Mission 2 pour le Roi de Sanderr - Avec Loki et Charlie

Les flocons continuaient de perler depuis les hauteurs pour descendre tranquillement sur le tapis blanc qui recouvrait l’intégralité des rues du village portuaire. Les délicieuses rafales de vent ne semblaient pas être au goût de nombreux habitants qui préféraient rester au chaud dans leurs logis. Certains individus bravaient le froid pour travailler ou bien effectuer leurs tâches de la journée. Le temps qui devenait farceur, poussait de temps en temps la neige des toits des bâtisses. Dérangée dans son repos, la poudreuse tombait soit sur les chemins enneigés, soit à de rares occasions sur le crâne de certains malchanceux.

Ce fut le cas pour un jeune étranger qui embrassa la froideur de la neige sans y donner son accord, son consentement. Pris sur le fait, par surprise, Loki s’écroula, son dos contre le tapis enneigé. Comprenant sa malchance, les rires de moquerie de sa sœur adoptive rendirent mécontent Whitemane.

« Tu devrais voir ta tête. » dit-elle en continuant de rire.

Elle souhaitait poursuivre mais Sherry -la Minks renarde- reçu en pleine figure une boule de neige. Et vu que celui qui portait le surnom de Clown à la Couronne fut très rancunier, ce dernier redonna gratuitement un deuxième projectile sur la truffe de la renarde. Le geste n’était pas accompagné de méchanceté. Il répondait à la moquerie par la moquerie.

Les échanges entre le frère et la sœur devaient se conclure. Soit par un match nul. Soit par une victoire écrasante de Loki. La conclusion se transforma par deux enfants jouant dans la neige, cherchant à battre l’autre dans une bataille de boules de neige. L’enfantillage dura plusieurs minutes, donnant une impression aux habitants que les deux gamins provenant de Suna Land n’eurent jamais connu les temps hivernaux.

Loki et Sherry ne se trouvaient pas dans ces lieux par simple hasard. Les deux pirates eurent vent que le Roi Ksernia cherchait des volontaires pour une mission qui se trouvait être entre guillemets humanitaire. Ce travail qui représentait une réelle difficulté, demandait à aider des hommes-poissons à s’installer dans le royaume-archipel de Sanderr. Alors, il fut évident que le pirate en herbe se nommant Loki répondit présent pour cette merveilleuse tâche. Lui qui rêvait depuis toujours d’aider son prochain dont principalement ceux qui furent victimes de discrimination. Comme le faisait sa mère dans le passé.

« Nous devrions trouver une auberge. Peut-être que nous trouverons d’autres personnes qui se sont portées volontaires pour la demande de ce bon vieux roi. » suggéra Loki qui en voyant un habitant éprouver du dégoût sur le visage de ce dernier, reçut un sourire forcé, clownesque de la part du frère de Sherry.

L’auberge fut facilement localisée par les deux pirates dont leurs têtes n’étaient pas mises à prix. Tirant la porte du bâtiment, les rafales de vent soulevèrent en même temps la capuche en forme de couronne qui recouvra le haut du visage du clown dépourvu de maquillage. Doucement, le jeune homme s’avança en direction du comptoir. Le bruit de ses pas fut accompagné par les crépitations des grelots accrochés sur son manteau blanc de bouffon.

Une fois à destination, Loki s’assit sur un haut tabouret pour prendre un peu de hauteur face au meuble en bois qui mesurait deux tiers de la taille de Whitemane.

« Un verre de lait pour le gamin ? » demanda une femme beaucoup plus âgée que Loki. Son visage était recouvert de ride et la pigmentation de ses cheveux jalousait la couleur de la tignasse du jeune pirate.

Baissant sa capuche, tout en soupirant pour apaiser son énervement après avoir été traité de gamin (sûrement à cause de sa petite taille), Loki ferma un instant ses paupières tout en adressant un doux sourire à celle-ci se faisant appeler : Tati’ la jolie.

« Si ça m’aide à grandir, je ne suis pas contre. » répondit de sa voix chaleureuse l’orphelin.

« Un vin chaud pour moi s’il vous plaît ! »  poursuivit la Minks renarde qui repéra immédiatement deux hommes en train de jouer à un jeu de dés.

Le piège idéal pour plumer Sherry de tous ses Berrys. Alors, avant qu’elle eut le temps de rejoindre la table, Loki lui tira l’oreille pour la remettre à sa place, à savoir près de lui.

Une fois que les boissons chaudes furent servies, le clown et la renarde se mirent à trinquer avant de boire une petite gorgée.

