Tout ça pour des arbres. [Solo]

Une mouette rieuse s’égosille en tournant autour de la chaloupe en mer de deux honnêtes marchands. Depuis une bonne petite demi-heure, le volatile accompagné de ses frères et sœurs, attendent avec impatience depuis les hauteurs que l’un des commerçants fasse une gaffe en pêchant un poisson. L’appétit vorace de ces oiseaux pourrait faire peur à l’être humain si ces animaux à plumes mangeraient homme ou femme. Heureusement, la nature n’est pas aussi farceuse car les pauvres mouettes mouraient de leurs obésités.

Assit sur le rebord du bateau, dos vouté et coude contre son genou afin de permettre à son menton de se poser contre la main du pêcheur, le marchand soupire d’impatience. Pêcher n’a jamais été son fort et il est heureux de ne pas en faire son métier. Trente minutes que l’appât de son hameçon repousse les poissons de cette immense étendue d’eau. Peut-être que le pêcheur n’est pas au courant que le morceau de sa crevette est déjà mangé. Normalement un amateur de ce sport doit toujours vérifier l’état de son happât. Mais non, môssieur est beaucoup trop stupide pour se rendre compte de cette éventualité.

S’apprêtant à se lamenter, à se plaindre et à hurler que la malchance est au rendez-vous, son hameçon attrape enfin quelque chose…

Surpris, l’homme manque de tomber dans l’eau salée à cause de la grande force du poisson. Plaquant son pied droit contre le rebord de la chaloupe, le pêcheur serre des dents et tire de toutes ses forces pour remonter sa proie. Fort heureusement, son collègue décide par initiative d’aider ce dernier. À deux, ils arrivent à dégager de la mer une chose qui ne ressemble aucunement à un poisson.

Non. Il s’agit plutôt d’un homme d’une taille légèrement ridicule. D’ailleurs, même le maquillage sur son visage fait peine à voir… Le voilà qu’il crache l’eau se trouvant dans sa bouche à la manière d’une fontaine pour oiseau.

En position d’étoile de mer, Loki ouvre ses paupières et tousse plusieurs fois pour chasser ce qui reste d’eau dans ses poumons. Nager n’a jamais été son fort, il est un bien piètre nageur. On pourrait le confondre à un utilisateur de fruits du démon car lui aussi tombe comme une enclume lorsque ses pieds ne touchent point le fond des océans.

« Je vous remercie… » dit-il à ses sauveurs d’une voix faible.

En parlant de ses bienfaiteurs, ces derniers effectuent des messes basses et tournent leurs dos à Whitemane. Ils ne manquent pas de surveiller du coin de l’œil le repêcher qui vient de se redresser pour se tenir debout sur son postérieur. Au moment où Loki s’apprête à se lever pour de bon et que sa vigilance n’est pas portée sur les deux marchands, le clown qui n’est pas muni de ses griffes et de son manteau se fait bondir dessus par les deux autres hommes…

Pris par surprise, Loki Whitemane est ligoté par plusieurs cordages qui saucissonnent fortement le nouveau prisonnier.

« Plaît-il ? » demande le confus qui fixe de manière interrogative ses liens. « Vous devez faire une erreur je… »

« Tais-toi pirate ! » gueule le plus grand des marchands qui mesure facile les uns mètre quatre-vingts.

Il sort de sa poche une affiche où Loki est recherché pour une maudite somme de cinq millions cinq cents mille Berrys. Arquant ses sourcils et ouvrant grands ses paupières, le pirate en herbe qui avait rendu des comptes à Jacen Casey n’en revient pas. Lui ? Loki ? Recherché mort ou vif ? Un sourire malicieux étire très légèrement les lèvres fines du Clown Couronné.

« On va te livrer aux autorités de l’île la plus proche et à nous le pactole. » s’exclame avec réjouissance le grand dadais du duo.

« On va être riche frérot ! » gueule haut et fort le plus petit des deux qui détient tout de même une taille plus imposante que ce pauvre Loki.

Les deux fanfarons joignent leurs mains entre elles et tous deux dansent de joie d’avoir pêché non pas un poisson mais un pirate primé. Si joyeux, si heureux, qu’ils ne remarquent pas que Loki vient de défaire ses cordages, comme le ferait un magicien devant son merveilleux public.

« Aheum… » interpelle le clown qui se frotte les mains d’avoir réussi son évasion. Il sourit grandement aux deux marchands qui reviennent durement à la réalité. Effectuant un hair flip pour repousser sa frange mouillée qui se trouve sur ses yeux, Loki sort une dague reposant entre sa cheville et sa botte. « Messieurs ! Votre heure de gloire va devoir être écourtée. »

Avec peu de difficultés, les rôles du prisonnier et des gardiens sont désormais inversés. Les deux marchands sont ligotés entre eux, dos contre dos pendant que le pirate se sert du gouvernail pour virer du bord dans une direction indiquée par le grand idiot. C’est fou comme un prisonnier peut divulguer toutes sortes d’informations en le menaçant de s’en prendre à la vie de son frangin. Leur lien de fraternité est très admirable aux yeux de Loki.

« Vous n’auriez pas vu une Mink renarde toute mignonne et un rouquin habillé en vieux magicien par hasard ? » questionne le pirate qui pose ses orbes orageux sur ses détenus qui sont bâillonnés et émettent beaucoup de bruit à l’interrogation de Loki.

Contournant le gouvernail qui change légèrement de cap au départ de son conducteur, le clown abaisse le bâillon du plus petit captif.

« C’est quoi une Mink ? Le surnom d’une sirène c’est ça ? »

Effectuant une grimace d’incompréhension tout en reculant à cause de l’haleine nauséabond du parleur, Loki revient à la barre en ne se doutant pas que son cap n’est plus du tout le bon.

« Une sirène n’est pas poilue à ce que je sache. Je parle d’une renarde à la taille humaine qui porte des vêtements et non des nageoires. » explique calmement Loki qui se demande comment le plus grand des deux arrive à supporter l’odeur infecte du gosier du nain. « Je conclus que vous ne les avez pas aperçu… Autant les attendre à l’île que vous m’avez mentionnée. Endaur c’est ça ? »

Endaur, une île forestière complètement envahie par la végétation. Elle est totalement différente de Suna Land avec tous ces arbres. Peu de gens sont au courant de l’existence de ce poumon naturel, sauf bien entendu Morgan Moreau. Le scientifique alias le sorcier pour les incultes de la science souhaitait depuis des années visiter cet endroit qui doit regorger d’innombrables éléments scientifiques pour les questions sans réponse.

Ainsi, le roux reste émerveillé en découvrant pour la première fois de sa vie l’île se trouvant encore à plusieurs mètres de sa position actuelle. Les yeux brillant d’étoiles, Morgan oublie depuis d’innombrables minutes son rôle de ramer. La chaloupe qui appartenait autrefois à l’équipage du défunt clown Jacen Casey n’avance guère sans l’effort de Moreau…

Très vite, Sherry qui n’a plus vraiment de patience (sûrement à cause de son idiot de frère qui est introuvable depuis qu’ils se sont pris une violente tempête en pleine figure) n’hésite absolument pas à frapper le crâne de son ami avec la tête plate de la rame.

« Aide-moi au lieu de fantasmer sur ton île ! » grogne la renarde qui hérisse de colère les poils de son dos.

« Mais c’est Endaur ! » proteste Morgan qui se frotte le haut de son crâne tout en espérant ne pas avoir une bosse dans quelques minutes. « Cet endroit est peuplé d’indigènes nommés Woks qui ont sûrement des informations capitales. Crois-moi Sherry, ça va être follement intéressant. »

Fermant ses paupières pendant un court instant tout en soupirant d’exaspération, la Mink se lève et chope le col de l’amoureux de la science. De toutes ses forces, la renarde secoue Morgan comme un prunier afin de lui remettre les idées en place.

Lorsque le roux, qui est durement secoué, repère un danger, il indique ce dernier en le pointant de son index mais sa coéquipière est bien trop occupée à le gronder. De ce fait, une vague assez importante s’abat sur la chaloupe transportant les deux membres de l’équipage de Loki…

Quelques minutes plus tard, la renarde et le sorcier s’écroulent sur le sable de la plage, trempée de la tête aux pieds. La renarde a bu plusieurs fois la tasse à force de tenir le manteau de clown et les griffes de Loki. Passant sa main sur son visage pour y retirer ses mèches rousses trempées, elle relâche ensuite aussi sec les biens de son stupide frère.

