureusement pour Plud’. Il en profita pour prendre le tonneau qui était vide, et donc moins lourd et l’envoya s’écraser sur la figure du premier. Plus énervé que sonné, il lança les autres afin de faire la peau au vioc. Ce dernier prit la fuite et ce dirigeant vers le bout du navire. Il n’avait pas vraiment de plan en tête, mais il comptait bien en trouver un avant de se faire rattraper. Il pouvait toujours les semer dans les couloirs du navire qu’il connaissait à la différence d’eux. C’était déjà une bonne idée pour réduire le nombre d’adversaires à combattre en même temps.


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Là y a un truc j’ai pas bitté : ent’ Raf, moi et l’vieux Plud, y a quatre glands dont un lieutenant sur nos neuf ennemis qu’ont décidé qu’c’était l’dernier l’plus dang’reux et qu’c’était lui qu’y d’vaient s’faire en premier. Sont partis et on les a plus jamais r’vus. Nous restaient donc sur nos trois bras valides, à moi et N’avale Pas, un cap’tain estropié, un lieut’nant moins con qu’son collègue, et deux gars qui d’vaient être ceux qu’avaient maint’nu Piotr au sol pendant que Houj séviçait sur lui. Tu sais toujours compter, il en manque un dans mon compte, là. Jte l’réservais pour la fin, ça a été la surprise du chef Brosse-Man. Je sais pas comment il y voyait encore avec le sang séché qu’avait remplacé l’entièr’té d’la peau d’son visage, et j’ai pas entravé une syllabe de c’qu’y m’a postillonné à la gueule. Tout c’que jsais c’est qu’ce mec déjà mort a trouvé la force de s’rel’ver sans r’tomber comme une quiche, d’sortir sa spéciale des grandes occasions d’son slip, d’plaquer un des cinq méchants –qu’a pas eu l’temps d’réagir– au hasard sans lui permettre de s’dégager, d’allumer une mèche en claquent des doigts, et d’sauter avec son paquet par d’ssus bord. C’fut une belle verte. Sacrée classe jusque dans la fin, c’malade. Mais c’est surtout du rouge flasque et du marron dur qu’on a r’çu nous. L’bastingage était foiré sur deux mètres de long, les échardes v’naient nous gifler la face.

Y a eu un blanc pendant l’quel j’ai vu mon gars bretteur faire une clef d’quatorze au vil lieutenant tout en plantant sa rapière dans l’bas-fond d’un des autres. Restaient trois. J’me suis occupé du premier sous-fifre sans trop m’en rendre compte, restaient deux. Houj et son Lieut’nant nous fixaient, on les fixait, on s’fixait. Un quadruel par équipe, ouaip. On était plus "trop nombreux", on s’entendait jacter, c’tait l’moment v’nu d’lâcher ma botte secrète. L’insulte gratuite sur toutes les générations qui précèdent la cible. La raquaille m’a ri au nez, j’me souviens d’sa réponse mieux qu’de la première gifle de ma mère : Hahahaha, t’crois vraiment avoir une chance de m’déstabiliser mon garçon ? Ramène-toi donc : j’vais t’dépecer. T’vois : classe, net et sans bavure. L’avait la manière le barbare. Et jconnaissais la suite de sa chanson. Après t’avoir dép’cé, j’te gard’rai pas tout à fait mort jusqu’à Torino, jte f’rai portraitifier vivant, et après j’enverrai l’dessin à ta salope de mère sur l’île de bouseux d’où tu viens. T’en fais pas qu’elle te r’connaîtra, une daronne r’connaît toujours son gamin mort. C’est les mots qu’apparemment il avait dits à un d’mes potes de régiment qu’il avait renvoyé farçi à sa caserne, selon l’témoignage du sous-off qu’avait préféré affronter les requins plutôt qu’de voir ça –et qu’avait survécu puisqu’y m’avait raconté. Pas l’genre menteur ce mec d’ailleurs. J’ai pas contacté la maternelle en question mais à c’t’instant-là d’l’affront’ment j’étais persuadé qu’Houj avait t’nu parole.

Raf, éloigne-toi donc avec Monsieur.