« Les ailes à votre dos sont magnifiques. » avoua d'une note sincère Loki qui repéra Hitoshi dans l'auberge. « Êtes-vous réellement un ange ? »

Pinçant doucement la tête d’une paille qui se trouvait parmi ses sœurs, plus précisément dans un bocal en verre extrêmement poussiéreux, Loki souffla sur la tige pour tenter de la rendre plus propre à son goût. Délicatement, l’objet fut baigné dans le lait bouillant qui servait de boisson pour le clown sans maquillage.

De sa main gauche, qui fut toujours pour Loki la dominante jusqu’à aujourd’hui, le verre fut attrapé pendant que le buveur aspirait le laitage qui devrait normalement le faire grandir. Whitemane gardait encore espoir à propos de dépasser un jour la barre des un mètre soixante-dix. Dix centimètres de plus lui permettraient d’être pris un peu plus au sérieux, surtout quand le clown aspirait un jour à être un grand pirate, comme fut jadis sa mère Alleria Whitemane.

Après avoir complimenté l’étranger porteur de deux magnifiques ailes d’ange, Loki ne pouvait s’empêcher d’afficher son sourire angélique en recevant les remerciements de l’habitant des îles célestes. Le clown qui sirotait sa boisson chaude, garda son équilibre sur un des pieds arrière de son haut tabouret. Il défiait les lois de la gravité par son talent d’équilibrisme. Se fichant des regards lancés à son encontre, Loki ne put esquiver les compliments à son égard par le biais du merveilleux ange.

Il fut rare pour lui de recevoir des louanges à propos de sa chevelure. Les rougeurs auraient pu être de sortie si les dernières phrases du parleur ne furent prononcées.

Ce Hitoshi, ce beau parleur, il était aussi engagé pour la mission de ce bon vieux roi. Arquant l’un de ses sourcils neigeux, le jeune homme adressa son attention pour le moins intriguée à sa fidèle alliée renarde, qui elle fit la même chose à son frère adoptif.

D’ailleurs en parlant de Sherry, la Minks prêtait depuis tout à l’heure sa curiosité à la demoiselle blonde qui semblait conter, chanter à la manière d’un troubadour la rencontre de l’ange, du clown et de la renarde.

Curieusement, l’esprit artistique de Loki trouva plusieurs phrases pour y créer une chanson à propos des dires de la blondinette. L’envie de bondir sur une table, de chanter haut et fort pour rehausser l’ambiance de l’auberge bouillonnait au plus profond de son être. Malheureusement, la redoutable serveuse, aubergiste, bref Tati’ la jolie empêcha l’artiste de dévoiler l’un de ses talents. De sa haute voix qui agressait fortement l’audition du clown sans maquillage, ce dernier apprit qu’il se trouvait dans la seule auberge du port. Du moins, s’il fallait croire aux racontars de la serveuse.

Voulant répondre, le jeune homme ne put s’y résoudre en découvrant les iris très étranges de l’ange. Extrêmement surpris, il s’écroula de son haut tabouret d’une manière très pittoresque. Des rires, des moqueries des clients de l’auberge furent la récompense pour Loki. Comme le faisait un public appréciant le numéro du clown. Légèrement sonné, le pirate en herbe se rendit compte que son lait désormais renversé, recouvrait une partie de son visage. La température assez haute fit bondir le bouffon de son plancher qui chercha avec hâte un torchon, une serviette pour retirer la souffrance depuis sa tronche. Un spectacle qui ne manqua aucunement de tordre une nouvelle fois de rire les habitués de la bâtisse.

Au moment où Loki essuya sa boisson grâce à la robe de Tati’ la jolie, une autre âme entra dans le bâtiment. Porteur d’une armure assez voyante, ses bruits de pas qui s’avancèrent près du bar signalaient la lourdeur de son uniforme. Après avoir passé sa commande, ce dernier se présenta aux concernés de la mission.

Loki, qui désormais trimballait une bosse en haut de son crâne à cause de la serveuse, remarqua aussitôt le regard plutôt dragueur du lieutenant Flokon à l’égard de la renarde. Une action vaine, inutile envers l’innocente Sherry qui se contenta de lui sourire poliment pour à la fin reprendre sa sollicitude sur les clients jouant aux dés.

« Je suis enchanté de faire votre connaissance, lieutenant. » se mit à dire Loki qui s’inclina respectueusement par courtoisie, comme le faisait tout bons gentlemen. « Je m’appelle Loki. » De sa main il la dirigea face à la Minks. « Voici Sherry. »

« Yo ! » s’exclama la renarde qui donna gratuitement un clin d’œil au preux chevalier.

« Nous sommes d’honnêtes voyageurs aimant apporter notre aide à ceux dans le besoin. » Il se mit à sourire chaleureusement de son petit mensonge à propos de son statut de soi-disant voyageur. Mieux valait pour le clown sans maquillage de ne pas divulguer sa nouvelle profession de pirate.