Basculant son museau sur la droite, là où Morgan doit être, Sherry fronce ses sourcils en le découvrant faire mumuse avec du sable.

« On n’est pas ici pour faire des châteaux de sable, Morgan ! » gueule la Second de l’équipage du Clown Couronné. « On doit chercher Loki ! »

« Tchéhé ! » se marre dans sa barbe invisible Moreau qui vient de terminer de récolter du sable dans un petit sac. « Merci de me rappeler une cinquième fois que nous devons retrouver le capitaine. » répond l’amoureux de la science qui retire une à une ses bottes pour enlever l’eau de mer encore présente à l’intérieur. « Notre moyen de transport a rendu l’âme à cause de la vague de tout à l’heure, donc prions que Loki soit sur cette île. »

Assise en position fœtale, Sherry tapote son front contre ses genoux en désespérant sur les nouvelles de Morgan. Leur petite barque est une épave. Tous deux sont coincés sur une île forestière inconnue. Et si le sorcier espère que Loki soit sur cette île, Sherry compte sur un miracle pour que ce soit le cas. Son frère et l’orientation n’ont jamais été son fort.

Dans son sac à main -où bon nombre de produits médicaux et autres surprises s’y trouvent- Morgan attrape une longue vue qui se déplie, puis après utilisation il identifie à plusieurs kilomètres de sa position des fumées de feu de campement.

« Je te propose de jeter un œil là-bas. » dit-il à la renarde en lui passant sa longue-vue. « Peut-être que nous trouverons Loki et pourquoi pas un moyen de partir plus tard de cette île. » continue le sorcier en insistant bien sur les mots : plus tard. Car oui, Morgan est toujours aussi motivé pour explorer Endaur de fond en comble.


Plusieurs heures plus tard, à l’opposé de l’île, le bateau des frères marchand accoste enfin sur Endaur après moult péripéties. Le trajet s’est avéré être extrêmement ardu pendant que le clown pirate manœuvrait l’engin de transport. Loki a dû se résoudre à laisser un des deux frangins à prendre la barre afin d’atteindre le royaume forestier…

Ainsi, le petit navire qui détient une taille bien ridicule à celui d’une caravelle, jette l’ancre sur un débarcadère de l’île. Bien entendu, les prisonniers de Loki gisent dans la cale du bateau afin de ne pas attirer l’attention des autorités, si du moins la Marine ou autres forces de l’ordre sont installées dans le coin.

Ayant pris la peine de récupérer des vêtements appartenant au plus petit des frères dans une malle afin de tenter de camoufler son identité, Whitemane quitte le rafiot à la recherche de ses compagnons. Faisant mine de jouer le rôle d’un simple marchand, un bûcheron d’une carrure et d’une taille imposante accoste Loki.

« Encore un étranger ? » demande mécontent le géant qui serre fortement le manche en bois de sa hache. « On ne veut pas de problème ici. C’est clair ? » menace le mauvais bougre qui arriverait presque à donner des frissons dans le dos du pirate.

« Je suis venu acheter du bois, on m’a dit que c’était le bon filon par ici. » répond Loki d’une voix professionnelle, digne d’un marchand tout en dévoilant un sourire rassurant au méfiant bûcheron. Son jeu d’acteur semble fonctionner lorsque la vigilance du costaud diminue.

Indiquant la route à suivre pour trouver le campement de bûcherons, c’est-à-dire emprunter simplement un chemin de terre, Loki remercie à la manière d’un gentleman le costaud avant de tout simplement se retirer. Le clown qui n’a plus son maquillage, n’a pas vraiment envie de rester auprès du bateau qu’il a volé. Surtout que ces prisonniers finiront par être retrouvés s’ils arrivent à retirer le bâillon de leur bouche.

Suivre un chemin qui s’enfonce dans les bois n’est pas très compliqué pour celui qui détient un mauvais sens de l’orientation. La route n’est pas très difficile et elle évite de proposer d’autres directions menant à des destinations inconnues. Cependant, la malchance suit encore le pirate qui est récemment primé. Car oui, durant sa petite marche sans encombre son attention s’oriente non pas devant sa route mais à côté, dans la forêt…

Il jure avoir aperçu une silhouette sillonnant les immenses arbres d’Endaur. Ce qui attire la curiosité du clown ce sont deux cornes qui gisent sur le crâne de l’inconnu. Rêve-t-il ou bien est-ce la réalité ?

Durant son enfance, Xander Whitemane, le père de Loki mentionnait qu’il existait d’innombrables races différentes des humains. Comme les Minks pour Sherry ou encore des Hommes Poissons ainsi que des Sirènes. Souhaitant aborder la forme pourvue de cornes qui vient de disparaitre dans la densité de la forêt, Loki s’aventure hors du chemin initial.

Se précipitant sans prêter attention à son environnement, deux choses arrivent à Loki après plusieurs minutes. Tout d’abord, il se perd une nouvelle fois dans le labyrinthe qu’offre la jungle. Puis, en se rendant compte du premier cas, son pied droit active un piège…

Un filet primitif, sûrement construit par des indigènes emprisonne le pirate et le soulève en haut des immenses arbres. Ce n’est pas comme si Loki n’avait pas eu ce genre de situation il y a quelques heures sur un bateau de marchand. Sortant sa dague, Loki s’apprête à couper sa prison mais au même instant, une minuscule flèche se plante dans la nuque du pirate. En moins de quelques secondes, le sommeil gagne le prisonnier…

Si l’activité principale des habitants de cette île est de couper du bois, construire des bâtiments n’est pas une tâche primordiale pour eux. C’est du moins ce que constatent Sherry et Morgan qui viennent de rejoindre l’un des quatre villages ou plutôt campements d’Endaur. Leur lieu d’habitation ne ressemble en rien à celui d’autres îles de South Blue. Pas de magasins pour dépenser de l’argent dans des bêtises. Pas de bar digne de ce nom pour tomber dans l’ivresse de l’alcool et des jeux. D’ailleurs, cela déçoit un tantinet la renarde qui espérait gagner de l’argent au dés ou au poker, si du moins sa naïveté ne la faisait pas perdre.

L’accueil n’a pas été très chaleureux à leur arrivée. Ils ont reçu des regards mauvais ou encore des avertissements pas très sympathiques. Visiblement les étrangers se font rares et ne sont pas très bien acceptés. Néanmoins, après une petite heure à les côtoyer et à les convaincre que leurs intentions ne sont aucunement mauvaises, l’ambiance est devenue moins pesante.

Buvant un thé offert par une bucheronne extrêmement musclée qui doit s’occuper du rôle d’aubergiste pour le campement, Sherry observe avec attention une bande d’enfants qui au lieu de s’amuser entre eux, aident leurs parents à empiler du bois fraichement coupé. Visiblement, les gamins semblent plus qu’heureux de pouvoir contribuer au bon fonctionnement de la communauté.

Morgan quant à lui, qui ne semble aucunement rester à sa place, s’occupe d’apporter des soins à un vieux chien qui semble s’être battu contre un animal de la forêt. D’une grande attention, le roux fabrique une attelle à la patte avant gauche du canidé après l’avoir soigné. Visiblement, son geste lui assure une grande sympathie envers les habitants de ce lieu, surtout pour le propriétaire du cabot.

Néanmoins, la Mink est quasiment sûre que son ami use de ses talents de vétérinaire afin d’arriver à ses propres fins. Lui qui souhaite absolument explorer Endaur, il lui faudra premièrement la sympathie des bûcherons. Augmenter ses connaissances de la science a toujours été une priorité après ses amis.

« Eh donc, vous recherchez votre ami si j’ai bien compris ? » questionne la bûcheronne qui venait tout à l’heure de servir un thé à Sherry. « Il ressemble à quoi ? »

« Il est petit. » répond la renarde qui positionne sa main près d’elle pour donner une taille approximative de son frère, qui heureusement n’est pas présent pour la gronder à propos de ce sujet. « Cheveux blancs, tatouage et maquillage de clown sur le visage. »

Se grattant l’arrière de la nuque tout en réfléchissant à la description de la Mink, la dame qui se nomme Annie semble ne pas pouvoir aider sa cliente. Aucun individu de ce genre ne s’est présenté à ce jour dans le camp et il est certain que ce dernier ne serait pas passé inaperçu au vu de sa représentation. Elle effectue donc une réponse négative en secouant de manière désolée son visage de gauche à droite.

Soupirant désespérément et commençant vraiment à s’inquiéter sur la disparition de Loki, ses oreilles se redressent en entendant des messes-basses qui sont adressées à un groupe de personnes venant d’entrer dans le campement.