Qu’j’ai fait alors après un ptit temps pour récupérer ma salive. Comme ça en les poussant lui et son copain méchant sur le côté, t’sais. Manière d’avoir le ring pour moi tout seul. Et après j’ai foncé, lame au clair et queue entre les jambes. Am’lœur a ricané mais il a pas sorti sa lame tout d’suite. D’abord il a vidé ses deux pétoires sur mon cul avant d’voir que sa troisième était vide, et heureus’ment pour moi packe j’la sentais foutre mal celle-là. Et nous v’là face à face tous les deux, moi droitier et fumé du bras gauche, lui fumé du bras droit et… droitier aussi. T’imagines ma réaction quand j’ai réalisé ça en l’voyant dégainer avec ses pieds ? C’tait jour de paie mec. A mon tour d’ricaner. J’le dirai jamais assez mais si y a un truc dont jsuis red’vable à la Mouette en plus du fait qu’elle fournisse d’puis la nuit du monde les méchants d’tous bords en chair à pâté, c’est bien d’m’avoir appris à manier un coupe-choux des deux paluches indifféremment. Packe, ouais, même avec sa sale main y m’a certes pas rendu les choses faciles c’bougre d’empaffé (en même temps l’allait pas faire sa mijaurée alors qu’y v’nait d’passer la s’maine précédente les soixante millions d’cadeaux pour avoir rasé un district entier d’Saint-Urea), mais j’srais pas là aujourd’hui à t’baver c’conte pour enfants s’il avait pris l’temps deux heures par jour pendant un mois de taffer son ambidextrie.

Non, j’l’ai pas buté au sabre. Ç’aurait été trop syma pour c’qu’il avait fait d’mon équipage et d’jà à l’époque j’avais une tendance r’vancharde. D’mes quarante gonzes de base y d’vait m’en rester quinze ou vingt éparpillés ent’ la plage et ici, j’allais pas laisser passer ça. T’façon y s’défendait encore bien comme jte disais. ’l’attaquait comme un mort mais y parait mes coups encore bien rapid’ment. En fait j’l’ai eu à la sournoise. Et j’ai pas honte. Après plusieurs tours d’échauff’ment pour l’brouiller un peu j’ai eu la magnifique idée d’jouer avec des écoutes que j’coupais au fur à m’sure et dans lesquelles j’l’empêtrais sans qu’y puisse rien faire. Jte résume, en vrai c’tait plus compliqué, fallait ajuster les coupes en fonction d’ses mouv’ments, faire gaffe à pas tout niquer l’gréement même si r’partir était pas ma préoccupation du moment, tout ça. Et pour finir j’lui ai envoyé une poulie sur la figue. La fameuse poulie ouais. T’veux la voir ? Tiens, la v’là. The Pulley of Truth, admire et fais-y gaffe pendant qu’j’termine, c’t’un peu comme une régulière : tu peux jouer avec mais quand t’as fini tu la rends intacte. Bon. Donc j’l’assomme le sanguinaire. J’l’assomme et j’traîne sa carcasse de fumier jusqu’à une des pièces toujours braquée sur la plage. A une main j’ai galéré jpeux t’dire, surtout pour charger l’boulet. Toujours en en chiant, j’cale l’ours debout contre le bastingage à cinq-six pouces de la bouche de feu, manière qu’ça m’pète pas à la gueule, jsuis pas artificier mais jsuis pas con. Pis j’attends qu’y s’réveille, d’vant l’carnage qu’a vagu’ment r’pris là-bas dans l’noir. Des bruits d’métal, des cris et des râles. Des trucs qui m’font voir des machins au ralenti avec derrière une ptite zique triste jouée par des cordes graves.

Et pendant qu’y s’réveille j’mire le Raf qui lèche ses plaies. L’en a fini plus définitiv’ment lui. Parole, face contre l’pont comme il était, l’lieut’nant des méchants avait l’air d’boire son propre sang pour essayer d’pas crever tout d’suite. Puis enfin j’entends l’rouge qui bavasse dans mon dos, jreviens à lui. Y m’dit des trucs mais jpige rien, jsuis en transe. J’l’écoute pas, jfais joujou avec son sabre à lui et j’le plante en deux ou trois endroits un peu. L’fameux sabre ouais. Nan tu peux courir pour qu’jte l’laisse voir lui. Jpique pour voir ou ça fait mal et ou ça fait pas mal. Mais j’tue pas. Oh ça nan j’tue pas. Ç’a jamais été noté dans mes états d’service mais, vrai, j’pas fait mon tendre c’te nuit-là. Et juste pendant qu’le Houj a l’air d’beugler sa mère, et juste pendant qu’le vice-amiral, qui s’ramène seul et vivant jsais pas comment, m’beugle lui aussi un truc que jcomprends pas, ptêt bien un "arrêtez", et juste pendant qu’la Sar s’réveille… juste pendant tout ça j’allume la mèche.

