Le relevé du courrier avait lieu deux fois par semaine, environ. Et à chaque fois, c’était toute une nuée de mouettes et de pélicans qui rejoignait la flottille de navires luvneelois à destination de Vertbrume. Des nouvelles du pays, des consignes de la couronne et ses ministres, des correspondances cryptées que l’observateur de la princesse recevait de sa souveraine, et les innombrables courriers personnels qu’une équipe de marins s’échinait à répartir parmi les mille deux cent membres de l’expédition. Une tâche fastidieuse pour laquelle ils avaient vite réussi à s'organiser habilement.
Dans ce lot, Sigurd et sa compagne disposaient de leur propre service pour recevoir tout ce qui était lié à leurs affaires. Plus facile, plus fiable, plus confidentiel. Non pas qu’ils faisaient preuve d’une discrétion incroyable quand ils vaquaient à ça, parce que Sigurd épluchait actuellement une belle pile de lettres empilées pêle-mêle sur sa table de petit-déjeuner, au beau milieu du mess collectif du navire. Pas de raison qu’ils aient un statut à part, qu’il disait. Mais à défaut de s’être assuré un confort à la hauteur de leurs habitudes, les Nowel avaient déboursé ce qu’il fallait de leur poche pour que l’ensemble de la flotte dispose de conditions dont ils s’accommoderaient parfaitement.
Les victuailles en premier lieu, évidemment. Ca lui faisait toujours plaisir, au blondinet, de voir les matelots savourer leurs repas avec autant d’enthousiasme que ce qu’ils éprouvaient généralement dans les auberges, au retour d’un long voyage en mer où les repas n’étaient pas bien fameux faute de moyens à bord. Là, c’était en permanence, la bombance. A un niveau qui surclassait très vastement tout ce qu’ils connaissaient. Comme quoi, c’était bien, d’être riche et de pouvoir partager.
Replongeant le nez dans ses affaires, entre deux gorgées de potage et une tranche de poisson fumé, ses yeux parcouraient un document qui lui évoqua de vieux souvenirs :
-Au fait, miss, on sait ce qu’il est devenu Santa ?
-Qui ça ?
-« Ho ho ho ! », singea Sigurd avec son talent habituel.
-Aaaaaaah, oui. J’ai cru que c’était un nom asiatique… belle idiote.
-Ah j’avais jamais fait gaffe tiens. Oui !
-Euh… je ne sais pas. Vous n’avez pas eu de nouvelle de Svéa ?
-Si, si, j’ai les papiers sous le nez là. Le juridique et tout pour la Santagricole, ça se passe normalement. Dividendes au même niveau que tous les mois et rien à signaler sur le reste, ç’a quasi pas bougé. Comme d’hab.
-Vous ne vous dîtes rien de plus, donc.
-Beeen… on se dit rien du tout, même, en fait. Vous leur causez, vous ?
-C’est plutôt vous, qui discutez de tout et de rien avec les gens en étant parfaitement accessible.
-Oui mais c’est plutôt vous, qui discutez avec les gens respectables parce que moi je suis un singe imprésentable qui sait pas se tenir.
-…
-…
-J’en conclus qu’il n’y a pas eu un pour rattraper l’autre.
-J’allais dire qu’on est aussi nul l’un que l’autre, comme quoi on est d’accord. Bon bah pas grave, on peut toujours se rattraper. Un coup de fil aujourd’hui ?
Haylor se contenta d’un grognement en guise de réponse, se réfugiant dans son assiette chargée de beaucoup trop de choses grasses et salées pour le commun des mortels. L’autre respecta ce bref répit, ne serait-ce que parce qu’il n’avait jamais eu l’intention de parler boulot quand ce n’était pas le moment. De bon matin, notamment. Mais aussi parce sa partenaire brandissait maintenant des biscuits à l’avoine tellement secs qu’il n’avait jamais réussi à en morceler un. Pas avec ses dents, en tout cas. Et encore moins de ses doigts. Il avait dû faire le test avec ses revolvers, dans un élan de curiosité, pour obtenir des résultats. Mais elle parvenait à les mâchonner jusqu’à ce qu’ils cèdent, sans qu’il ne comprenne le truc. Non pas qu’il ait envie : c’était plus amusant de garder le mystère,. Et puis, ça faisait partie de son charme, pour lui.
-Bataille de pouces, décréta-t-elle finalement.
-J’allais proposer qu’on l’appelle tous les deux.
-Mmmh ?
-Nan oubliez, pas besoin, éluda-t-il en tendant sa main.
-Le premier à cinq a gagné ?
-Bon pour moi.
-Pas de chatouilles, précisa-t-elle en se penchant à son tour.
-Et interdiction d’utiliser vos chaînes pour me déconcentrer. Soulever ma chaise c’était salement pad’jeu.
-Ooooh, tiens donc. J’aurais fait ça ?
