Cait dépose le jeune homme qu'elle tient dans les mains près de la porte, puis, elle se retourne pour observer la scène. Rassurée de voir Akane, elle aimerait bien la remercier, mais elle sait que ce n'est pas le moment. Cherchant à être utile et ne pouvant pas compter sur Charlie, elle s'empresse d'aller chercher Roza en espérant qu'elle soit saine et sauve. L'entrepôt est plutôt bien retourné et le départ de flamme ne présage rien de bon. Courageuse, elle parvient à la retrouver. Cette dernière se relève en titubant, mais semble être légèrement désorientée.
— « Roza! Est-ce que ça va? »
Trop fière pour l'admettre, elle se tient une côte en grimaçant, puis, ramasse son arme.
— « Ouais, ouais. Je ne suis pas la plus à plaindre. Akane a besoin de moi. »
— « N'y songe même pas, Roza. Tu tiens à peine debout. »
— « Ne me retient pas, Cait. Elle non plus n'est pas en état, et pourtant, elle continue de se battre! »
— « Je respecte ta loyauté, Roza. Fais juste attention. »
La fille aux cheveux roses se doute bien que son interlocutrice ne souhaite pas lui faire un sermon, mais étant trop obnubilée par la situation, elle peine complètement à être réceptive. Le visage plissé par l'aversion, elle tient absolument à épauler son camarade. Il faut dire que toutes les deux forment une paire qui se complète. Là où l'épéiste n'excelle pas, la tireuse d'élite le comble. Et comme la samouraï semble être en difficulté, elle ne compte pas rester les deux pieds dans le même sabot. Pourtant, il serait sage de s'extraire de ce dépôt en flamme, ce que l'herboriste tente de lui faire comprendre. De son côté, cette dernière aimerait bien vouloir aider son groupe, mais n'étant pas une combattante pour autant, elle ne peut être utile seulement dans les soins.
— « Même si d'ordinaire tu te complète avec elle, ton intervention pourrait la désavantager. Cet homme semble être plein de ressources. »
Roza fait un rictus gêné. Elle entend parfaitement ce raisonnement, mais elle lutte dans sa tête pour participer quand même au combat. Voyant que la jeune chasseuse de primes s'entête à rester, Cait se dit qu'elle ferait mieux de l'examiner. Âgée d'une quarantaine d'années, elle n'est pas dupe.
— « Laisse-moi au moins vérifier ton état. »
De son côté, le Professeur GRAHAM essaye de se rappeler toute la scène qui s'est déroulée depuis l'instant où Charlie l'a interrompu jusqu'à maintenant, car le temps joue en sa défaveur. Malheureusement, il sonde son esprit en vain. Il ne comprend pas comment il peut être aussi malchanceux. Est-ce le coup du destin?! Comment son adversaire peut-il lui tenir tête aussi longtemps? Une chose est sûre, les faits sont là. Et en tant qu'homme de science, il ne peut nier ce qu'il voit. Il ravale alors sa fierté sans pour autant abandonner l'espoir qui l'anime de vouloir vaincre cette guerrière pour le peu surprenante. Par ailleurs, il admet ne pas être un véritable expert au combat, mais il a toujours su se défaire de ses ennemis jusqu'à aujourd'hui du fait de les prendre systématiquement au dépourvus avec ses gadgets. Et il compte bien continuer dans cette voie-là, car après tout, ça serait insulter sa réputation. Restant à bonne distance et faisant fi du départ de feu, il tente une nouvelle approche afin de temporiser un peu.
— « Mais qui es-tu??? »
Il n'est pas le seul criminel à s'interroger sur l'identité de la samouraï, car cette dernière ne parle quasiment jamais lors d'un affrontement et démontre toute sa témérité en dépit de toutes situations qui pourraient la mettre en mauvaise posture. Celle-ci se contente de réajuster ses appuis, de maintenir son katana en avant et de fixer Angus de son regard perçant. Elle est convaincue que sa question soit vraiment sincère, mais elle garde comme à son habitude le silence, songeant à une stratégie et évaluant la dangerosité de celui-ci. Ce n'est pas la première fois qu'elle affronte quelqu'un qui ne maîtrise pas le même art qu'elle, et que par conséquent, qu'elle doit s'adapter si elle veut se surpasser. Il faut dire que dans ce genre de situation périlleuse, elle est plus en proie à faire appel à ses ressources les plus primitives. D'un rapidement coup d'œil en arrière, elle vérifie si les autres sont en sécurité, puis, s'assure que le professeur ne déploie pas un nouveau subterfuge. Quant à lui, il aimerait réellement en savoir plus sur elle, car il comprend qu'elle se démarque de toutes ses précédentes victimes. De plus, il pressent qu'elle pourrait bien lui donner du fil à retordre, voire, lui faire regretter ses actes définitivement. Loin d'être un arrogant comme les autres et bien qu'il soit contrarié, le chimiste sait se remettre en question et accepter son impuissance de peur de rendre son dernier souffle. Il pense qu'il vaut mieux perdre son honneur que la vie.
— « Manifestement, tu sembles être très habile, je le reconnais. Toutefois, je ne compte pas me rendre sans me battre. Le mesures-tu? »
La chasseresse cède finalement à la parole, espérant à son tour écourter le combat par la diplomatie.