Et ça crépite et ça fait boum. Et c’est fini.


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Dernière édition par Tahar Tahgel le Mer 5 Oct 2011 - 19:17, édité 2 fois
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Les quatre types pensaient faire une bonne action en voulant s’occuper de Pludbus. D’abord, ils l’avaient vu charger toute à l’heure. Ils se disaient qu’il devait être le chef, un truc dont Pludbus aurait aimé apprendre s’ils ne voulaient pas le découper en morceau. Puis, ils pensaient que le chef pourrait très bien s’occuper de l’autre type avec son bras dans un sale état. C’est ça de vouloir faire son big boss face à son équipage, ce dernier se mettait en tête que le chef était capable de tout. L’avenir allait montrer que ce n’était pas le cas, surtout confronté à un lieutenant de la marine pas totalement respectable. Sauf que Pludbus avait d’autres chats à fouetter. Combattre quatre types en même temps, ce n’était pas ce qu’il avait prévu de faire. Ce n’est pas qu’il avait prévu quelque chose, mais c’était quand même surprenant de devoir faire une action d’éclat sans avoir réfléchi au préalable ce qu’il allait faire. Pour l’instant, il était dans la mouise. Seule l’absence de flingue chez les poursuivants l’avait préservé d’une mort rapide ou douloureuse.

La première idée était d’entrer dans les entrailles du « Tambour Battant », entrailles qu’il connaissait à la différence de ces poursuivants. De plus, dans les couloirs étroits, l’avantage du nombre n’existait plus. Vu comme ça, Pludbus avait eu une idée géniale. C’est à se demander s’il était vraiment si inutile que ça. Enfin, il ne fallait pas trop s’avancer ; il était capable de surprendre au plus mauvais moment. Ainsi, Pludbus s’engouffra par la petite porte menant aux cabines talonnées par la bande d’affreux qui auraient certainement voulu en finir plus rapidement et retourner illico voir leur chef faire couiner l’autre lieutenant et s’occuper de la fille d’une façon qu’on ne décrirait pas ici. Dans le long couloir obscur, Pludbus se dirigea d’abord vers la cuisine, tournant à droite, puis à gauche en fonction des intersections. Après la première, ayant perdu de vue Pludbus, les pirates durent se séparer. C’est ainsi qu’il n’était plus que deux à le poursuivre de prêt, pour l’instant. Il entra dans la cuisine deux secondes avant les autres. Il prit la première chose qu’il lui tomba sous la main et le balança vers l’embrasure de la porte où un pirate apparut pile au bon moment pour se prendre une tomate en pleine figure. Elle explosa, rependant son jus sur le visage du pirate, gênant son champ de vision. Il tituba sous la surprise et il fut poussé sans ménagement par son acolyte qui tenait son sabre en main, prêt à en découdre. Cependant, Pludbus avait bougé, passant au-dessus du plan de travail afin de se trouver à distance du sabre. L’autre gueulait comme un putois pour que ces potes se ramènent rapidement afin qu’ils assistent à une décapitation de vieux, ce qui ne fut pas au gout de Pludbus qui tenait encore à sa caboche. Ayant dégainé un couteau de cuisine, le vice-amiral savait qu’il ne tiendrait pas longtemps face au sabre d’un pirate, surtout lorsque ces potes allaient bientôt se ramener pour l’aider. De plus, l’autre gusse à la tomate avait bientôt fini de se nettoyer le visage.

