Lévi a tort
Léviathan.
Ce nom ne m'évoque rien.
Et pourtant.
-Terre en vue !
Je saute sur le pont en frémissant d'excitation, non sans me prendre au passage les pieds dans un cordage qui traînait sur le chemin, manquant de peu de m'étaler de tout mon long au terme d'une course effrénée définitivement trop intense étant donnés ses enjeux. Mais il faut me comprendre. C'est la première fois de ma vie que je sors de Carcinomia, l'événement mérite d'être célébré. Qui plus est pour me rendre sur une autre Blue. Rien que ça. Et même l'absconse raison de notre escapade, l'observation du chantier du Lévianthan, « fleuron » de la flotte de la marine -ce qui, soit dit en passant, m'impressionne et m'intéresse autant que les « poèmes » que mon précepteur croit bon de m'asséner à longueur de temps-, ne saurait entamer mon enthousiasme.
Une chose en est pourtant capable.
-Fais attention, Charlie ! Tu veilleras à te tenir correctement là-bas, n'est-ce pas ? Nous avons une réputation à entretenir.
Le « gna gna gna... » que je réponds ne résonne que dans mon esprit. Courageuse mais pas téméraire. Si l'autorité de mon géniteur m'affecte autant que le minuscule caillou qui m'a suivi depuis Carcinomia, bien calé quelque part au fond de ma bottine -à savoir assez peu, exceptées les rares fois où il s'évertue à me rappeler sa présence, provoquant au pire une légère démangeaison désagréable-, je sais très bien qu'il en va différemment du reste de l'expédition et qu'il est en possession de tout le pouvoir nécessaire pour m'enfermer tout le temps que notre visite va durer, me privant ainsi intégralement du plaisir de visiter une contrée lointaine -et à vrai dire, je soupçonne qu'il y prendrait même un certain plaisir-. Alors pas question de lui donner la moindre opportunité.
Pourtant, il faut dire que le si caractéristique balai enfoncé dans son fondement l'est encore plus profondément -si c'est possible- depuis le début du voyage. Apparemment, le Léviathan est quelque chose d'important pour les ingénieurs. On parle d'un bijou, d'un chef d’œuvre. Beaucoup d'initiés donneraient cher pour le voir et nous -enfin, surtout mon père-, on a été invités, rien que ça. Il semblerait que notre famille possède encore des relations favorables avec de lointains cousins sur Zaun, et le nom de Valentine y aurait meilleure réputation que les magouilles qui font loi sur ma très chère île natale. Alors le patriarche y a été convié. Quant à moi... Eh bien ils avaient trop peur de me laisser seule. Je crois. Qu'à cela ne tienne, si cela me permet de vivre une vraie aventure et de découvrir le monde, je prends.
Croyez-moi, je n'ai pas la moindre intention d'accorder la plus mince attention à ce chantier qui promet d'être des plus ennuyants. Dès que tout le monde aura le dos tourné, je compte bien m'éclipser pour partir à la recherche d'histoires croustillantes, d'aventuriers daignant me conter leurs épopées ou, comme mes parents le souligneraient bien que je le nie en bloc, d'ennuis à m'attirer. Mais je me rends compte, accoudée au bastingage alors que notre navire approche du port, que ce ne sera pas chose si aisée ; sur le ponton tout un comité d'accueil nous attend. D'ici, difficile de distinguer à quel genre d'empêcheur de tourner en rond je vais devoir faire face. J'espère juste qu'ils ne vont pas nous coller aux basques tout le séjour, sinon mes velléités d'escapades risquent de tourner court.
Dernière édition par Charlie O. Valentine le Sam 10 Déc 2022 - 15:53, édité 13 fois