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Le hic dans Meetic

J'ai continué de voguer encore un peu sur West Blue, pendant un certain temps. Et voilà que tôt ou tard, mon transport a fini par débarquer devant de la nouvelle terre ferme. Une île dont le nom était déjà parti aux oubliettes, parce que ce n'est vraiment pas le genre de détail qui m'inspire, lorsque j'arrive quelque part où la vie semble normale ou banale... à première vue, du moins.

Donc pour l'instant, rien de particulièrement louche ou d'intéressant à signaler, dès que j'ai posé le pied et commencé ma promenade dans les rues de la première ville qui m'ouvre ses portes. Je profite du calme paisible qui règne pour découvrir l'endroit, tel un touriste qui déambule, sans encombre... à part peut-être, quand il s'agit de croiser toujours ces mêmes curieux qui ne peuvent s'empêcher de me reluquer de travers, ou d'avoir un léger mouvement de recul, s'ils pensent que je cherche à m'approcher trop près d'eux.

Pourtant, c'est quoi le problème ? Ma démarche reste classique. Ce n'est pas celle d'un handicapé, d'un pervers ou d'un gangster, par exemple ! Non, encore une fois, c'est ma tenue qui doit les déranger, en quelque sorte. Ils doivent notamment se demander pourquoi j'ai besoin de dissimuler mon visage au plus profond de ma capuche, je suppose ?

Dans un sens, je les comprends. Un étranger, inconnu au bataillon, déboulant tout juste dans leur patelin natal, ressentirait le besoin de jouer doublement au mec trop discret ! Pour quelles raisons ?

Enfin bref, ils doivent marmonner des trucs dans mon dos, lorsque je me suis suffisamment éloigné. A force, je connais le scénario, de toute façon... alors je les laisse couiner entre eux, je les ignore, et je poursuis ma route comme si de rien n'était.

Ainsi, le plus gros de la journée s'écoule sans le moindre incident à souligner. Moi, j'ai zig-zagué entre les différentes boutiques, histoire de jouer le rôle du potentiel client intéressé... sans trop m'impliquer, bien sûr. Puis, il était temps ensuite de me mettre à cogiter, afin de savoir où j'irais pieuter d'ici ce soir.

C'est là que je me retrouve assez embarrassé. J'allais devoir l'ouvrir, histoire de récolter telle ou telle info, au sujet d'un hôtel qui voudrait bien m'accueillir. Et à cause de ma superbe voix, tout ce qu'il y a de moins masculin, il y avait fort à parier pour qu'on préfère m'expédier je-ne-sais-où, à la place.

_ Vous connaissez un lieu où loger quelques jours, pour pas cher ? je mendie à une quelconque passante célibataire et traumatisée.

_ Euh... oui... prononce-t-elle avec une drôle de difficulté.

Après plusieurs essais ratés, plusieurs fuyards échappés, celle-là semblait être la bonne, on dirait. Elle n'ose pas courir pour sauver ses miches, car je lui serre un bras, mais malgré ma voix stridente, je fais tout pour détendre l'ambiance pesante.

D'accord, ce n'est vraiment pas gagné, car la nana renifle légèrement déjà, et se retient de faire glisser une ou deux larmichettes, le long de ses joues. Mais je tente de lui montrer mon plus beau sourire aux dents pointues et lèvres pulpeuses, mon plus gentil clin d'oeil d'homme-poisson... tout l'attirail du pseudo séducteur, quoi. Peut-être pire que mieux, en fin de compte ?

Mais yes ! Plusieurs longues et lourdes minutes plus tard, le travail paye ! La jeune demoiselle déballe un peu plus de détails sur différents lieux qui se trouveraient à l'autre bout de la ville, mais tant que ça peut faire l'affaire, je ne refuse pas le tuyau... à tel point qu'en guise de remerciement, je lui serre la main cette fois-ci, tout ce qu'il y a de plus sincère et reconnaissant.

_ Allez ! conclus-je. Passez une bonne journée.