C’est alors que l’autre sauta sur la table et balança un coup d’effet qui faillit scalper Pludbus. Ça aurait été dommage, lui qui prenait relativement soin de ses cheveux. Il riposta avec son couteau qui vint se planter dans cinq centimètres de jambes de pirates ; sacrément bien affuter comme lame. La victime hurla un truc pas sympa pour la maman de Pludbus et s’effondra en avant. Le marine fit un pas de côté afin d’éviter de se prendre le gros lard qui se cogna violemment la tête contre le rebord de la cuisinière, en face de lui, avant de s’étendre mollement sur le sol. Il ne devait pas être très vivant après ce double coup, surtout que sa jambe saignait bien. Pludbus le délesta de son sabre et le planta dans le corps presque sans vie et qui la perdit très rapidement. Il n’y avait pas à dire, pouvoir se faire un pirate en main propre, ça faisait du bien. On se sentait moins rouiller sur le coup. Sauf qu’il ne resta pas seul avec le mort bien longtemps. Le type à la tomate entra dans la cuisine, un sabre dans une main et du jus dans les oreilles. Il ne semblait pas trop content. Pludbus lui balança des carottes afin de lui rendre plus aimables et il profita de la petite diversion pour balancer une beigne avec le manche du sabre qui envoya l’autre contre le mur. Le bleu voulut alors quitter la cuisine, mais il buta alors contre les deux autres gusses qui étaient venus le chopper. Le lieutenant, le plus moche des deux se prit un vieux dans le bide sans qu’il est pu comprendre ce qu’il lui arrivait. Il voulut s’accrocher à quelque chose et il ne fit qu’emmener son pote dans sa chute. Pludbus put se stabiliser avant de tomber et s’enfuit dans le couloir non sans avoir écrasé la main du lieutenant, son sabre lui ayant échappé des mains. La suite allait lui signifier que l’autre gusse s’était planté accidentellement avec, mais il ne le savait pas à ce moment-là. Il courrait vers ses quartiers. D’abord, parce qu’ils n’étaient pas loin et, deuxièmement, c’est qu’il avait besoin de munitions pour son arme ; il n’en avait pu. C’était quand même un peu bête, non ? Heureusement, ces poursuivants ne se mirent pas tout de suite à sa poursuite. On devait se mettre à leur place : ils pensaient se faire un type facilement et voilà que deux des leurs s’étaient fait trancher. Il y avait de quoi réfléchir à deux fois avant de charger comme des idiots.

Ainsi, Pludbus parvint à ses appartements comme il les avait laissés quand il en était sorti. Il savait tout de suite ou aller cherchait. Le vice-amiral passa sous le lit, prenant une boite de bois qu’il posa sur son lit. Là, il en sortit des cartouches dont il en utilisa certaines afin de recharger son antique arme. Les gestes tremblants, il parvint à charger quelques munitions avant que les survivants n’ouvrent grand la porte, alerté par la lumière qui avait filtré. Se retournant, surpris, Pludbus vida son arme sur le premier. C’était comme tirer un éléphant dans un couloir. Plud’ n’était pas encore un trop gros mauvais tireur pour le manquer. Des quatre balles tirées, une vint lui percer le cœur. Ce fut suffisant pour que le type s’écroule en arrière, l’autre l’esquiva et chargea Pludbus. C’était le lieutenant à la main brisé. Il poussa le marine sur le lit et lui balança quelques beignes bien sentis qui firent voir les étoiles à Plud’. L’autre vint se mettre à califourchon sur le marine comme s’il voulait se le taper. La sale idée horrifia le vioc qui avait déjà du mal à s’approcher des filles, fallait pas qu’en plus des pirates se mettent en position à la place des ladies. Seule différence, c’était qu’au lieu de calin, le pirate lui balançait patate sur patate. Pludbus était mal. Séchant sur le niveau des idées, le marine se releva et ce fut le choc des boites crâniennes. Une mauvaise idée. C’était plus les étoiles qu’il voyait, c’était le ciel noir. Il ne pouvait que voir le pirate se tenir la tête avec sa main non brisée, ne pouvant donc pas riposter pour un temps. Par contre, il laissa dévoiler un petit couteau à sa ceinture que Pludbus vit malgré sa vue brouiller. Les yeux fermés, il sourit alors que ces doigts se refermaient sur le manche de l’arme.

Cinq minutes plus tard, Pludbus revenait sur le pont après avoir vérifié d’un coup de couteau si tout le monde avait passé l’arme à gauche. Tout était calme. Pludbus n’était pas inquiet pour Tahar, qui ne manquait pas de ressources, mais il espérait que Sar n’avait pas été trop amoché. Il trouva tout ce beau monde là où il les avait laissés. Des cadavres étaient éparpillés un peu partout, témoignant de la brutalité de l’affrontement. La vision d’un célèbre capitaine pirate se prenant un boulet dans le postérieur vint le frapper comme le boulet en question. Puis, c’fut le silence. Sar était entière et Tahar semblait bien content. L’Houj avait dégusté, s’envolant au loin, un boulet au cul, emportant une partie du bastingage avec lui. Il atterrit sur la plage, pas loin de ses subordonnés qui ne mirent pas longtemps à comprendre la situation. La débandade gagna les rangs des derniers combattants et les marines finirent leur boulot dans le sang, ivre de se savoir survivant.
Plud’ s’approcha de Tahar et soupira.


