- Ainsi, au sortir de l’immense navire de glace, Ragnar observa les pirates filer à tout va en direction de leur but final. Izya, pleine de rage et de rancœur, partit la première, suivie de Reyson, littéralement catapulté, puis de Jeska, elle aussi pleine de détermination. Red allait certainement fermer le bal, laissant le reste de son armée affaiblir celle de son adversaire, avant de tenter de l’achever. Ou pas. La Révolution avait rempli sa part du contrat et comptait bien profiter de l’occasion pour libérer de pauvres personnes privées de leur liberté. Le révolutionnaire avait entendu de nombreuses choses au sujet des pauvres personnes capturées, qui auraient probablement souhaité mourir que de vivre cet enfer. Ils partirent vers l’ouest, pas entièrement à l’opposé de leurs alliés pirates, mais pas non plus dans la même direction. La cité de Treize allait être lavée de ses péchés.
« Hâtons-nous », pressa l’Atout d’un ton froid. On sentait réellement un changement dans le ton employé. Il n’était plus aussi détendu qu’auparavant. Ragnar était un animal aux sens et à la sensibilité développés. Il sentait l’odeur du sang et ressentait le désespoir des prisonniers. L’arrivée fracassante de l’iceberg avait déjà agité la fourmilière. Sur le chemin, naturellement, des pirates vinrent à leur rencontre. On ne rentrait pas sur Treize sans payer la taxe, ni sans répondre à l'énigme de Barbenfeu. Ragnar et ses officiers en tête, mirent fin aux espérances des barbares arrivés avec un brin de fierté. Malon reçut carte blanche. Guerre l’autorisa et assumera l’entièreté des sévices réalisés par le Cavalier de l’AR. Quant à Yukikuraï et Kardelya, il les laissa libre de leurs agissements. Suelto avait brièvement cartographié le coin. L’armée révolutionnaire se sépara en plusieurs branches pour attaquer simultanément plusieurs coins de la cité. il s’agissait de l’endroit où se trouvaient les esclaves, mais aussi réputé comme le plus répugnant.
« Yumi, Suelto, aujourd’hui, vous me collez aux basques. La seule stratégie sera la suivante : on entre de force et on élimine tous les nuisibles.
- Ok, ça m’plait bien, chef !
- Moi, ça me branche moyennement, Ragnar. On risque d’y perdre beaucoup d’hommes.
- Nous trois formerons l’attaque principale. Nous serons en tête pour ouvrir la voie au reste de la troupe. On va faire du bruit. Saccager tout ce qu’on peut saccager. Mettre à sac cette maudite cité. Pendant ce temps, les autres escouades agiront dans l’ombre pour libérer autant d’esclaves que possible.
- En fait, t’avais un plan, chef.
- Yumi, c’est le général des armées révolutionnaires, alors heureusement qu’il a un plan.
- Tu veux que j’te rappelle Winter Island ? »
Ragnar les ignora et continua son chemin. Ils savaient très bien que ces deux-là pouvaient se quereller au chœur d’une bataille sans jamais perdre de vue leur objectif. L’Empereur augmenta le rythme de marche et commença à dégainer ses deux dagues. Derrière lui, d’une étonnante synchronisation, dégainèrent leurs armes. Quand leur général marchait d’un pas aussi lourd, déterminé, sans un mot, ils comprenaient que la bataille serait sans conteste sanglante. Chez l’ennemi, les pirates prirent rapidement l’information : la cité allait entièrement être encerclée par l’armée révolutionnaire. La seule issue, volontairement créée, se trouvait au niveau de la troupe de Ragnar. Comme il le souhaitait, les salves de pirates refusaient d’être enfermées et sortaient affronter l’armée de l’Atout. Ce dernier disparut sans prévenir. Dirigée par Suelto et Yumi qui ordonnèrent le pas de course, des cris de rage retentirent.
Ragnar apparut en plein milieu des pirates. Le regard noir, il observa toutes ces personnes courir vers son armée, avant qu’elle ne se rendent compte de la situation. Juste sous leurs yeux ébahis, dopés à l’idée de tuer un homme important de la révolution, ils s’arrêtèrent et foncèrent sans réfléchir. « Je vous souhaite d’avoir bien profité de votre vie, car celle-ci prend fin dès maintenant. » A ces mots, la sanction tomba aussitôt. Suelto et Yumi purent observer les premières têtes voler. « Il est en forme.