Ce devait être la dernière réplique joyeuse mettant un terme à cet échange pitoyable. Mais la femelle a compris ça comme de l'agressivité.

Elle se met soudain à crier un truc aussi grinçant que ma voix, et se libère de mon emprise, grâce à un sursaut arrière. Je grimace de surprise, elle grimace de peur en reculant toujours plus... et tadam ! Nous nous quittons pour de bon.
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Lot de consolation, peut-être ? La pauvre fugueuse a une façon très particulière de tailler la route, surtout après avoir vécu un cauchemar, haha ! Elle se dandine les guiboles sans se presser outre mesure. On assiste à du bête petit footing léger, comme le clampin du dimanche dans un parc, jamais essoufflé, parce qu'il avance tendrement, à petites foulées, avec comme seule excuse de vouloir garder la forme.

Je rigole en soupirant tout le long de son risible numéro. Puis, dès qu'elle n'est plus dans mon champ de vision, je pivote afin de reprendre mon chemin dans la direction opposée. D'autres paparazzis un peu plus téméraires, comparé à la foule de chochottes de départ, en ont apparemment profité pour se placer ici et là dans le décor, histoire de constater sans doute si je suis vraiment méchant.

C'est à peine si je leur dédicace un coup d'oeil intéressé, en me disant que si je les ignore au plus vite, ils suivront également le même raisonnement. Mais en vain ! Et ce n'est pourtant pas leur nombre qui fait leur force. Au contraire, on devine très bien qu'ils sont tous à deux doigts de faire dans leur froc. Alors pourquoi cette fausse passion pour ma personne ? Mouais, bof ! C'est à celui ou celle qui pourra ensuite se vanter d'avoir pu apercevoir plus que mon nez, j'imagine.

Bref, tout comme avec la quiche précédente, je les quitte pour de bon. La vie normale reprend alors son cours, et tout le monde respire mieux. En tout cas, lorsque j'arrive dans un nouveau quartier de la ville, tandis que le soleil est quasiment tombé depuis, c'est une ambiance de fête qui s'est installée dans les rues. Les gens bougent, communiquent, rigolent, s'amusent, boivent... On a droit à la totale, quoi ! Un peu comme si chaque couple, famille ou bande de potes avaient un anniversaire à faire connaître aux autres habitants.

Et moi, dans tout ça ? Malgré ma solitude, mon accoutrement inadéquat selon eux, ou les mauvaises ondes que je dégage, plus personne ne s'attarde sur ma présence dans les environs, au moins. Ce n'est pas plus mal, remarque. Ou peut-être me considèrent-ils juste comme un ivrogne parmi tant d'autres ? Ainsi, je collerais mieux au tableau de cette ville, je finis par me convaincre.

_ Hé poulette ! éructe tout à coup une ombre de caïd, dans mon dos. Où tu vas comme ça ?

J'ai beau lâcher un tout petit cri de victime sans défense, tout en me figeant net sur place, lorsque sa grosse main m'écrase l'épaule, le son de ma voix ne fait que donner raison à mon interlocuteur : pour lui, je suis une petite coquine égarée !

_ Ca ne te dirait pas de venir jouer avec Bibi ? continue d'aboyer le chien en chaleur.

Je ne me suis pas encore retourné pour lui faire face, mais sa façon de parler m'en dit déjà long sur le type de personnage. Et si ce n'est pas du simple vilain des ghettos de cette île, alors c'est tout bonnement du pirate en vacances !

Qui plus est, la force de sa paluche a plutôt tendance à me faire pencher pour cette deuxième idée. Je sens assez les trucs irréguliers qui cherchent à s'imprimer sur mon corps. De la quincaillerie de fortune, des cicatrices, etc... Bref, le genre d'indices qu'ont souvent tendance à exhiber ces hors-la-loi des mers.