Bon, c’est fini. T’es un sacré type, toi ! T’iras loin, j’t’aime bien. J’vais voir pour ta promotion, mais ça va être compliqué quand même. T’as fait quelques trucs bien salops qui peuvent te conduire à la potence quand même. Va falloir trouver une solution, non ? C’t’a dernière épreuve !

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En décollant Houj avait laissé ses pieds jusqu’aux mollets et une partie d’son attirail sur l’pont. En fouillant d’dans d’la pointe d’ma nouvelle lame, j’ai chopé une blague à tabac. ’m’suis allumé une sèche en réfléchissant à c’que jdevais répondre au vieux Plud qui m’demandait comment jcomptais m’tirer d’la nouvelle cour martiale voire qui, assez probabl’ment, m’attendrait au r’tour. Vrai qu’si j’avais buté The pirate du moment, l’opération avait coûté à la louche les vies d’cent cinquante de nos gars. Quatre équipages presque complets et une grosse, grosse partie du mien. Alors, ouais, tu vas m’dire, j’tais responsable de keud’ puisqu’c’est les infos qu’j’avais eues qu’étaient toutes pourries, mais dans c’genre de fiasco c’toujours le survivant l’responsable. En l’occurrence moi vu qu’c’tait pas Plud, déjà grillé d’tous les côtés par sa hiérarchie, qu’allait écoper à ma place… Et c’est là qu’j’ai eu mon idée. Et pourquoi ce s’rait pas lui qui prendrait, en fait ? Il avait plus grand-chose à perdre et, s’y m’aimait bien comme y v’nait d’me dire, y comprendrait bien qu’fallait qu’quelqu’un s’dévoue pour officiell’ment m’permettre de continuer ma brillante carrière blablabla. Tu m’suis ?

Bon, par contre j’allais pas lui proposer ça comme ça sans l’avoir travaillé au distillé d’abord. Donc en j’tant mon mégot à la baille j’ai dit qu’j’allais réfléchir pendant qu’on f’rait l’bilan du bordel, des survivants et tout. A nous quatre on a nettoyé un peu l’Tambour. En gros on a r’monté les macchab’ sur l’pont pour les envoyer aux requins, et on avait fini. Roje y est passé aussi. Puis après on est r’tournés à terre voir les troupes. La traversée s’est mieux faite dans c’sens-là bizarrement. J’même écouté la Plaie m’raconter ses exploits sans déplaisir. C’tait pas complèt’ment conscient mais ptêt bien qu’j’cherchais à faire mon chafouin en lui donnant l’impression qu’j’l’aimais bien. On est ré-arrivés sur Iwo tranquille. L’odeur d’sang était prenante, t’pouvais la toucher en agitant la main en l’air. Et les mouches d’jà commençaient leur boulot. C’tait dégueulasse. Un peu en arrière vers le village on a r’trouvés l’groupe des Marins. Y avait pas grand-monde que j’reconnaissais. Ju qu’on amputait, Dafi qui s’envoyait un kil d’qui-tache sous ses bandages, Oswaald qui cirait ses crosses en pensant à Jief.

A part Raf et Sar, donc, tous mes autres gonzes y étaient passés. Sauf Gav qu’était pas encore tout à fait fini, une lame ent’ deux côtes. L’a claboté dans la d’mi-heure. Pauv’ môme. Chouette cuistot. Restaient égal’ment quelques têtes des tous premiers goélands qu’étaient arrivés sur place. S’sont placés sous mon command’ment vu qu’apparemment l’leur était en deux parties quelqu’part sous les palmiers. On était entr’ quinze et vingt pelés à s’morfondre à côté des villageois qui nous biglaient d’un air pas qu’compatissant. Faut toujours un responsable dans un massacre j’t’ai dit, et c’toujours celui qu’a survécu en héros. Pour l’amirauté comme pour les locaux d’l’endroit où s’est passée la baston. Voir l’gamin crever nous a rendus patraques mais presque. J’ai commencé mon plan pour tourner la tête du vice-amiral avec un peu d’avance du coup, ’stoire d’noyer les émotions du moment, t’vois. Oublie pas qu’j’avais qu’vingt berges et des soupières, et qu’j’avais pas encore t’t à fait tout vu au monde. Les bouteilles sont passées comme les quart d’heures jusqu’à l’aube.

