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Shampooing, shopping et manucure

-Bonjour Monsieur! Ca ne prendra qu’une minute.
-Euh… alors chuis désolé mais j’ai déjà été abordé par un type du Raclétoïsme qui m’a mordu le mou pendant dix minutes sur les classiques fondateurs de la tour de Babybel et des tablettes de lois apportées par l’Elémental d’Emmental, puis y’a des initiés druido-clergical du Bulbe Fertile qui m’ont happé dans une ruelle pour me tracter dans leur clairière de recueillement mais eux je les connais c’est de bons gars et je voulais y passer, et je sors tout juste d’un entretien avec un enthousiasme de l’ordre de la Palme Obscure qui voulait me remercier d’avoir envoyé quelques dons pour soutenir l’association des Maître-Mouettiers de North le mois dernier. Donc euh… j’voudrais souffler un brin, svp.
-Hahaha! Mais non du tout, mon bon Monsieur. Contrairement à tous les autres, je ne vous demande pas ce que vous pouvez faire pour moi. Demandez-moi plutôt ce que je peux faire pour vous! Je me présente, je suis un élève du grand Maître Kamissoko Damba Bérété, Voyant Marabout, Sorcier Vaudou d’Inari, spécialiste des travaux occultes, réputé et sérieux dans ses travaux occultes et ses rituels de magie blanche, rouge, noire, reconnu par ses pairs des steppes de l’ouest de Zéphyr et du Royaume de la Veine. Il pourra vous aider à résoudre les problèmes d’amour perdu & sentimentaux avec son don de Médium Mage Chaman Guérisseur et…
-Alors oui mais non mais perso ça va bien, l’être aimé il m’a quitté y’a deux heures mais j’ai eu mon bisou ce matin et on se retrouve ce soir.
-Mais est-ce qu’elle vous aimera toujours? Maître Kamissoko Damba Bérété est un Expert Spécialiste du retour affectif, qui pourra ramener les sentiments amoureux qui viennent à défaillir. Une femme amoureuse est une femme belle qui éveille les désirs de vos ennemis. Souhaitez-vous qu’elle reste avec vous pour toujours? Les talismans de Maître Kamissoko Damba Bérété pourront éloigner vos rivaux potentiels en attirant le mauvais oeil sur eux et réveiller votre animal totem pour renforcer votre vigueur sexuelle et…
-Je m’inquiète pas vraiment, mon castor astral et l’araignée spirituelle de ma miss ils se sont mis d’accord pour construire un joli barrage tous les deux et les gens du voisinage ont l’air de trouver ça chouette.
-Oui, mais est-ce que vous la faîtes suffisamment…
-Désolé mais je suis pressé, j’essaie d’échapper à un contrôleur fiscal qui a remarqué que je fraudais l’URSSTAF sur mes déclarations sociales et j’ai rendez-vous avec un poto Tempiesta qui devait m’arranger ça. Bonne jourée!

Invasif, ce charlatan. Sigurd accéléra le pas pour le semer au détour d’une ruelle en escalier, avantagé par le fait que le bokor était chargé d’une large cargaison de babioles osseuses en tous genres, ornées de plumes, de dents de poissons et de toc tape à l’oeil qui traînait dans son sillage. 

Une fois en haut, essoufflé, il ralenti et continua son chemin pendant que son regard vagabondait dans le voisinage, chaque façade, chaque coin de rue disposant d’un étal ou d’une devanture qui ne demandait à retenir son attention. Et son portefeuille.

Mais au moins, personne pour ne l’alpaguer au prétexte qu’il était Sigurd Dogaku. Les journalistes étaient la pire engeance en la matière, mais il arrivait parfois à se créer des détracteurs un peu trop effusifs qu’il pouvait croiser à l’occasion, quand ce n’étaient pas de simples anonymes un peu trop curieux ou envahissants qui donnaient du leur pour la journée.

Assez vite, le blondinet avait pu remarquer qu’en dehors de sa ville, il était sensiblement moins reconnu (et sollicité) quand il s’habillait normalement. Comme si les vestes et redingotes que lui avait progressivement amené sa compagne l’identifiaient aussi sûrement qu’un uniforme pour un haut-gradé de la marine. S’ils savaient. Sa tenue négligée, sa carrure de moineau, sa dégaine relâchée et ses traits passe-partout faisaient de lui un lambda dans la masse.