-…
-D’accord. Mais vous, je vous interdis de me faire rire avec des bêtises ou des grimaces ou…
-Je ferai preuve d’un comportement on ne peut plus sportif, loyal et honorable, madame, conclu Sigurd.
-Accepté. Ce sera réciproque, très cher.
-On va jamais y arriver.
-Le premier à tricher a perdu ?
-Ouais.
Dans ce lot, Sigurd et sa compagne disposaient de leur propre service pour recevoir tout ce qui était lié à leurs affaires. Plus facile, plus fiable, plus confidentiel. Non pas qu’ils faisaient preuve d’une discrétion incroyable quand ils vaquaient à ça, parce que Sigurd épluchait actuellement une belle pile de lettres empilées pêle-mêle sur sa table de petit-déjeuner, au beau milieu du mess collectif du navire. Pas de raison qu’ils aient un statut à part, qu’il disait. Mais à défaut de s’être assuré un confort à la hauteur de leurs habitudes, les Nowel avaient déboursé ce qu’il fallait de leur poche pour que l’ensemble de la flotte dispose de conditions dont ils s’accommoderaient parfaitement.
Les victuailles en premier lieu, évidemment. Ca lui faisait toujours plaisir, au blondinet, de voir les matelots savourer leurs repas avec autant d’enthousiasme que ce qu’ils éprouvaient généralement dans les auberges, au retour d’un long voyage en mer où les repas n’étaient pas bien fameux faute de moyens à bord. Là, c’était en permanence, la bombance. A un niveau qui surclassait très vastement tout ce qu’ils connaissaient. Comme quoi, c’était bien, d’être riche et de pouvoir partager.
Replongeant le nez dans ses affaires, entre deux gorgées de potage et une tranche de poisson fumé, ses yeux parcouraient un document qui lui évoqua de vieux souvenirs :
-Au fait, miss, on sait ce qu’il est devenu Santa ?
-Qui ça ?
-« Ho ho ho ! », singea Sigurd avec son talent habituel.
-Aaaaaaah, oui. J’ai cru que c’était un nom asiatique… belle idiote.
-Ah j’avais jamais fait gaffe tiens. Oui !
-Euh… je ne sais pas. Vous n’avez pas eu de nouvelle de Svéa ?
-Si, si, j’ai les papiers sous le nez là. Le juridique et tout pour la Santagricole, ça se passe normalement. Dividendes au même niveau que tous les mois et rien à signaler sur le reste, ç’a quasi pas bougé. Comme d’hab.
-Vous ne vous dîtes rien de plus, donc.
-Beeen… on se dit rien du tout, même, en fait. Vous leur causez, vous ?
-C’est plutôt vous, qui discutez de tout et de rien avec les gens en étant parfaitement accessible.
-Oui mais c’est plutôt vous, qui discutez avec les gens respectables parce que moi je suis un singe imprésentable qui sait pas se tenir.
-…
-…
-J’en conclus qu’il n’y a pas eu un pour rattraper l’autre.
-J’allais dire qu’on est aussi nul l’un que l’autre, comme quoi on est d’accord. Bon bah pas grave, on peut toujours se rattraper. Un coup de fil aujourd’hui ?
Haylor se contenta d’un grognement en guise de réponse, se réfugiant dans son assiette chargée de beaucoup trop de choses grasses et salées pour le commun des mortels. L’autre respecta ce bref répit, ne serait-ce que parce qu’il n’avait jamais eu l’intention de parler boulot quand ce n’était pas le moment. De bon matin, notamment. Mais aussi parce sa partenaire brandissait maintenant des biscuits à l’avoine tellement secs qu’il n’avait jamais réussi à en morceler un. Pas avec ses dents, en tout cas. Et encore moins de ses doigts. Il avait dû faire le test avec ses revolvers, dans un élan de curiosité, pour obtenir des résultats. Mais elle parvenait à les mâchonner jusqu’à ce qu’ils cèdent, sans qu’il ne comprenne le truc. Non pas qu’il ait envie : c’était plus amusant de garder le mystère,. Et puis, ça faisait partie de son charme, pour lui.
-Bataille de pouces, décréta-t-elle finalement.
-J’allais proposer qu’on l’appelle tous les deux.
-Mmmh ?
-Nan oubliez, pas besoin, éluda-t-il en tendant sa main.
-Le premier à cinq a gagné ?
-Bon pour moi.
-Pas de chatouilles, précisa-t-elle en se penchant à son tour.
-Et interdiction d’utiliser vos chaînes pour me déconcentrer. Soulever ma chaise c’était salement pad’jeu.
-Ooooh, tiens donc. J’aurais fait ça ?
-…
-D’accord. Mais vous, je vous interdis de me faire rire avec des bêtises ou des grimaces ou…
-Je ferai preuve d’un comportement on ne peut plus sportif, loyal et honorable, madame, conclu Sigurd.
-Accepté. Ce sera réciproque, très cher.
-On va jamais y arriver.
-Le premier à tricher a perdu ?
-Ouais.