Reprenant place sur son siège qui obligeait Loki à effectuer un petit bond pour atterrir sur le dossier, il écouta attentivement les explications de la fameuse mission. Sa mère aurait remué ciel et terre pour venir en aide aux Hommes Poissons, donc il fut évident que son fils face également la même chose.

Passant outre le surnom de mec à plumes adressé à Hitoshi qui redressait furieusement de colère les poils de Whitemane, Loki ne put se résoudre à imaginer trois personnes réussir à compléter toutes les tâches demandées par le Roi de Sanderr. Sans main-d’œuvre, cette mission devenait impossible…

Tenant son menton, croisant sa jambe gauche contre la droite, le petit pirate se mit à réfléchir en observant attentivement les clients de l’établissement. Le froid pouvait devenir un terrible ennemi, surtout pour des étrangers. Néanmoins, les habitants de l’archipel de Sanderr vivaient depuis toujours dans cet hiver effroyable.

Sans tarder, le clown qui n’a toujours pas son maquillage, sauta de son perchoir pour prendre place entre les joueurs de dés.

« Ici, sans tarder, je vous propose ce marché. ♪ » chantonna Loki en pointant de son index chaque voisin de sa table. « Sans forcer, je sais que vous vous y voyez. ♪ » poursuivi-t-il en hochant positivement son visage pour appuyer ses paroles. « Avec moi, travaillez. Le roi saura vous récompenser. ♪ » dit-il dans son chant d’une intonation très convaincante. « Avec des bières ! ♫ » Il désigna les pichets vides des buveurs avec ses mains gantées. « Avec des berrys ! ♫ »

Loki se retourna en sortant de la poche de son manteau une petite bourse de pièces fraichement gagnées par ses talents de voleur. De sa précédente action, il balança l’objet de valeur dans les mains de la serveuse pour payer d’autres verres à ses bons samaritains.

Lorsque les verres furent remplis du breuvage mousseux, les buveurs et convaincus de l’auberge se mirent à trinquer en gueulant en chœur : Pour le Roi de Sanderr.

Si l’arrivée du preux chevalier en armure fut assez impressionnante pour l’acteur de cirque, ce dernier ne fut pas au bout de ses surprises lorsqu’un deuxième invité entra sur scène. D’une peau bien différente à ceux des humains. D’une musculature très renversante et d’un physique très particulier, Loki cachait sa curiosité sur cette espèce baptisée Homme Poisson. Son père Xander racontait souvent des histoires sur ces mystérieux habitants des fonds des mers. Parfois en bien et à de rares occasions en mal. L’un d’eux, tristement célèbre pour s’être opposé aux Dragons Célestes, avait inspiré sa mère dans ses idéaux.

Loki dût encore lever son menton pour observer attentivement l’étrange spécimen. Il fut si rare pour le clown de baisser le visage pour parler à un adulte. Même en exagérant les gosses arrivaient parfois à le dépasser ces derniers temps. C’était pour lui, un horrible privilège de mesurer un mètre soixante.

« Je te signale que tu as jeté nos derniers berrys pour la tournée générale. » chuchota la Minks renarde qui semblait être dépitée de cette vie misérable. Leur début de piraterie semblait plutôt les ruiner au lieu de les enrichir. À croire que le clown et la renarde ne furent pas faits pour ce genre de travail.

« Ne t’en fais pas Sherry. Le roi est riche. » dit Loki à voix basse en tentant lui-même de se convaincre par ses propres paroles.

Apprenant l’identité de celui qui allait sûrement aider le groupe pour les différentes tâches, Loki s’empressa de vouloir se présenter à son tour. Il se devait de le faire car telle est la règle d’un gentleman. Alors, en posant sa main droite sur son palpitant, en s’inclinant légèrement à la manière d’une révérence, l’artiste de cirque s’apprêta à émettre son identité. Seulement, il ne le fit pas. Si quelques clients de l’auberge se faisaient une joie d’aider pour se remplir les poches et le gosier, d’autres préféraient rester en retrait…

Le chuchotement d’un homme agressa les oreilles de Loki Whitemane. Que Sahel semblait trop parler à son goût. Le ton de sa phrase ressemblait énormément à du racisme. Les poils du clown s’hérissèrent de colère. Son poing gauche se ferma et tortura les articulations de ses phalanges. Prenant une bouffée d’oxygène, le jeune homme porteur d’une chevelure neigeuse s’avança en direction du chuchoteur malhonnête…

Lentement, Loki passa son bras autour des épaules du raciste qui semblait être entouré de sa petite bande de copains. Il analysa le groupe silencieusement qui semblait ne pas apprécier non plus sa présence. Il fut évident que leur réaction n’était pas très courtoise par cet étranger hideux.