Ils sont au nombre de quatre et chacun dégage une aura qui n’est point rassurante que ce soit pour les bûcherons et les membres de l’équipage de Loki. Le premier individu, un homme d’une trentaine d’années semble être le chef de la bande. Muni d’une barbe soignée, de cheveux mi-longs et d’un regard extrêmement sombre, son look de mercenaire ne trompe absolument pas le jugement de Morgan Moreau. La femme à côté de lui, détenant une beauté à couper le souffle si bien que certains bûcherons en rougissent presque, possède des traits du visage similaire à ceux du chef. Les deux doivent être de la même famille…

En se penchant sur les deux autres hommes, l’un détient une prestance digne d’un majordome. Son âge est beaucoup plus avancé que le reste du groupe. Sûrement la soixantaine. Les adjectifs classe et élégance rayonnent en cet homme. Quant à l’autre, sa description convient à celui d’un marchand de mort. Pour Sherry, ce gaillard serait la dernière personne à qui elle parlerait. Surtout que son masque donne des frissons dans le dos à la renarde.

Le majordome qui se déplace avec une magnifique canne, dépasse le chef et s’incline devant les citoyens du camp.

« Je suis Cornelius Chapman, majordome de la famille Durwin vivant à Suna Land. » dit-il en présentant le frère et la sœur. « Pour l’anniversaire de madame Durwin Athéna, ici présente. » continue le soixantenaire qui désigne la jeune femme d’une beauté envoutante. « Ses parents ont décidé de lui offrir un magnifique navire composé du bois le plus rare de cette île. »

« Les arbres que vous souhaitez sont protégés par les Woks ! Ces indigènes mangent de la chair humaine. » répond un bûcheron qui est le propriétaire du vieux chien que Morgan vient de soigner.

« La famille Durwin est prête à vous verser une somme bien plus importante à celle que vous gagnez par mois. » reprend Cornelius qui caresse sa barbiche blanche en souriant chaleureusement au propriétaire du clébard. « Eh si ces sauvages sont un problème, nous pouvons nous en charger. »

Aux mots du majordome, le frère d’Athéna repousse son long manteau pour dévoiler à son ceinturon un pistolet à plusieurs coups. Visiblement, le gaillard n’a pas froid aux yeux pour se salir les mains.

Lorsque le bûcheron de tout à l’heure souhaite reprendre la discussion, Morgan s’interpose, lui qui vient entre-temps d’allumer sa petite pipe en bois.

« Tchéhé, voilà qui est follement intéressant. » déclare Morgan Moreau qui effectue un petit clin d’œil furtif à sa coéquipière renarde. « J’allais justement m’aventurer dans les bois pour étudier les plantes les plus rares d’Endaur. » S’interposant devant le majordome qui est moins grand que l’amoureux de la science, le roux relâche la fumée de ses poumons contre le visage du vieil homme.

Suite à ce geste, l’inconnu porteur d’un masque de médecin de peste, braque son arbalète contre Morgan. Il n’est d’ailleurs par le seul à pointer une arme contre le sorcier car Athéna fait de même.

« Dites adieu à vos chances de trouver le bois que vous recherchez si vous appuyez sur la gâchette. » signale le fumeur qui à l’aide de son index se gratte l’intérieur de son oreille droite. « Vous n’avez pas l’ombre d’une chance sur un milliard de survivre dans cette forêt sans moi. Surtout que je connais le chemin pour trouver les matériaux pour votre navire. »

« Vous comptez nous y emmener ? Vous ? » demande d’un ton hautain le majordome qui agite sa main de gauche à droite pour chasser la fumée de Morgan de son visage. « Quel sera votre prix ? »

« Tchéhé ! » ricane à nouveau dans sa barbe invisible Morgan Moreau. « Je ne veux aucune violence envers les habitants de cette île ainsi que les Woks. Vous prenez votre bois et vous partez sans faire d’histoire. » Soupirant de soulagement au moment où les armes contre lui sont rengainés, le roux pointe du doigt Sherry ainsi que le propriétaire du chien. « Ces deux bûcherons m’accompagneront pour la découpe du bois que vous souhaitez. Ils sont les meilleurs dans ce domaine. » ment le roux qui sent l’aura violente de Sherry en sa direction.


Se réveillant d’un long sommeil, Loki ouvre difficilement ses paupières tout en baillant grandement. Il aurait aimé mettre sa main devant sa bouche pour être plus poli mais ses poignets sont entravés derrière son dos. Ne comprenant pas encore ce qui se passe, le clown sans maquillage use de sa force pour tenter de régler son problème. C’est bien entendu inutile lorsque ce dernier est ligoté sur un tronc d’arbre dont sa largeur est égale à celle du corps de Loki.

L’odeur de la braise, du feu de camp mangeant les brindilles et les branches afin de grandir agresse les narines du pirate. Il renifle fortement et pivote sa tête sur la droite afin de respirer un peu mieux.

La nuit est tombée et sa froideur donne la chair de poule au prisonnier. Heureusement que le feu est présent afin de le maintenir un tantinet au chaud. D’ailleurs en parlant de cette chaleur naturelle qui combat actuellement le froid des ténèbres, des espèces de créatures étranges vagabondes autour de Loki. Fermant puis ouvrant les couvertures de ses yeux à plusieurs reprises en pensant halluciner, le clown sans maquillage est bien témoin de la présence d’oursons détenant une bouille de singe.

Cherchant une dague qui pourrait être accrochée à sa ceinture, le clown se tortille pour trouver avec espoir cet outil afin de se libérer. Une tentative qui échoue et qui éveille l’attention des oursons. Très vite, des lances sont pointées près du cou de Loki. Les grognements des créatures manquent de faire sourire par moquerie Loki. Car oui, les grondements des oursons sont tellement mignons au lieu d’être agressifs.

L’une des peluches, porteuse d’une couronne de plumes en guise de chapeau et d’un sceptre qui doit servir d’arme, commence à parler à Loki. Un langage totalement incompréhensible pour le pirate primé. Serait-ce des menaces ? Des avertissements ? Ou bien une bonne nouvelle ? Loki nage dans l’incompréhension totale.

« Veuillez me pardonner. » débute Loki qui est agacé de la situation. « Je ne comprends pas un traître mot de ce que vous me racontez. » Il fronce ses sourcils et se rassure lui-même en sentant encore les dagues rétractables dans ses bottes. « Je dois retrouver mes amis, puis-je partir ? » demande Loki d’un ton respectueux qui dissimule une colère naissante.

À sa question, les lances se rapprochent encore plus de sa pomme d’Adam. De ce fait, Loki abaisse son visage et rentre son cou pour éviter d’être piqué par les bouts pointus des armes. Il s’apprête à taper son pied droit sur le sol pour armer la lame sous sa botte mais une voix l’en dissuade.

« J’éviterai à votre place. » prévient une femme sortant d’une hutte qui doit appartenir aux oursons agressifs. « Ne sous-estimez pas les Woks. »

Doucement, la jeune femme porteuse de deux cornes sur le crâne se rapproche du groupe et dévisage Loki de la tête aux pieds.

« Ces créatures sont des Woks ? Jamais entendu parlé. » ajoute le pirate qui possède un QI beaucoup moins élevé que son ami Morgan. Mais Loki est loin d’être idiot en se doutant que l’inconnue doit comprendre le langage de ces indigènes, surtout qu’aucun n’agresse cette dernière. Coïncidence ? Loki n’en croit pas une seconde. « Puis-je partir ? Je ne désire point vous causer du tort. Je suis seulement à la recherche de mes amis. »

« Comment pourrais-je vous croire ? » se demande la cornu qui continue de toiser le pirate. « Vos yeux expriment continuellement une lueur malicieuse et non rassurante. Peut-être que vos mots sont bons mais votre regard est mauvais. Je n’ai nullement l’intention de vous faire confiance. »

Souhaitant protester, le Wok porteur d’une couronne de plumes agite ses bras en l’air et beugle des mots dans sa langue maternelle. Cela enchante grandement la communauté des oursons mais absolument pas Loki lorsqu’il apprend par la Cornu qu’il servira probablement de repas dans quelques heures…

Est-ce une vérité ou bien un mensonge ?

Il n’a pas fallu longtemps à Loki durant les aurores du matin pour se défaire de ses liens à l’aide des lames de ses bottes et de s’éclipser pendant que les oursons ne s’occupaient plus de lui. Un comble pour le pirate de se faire attraper une deuxième fois en moins de vingt-quatre heures. À croire que sa famille est destinée à être derrière les barreaux au lieu de vivre pleinement leur liberté.