- Il se ramollissait un peu avec ses nouvelles fonctions. Il était temps de reprendre son véritable métier : boucher de l’armée révolutionnaire.
- Eh ! C’moi l’boucher !
- Tu m’en diras tant. Prouve-le. »
Visconti avait le don de motiver ses alliés. Ni une ni deux, l’épéiste, Yumi, prit les devants et arriva le premier dans la collision confrontant les deux armées. Tandis que Suelto se battait avec élégance, agilité, tentant d’aider et de se servir de ses camarades, Yumi se contentait de trancher tout ce qui l’était. Et rattraper Ragnar pour participer à la fête. Le général, lui, se mouvait à toute vitesse. Après tout, les combats au corps à corps était sa spécialité. Les pieds, les mains, la tête, les dagues… Tout y passait. En se rapprochant, au-delà des hurlements de douleurs, on entendait aussi des os se craquer de toutes parts. Un horrible spectacle avait lieu. Ragnar, dans son élément, retrouvait des sensations oubliées et prenait presque un certain plaisir. Ceux qui avaient l’intelligence de s’enfuir, se retrouvaient face à Yumi, un homme tout aussi cruel et amoureux des combats.
« Chef ! », hurla Yumi en retirant sa lame d’un cadavre. « Je sais. », rétorqua calmement ce dernier. « Continuez d’avancer. Entrez dans la cité, libérez tous ceux qui disposent encore d’une once de vie. Ensuite, brûlez-moi cet enfer. Je m’occupe d’elle. »
Par-delà, excentrée de la bataille en cours, se trouvait une femme tenant un guando. Seule. Sans son armée. Nulle place au doute quant à ses intentions. D’une lame d’air, Ragnar se débarrassa des nuisibles et ouvrit la voie à son armée, tout en se dirigeant vers la sortie de cet attroupement. « Tu as fini de t’échauffer ? », commença l’une des plus pirates les plus puissantes de ce monde. Ses talents furent rapidement dévoilés au monde entier et le Malvoulant ne s’était pas privé de se les approprier. Elle aurait sans doute été mieux ailleurs. Chez Kiyori, par exemple, songea le révolutionnaire. La Cause n’était pas faite pour elle. Ragnar avait déjà du mal à obéir à des ordres, alors Apache était une cause perdue.
« Ton chef t’a déjà pardonné de ta désertion ?
- Teach n’est plus mon chef. Depuis longtemps. S’il a besoin que je le lui dise, je l’attends.
- Le pire, dans ce que tu dis, c’est que tu es sérieuse en le disant. Cette enflure te réserverait probablement le même sort que ces pauvres esclaves, dans la cité, avant même que tu aies eu le temps de t’excuser.
- Tu penses qu’il était étonné de me voir partir ?
- Non. Il ne l’était pas.
- C’est bien la preuve qu’il me savait en-dehors de ses prévisions. Contrairement aux autres, je pars quand bon me semble. Et s’il n’est pas content, peut-être que je perdrais, mais il ne gagnera pas sans sacrifice. »
L’Atout rangea ses dagues et se tint le menton. Quelque chose ne tournait pas rond dans cette histoire.
« Enlève-moi un doute. Que diable viens-tu faire ici si ce n’est pour aider son ancien employeur ?
- T’affronter.
- Hein ? Tout de suite ? Tu ne sais vraiment pas choisir tes moments. Quand arrêteras-tu d’écouter tes envies ? On dirait une gamine. Une prochaine fois, hein. J’ai du monde à libérer.
- Tout de suite.
- Apache…
- Si tu perds, je réduis ton armée à néant. Les pirates fêteront leur victoire contre l’armée révolutionnaire et les esclaves souffriront plus encore. Des fêtes, il y en a tous les jours, mais celle-ci sera particulièrement arrosée. Pense à ce que subiront ces personnes. D’autant plus que tu leur auras donné de l’espoir. Mourir sera le seul vœu. Sympa, non ? »
Le regard de l’Atout s’assombrit. Une aura se gonfla autour de lui. On pourrait croire à de l’encre. Peut-être que ça l’était. Il y avait quelque chose en plus. Le fluide royal que contenait le révolutionnaire frémissait d’impatience à l’idée de mettre fin à ce jeu ridicule. « Très bien. Tu l’auras, ta mort. »