— « Combien même vous soyez un criminel reconnu, nous ne sommes pas là pour vous. Nous étions sur la piste d'un rat qui doit être déjà loin à cause de vous. Si vous arrêtez les hostilités toute de suite, nous repartons immédiatement à sa poursuite sans chercher à vous capturer. »
Même si Akane reste sincère, Angus doit néanmoins surveiller ses arrières. Pour lui, la bonne foi de la rousse n'est pas une garantie. Le fait qu'elle évoque le rongeur signifie pour lui qu'elle est sur la trace de son confrère. Et si elle parvient à mettre la main sur le Saltimbanque Sanglant et qu'elle désire revenir sur sa parole, alors il est fort possible qu'elle entrave à nouveau ses plans, et ce, de manière plus délibérée. Et il n'est pas envisageable de lui laisser ce choix. Comme la réponse ne lui satisfait pas, il songe à poursuivre le combat en redoublant d'effort. Il aurait aimé faire comprendre à celle qui lui fait face de renoncer, mais à situation désespérée, mesure désespérée. Vérifiant que personne ne surgisse dans l'un de ses angles morts, il se résout à utiliser son masque à gaz, ce qui met immédiatement la guerrière en alerte. Malgré ses sens aiguisés, elle ne peut rien faire devant la fourberie du professeur, car ce dernier ouvre l'une de ses deux mallettes. Son porte-documents intègre une sorte de machine complexe qui active un dispositive à l'ouverture, libérant un gaz nocif. Déjà que l'environnement reste dangereux à cause du feu, maintenant il devient pire. Serrant des dents, l'épéiste rétorque une dernière fois avant de prendre son inspiration.
— « Toutefois, si vous insistez, je ferais tout mon possible pour mettre fin à vos crimes. Le mesurez-vous? »
Récemment, la samouraï avait dû combattre un pirate qui utilisait l'hypnose. Elle était donc contraint de fermer les yeux et de s'appuyer sur son ouïe pour se guider. Cette fois-ci, le seuil de complication s'élève encore d'un cran. Il lui est impérative de créer un courant d'air pour évacuer le gaz toxique. Comme le temps joue en sa défaveur, elle prend immédiatement l'initiative. Se ruant dans l'opacité du brouillard mortel, elle se fraye un chemin jusqu'à se tenir au niveau d'Angus. Ce dernier, grâce à des lunettes de vision, anticipe son arrivée et se défend avec ses gants. La vélocité des coups est telle qu'il ne peut encaisser aussi facilement et doit se résigner à faire un choix. En mettant ses bras en avant, la lame d'Akane percute sauvagement son Impact Dial, le mettant hors d'état. En cet instant, il sent un changement d'attitude chez son adversaire, lui trouvant un air plus bestial et plus agressif. Angoissé, il recule sans se rendre compte.
— « Qu'est... »
Si la guerrière enchaîne avec autant de férocité au point d'être prête de rendre son dernier souffle, ce n'est pas tant pour sa survie ou celle de son entourage, mais pour tous les innocents qui ont été victime par un criminel de façon générale. Si elle ne peut pas arrêter le Professeur GRAHAM ce soir, alors qui le fera? En partant de son île natale, elle s'est donnée pour mission d'agir au nom des opprimées et de les défendre au nom de la droiture. Et chaque lascar remis à sa place est un pas de plus vers la justice. Et avec une telle ambition, elle dispose assez de force pour s'exprimer dans la violence et la justesse de ses coups, et ce, malgré le fait qu'elle doit retenir sa respiration. Avec ce malus, elle se retranche dans ses instincts les plus primitifs et met en pratique l'enseignement de son second mentor. Dans son esprit, elle tient absolument à prouver qu'elle est capable de résister dans l'adversité. Déterminée, elle ne laisse aucun répit au scientifique qui songe de plus en plus à changer de stratégie. À force de reculer, ce dernier se prend les pieds dans une caisse et tombe à la renverse, perdant alors au passage ses lunettes. Écrasé par la prouesse exemplaire de l'épéiste, l'homme de science tente de s'échapper. Roulant sur le côté, il se relève ensuite pour faire face à son opposante qui l'intimide du bout de sa lame. Titubant, il trifouille quelque chose dans sa poche nerveusement.
— « Qui qui tu sois, nous nous retrouverons! »
Sans plus attendre, il sort de sa veste un fumigène qui l'utilise aussitôt. À la disparition de ce dernier, Akane s'empresse de rengainer son katana et de se mettre en position, prête à sortir à nouveau son sabre. Se concentrant et puisant dans ses dernières réserves d'oxygène, elle dégaine immédiatement son arme de sorte à faire une lame d'air en direction d'un coin supérieur du bâtiment. L'impact ouvre alors une brèche assez grande pour dissiper le gaz... Après cet exploit, elle se met à vaciller. Au bord de l'inconscience, elle peine à rester debout et ses paupières se font de plus en plus lourdes. Elle résiste comme elle peut pour ne pas s'écrouler, au moins le temps d'y voir plus clair. Quant à l'extérieur, ça s'agite de plus en plus, car la Marine s'est attroupée et elle est témoin de la fuite d'Angus. Les soldats luttent alors contre l'incendie et forment un périmètre de sécurité.