Augmentant la distance entre le village des indigènes et lui-même, l’évadé prend soin de ne plus tomber dans un autre piège. La plupart sont extrêmement simples à découvrir, surtout pour un pirate qui est passé maître dans ce domaine après avoir piégé l’ancien gouverneur de Suna Land. Et puis ce n’est pas comme si ses parents ne lui avaient pas donné comme prénom celui d’un Dieu qui est connu pour sa ruse. Du moins d’après les légendes. Alors pourquoi est-il tombé hier dans un filet ? Parce que sa curiosité l’a trahi à cause de cette femme cornue.

Loki a tout de même attendu la nuit entière avant de s’évader car il souhaitait en apprendre un peu plus sur les Woks sans oublier de l’endroit où étaient gardées ses quatre dagues mais surtout sur l’inconnue porteuse de cornes. Pas que sa beauté pourrait faire rougir plus d’un mais plutôt sur le fait de pourquoi cette femme vie seule avec ces indigènes. A-t-elle le rôle de chef ? Ou bien d’une simple alliée ?

Deux questions qui trottent férocement dans le palais mental de Whitemane sans jamais lui donner la moindre réponse. Alors, vu que la vérité ne souhaite aucunement pointer le bout de son nez, Loki cesse de faire travailler ses neurones. Ainsi, il évite un mal de crâne mais reçoit en retour un grand manque d’eau. Depuis son escapade sur Endaur, le pirate primé n’a pas eu le temps de bien se désaltérer. Son gosier est sec et son corps commence à faire rappeler à Loki qu’il a besoin de son carburant pour faire fonctionner la machine.

Ainsi, l’explorateur à savoir Loki poursuit sa fuite ou de préférence son aventure pour chercher non pas un trésor mais de l’eau potable. Par chance, son ouïe qui est loin d’être mauvaise comparée à son sens de l’orientation, détecte le bruit familier d’une eau s’abattant sur quelque chose. Silencieux, armé d’une dague entre chaque main, l’explorateur tombe nez à nez devant des petites chutes d’eau qui amène à un long ruisseau.

Les genoux au sol, lâchant ses couteaux, Loki joint ses mains pour les tremper dans l’eau froide afin de les sortir et de les diriger près de ses fines lèvres sèchent. La première gorgée est une bénédiction. La deuxième quant à elle revigore en partie le corps du pirate. Puis, au moment où il savoure sa troisième bouffée, son attention se tourne un peu plus loin près du ruisseau.

Il revoit la femme de tout à l’heure mais de dos. Pinçant la lame d’un de ces couteaux entre ses lèvres, le clown se faufile entre les arbres pour ne pas être aperçu par la Cornue. Celle-ci, qui ne se doute de rien, trempe ses phalanges dans l’étendue d’eau en observant silencieusement des animaux au loin en train de se rafraîchir. Assise sur ses genoux, porteuse d’une fine robe en satin et d’un haut en armure recouvrant juste sa poitrine dont le milieu est garni d’une émeraude, la jeune femme ressemble énormément à une déesse écrite dans des livres plutôt qu’à une sauvage.

La couleur de ses cheveux et de ses vêtements correspond en tout point à celle de la forêt. Loki pourrait croire que cette dernière pourrait être l’enfant de toute cette magnifique végétation. Pendant un instant, son intention qui s’avère être hostile se transforme peu à peu envers de la sympathie. Il s’apprête même à ranger ses dagues mais Loki se ressaisit lorsque ses orbes orageux et malicieux repèrent du mouvement dans un autre coin de la zone.

Malheureusement, celui qui vient de faire bouger des branchages arrive à bien se dissimuler dans la forêt. Pendant un instant, le pirate pense avoir rêvé. Néanmoins, le dissimulé trahit sa présence au moment où une flèche sort des arbres à grande vitesse pour se planter dans la trachée d’une biche qui s’apprêtait à sentir la paume de la main de la Cornue…

D’un hurlement de terreur, de souffrance, l’animal s’effondre sur l’herbe humide qui ne tarde pas à prendre la couleur de l’hémoglobine du gibier mourant. La biche n’est pas la seule à se faire entendre car la jeune femme -dont son visage est tâché par des gouttes de sang de l’animal- se met à pleurer, à hurler de tristesse mais également de colère. Elle tente désespérément de stopper l’hémorragie en plaquant sa main contre la plaie pourtant le sort de l’animal est scellé. Après quelques plaintes de douleur, la mort emporte l’âme de la biche…

Sortant de la jungle, un homme porteur d’un masque de médecin de peste et d’un accoutrement digne d’un marchand de mort arme à nouveau son arbalète par précaution.

« Inutile de pleurer la bête. Ce n’est qu’un être dépourvu de conscience. » gronde de sa voix caverneuse et étouffée le tueur de la biche. « Maintenant retires-toi de mon trophée. » ordonne l’inconnu qui accompagne ses paroles par un geste de son visage masqué.

La Cornue qui lance un regard noir au tireur, reprend son attention sur le cadavre du gibier. Ses phalanges referment les paupières du mort et ses lèvres se mettent à bouger au moment où ses cordes vocales se font entendre par des chuchotements. Pendant un instant, Loki se demande si la femme ne narre pas une prière pour la biche. Ce ne serait pas étrange aux yeux de l’artiste de cirque.

« Bon, tu m’énerves. » reprend l’arbalétrier qui perd patience et pointe désormais son arme sur la jeune femme. « Une indigène de moins ne se remarquera pas sur cette île. »

Lorsque le tireur est à mi-chemin pour pousser la détente de son arme, la pleureuse tente déjà une esquive pendant que Loki vient déjà de lancer une de ses deux dagues contre le chasseur. Simultanément, le couteau se plante dans l’arbalète et cette dernière est repoussée pendant qu’elle dégageait sa flèche. Ainsi, la force du lancer de l’arme blanche de Loki a permis de dévier la trajectoire initiale du carreau.

« Qu’est-ce que…  Qui a fait ça ?! » s’énerve l’arbalétrier qui retire le couteau de son arme de jet et découvre Loki qui se place entre le chasseur et la Cornue. « Tu viens de commettre une grossière erreur. »

Faisant tournoyer sa dernière dague dans les airs pour la rattraper avec élégance, le pirate sourit malicieusement au chasseur.

« J’ai toujours eu horreur qu’on s’en prenne à une âme sans défense. » déclare le clown qui ne se sent aucunement à l’aise de ne pas avoir à sa main gauche ses fidèles griffes. « Je vous laisse deux choix. Soit vous dégagez sans faire d’histoire. Soit je vous aide à partir en vous bottant le derrière. »

« Je choisis la troisième option ! » pète un câble le marchand de mort qui remonte avec toute sa force la corde de son arbalète afin d’armer son engin. « Je vous supprime. » finit-il par rajouter et découvre avec horreur que Loki n’attendait pas gentiment que ce dernier soit prêt à tirer.

De justesse, l’homme masqué fléchit ses jambes pour pivoter en arrière et ainsi éviter à son cou d’être charcuté par le poignard de Loki. L’ennemi du clown tente d’attribuer en guise de riposte un violent coup d’épaule dans le ventre de ce dernier. Seulement, le pirate étant un maître de l’équilibrisme, voit le coup en avance et s’aide de l’épaule de son adversaire comme tremplin pour sauter en effectuant une roue avant et ainsi Loki survole le tueur en défiant les lois de la gravité.

Au moment où l’équilibriste retombe sur ses souliers, ce dernier bloque de sa main libre le poing de l’arbalétrier et plante son poignard dans la main fermée de son agresseur. Lorsqu’il échappe un gémissement de douleur, Loki ne peut s’empêcher de lui sourire avec toute sa malice.

« Voilà un aperçu de la souffrance que vous avez donné à ce pauvre animal. » exclame le clown sans maquillage qui reçoit en réponse des menaces de mort de son adversaire. « La fourmi n’est pas en conflit avec la botte ! » répond d’une manière sec Loki qui prétend être la botte et son ennemi la fourmi. Il dégage son poignard du poing de l’arbalétrier et le repousse par la suite pour observer ce dernier fuir comme un demeuré.

Ainsi, Loki et la Cornue se retrouve seuls. Autant dire que le fils de Xander Whitemane ne perd absolument pas sa garde, par crainte d’être attaqué par la femme qu’il venait de secourir. Faisant face à la demoiselle, il découvre que cette dernière dont il ne connaît pas encore l’identité, ramasse sur l’herbe verdoyante le couteau que Loki avait lancé tout à l’heure.