« Je l’avoue ! » exclama haut et fort Loki pour que l’attention se tourne sur les gens n’aimant pas les poissons. « Sahel parle beaucoup. » Le clown hocha d’une manière assez comique, clownesque pour commencer à faire rire quelques volontaires de la fameuse mission. « Mais en même temps, dans cette auberge, rien n’interdit à mon nouvel ami de discuter avec des personnes. Vous apercevez des affiches, un règlement pour ça ? » demanda avec assistance le clown sans maquillage qui posa sa main plate contre son front pour observer les alentours du bâtiment. « Moi je ne vois rien. En plus il a payé sa boisson sans profiter de ma tournée générale. Alors où est le problème ? »

De sa main gauche, il frappa un bon coup le dos de celui qui venait de l’énerver. Un geste qui était amical pour Loki. De l’action du clown, le raciste renversa une partie de sa bière sur ses vêtements. Bien entendu, au moment du contact, le grossier personnage ne s’était pas rendu compte que le pied de sa chaise venait de se fragiliser. Loki avait coupé une partie du pied avec sa lame qui se rétractait sous sa botte.

« Alors, si vous n’êtes pas content de Sahel, qui je trouve ressemble à un client quelconque. Vous devriez boire dans une autre auberge ou vous plaindre auprès du Roi de Sanderr. » proposa-t-il en lui souriant doucement.

« Je te cause pas à toi le gringalet ! On veut pas de la poiscaille chez nous. » Crachant sur le plancher, le mécontent pointa de son imposant index l’Homme Poisson. « Retourne sous la mer avec ton odeur nauséabonde ! »

Essuyant la salive fraichement relâchée par le dégoûtant à l’aide d’un torchon pour épargner Tati de cette tâche ingrate, Loki tapa de son pied les lattes en bois du sol. D’une synchronisation parfaite, monsieur le raciste perdit équilibre par la destruction du pied fragilisé de son siège. Tombant sur ses grosses fesses, Loki le pointa à son tour du doigt en rigolant fortement, suivi plus tard par sa troupe de volontaires.

« Vous tombez bien bas avec vos propos. Je peux même dire que ça ne menait pas haut. » surenchérit le clown de ce petit jeu de mots qui s’inclina devant son public à cause de ses pitreries.

Il fut évident que ce genre de numéro n’allait aucunement faire cesser les pensées négatives de ces gens n’aimant pas les Hommes Poissons. Seulement, Loki désirait faire goûter à ce xénophobe la même humiliation qu’il avait infligée à Sahel.

Victimes des rires, le meneur du groupe décida de quitter l’auberge avec ses amis en se jurant de ne pas en rester là. Était-ce un début de conflit ? Probablement. Mais peut-être que la hache de guerre venait déjà d’être déterrée depuis que le Roi envisageait d’aider les Hommes Poissons.

« Si vous n’y voyez pas d’inconvénients. Je veux bien me charger à recruter d’autres volontaires pour les différentes tâches. » proposa Loki en revenant près de l’ange, du chevalier, de la demoiselle et de l’Homme Poisson.

« La même chose ! » répondit la renarde qui ne tarda pas à effectuer un Garchu à Sahel.

La soirée touchait à sa fin et si certains se dirigeaient déjà dans les bras de Morphée, cela n’était pas le cas pour Loki. Après sa petite mésaventure avec les xénophobes, l’artiste de cirque s’était éclipsé de la taverne afin de commencer à travailler. Si superviser la construction d’un village semblait fort intéressant et que d’amener les provisions à destination ressemblait à une tâche bien ardue, le clown préféra effectuer du social.

Ainsi, armé de sa lanterne à huile et de son manteau de clown bien chaud, Loki s’aventurait tranquillement dans le village portuaire de Voltus. Les flocons de neige cessaient de tomber depuis une bonne heure et le vent hivernal préférait se coucher en prenant exemple sur la plupart des habitants. Bosser en pleine nuit ne s’avéra aucunement rentable, surtout pour engager la conversation avec l’inconnu. Cependant, Loki profita de la tranquillité des lieux pour repérer les potentilles points de rassemblement des gens.

Au centre, les marchés devaient être monnaie courante au vu des nombreux présentoirs vides. Son attention se porta sur une grande pancarte en bois où nombres d’affiches y étaient encore présente. Aucune ne présentait le cas des Hommes Poissons. Soit l’affiche venait d’être arraché, soit les autorités du Roi ne prenaient pas le temps d’informer les citoyens de Voltus. Loki songea à la première option qui semblait beaucoup plus évidente.