On lui reprochait toujours de ne pas s’être adjoint les services de gardes du corps, évidemment. Mais franchement. C’avait l’air beaucoup trop de contraintes et de présences intrusives pour ce que ça apportait. Il était bien assez grand pour envoyer bouler les journalistes qui le gratteraient de trop près. Et le fait qu’on l’attaque, l’enlève ou rançonne sa petite vie…

Et puis quoi d’autre encore?

*
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-Bonjour. Je suis bien au mystère du Graal de la mer de sang rouge?

Question rhétorique, évidemment. Quiconque connaissait un tant soit peu les aspects de ce culte d’Inari savait qu’il ne pouvait faire absolument aucun doute que c’était bien le cas. La déco, déjà. Une bonne dizaine de teintes de rouge, carmin, vermillon et de rubis qui se superposaient dans un salon au mobilier extrêmement feutré. Les peintures exposées au mur représentaient des convives enfiévrés qui dansaient, s’enivraient et festoyaient à l’occasion de festins aux buffets débordant de victuailles. Quelques bustes et statues taillées dans le marbre distinguaient des artistes ou des célébrités de domaines variant de l'artistique à l'on ne peut plus superficiel : figures de la mode, étoiles de la Dendenvision, musiciens en vogue, chefs du moment se côtoyaient sur les étagères.

À peine les portes passées qu'une effluve lourde de saveurs sirupeuses lui monta au nez - rien de désagréable, et même tout le contraire, mais il fallait s'habituer.

Les adeptes du culte pouvaient directement se rendre jusqu'aux quartiers liturgiques qui leur étaient réservés. Les autres visiteurs, pèlerins ou infidèles, devaient d'abord se présenter au bassin des libations où plusieurs initiés étaient chargés de les accueillir, de les instruire et de les valider.

Et, bien sûr, il y avait la boutique.

Le culte du graal de sang rouge versait dans la recherche, la promotion et l'adoration de l’hédonisme pur, raffiné au possible, en réservant les excès du vulgaire à ses strates supérieures. Au grand public, il ne présentait que sa vitrine strictement irréprochable de tout scandale. Ce qui signifiait que les visiteurs trouvaient ici la possibilité de découvrir des produits de luxe, généralement rares, parfois en provenance de contrées exotiques, toujours d’une qualité extrêmement conséquente, et souvent à des prix superbement plus abordables que chez des négociants.

Pour pas mal de cas, il s’agissait de produits venant de petites productions dénuées de prestige et pourtant tout à fait délicieuses qui avaient l’avantage d’être bien plus abordables. C’est pour celles-ci en particulier que nombre de pèlerins visitaient leur chapelle, quand bien même ils n’étaient pas du culte. Car le Graal avait ses réseaux, ses mécènes, ses fidèles.

Quant à ceux qui avaient la bourse plus lourde... eux aussi trouvaient de quoi répondre à leurs désideratas.

Après, le graal de sang avait également la réputation de s’adonner à de nombreuses bacchanales totalement excessives, de se livrer à des rituels impraticables à la vue du public, et à pousser la recherche des saveurs au point de travailler des viandes et des liquides que la loi et la morale réprimeraient vertement. Mais bon. Inari et sa myriade de cultes portaient beaucoup de rumeurs. Ici, les accusations de cannibalisme et de sacrifices humains, c’était la base.

Miss Haylor, pour sa part, ne se souciait guère de ces potins lorsqu’elle avait décidé de leur rendre une visite de bon matin. Ni des prix, d’ailleurs. Elle les regardait encore de son oeil avisé pour se faire une idée, mais n’hésitait pas à débourser des sommes qui, il y a trois ans de cela, auraient suffit à la nourrir et la loger pendant plusieurs trimestres. 

Comme ces bouteilles d'excellents vins qu'elle désigna à ses hôtes, avant de se tourner en direction des étoffes et des parures présentées dans le lieu de culte. Pour la science, rien de plus.

Il y avait également un coin beauté bien-être qu'elle comptait bien visiter, même si celui-ci était sensiblement plus chargé que la réserve d'alcools hors de prix dont elle venait d'émerger. Ils avaient leur réputation au travers du monde entier, et arrivaient une quantité de pèlerins et de visiteurs qui comptaient bien profiter de l'occasion.

Ce qui ne la gênait pas. Elle pouvait bien attendre.
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