Levant la paume de sa main droite (qui n’est pas armée de sa dague se trouvant dans son autre main dominante) à la Cornue pour montrer que Loki n’a absolument pas de mauvaises intentions à son encontre, la femme porteuse d’une chevelure tombant jusqu’à son fessier examine l’arme avant de la planter entre les bottes du clown.

« Je dirai aux Woks de ne pas te pourchasser. » dit-elle en revenant auprès de l’animal mort.

Rangeant ses armes dans son ceinturon, Loki aurait aimé recevoir un simple remerciement mais il préfère ne pas remuer le couteau dans la plaie afin d’éviter de se retrouver au menu des oursons. Souhaitant ne pas partir car l’artiste de cirque désire en apprendre un peu plus de cet étrange être, il s’assoit sur l’herbe, dos contre un tronc d’arbre et étudie en silence la Cornue qui poursuit les prières pour la défunte biche en oubliant qu’il est à la recherche d’une renarde et d’un scientifique…

Avec force, le sorcier aka Morgan Moreau est plaqué contre le tronc d’un immense arbre. Ses mains attrapent celle de Kyle Durwin. Suffoquant, n’arrivant pas à se dégager de celui qui est en train de l’étrangler, le roux se fait lentement soulever par la seule force de la paluche de l’étrangleur. S’apprêtant à tourner de l’œil à cause du manque d’oxygène, Morgan voit du coin de l’œil Sherry repousser le grand homme mesurant presque deux mètres par un coup de botte dans l’estomac.

Les deux membres de l’équipage de Loki font face aux étrangers, à savoir Athéna, Cornelius et Kyle. Entre eux, le bûcheron -qui est le propriétaire du vieux chien- ne sait pas quoi faire devant cette animosité. Le majordome fait un pas en arrière face au regard extrêmement mauvais et au grognement de Sherry Whitemane.

« Que ce soit clair. » grogne la Mink qui dévoile une partie de l’étendue de ses crocs de canidé. « Le prochain qui ose toucher à mon ami ou au bûcheron, j’explose sa tête contre le premier tronc d’arbre à ma disposition. » prévient-elle en desserrant l’un de ses poings pour révéler ses griffes bien pointues.

« Vous nous avez menti. » répond Cornelius Chapman qui remet correctement son nœud papillon avec élégance. « Vous disiez connaître cette forêt et que vous nous guideriez aux arbres rares de l’île. Voilà plus d’une journée que nous marchons sans trouver le moindre bois nécessaire à la construction du bateau de madame Durwin. »

Haussant les épaules puis enfilant ses mains tatouées dans les poches de son manteau, Morgan affiche un sourire arrogant aux trois dangereuses personnes.

Depuis le début de l’exploration, le scientifique ne connaissait aucunement le véritable chemin pour trouver les perles rares de cette immense végétation. Il savait juste que le majordome et ses maîtres causeraient du grabuge dans le campement des bûcherons. Alors, le roux préférait les éloigner tout en profitant bien entendu de l’aide d’Alphonse (le propriétaire du chien), pour s’assurer de ne jamais se perdre dans l’immense forêt d’Endaur. Lorsqu’il avait soigné le cabot blessé, Alphonse lui avait promis de lui rendre n’importe quel service.

« Ma foi. J’ai bien peur de m’être perdu. » révèle Morgan qui se rend compte que l’homme masqué n’est toujours pas revenu de sa petite chasse. Durant les premières lueurs de l’aurore, le chasseur se faisant appeler Viper par ses collègues s’était chargé de vouloir ramener de la nourriture pour son groupe.

Dégainant à grande vitesse son pistolet à plusieurs coups, Kyle tire à côté de Morgan avant que Sherry ne puisse réagir. La balle s’écrase contre un arbre dont le tronc est marqué d’une petite croix.

« Ton petit jeu a assez duré Morgan. » déclare le tireur qui effectue un moulinet de son arme avant de le rengainer dans son étui. « J’ai ordonné à Cornelius de marquer quelques arbres sur notre route lorsque je me suis rendu compte que nous tournions en rond. » explique de sa voix calme et froide le frère d’Athéna. « Si tu ne souhaites pas nous guider alors Alphonse s’en chargera. »

Par ses paroles, Sherry incite le bûcheron à se positionner derrière elle par mesure de sécurité. La situation est devenue beaucoup plus tendue et si Morgan espérait se jouer des autres individus, ce dernier semble être tombé sur un os. En effet, Kyle Durwin est loin d’être le dernier des idiots. D’ailleurs en parlant du loup, le pistolero pointe son index sur le sac à dos de la renarde.

« Durant la nuit, j’ai pris la peine de contrôler ton sac pendant que tu dormais. » dévoile Kyle qui reste totalement impassible en découvrant la surprise de la renarde et du sorcier. « Je pense savoir qui vous êtes réellement. À Suna Land, on parle d’un pirate récemment primé qui serait le tueur de l’ancien gouverneur de l’île. Je parle du Clown Couronné, Loki Whitemane. »

« Tchéhé ! » ricane nerveusement le roux qui sent une goutte de sueur froide perler le long de sa tempe. « Jamais entendu parlé. Nous avons juste acheté ces affaires à un honnête marchand. » ment Morgan qui tâtonne discrètement une bombe de fumée dans l’une de ses poches afin de s’assurer qu’elle était bien présente.

« Étrange que les rumeurs parlent d’une renarde à la taille d’un adulte qui serait un compagnon de ce pirate. » répond Kyle qui jette son regard noisette sur la Mink. « Je ne pense pas que South Blue regorge énormément d’espèce de ton genre. »

« Je pense que les autorités de Suna Land seront heureuses d’apprendre que nous nous sommes occupés des compagnons de ce clown. » ajoute avec un rire sarcastique le majordome qui après ce petit moment de complaisance, caresse sa barbe bien taillée du bout de ses phalanges osseuses.

Mais, il ne faut pas vendre la peau de l’ours avant de l’avoir tué. C’est du moins ce que fait comprendre Morgan qui jette une bombe de fumée sur le sol mousseux et boueux de la forêt. Une petite explosion retentit et un écran de fumée sépare le groupe de Loki à celui de Kyle Durwin.

Profitant de cette opportunité, Morgan attrape la main de Sherry et celle d’Alphonse pour commencer à fuir…

C’est à ce moment précis, que Viper rejoint son groupe en souffrant toujours de l’hémorragie de sa main causée par le fameux pirate primé. Mal en point, il ralentit sans le vouloir ses amis qui désiraient poursuivre leurs ennemis.


Le coup de feu de Kyle Durwin n’est pas passé inaperçu à plusieurs mètres de la forêt d’Endaur. Bien que les arbres puissent étouffer certains bruits, celui de l’arme à feu éveille la vigilance de Loki et de la Cornue. Tous deux effectuent un échange de regards après que la demoiselle ait eu le temps de réciter ces fameuses prières pour la biche décédée. Loki oriente le bleu des éclairs annonciateurs de grêles de ses orbes en direction de l’intonation, il n’est aucunement rassuré. Son imagination effectue plusieurs mises en scène où ses amis pourraient être impliqués. Son palpitant se resserre à l’idée d’être témoin une nouvelle fois de sa sœur blessée.

Débutant quelques pas pour tenter de rejoindre le tireur, une flèche égratigne la joue droite de Loki. Passant sa main sur sa pommette d’où coule un filet de sang, le clown sans maquillage se retourne en adoptant une posture totalement furieuse.

Croyant qu’il s’agit de la Cornue, le pirate redécouvre une nouvelle fois une tripotée de Woks qui souhaitent en découdre contre le prisonnier qui s’est échappé, à savoir Loki. S’apprêtant à sortir ses dagues des étuis de sa ceinture en cuir, l’artiste de cirque stop son action au moment où la Cornue s’interpose entre lui et les oursons.

De la langue des Woks, la jeune femme communique avec ces derniers d’une intonation très autoritaire. Après quelques échanges de mots qui durent d’innombrables minutes, les créatures détenant une taille d’enfants, abaissent leurs armes.

« Merci, je suppose. » déclare Loki qui surveille tout de même le comportement des indigènes par crainte d’être trahi. Au même moment, il sursaute en sentant son pied enlacé par un Wok détenant une marque de naissance sur le crâne en forme de croissant de Lune. Le clown ne l’avait aucunement entendu.

Désireux d’échapper à l’emprise d’amour du petit être, d’autres oursons participent à la câlinerie ce qui agace un tantinet Loki. Ces gestes ne sont point détestés par le clown mais son inquiétude pour sa sœur augmente sa colère d’être ralenti par les indigènes.