« Tu ne penses pas qu’on devrait se coucher nous aussi ? » demanda la Mink qui venait de se griller une cigarette. « On trouvera personne cette nuit. »

Se retournant, Loki adressa un doux sourire à sa grande sœur. Cette dernière comprit très vite que son frère avait une idée derrière la tête. Son regard rempli de malice ne trompait jamais Sherry.

Loki arracha une affiche publicitaire et la pointa près de la truffe de la renarde.

« J’ai besoin de ton flair. Peux-tu m’indiquer où se trouve la personne qui fabrique ces annonces ? »

Prenant le bout de papier et le reniflant deux trois fois, la renarde qui releva gracieusement ses oreilles pointues hocha son visage pour répondre positivement à la demande de Loki.

« Je ne te promets rien, sachant que j’ai plusieurs parfums sur ce machin. C’est un peu me demander l’impossible… »

À la première heure de la matinée, là où les marchands commençaient à ouvrir leurs stands, Loki frappa à la porte d’une bâtisse qu’ils venaient de découvrir hier soir grâce au merveilleux flair de sa sœur. Lorsqu’un vieil homme ouvrit la porte, Loki s’inclina respectueusement, à la manière d’un gentleman.

« Bonjour mon bon monsieur. » fit-il en adressant son plus beau sourire à son interlocuteur. « Je me nomme Loki, de Suna Land et je suis chargée d’une glorieuse tâche. »

« Repassez plus tard. » bougonna le vieux qui s’empressa de fermer sa porte. Une action qui s’avéra être un échec lorsque le pied de Loki s’interposa pour bloquer la fermeture.

« Votre roi souhaite apporter son aide pour des réfugiés Homme Poisson. J’ai décidé de l’épauler mais sans votre participation, ma mission risque d’être vouée à l’échec. » Inspirant doucement pour remplir ses poumons d’un oxygène frais, Loki reprit avec beaucoup de malice. « Le roi de Sanderr a promis de récompenser quiconque apporterait son soutien pour son glorieux projet. Cela vaut également pour vous. »

Après une longue conversation avec l’homme âgé qui se chargeait depuis longtemps à afficher des annonces dans le village, Loki finit par réussir à avoir les services de ce dernier. Il ne fallut pas longtemps pour l’artiste de cirque à recevoir une multitude d’affichettes signalant que le Roi avait besoin d’âmes charitables pour aider les Hommes Poissons.

Ainsi, Loki et Sherry se contentèrent de coller les morceaux de papier un peu partout à Voltus. Ce n’était que le début pour accomplir sa valeureuse tâche. À savoir, assurer une route commerciale entre les habitants du port et les Hommes Poissons. Lorsque les gens de Voltus seront bien tous informés de la situation, Loki passera à la phase deux…

Le troisième jour venait de s’écouler depuis que Loki gambadait dans les ruelles de Voltus. Sa tâche de devoir assurer une route commerciale entre les habitants du port et les Hommes Poissons se dégradait de jour en jour. Si informer les habitants fut une tâche facile, Loki ne se doutait aucunement que cet avantage se transformait à petit feu en un inconvénient.

Les xénophobes qui se cachèrent dans l’ombre, profitèrent de l’avancer de Loki afin de corrompre les habitants de ce doux village. Visiblement, ces odieux personnages arrivèrent facilement à faire changer de chaise leurs cibles. Loki ne comprenait pas comment ils y arrivaient. Le faisaient-ils par une méthode douce ou par un procédé beaucoup plus violent ?

Songeant à cette question, le clown qui portait enfin son maquillage réfléchissait en silence. Assit sur un tonneau en bois qui se trouvait être rempli d’eau, Loki perdait doucement patience pour cette mission. Son sang bouillonnait de colère contre les êtres abjects qui repoussaient les Hommes Poissons. Bête comme leurs pieds, Voltus se porterait mieux sans la présence de ces gens.

Se levant de son siège pour se tenir debout sur ce dernier, l’artiste de cirque mit sa main droite sur son cœur et l’autre en direction de la foule. Prenant une bonne inspiration, Loki chanta.

« Quand un humble clown. ♪ »

Commençant sa mélodie, le clown subit par méchanceté et gratuité une boule de neige en pleine figure. Loki tomba de son perchoir pour atterrir lourdement sur le sol. Enfin, lourdement fut un bien grand mot lorsque la neige amortit la chute du chanteur.