Après quoi, je préfère jouer à la timide prise au piège. Quelle occaz' en or, sans déconner ! Je n'avais pourtant pas l'intention de chasser qui que ce soit en venant ici, et voilà que de la belle cible s'est présentée d'elle-même, comme servie sur un plateau.
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Puis, ne faisons pas patienter ce fameux Bibi plus longtemps. Je lui fais enfin face, sans pour autant lui montrer mon beau visage de poiscaille. Ce demi-tour m'a aussi fait calculer plus clairement là où je squattais. A mon arrivée, je me disais juste que la zone n'était qu'une succession de bars, de restos, de boîtes de nuit, et autres bâtisses pour faire la fête... comme il en existe tant. Mais si on s'y penche plus en détail, on note surtout qu'elle est visiblement réservée aux gens aimant claquer leurs thunes, afin de se dévergonder jusqu'à leur paroxysme.

Grossomodo, tu veux parier, faire la java, battre ton record de bouteilles d'alcool à vider ? Viens ici, et tu seras servi ! Tu veux chanter, danser, palper des inconnues, tirer un coup juste pour la nuit ?  Pareil, il y a tout ce qu'il faut ! Conclusion, bienvenue sur notre île charmante, dans notre ville accueillante, et nos soirées on-ne-peut-plus divertissantes... à condition de pouvoir casquer tes Berrys en masse !

Quant au pirate - car oui, c'en est un - il est vraiment affreux ! Le gars est tatoué de partout, et habillé avec une tenue d'été pourrie, qui a dû vivre pas mal de combats. Il possède des armes à feu et tranchantes à la ceinture. Et son visage totalement défoncé a encaissé de belles séries de baston. Pour le reste, je ne m'y attarde pas plus. Je pourrais encore ajouter qu'il est grand, large, musclé... mais une fois de plus, dites que c'est moi le gringalet de service, ce sera plus simple.

Comme le mec est complètement torché, et qu'il ne voit sûrement plus trop bien, il ne réagit même pas plus que ça devant ma silhouette. il doit se dire que j'ai un petit gabarit, alors je suis une fille bien sage et docile. Par chance, ses mains ne se remettent pas à me broyer une épaule ou autre partie du corps, pour s'en assurer.

_ Hmm hmm, hmm hmm ! je lui glisse tout de même parfois.

Ca permet de le rendre plus sympatoche, ce crevard de garnement, dès que j'estime qu'il pourrait tenter le mouvement brusque de trop. Résultat, ma voix aigüe d'inoffensive apeurée lui fait croire que je suis prêt à toute négociation, contre un grand maître tout dur.

Plusieurs minutes passent où il tente de faire plus ample connaissance, mais je m'en tiens simplement à mes baragouinements de muette. Il m'arrive de distribuer un faible oui de temps en temps, pour lui prouver que c'est bien lui qui commande, alors ô grand jamais, j'envisage de l'entourlouper.

Après quoi, l'épisode suivant s'amorce enfin. Nous avons suffisamment glandouillé sur le trottoir, donc il est grand temps que notre relation amoureuse prenne un autre tournant. Nous voilà bientôt main dans la main, en route vers d'autres horizons... un coin différent, plus isolé en tout cas, j'en ai bien l'impression.

Le pirate n'a pas l'air de savoir doser sa force car, pendant ce petit voyage à pattes, il me pince vraiment fort les doigts. Ca, ou alors c'est une sécurité supplémentaire, même contre de la pauvre proie. Qui sait ? Peut-être qu'au fil de ses nombreuses aventures, quelqu'un, pourtant à la base plus faible que du gros balourd, a réussi à l'arnaquer.
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Ayé ! Nous arrivons devant un hôtel de pacotille, au fond d'une ruelle abandonnée et en ruine. Sur place, d'autres membres de l'équipage ne tardent pas à venir nous rejoindre, petit à petit. Tout le monde est saoûl, rieur... et vainqueur, parce que tous ces timbrés sont revenus avec une demoiselle, à leurs pieds.

D'accord, je vois tout de suite mieux le délire. C'est mon Bibi à moi qui a gagné le prix de la meilleure prise d'ôtage, on dirait bien. Comparé à toutes ces jeunes femmes agitées et gueulardes, je suis le seul prisonnier qui a consenti à suivre son bourreau, sans piper le moindre mot de refus.