« Ce n’est pas anodin d’entendre des coups de feu, les bûcherons chassent parfois sur cette île. Mais eux, ils ont un respect pour la faune, pas comme l’étranger de tout à l’heure. » tente de rassurer la jeune femme à Loki. « C’est une façon aux Woks de vous remercier, pour être venu à mon secours. » explique la Cornue qui se met à rire d’un aspect très mignon ce qui épanouit encore plus la beauté de cet être ressemblant à une déesse de la forêt.

« Eh bien, je suis soulagé de ne plus être leur ennemi. Cependant pourrais-je être libéré de leurs étreintes et… »

Sa voix est interrompue par les grognements des Woks qui découvrent au loin trois silhouettes sortant de la forêt pour rejoindre le ruisseau. La première personne ressemble à un sorcier voire à un magicien. Quant à la deuxième, sa fourrure d’automne et ses traits de renard trahissent l’identité de Sherry. Le troisième individu est cependant inconnu aux yeux de Loki.

« Ce sont mes amis, ne les attaquez pas ! » préviens à la hâte le clown qui est enfin arrivé à se défaire des Woks câlineurs et abaisse en même temps un arc d’un ourson qui était dangereusement pointé sur les fuyards. « Ils ne vous feront aucun mal. »

Après les dernières paroles de Loki, un autre coup de feu retentit depuis l’intérieur de la forêt d’Endaur. De ce violent son, l’individu inconnu pour l’artiste de cirque s’écroule lourdement contre le champ herbu. Morgan aka le sorcier ou le magicien, se retourne avec horreur et constate dans la foulée que la mort vient de s’emparer de l’âme du bûcheron se nommant Alphonse…

Lorsque Loki rejoint enfin son équipage accompagné des petites sauvages et de la Cornue, les Durwin frère et soeur sortent de la gueule de la forêt armés jusqu’aux dents. Le canon du fusil à lunettes d’Athéna fume encore après avoir hurlé pour tuer le bûcheron. Visiblement, la jeune femme qui est loin d’être bavarde est encore moins à sous-estimer que son frère Kyle. C’est ce que conclus Morgan qui tombe sur ses genoux, à bout de souffle et pas du tout habitué aux efforts physiques.

« Je t’avais dit d’épargner le bûcheron, Athéna. » ronchonne de sa voix posée Kyle qui lance un regard noir à sa sœur de sang.

« Nous en trouverons d’autres. » répond Athéna d’une voix glaciale. Elle jauge en même temps le nombre d’oursons accompagnant Morgan et Sherry avant d’émettre le début d’un sourire qui n’est point rassurant. « Je te propose de battre en retraite afin de chercher du renfort ainsi que de retrouver Cornelius et Viper. »

Kyle hoche positivement son visage de cette suggestion plutôt bien réfléchie car même si le pistolero est adroit avec son arme, sa vie serait en danger contre le nombre important d’indigènes. Et puis, apercevoir le Clown Couronné avec cette armée de Woks n’annonce rien de bon pour lui et sa sœur.

« Loki Whitemane ! » pointe de son index Kyle qui se réjouit de voir le fameux pirate en chair et en os. « Nous nous retrouverons et je te garantie que je te ferais payer le meurtre de l’ancien gouverneur de Suna Land et de sa famille. Car vois-tu, les personnes que tu as égorgées durant ton spectacle faisaient partie de notre famille ! »

Loki ne se doutait pas qu’une fois de plus son passé viendrait l’importuner. Le monde est vaste, mais pourtant ce dernier semble être si petit. Il y a plusieurs semaines, Jacen Casey, qui était le meilleur ami de son père Xander, surgissait de l’ombre pour faire son show afin de mettre des bâtons dans les roues à Loki. À présent, c’est au tour de la soi-disant famille du défunt gouverneur de Suna Land de poursuivre le spectacle…

Aujourd’hui, même si le livre parle d’une histoire différente, la tournure des événements semble se tourner une fois de plus sur cet acte d’origine émotionnelle qu’est la vengeance. À croire que l’être humain ne peut progresser, avancer, sans l’aide d’émotions qui s’avèrent pour la plupart destructrices. De ce fait, le clown a également profité de cette chose qui finalement engendre beaucoup plus de dégâts autour de lui plutôt que de bienfaits.

Sortant ses dagues favorites de leurs étuis après avoir appris les fâcheuses nouvelles provenant de Kyle, le clown pirate est déjà décidé à rendre des comptes contre les Durwin. Surtout que le frère et la sœur sont responsables de la mort du pauvre bûcheron qui lui était innocent dans cette histoire.

Voulant entamer son premier pas pour réduire la distance qui sépare Loki des deux tueurs, le bruit d’un Den Den Mushi, -d’un escargophone à l’effigie d’un vieux majordome une fois sortie de la poche du manteau d’Athéna- retentit dans le calme de la forêt.

« Ici, Cornelius Chapman. » dit l’émetteur de l’appel. « Nous avons retrouvé le chemin pour rejoindre le navire de monsieur le Comte Kyle Durwin. »

« Ramène l’équipage du navire au point de rendez-vous. Nous aurons besoin de main-d’œuvre pour les bois rares d’Endaur ainsi que d’éliminer la nuisance sur le chemin. » répond Athéna de sa voix glaciale.

À la déclaration de la ravissante jeune femme, les oursons qui sont les Woks s’énervent bien vite ce qui oblige Morgan à s’interposer entre ces derniers et le groupe d’ennemis.

« Du calme ! » reprend le roux qui positionne sa paume droite en direction des indigènes et la gauche sur les Durwin. « Nous devrions… »

Malheureusement, Morgan Moreau qui désirait empêcher un bain de sang, dont éviter des pertes Woks, se fait couper dans son début de discours pacifique. Loki et Sherry n’ont absolument pas digéré les propos d’Athéna mais également le meurtre qu’elle a commis et tous deux s’élancent déjà contre les frangins Durwin.

Athéna a juste eu le temps de contrer une série de coups de pied de la renarde par le biais de son fusil. Quant à Kyle, il a réussi à bloquer les deux poignets du clown à l’aide de ses simples paluches. Les Whitemane se font ensuite repousser méchamment par les Durwin, si bien que Loki et Sherry mangent l’herbe encore mouillée de la forêt.

Grognant à la manière d’un canidé suite au mécontentement de la situation, la renarde retire son sac de son dos et le jette sur le visage de son frère.

« La prochaine fois surveille tes affaires. Je ne suis pas ta boniche Loki. » gronde la Mink qui craque sa nuque puis échauffe ses poignets par des moulinets pour se préparer à la suite de l’affrontement. « Je m’occupe de la demoiselle. »

Sortant un briquet de sa poche après avoir pincé une cigarette entre ses lèvres, Kyle allume sa cibiche et referme son Zippo sans se préoccuper des Whitemane. Visiblement le noble habillé à la manière d’un mercenaire n’a absolument point froid aux yeux devant le Clown Couronné. En revanche, les oursons risquent d’être une nuisance. Ainsi, pour contrer ce petit problème, Kyle sort une petite bombe à grenailles de son inventaire. Il allume la mèche par le biais de sa cigarette puis lance l’objet explosif sur le groupe d’oursons.

Au moment de l’explosion, l’équipage de Loki a eu juste eu le temps de protéger quelques indigènes, les autres ont quant à eux pris le choc de plein fouet. Au vu de leur petite taille, encaisser cet explosif s’avère assez fatale. Si la première détonation a été chaotique pour la tribu des Woks, la deuxième qui survient juste après repousse sans aucune pitié les oursons de la partie…

Les pertes au niveau de Woks sont assez alarmantes, si bien que Loki ordonne d’une voix très autoritaire à Morgan et à la Cornue de quitter les lieux. Son aura de chef de meute encourage les deux concernés à exécuter les ordres du Loup Alpha.

S’assurant que les lieux soient évacués, Loki comprend tout de suite que les Durwin préfèrent agir en distance plutôt qu’en combat rapproché. De ce fait, si les Whitemane ne réduisent pas la distance que les sépare de leurs ennemis, ils auront de sérieux problèmes. Comme par exemple au moment où Athéna profite du chaos que vient d’engendrer les explosions pour viser Sherry avec son sniper. Obtenant un boost d’adrénaline en sentant le danger qui guette la renarde, Loki plaque sa sœur contre le sol comme le ferait un rugbyman pour éviter que le tir atteigne la Mink.