Impossible pour Sherry d’apercevoir d’où provenait le tir. L’agresseur se volatilisa dans la foule qui profitait du marché. Normalement, des Hommes Poissons devaient avoir leurs propres stands pour proposer et vendre des spécialités maritimes qui furent très difficiles à trouver pour les habitants du village. Cet échange devait ouvrir le début d’une route commerciale entre les deux parties. Mais Loki ne vit aucun citoyen des profondeurs…

« Nous devrions nous diriger à l’auberge pour retrouver les adorables Hitoshi et Charlie. » Dit la renarde qui n’arrivait pas à cacher son air dépité. « Peut-être auront-ils de meilleures nouvelles que nous… »

De meilleures nouvelles ? Loki l’espérait énormément. Le karma tombait sur lui après s’être moqué ouvertement d’une troupe de raciste à l’auberge l’autre jour. Loki aurait dû user d’une méthode plus pacifiste. Seulement son sang est similaire à celui de sa mère. Lorsque la discrimination se dévoilait devant lui, ce dernier agissait instinctivement pour aider les victimes.

Souhaitant répondre à sa sœur adoptive, le clown se résigna en apercevant un Homme Poisson ressemblant à un Orque qui s’avançait dangereusement du village. Voulant rejoindre l’énervé, la Mink décida d’y aller en première.

« Va rejoindre les autres, je m’occupe de lui. On se voit plus tard. »

Après une petite heure, c’est avec une attitude bien lasse, même déprimante que l’artiste de cirque ouvrit seul la porte de l’auberge pour arriver en bon dernier. Charlie et Hitoshi furent déjà dans le bâtiment. Baissant sa capuche en forme de couronne dont les extrémités détiennent des grelots, Loki libéra ainsi sa tignasse de neige.

« Un chocolat chaud s’il vous plaît, madame. » émit le clown en adressant un sourire chaleureux à Tati la jolie.

Tirant une chaise se trouvant à une autre table, il l’emmena près de celle de Charlie et Hitoshi afin de s’y installer. Loki retira ses gants porteurs d’une couleur similaire à ses cheveux afin de placer ses paluches autour de la tasse bien chaude de sa boisson désormais servie.

Prenant un moment pour s’excuser d’avoir agi bêtement l’autre jour contre le xénophobe, Loki annonça à ses collègues de travail que sa tâche est devenue extrêmement compliquée. Si le premier jour fut une grande réussite, les lendemains se transformèrent en des résultats très négatifs. Ses efforts ont été saccagé par des gens agissant derrière le dos du clown. En résumé, la route commerciale entre les deux parties fut pour le moment un échec cuisant.

« Si les fauteurs de troubles poursuivent leurs avancés, j’ai bien peur que nous n’arrivions à rien de constructif. Peut-être faudrait-il avertir le Roi de Sanderr de cette situation ? Je ne pense pas que le dirigeant de ce pays soit heureux d’apprendre qu’une partie de son peuple soit contre lui. »

Il s’agissait d’une simple proposition sortant des lèvres froides du clown farceur. Dans sa caboche, dans son précieux palais mental, Loki déchirait voire brûlait ses idées de botter à nouveau les fesses des xénophobes. Répondre de manière plus violente engendrait une catastrophe… Même si ces saligauds mériteraient une correction.

À moins que…

« Il faudrait une situation qui permettrait aux habitants de Voltus et aux Hommes Poissons de s’unir, main dans la main. Quelque chose de joyeux, qui permettrait de faire oublier le racisme… »

Il est vrai que mentionner les faits au roi du royaume montrerait une faiblesse au sein du groupe. Que les trois volontaires ne furent pas assez compétents pour gérer cette affaire de diplomatie. Loki comprit les propos de ses coéquipiers. À savoir qu’il fallait se débrouiller seul. Il hocha doucement son visage tout en affichant son faux sourire qui se voulait être tout de même rassurant pour Hitoshi et Charlie.

« Haha, merci pour le compliment Charlie. Même si je ne fais pas très clown blanc, tant que les gens sourient et rient de mes pitreries, je serais un clown débutant comblé. »

Écoutant ensuite les propositions de la demoiselle du groupe, qui furent de lancer les festivités avant la fin des chantiers, Loki ne fut pas très chaud pour tenter cette nouvelle approche. Généralement, les grands banquets et les fêtes heureuses se déroulaient en fin de chapitre et non en plein milieu du livre. Et si ce genre d’événement était déjà arrivé, alors l’histoire ne devait pas être passionnante. Du moins, il s’agit de l’avis d’un clown se prétendant être pirate.

Subitement, lorsque Charlie proposa des services d’enquêtes et de chasses aux sorcières, les narines du clown se mirent à sentir une odeur agressive. Il ne s’agit point de parfum épicée dont Loki ne raffole aucunement mais plutôt d’un arôme qui attisait de mauvais souvenirs à l’orphelin. L’odeur du feu, de celui d’un incendie, similaire au chapiteau en flammes de son père Xander Whitemane. Le palpitant de Loki fit un bond extrêmement douloureux…

Se levant et faisant tomber sa pauvre chaise qui n’eut rien demandé. Le clown se précipita à l’extérieur de l’auberge pour être le spectateur d’un show extrêmement terrifiant.