Pis final’ment Aurore s’est pointée sans qu’j’aie rien accompli d’mon superbe plan à part la première partie : biturer tout l’monde. Au jour on a mieux pu constater la beauté d’la guerre. Les jambes coureuses, les bras vengeurs, l’tout dans des ordres parfois surpr’nants. Mais bon. Gueule de bois oblige, c’tait moins pire. Enfin… on voyait bien tout glauque comme c’tait, mais on mettait plus ça sur l’compte d’l’haleine de nos neurones qu’sur la réalité du spectacle. On s’soigne comme on peut.

Après ça on s’est fait foutre dehors et on a dû embarquer, rapport à c’qu’un d’nous, ptêtre bien moi, avait été pisser contre la porte d’une des baraques des villageois chez qui on s’tait écroulés. C’pas un prétexte suffisant tu m’diras, mais c’tait la c’rise sur la pièce montée stu veux. Le ptit village avait perdu l’quart d’sa population pendant les manœuvres et, même si on l’avait sauvé de Houj, on était pas les bienv’nus. On aurait pu raser leur pat’lin d’bouseux pour montrer c’que c’était qu’chier sur la Marine qu’aidait les gens, mais on avait pas l’moral et ça aurait pas servi à grand-chose, du coup une fois qu’j’ai eu fini avec la fille du chef pour m’remonter l’moral et les idées, on a brûlé deux-trois corps ’stoire de dire qu’on avait participé au ménage avant d’nous tirer comme les pouilleux qu’on était d’venus pendant la nuit. Z’ont dû s’démerder seuls avec l’reste des funérailles, bien fait pour leur gueule. Bon, l’a fallu faire un peu d’boulot sur l’Battant pour reprendre la mer, genre colmater les gros trous dans les bastaings et r’faire un peu les voilures qui s’barraient en couille suite à mes exploits, mais on avait qu’ça à foutre pour s’occuper l’esprit alors on a été efficaces et en milieu d’aprèm on a pu définitiv’ment r’prendre la mer. Cap sur l’QG, roulez jeunesse, la victoire est nôtre tout ça.

L’Den Den avait fini d’nous faire la gueule du coup on a pu s’renseigner un peu sur l’état du monde et prév’nir d’notre retour glorieux après l’succès d’la mission. T’parles, que j’me disais sur l’moment. J’ai aussi appris à c’moment-là qu’y avait bien zéro frégate supplémentaire censée s’rendre à Iwo la veille, et qu’c’était donc bien c’t’enflure de pirates qui nous avait floués pour nous mettre en confiance avant d’mieux nous piler… J’ai ret’nu la l’çon, mais c’pour d’autres histoires ça. Pour c’qu’est d’la manœuvre, on était en équipe minimale mais y avait assez d’monde pour tout faire, ça nous laissait du répit à moi et Céldèb. Restait d’ailleurs à lui fournir une réponse, rapport à ma promo. J’la lui ai dite pendant qu’on r’gardait tous les deux dans la même direction d’puis l’château arrière, alors qu’les gars s’agitaient en bas, qu’Ju s’mourait d’la gangrène à la barre. Oubliée l’idée merveilleuse d’faire porter l’chapeau au vieux, mes vingt bib’rons tétés d’puis la veille f’saient leur effet et fallait qu’jpionce. Dormir dans une chambre d’commandant ou dans une cellule d’dégradé condamné à mort, sur l’heure, j’m’en foutais.

J’m’en r’mets à vous Vice-Amiral. Z’avez vu d’quoi jsuis capable et pourquoi j’ai fait c’que j’ai fait. La manière dont l’amirauté voit ça d’son côté, ça dépend que d’c’que vous racontez.

Maint’nant qu’j't’en parle j’ai dû avoir l’air foutre con à lui faire confiance comme s’il était encore respectable, mais au final c’tait quand même pas mal vrai et pis t’façon y avait personne autour pour m’entendre. C’pas Sar qui s’consolait dans notre dos à coup d’shots de poudreux qu’a dû ret’nir grand-chose d’notre conversation. Les hommes quant à eux, z’avaient survécu, m’étaient acquis, témoign’raient dans l’sens qu’on leur dirait. Vraiment, y avait qu’sa parole d’vieux bouc qui comptait.