« Cher frère, je crois bien que nos adversaires aiment se rouler par terre. » se moque Athéna qui recharge sa majestueuse arme.

« On peut dire que leur numéro de pitrerie clownesque est bien travaillé. » ironise Kyle qui retire la drogue de ses lèvres pour y cracher la fumée prisonnière de ses poumons. « L’ancien gouverneur, notre oncle que tu as tué, nous l’aimions beaucoup. J’avoue avoir engagé un chasseur de pirate se nommant Jacen Casey pour vous retrouver. Mais au bout de la deuxième année sans résultat, nous avons décidé de participer nous-mêmes à la chasse. »

Reprenant une latte de sa cigarette, il ferme un instant ses paupières pour se rappeler de ses bonnes aventures grâce à l’effet de la nicotine. Lui et sa sœur ont tué pas mal de petits gibiers et tous deux ont pris beaucoup de plaisir sur les nombreuses traques. Quelle ironie de tomber sur la personne qu’il désirait éliminer de ses propres mains.

« Votre aventure à tous les deux s’arrête ici. » déclare Kyle qui dégaine lentement son pistolet à plusieurs coups.

« De ridicules chasseurs de pirates ne dicteront pas la fin de mon histoire ! » répond Loki qui ferme les paupières d’Alphonse qui gisait à côté de lui. Sentant du sang s’écouler de son nez suite au violent coup qu’il a reçu de Kyle après avoir été repoussé tout à l’heure, le clown effectue un mouvement en arrière de sa tête pour repousser les mèches de cheveux devant ses yeux. Loki imprègnent ses index avec l’hémoglobine sortant de ses nasaux puis dessine un sourire de clown sur son visage par faute ne pas avoir de véritable maquillage.

Enfilant ses griffes et son manteau de clown en s’apercevant que les Durwin ne veulent pas attaquer pour le moment, sûrement parce qu’ils sous-estiment les Whitemane, Loki pense dans l’immédiat qu’il faut séparer les deux pour éviter les mauvaises surprises. Alors le clown et la renarde tentent d’innombrables stratagèmes pour briser le duo féroce en face d’eux.

Tout d’abord, Sherry tente de cracher du feu grâce à ses compétences de maîtresse de spectacle en pyrotechnie. C’est sans effet. Par la suite, Loki lance avec une précision remarquable deux de ses dagues qui malheureusement seront évitées par la sœur et le frère Durwin. Ensuite, les Whitemane chargent violemment contre leurs ennemis pour provoquer le combat rapproché et ainsi avoir le dessus. C’est également sans succès. Loki et Sherry se heurtent à une impasse face à la prodigieuse maîtrise des armes à feu des Durwin.

Néanmoins, une petite lueur d’espoir semble briller pour les artistes de cirque. Se balançant d’une liane, le petit Wok porteur sur le front d’un croissant de Lune s’élance des hauteurs pour atterrir sur le visage d’Athéna. Prise par surprise, le sniper tombe à la renverse pour atterrir sur ses fesses. Profitant de cette occasion inespérée, Sherry administre un violent coup de patte arrière dans l’estomac d’Athéna qui souhaite s’en prendre à l’ourson-singe. Quant à Loki, il attaque en second pour déchirer la chair du bras droit du frère Durwin à l’aide de ses redoutables griffes.

Enfin, les Whitemane arrivent à séparer le redoutable duo qu’offrent les Durwin. Tout ça grâce à l’intervention du Wok qui était le premier à câliner Loki pour avoir sauvé la Cornue. Dos à dos, Loki et Sherry se mettent face à leurs adversaires respectifs. La renarde s’occupe d’Athéna, le clown de Kyle.

« Je peux savoir pourquoi tu ne m’as pas protégée, cher frère ?! » gueule de mécontentement Athéna qui se masse le ventre après avoir reçu le violent coup de tout à l’heure.

« Et toi chère sœur ? Incapable de te défaire d’un vulgaire indigène ?! » grogne Kyle qui semble perdre son sang-froid.

Une dispute commence à naître entre les deux si bien qu’en poursuivant leurs discussions qui s’avèrent de plus en plus violentes, Kyle et Athéna perdent en un instant leur sang-froid. Tous deux font une grossière erreur de pointer leurs armes sur leurs ennemis. Ils tirent et au même moment Loki et Sherry se plaquent au sol pour éviter les projectiles. Balles qui finissent non pas dans la peau des Whitemane mais plutôt dans celle des Durwin…

Le plomb du fusil d’Athéna se loge dans l’épaule gauche de son frère, quant à la balle du pistolet de Kyle, elle entre dans la cuisse droite de sa sœur. Loki et Sherry se relèvent tout en écarquillant leurs yeux sur la scène qui vient de se dérouler. C’était totalement improbable que les Whitemane pointent de leurs doigts les blessés pour s’y moquer ouvertement.

De leurs rires qui vexent énormément les Durwins, ces derniers décident de prendre la poudre d’escampette chacun de leur côté, brisant ainsi pour de bon leurs redoutables duos. Loki et Sherry échangent un regard, un hochement de visage puis tous deux décident de poursuivre leur proie respective dans la forêt en se séparant également.

Eloigné de l’affrontement entre les deux familles, Morgan Moreau ainsi que toute la troupe des indigènes se retrouvent dans le village Woks. Un endroit isolé et bien compliqué à trouver pour des étrangers. C’est là où Loki avait été emmené en tant que prisonnier pour ensuite s’en échapper le lendemain. Essoufflé, le roux appuie sa main contre le tronc d’un arbre. Un point de côté l’empêche de bien respirer. Les efforts physiques n’ont jamais été sa tasse de thé et ça ne risque aucunement de changer.

Pivotant son regard émeraude dans la zone où les coups de feu retentissent, une goutte de sueur froide perle depuis sa tempe. Morgan n’est absolument pas rassuré de devoir laisser Loki et Sherry contre la bande de nobles zigotos. Ayant été témoin de la puissance de Kyle Durwin, il pense fortement que son cher capitaine va avoir de sérieux problèmes.

Est-ce un manque de foi pour Loki Whitemane ? Probablement. La logique a toujours été un élément crucial dans son raisonnement. Niveau puissance physique, Kyle est au-dessus de Loki. Quant à sa maîtrise du pistolet, le clown ne fait point le poids. Néanmoins, la seule chose qui peut renverser la donne, c’est le côté imprévisible de son capitaine. Il a toujours le chic pour surprendre son public.

Calant son dos contre l’impressionnant tronc d’arbre, celui qui se dit d’être scientifique se laisse glisser pour s’asseoir sur l’herbe fraiche. Ses jambes tremblent de fatigue et son palpitant refuse de battre plus lentement. Il a l’impression que son cœur va s’arracher de sa poitrine. D’ailleurs, ce dernier manque un arrêt cardiaque lorsque la Cornue agrippe le col du pirate médecin.

« Ohé doucement !! » se plaint Morgan qui tente de se dégager de l’inconnue. « Vous êtes qui d’abord ? Vous ne ressemblez ni à un ourson ni à un singe. » constate le scientifique qui une fois que la Cornue recule de quelques pas, ce dernier dépoussière ses vêtements et remet correctement le col de son manteau.

« Où se trouve ce Cornelius Chapman ? » questionne de sa voix colérique la Cornue à Morgan. « Je ne suis pas une Wok mais je vis avec eux depuis que je suis enfant. » Elle serre ses dents de colère dévoilant des canines bien pointues pouvant faire jalouser les vampires introduits dans les histoires et les légendes.

Prenant une bonne bouffée d’oxygène, Morgan se relève pour fixer de haut la jeune femme porteuse de cornes. Cette dernière mesurant une taille similaire à Loki intrigue de plus en plus le scientifique. Il croise ses bras puis attrape son menton afin de réfléchir à la question de la demoiselle. Son glorieux palais mental élabore une seule théorie qui s’avère être juste à soixante-dix pourcents.

« Potentiellement au débarcadère à l’Ouest de l’île. C’est le plus proche. » informe-t-il à la jeune femme qui souhaite déjà partir en ayant appris l’information. Morgan l’arrête immédiatement dans son élan. « Je ne sais pas ce que tu as en tête, mais ce Cornelius Chapman est accompagné d’au moins un type ressemblant à un croque-mort. Sans oublier que si ce majordome arrive à destination, ils seront bien plus nombreux. »

Plissant ses iris d’un bleu océan, la Cornue lâche quelques mots dans la langue des Woks à un ourson qui se trouve à sa droite. Rapidement, l’indigène se précipite à une hutte et ressort avec un arc, un carquois et des flèches. La femme attrape le tout et remarque des bandages dans le sac à main du roux. Demandant si Morgan est vraiment ce qu’elle croit, le roux explique que Loki est son capitaine et qu’il est dans son équipage en tant que médecin.