Des hommes et femmes ressemblant au portrait typique de pirates se déchainaient dans les rues de Voltus. Ce pacifique village de neige se transforma en un enfer effroyable. Des pleurs, des hurlements, des plaintes et des rires sadiques furent les instruments de musique de la mélodie du spectacle. Le début de destructions, les faibles flammes furent les décorations de cette pièce théâtrale.

« Sherry !! » hurla d’inquiétude Loki qui se revoyait plusieurs années en arrière devant le cirque en feu de son père porté disparu.

Pas aujourd’hui. Il fut hors de question de perdre le dernier membre de sa famille pour cette mission humanitaire.

Lorsque Loki vit au loin une silhouette féminine porteuse d’un visage de canidé, ce dernier s’empressa de s’engouffrer dans cette introduction de chaos pour rejoindre sa chère et tendre sœur, oubliant ainsi ses deux autres coéquipiers.

D’une glissade entre les jambes d’un pirate aux poids lourds afin de l’esquiver, d’une pirouette digne d’un artiste de cirque pour enjamber un tas de marchandises sur le sol, Loki finit par rejoindre sa frangine qui aidait une famille à s’enfuir de son logement.

« On s’inquiétait pour sa sœur ?! » demanda la renarde qui fut témoin du soulagement dans les yeux de Loki. « Ne m’enterre pas aussi vite que nos parents veux-tu. »

Se collant dos à dos, les Whitemane qui avaient l’habitude de donner des sourires et des rires à la galerie, changèrent de masques pour adopter des rôles beaucoup moins joyeux. La Mink s’apprêta à sortir de son ceinturon ses outils en tant que manieuse de feu. Une tentative qui fut automatiquement stoppée par Loki.

« Mieux vaut éviter que nous soyons aussi considéré en tant qu’ennemi. Ton feu en dernier recourt. » conseilla le clown qui enfila un gant pourvu de lames aux extrémités des doigts à sa main gauche.

Au moment où Loki recouvrit ses cheveux de sa capuche en forme de couronne et d’un masque vénitien recouvrant le haut de son visage, les deux artistes de cirque se mirent à cogner les brutes s’empennant aux villageois. Faire perdre connaissance aux pirates fut l’objectif des Whitemane. La mort fut bien entendu le dernier recours, le dernier retranchement.

Durant ces échanges de coups, Loki fut surpris de voir à plusieurs reprises des humains et des hommes-poissons, travaillant main dans la main pour aider les victimes à fuir le désastre. Même une personne appartenant aux xénophobes de l’auberge de l’autre jour, prêtait son assistance en compagnie d’un habitant des profondeurs.

« Ohé !! Le manchot !! » hurla de colère Sherry qui pointa l’une de ses griffes dans la direction d’un mastodonte porteur d’un crochet à la place de sa main gauche. Ce dernier devait lui aussi être dans l’équipage des pirates au vu de son comportement agressif envers les citoyens de Voltus. « Rends-moi les Berrys que tu m’as volés aux dés !! »


Victime de son comportement de mauvaise joueuse ou plutôt de malchanceuse aux jeux sur table, la renarde attrapa le sabre d’un pirate assommé et fonça de colère contre le conseiller et grand frère de Pablo, à savoir Nuño. Aveuglée d’avoir été arnaquée aux jeux dans la matinée par ce géant qui semblait beaucoup moins naïf que Sherry, le crochu repoussa l’attaquante sans trop de difficultés…

Lorsque Loki rejoignit sa sœur, tous deux se mirent d’accord par un simple échange de regards qu’il fallait repousser la montagne vivante à deux.

« Pourquoi faut-il que les gens soient toujours aussi grands… » ronchonna le petit pirate d’un mètre soixante.

Loki et Sherry heurtèrent violemment une pile de barils en bois après avoir été projeté par la force prodigieuse du mastodonte. À ce contact, les Whitemane brisèrent les tonneaux qui contenaient tout un stock de poissons qui selon les écrits de la pancarte du stand étaient frais. L’odeur de la poiscaille irrita l’odorat de clown sans maquillage. Quant à la Mink, elle en profita pour dévorer gratuitement le début d’un saumon. Cela dit, son repas n’était pas fort convaincant. Visiblement la pancarte du vendeur fut trompeuse. Sherry fit donc une grimace dégoûtée, écœurée pendant que son frère lui riait au nez.