D'ailleurs, le petit groupe de copains, tous aussi armés, volumineux et moches, s'empressent de vanter leurs exploits, à tour de rôle. Ils ont tous leur blabla de conquête à échanger, et c'est à celui qui balancera le plus beau discours. Mais dès qu'on arrive à la péripétie de mon pirate attitré, il va de soi que l'histoire est trop belle pour être vraie, en quelque sorte. Il a beau flotter sur son nuage, et subir les effets de l'ivresse, depuis quand Bibi est capable d'avoir les bons arguments pour savoir faire la cour à une femme... même terrifiée ?

L'équipage entier hausse les sourcils, sauf le capitaine qui, lui, les fronce. Je devine que c'est le grand manitou, grâce à son chapeau très significatif. Et côté fringues et bijoux, c'est aussi chez lui que ça brille le plus.

_ Hin hin hin ! râle-t-il en me fusillant du regard.

Il ne voit d'abord pas ma tête, mais Bibi s'empresse de baisser ma capuche... en utilisant la même main qui m'agrippait les doigts, pfff.

_ T'es qui, toi ? relance le capitaine, plus mécontent encore, tout en me désignant de l'index.

Mais je n'ai pas le temps de répondre que je suis un chasseur de primes, parce qu'un autre membre l'ouvre direct pour engueuler mon petit ami, et lui faire remarquer sa connerie.

Là, un bordel sans nom casse alors notre petite réunion. C'est la panique générale ! Chaque pirate dégaine son arme fétiche, en quatrième vitesse... Quelques nanas presque libérées en profitent pour se barrer, sans réfléchir et en criant toujours plus fort... Et moi ? Je suis déjà passé par-dessus Bibi, afin de me cacher dans son dos. Dans le feu de l'action, j'ai même eu le temps de lui griffer tout le visage, qu'il en perd ses yeux, en plus d'asperger de rouge son public.

Par contre, tout ne se passe pas comme prévu, vous vous doutez bien. Ils veulent se venger, les saligauds. Ils déversent alors leurs balles et leurs tranchants sur tout ce qui bouge, et tout ce qui leur fait encore obstacle ! En clair, chaque femelle restante, ou dans les parages, termine rapidement au sol, après avoir été trouée ou charcutée. Mon Bibi d'amour aussi se fait malmener avec une violence extrême. Tandis qu'il s'écroule, je suis déjà en train de récupérer sur lui de quoi riposter sur-le-champ, cela va de soi.

Puis, ni une, ni deux, ma sobriété fait que j'anéantis tous mes assaillants avec une aisance impressionnante, à coups de pétards, un dans chaque main. Sans aucun remord, ni petit mot doux d'adieu. Les sbires et leur commandant crèvent tous d'une balle dans le crâne.

Génial, le beau paquet de cadavres au sol, maintenant ! Mes adversaires n'ont eu que ce qu'ils méritent, mais les pauvres otages, en guise de dommages collatéraux... On ne peut pas toujours gérer toute la situation à sa convenance, je suppose.

Après un moment à tergiverser, le brouhaha a fini par attirer quelques témoins fatigués ou ivres, dans les environs. Malgré leur état comateux, ils me voient en train de tenir des pistolets fumants, et ils se mettent à baragouiner entre leurs dents. Je me retrouve vite être le grand accusé de l'affaire, si jamais leur charabia s'avère exact. Par chance, je suis encore de dos, alors je replonge ma tronche d'homme-poisson au fond de ma capuche, avant de me retourner.

_ N'ayez crainte, je suis chasseur de primes. J'ai juste fait mon boulot.

Toujours le même cinéma qui s'ensuit : ma voix de fillette ne les convainc pas, mon explication n'est pas crédible... mais ils devront s'en contenter, en attendant de constater la scène par eux-mêmes, une fois que j'aurai quitté les lieux, par exemple.

Pour ce qui est du visage dissimulé, rebelote ! La soirée atténue la clarté de l'endroit, mais je veux leur éviter l'image du monstre qui pourrait leur hanter l'esprit.
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