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Dernière édition par Tahar Tahgel le Sam 10 Déc 2011 - 18:02, édité 2 fois
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Pludbus bâilla alors sa tête lui faisait très mal. Le Lendemain de cuite n'était jamais une partie de plaisir pour le marine. La gnôle de pirate tapait plus que ses bouteilles de rouge et il s'était beaucoup plus imbibé la veille que d'habitude. C'est comme si une centaine de gosses squattaient sa tête. Ça gueulait, ça faisait mal, c'était insupportable. De la soirée, il ne se souvenait plus trop des détails. Ils avaient rangé un peu, puis il avait fait la fête avec les survivants, ou, plutôt, ils s'étaient torchés rapidement. Fallait bien évacuer le stress, l'odeur de charnier et le souvenir des cadavres qu'on entreposait dans un coin. Déjà que les pirates étaient pas bien jolis ; ils ne ressemblaient plus à rien après le passage des pirates, puis des civils et enfin de Pludbus. Une petite vengeance faisait toujours du bien et personne n'en serait jamais au courant. D'autres se montraient moins glorieux tellement ça avait été horrible. Pludbus pensait, un moment, avoir voulu se faire Sar, mais il ne sut jamais s'il était parvenu à réussir. Pourtant, il était certain que le Tahar lui avait laissé le champ libre ; le brave type. Pourtant, il s'était réveillé le lendemain parmi les cadavres avec un corps à moitié à poil entre les jambes. La stupeur passée, Pludbus s'en était débarrassé et avait vérifié que personne ne l'avait vu en pareille compagnie. Puis, la gueule de bois s'est fait sentir et il n'avait plus aucun moyen de bien réfléchir. En même temps, c'était rare qu'il y parvienne sobre.

Il passa le reste de la journée à vomir et à se tenir la tête. En plus de l'estomac complètement bousillé, les odeurs du champ de bataille lui soulevaient l'estomac. C'était affreux. À force, il vomissait dans le vide et Plud' n'aimait pas ça, surtout qu'il voyait Sar avec d'autres survivants, ce qui en disait long sur ce qu'il n'avait pas fait pendant la nuit. Heureusement, il vint le temps de remonter à bord. Il se souvint que trop tard que de jeunes demoiselles habitaient le village, mais le comportement de certains ne laissait pas paraître une quelconque envie de laisser leurs fleurs dans les bras du pou. Toute façon, ils partirent sans regarder derrière eux, parce que, les cadavres, c'est moche.

De retour à bord, Pludbus passa beaucoup de temps dans sa chambre. Faute de personnel, il devait nettoyer lui-même la sale scène qui s'était déroulée dans ses appartements. L'autre avait hurlé comme un goret quand il l'avait poignardé et le sang avait giclé dans tout les sens. C'est clair, tous ses draps étaient imbibés et une grosse croute de sangs s'était fait là où il s'était écroulé en se tordant dans tout les sens. Nauséeux, Pludbus voulait se reposer. C'est qu'il avait un rapport à taper. Un peu plus tôt, Le Taghel lui avait certifié la confiance qu'il avait en lui. Il en aurait les larmes aux yeux s'il n’était pas aussi mal. Ce brave type l'appréciait bien ; il ferait certainement un bon marine. Du coup, c'était vraiment con s'il ne pouvait pas avoir sa promotion.

Le rapport, il le rédigea dans la soirée. Il était plus trop mort, mais il n’avait pas forcément les idées très clair. En même temps, ces rapports n'étaient généralement pas très clair. Pour celui-ci, la nouvelle de sa survie au massacre ferait l'effet d'une bombe comparé aux exactions de Taghel. Les paris le disaient mort, mais il avait toujours de la chance. V'là le rapport qu'il rédigea.


Spoiler:



Il s'était alors endormi pendant la rédaction et l'avait fini le lendemain. Il avait alors trouvé le Taghel et lui avait montré le papier en bâillant.

V'là. Avec ça, Commandant Taghel, c'est assuré. Faudra éviter à l'avenir les petits trucs spéciaux qui plaisent pas.

Au loin, il faisait beau et Pludbus sentait qu'il prendrait un peu de repos après ça.
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