Les deux artistes ambulants qui aspiraient à marcher sur la voie de la piraterie, ne prenaient finalement pas leur combat au sérieux. Tous deux ne dégageaient aucune crainte et frayeur contre leur adversaire qui détenait une meilleure expérience au combat. D’ailleurs, en parlant de lui, de ce Nuño, ce dernier récupéra un petit coffre pour le placer sous son aisselle gauche et s’apprêta à quitter les lieux.

« Est-il vraiment sérieux en nous tournant le dos ? » demanda la renarde à son frangin. « Visiblement, ton manque d’adresse au combat blase ce géant de pirate, Loki. »

Riant nerveusement à la remarque de sa frangine, Loki s’empressa de se relever et sentit déjà plusieurs douleurs au niveau de ses lombaires. Sa projection contre les caisses en bois était loin de ressembler à une réception sur un lit douillet. Retirant la salissure et les quelques débris de bois sur le manteau de son père, Loki reprit l’affrontement en fonçant sur Nuño.

Les lames de ses griffes s’abattirent sur le sabre du pirate qui venait de remarquer le nain de jardin en train de charger. Par son impressionnant physique, le manchot appuya de toutes ses forces son épée contre les griffes de Loki pour obliger ce dernier à plier ses genoux. Le voyant presque à sa merci, Nuño profita de cette occasion pour diriger dangereusement son crochet sur le clown sans maquillage. Une tentative audacieuse mais sans effet lorsque le manchot reçut en plein visage un coup de pied de la Mink.

Détenant une puissance physique bien plus supérieure à Loki, Sherry réussit à faire reculer le géant de plusieurs mètres tout en endommageant le pif de ce bougre. Par son action, le petit coffre qui était détenu par le voleur finit par s’envoler dans les airs pour s’écraser contre la neige tout en libérant son contenu. D’innombrables pièces de Berrys illuminèrent alors les orbes émeraude de la renarde.

« Touche pas à mon fric ! Il est à moi ! » hurla le pirate qui essuya le sang coulant de son nez à l’aide de la manche droite de son vêtement.

Après ses phrases, ses paroles, il se mit à devenir encore plus menaçant. Son or devait être extrêmement précieux à ses yeux et Loki se demanda si les Berrys n’ont pas été gagné par des jeux d’argent. Voyant que sa sœur fut bien trop occupée à ramasser la monnaie et que Nuño débuta sa course pour reprendre son bien, Loki retira ses griffes pour gagner en vitesse. Il se précipita sur sa sœur et sauta sur une de ses épaules comme d’un tremplin afin de prendre de la hauteur.

Survolant le géant, l’artiste de cirque qui était passé maître en équilibrisme, appuya l’une de ses mains sur le crâne de Nuño pour tenir en équilibre défiant ainsi les lois de la pesanteur. Puis, Loki bascula à l’arrière du pirate, plia ses genoux et les repoussa à la manière d’une prise de catch appelé Dropkick pour faire tomber son adversaire sur le ventre. Avant que Nuño n’ait eu le temps de manger la neige, Sherry -qui venait de passer outre le fait qu’elle était pauvre- sauta dans les airs et tourna comme le faisait une toupille pour donner gratuitement un coup de pied retourné au manchot.

Nuño perdit connaissance pendant que Sherry retomba sur ses pattes avec grâce et élégance. Loki quant à lui qui s’était effondré d’une façon très pittoresque, clownesque, se releva et bascula sa frange de cheveux en arrière par un hairflip.

« Oublie pas tes griffes, le pseudo catcheur. » prévint la renarde à son frère.

« Et toi de ton argent, espèce de rapace. » reprit Loki qui remit son arme à sa ceinture.

Tous deux finirent par remarquer ensuite la jeune femme porteuse du prénom de Charlie détenant une identité bien étrange pour une personne de son sexe. Elle gueulait quelque chose, sûrement une indication, une information ou alors un appel à l’aide. Dans tous les cas, les Whitemane ne comprenaient aucunement les dires de la gueularde. Cependant, les agitations de la joyeuse du groupe mirent la puce à l’oreille au clown dépourvue de son maquillage théâtral.

Loki pensa fortement que Charlie désignait un homme dans le chaos autour d’eux. Était-ce le chef de cette foutue bande de pirates ? Les Whitemane échangèrent un regard puis un hochement de tête et se précipitèrent vers ladite personne. Hitoshi était déjà présent.

« Nous arrivons au clou du spectacle. » déclara Loki qui dégaina une dague à chaque main après les avoir tournoyés dans les airs avec grâce et élégance. Comme le ferait un lanceur de couteaux pour impressionner son public. « Sherry, je te laisse te charger des civils. » ordonna-t-il à sa sœur qui s’empressa de le faire en gardant bien entendu…le petit coffre de Nuño.