« Puis-je compter sur ton aide pour soigner les Woks, Morgan Moreau ? » supplie-t-elle en pliant un genou sur le sol pour appuyer sa demande. « Mon nom est Abigail Drake. Ton capitaine m’a sauvée d’un de ces vauriens, il est donc dans mon devoir de rembourser ma dette et faire goûter ma furie à ces derniers qui ont osé s’en prendre à ma famille. »

Fronçant doucement ses sourcils, Morgan attrape la main d’Abigail afin qu’elle se redresse correctement. Disons que le sorcier déteste voir les personnes courber l’échine pour avoir un service de sa part.

« Tchéhé, tout ça est follement intéressant ! Je vais tout donner pour soigner ces petites mignonneries. En échange, tâche de revenir entière et de me faire une visite guidée des bois. »

« C’est promis. » dit-elle d’un ton assuré.

Morgan finit par taper dans la délicate paluche d’Abigail en acceptant sa requête.



Bien loin du camp des Woks, Sherry se faufile entre les majestueux arbres d’Endaur à la recherche de sa proie. La scène peut ressembler à une battue ou à une recherche au sang vu que le gibier dépose des résidus de son hémoglobine sur le sol.

Pas de chance pour Athéna, Sherry est une Mink canidé et son flair développé lui permet de chercher sans vraiment avoir trop de difficulté. Ainsi, la renarde n’est pas vraiment stressée ou même pressée dans la course-poursuite. Elle souhaite garder l’avantage contre la sœur Durwin mais également venger la mort du pauvre bûcheron Alphonse. La vengeance…encore et toujours cette chose qui anime la pyromane depuis le malheureux chapitre de ses parents adoptifs. Parfois, Sherry se demande s’il existe autre chose que cet acte émotionnel en elle.

Secouant son visage de gauche à droite pour chasser ses pensées qui la désorientent et la distraient, ses oreilles pointues se redressent en entendant le bruit d’un rechargement pas très loin de sa position. En moins de deux petites secondes, le fusil d’Athéna hurle dans la forêt pour cracher son écho qui est à l’effigie d’une balle.

Après ce son désagréable, la renarde découvre que son esprit faiblit et que son corps s’alourdit. Elle sent un liquide chaud s’écouler depuis sa jambe. Visiblement, son ennemie n’a pas dit son dernier mot en blessant Sherry à sa béquille droite.

Retenant un râle de douleur, Sherry Whitemane se planque derrière un des nombreux arbres de la forêt. Elle déchire à la va-vite un morceau de sa chemise blanche afin d’effectuer rapidement un garrot. La renarde est littéralement saoulée de devoir encaisser à chaque fois des projectiles d’armes à feu. Il y a plusieurs semaines, son corps subissait un violent assaut au Cirque Sauvage afin de protéger son idiot de frère Loki. Maintenant, son aventure d’Endaur devient un scénario curieusement identique…

« J’ai n’ai jamais tué de renard de ta taille. J’ai hâte que ta peau serve de tapis dans mon salon. » déclare la tireuse qui est allongée sur l’herbe, bien cachée derrière quelques buissons. Son point de vue est littéralement avantageux pour un sniper, surtout lorsque cette dernière est sur une petite butte de la forêt.

Souriant ironiquement à la déclaration de la belle, Sherry s’abstient de répondre pour éviter de signaler son emplacement. Tentant d’oublier la douleur qui tiraille sa gambette, la renarde sort de l’une de ses sacoches une arme particulière…

Composée d’une corde dont le cul détient un petite masse en fer et la gueule une dague bien tranchante, Sherry prépare sa fléchette à corde. Le cordage est long de cinq mètres ce qui va permettre à la renarde d’attaquer à distance.

Enroulant une partie du lien autour de son aisselle afin de bien maintenir l’arme, Sherry décide de sortir de sa cachette lorsque le bruit du rechargement du fusil d’Athéna se fait entendre par l’ouïe fine du canidé. Faisant tourner la corde dont l’extrémité détient le poignard bien aiguisé, elle lance l’arme de jet en direction d’une butte protégée par des buissons.

Elle entend Athéna geindre de surprise tout en crachant plusieurs jurons contre Sherry. La tireuse sort de sa cachette mais n’est aucunement blessée par le rope dart de la pirate. Pire encore, Athéna profite de la situation pour mettre en joue la sœur Whitemane. Comprenant très vite sa situation qui s’avère mortelle, la renarde tourne sur elle-même par des pas de danse entraînant ainsi sa corde à virer de bord pour tourner sur la tireuse.

Le couteau qui est comme une lame de rasoir, découpe l’index d’Athéna qui s’apprêtait à appuyer sur la détente de la carabine. Après cela, la forêt camoufle -grâce à sa densité d’arbres- le hurlement de douleur de la sœur Durwin. Perdre un doigt est aussi douloureux que de recevoir une balle dans le corps…

Tirant le cordage pour récupérer son poignard recouvert de quelques particules de sang, Sherry rejoint son adversaire qui est très mal en point. Au moment où Athéna souhaite sortir un pistolet de son manteau, la Second de l’équipage de Loki donne un coup de pied dans la masse en fer de son arme pour que l’objet rond s’écrase sur le visage de la tireuse, lui cassant le nez et l’os de la joue au passage.

« Il ne faut pas vendre la peau du renard, avant de l’avoir tué. » explique d’une voix presque calme la renarde qui contient du mieux qu’elle peut sa rage en repensant à la mort gratuite d’Alphonse. « Tu diras bonjour à ton oncle de ma part. » Souriant faiblement à la femme en agonie, Sherry découpe la trachée d’Athéna…

Si Sherry est arrivée à retrouver Athéna sans difficulté, ce n’est pas le cas pour Loki. Depuis une trentaine de minutes le clown s’aventure entre les arbres d’Endaur à la recherche de son adversaire. Au tout début, Loki courait pour rattraper Kyle Durwin. Puis au bout de vingt minutes, le pirate a ralenti le pas en se rendant compte qu’il venait de retomber sur un tronc d’arbre mort. Après deux passages, Loki avait marqué l’écorce d’une croix à l’aide d’une des lames de ses griffes. Un moyen de savoir s’il tournait en rond, ce qui est actuellement le cas.

Énervé, Loki frappe un arbre près de sa position avec son pied tout en émettant un juron. Par son geste, des oiseaux -qui ne demandaient rien à personne et qui roupillaient tranquillement sur les branches de l’immense plante- se réveillent en sursaut à cause de Loki et piaillent de mécontentement en s’envolant.

Soupirant de désespoir à cause de ce labyrinthe naturel, Loki s’apprête à s’asseoir sur le tronc d’arbre mais se retient en entendant les fourrés s’agiter en face de lui. Voulant se mettre en garde, quelque chose de pointu se pose contre sa nuque. Il se crispe et souhaite riposter, malheureusement l’objet aigu s’appuie un peu plus contre Loki.

« Ce n’est qu’un lièvre. » prévient à voix basse Abigail Drake qui retire la pointe de sa flèche. « Les Woks arriveraient à te trouver les yeux fermés, Loki Whitemane. »

Le clown se retourne pour faire face à la Cornue qui dévisage de la tête aux pieds ce dernier. Elle finit par échapper un petit rire.

« Comptes-tu vraiment impressionner ou faire peur à ton ennemi en étant habillé de la sorte ? »

Loki rit nerveusement à la remarque de la demoiselle. Il avale sa salive, plisse un instant ses iris d’un bleu annonciateur de grêle puis reprend son chemin en étant suivi par Abigail. C’est à cet instant qu’il apprend enfin l’identité de cette dernière et de son lien avec les indigènes. Voulant en savoir un peu plus, des plaintes provenant à des voix masculines retentissent aux alentours.

Les deux se faufilent dans les buissons pour ne point être vus et c’est à cet instant précis que Loki découvre l’existence d’un homme qui est complètement inconnu au bataillon. Porteur d’un uniforme typique de majordome, le clown se demande s’il ne s’agit pas de l’émetteur de l’appel qu’a reçu la sœur Durwin. En tout cas, l’homme a beaucoup de mal à déjouer les pièges installés par les Woks. Prisonnier dans un filet de cordage, il gueule le nom d’un certain Viper pour le sortir de ce traquenard.

Au bout du quatrième SOS, le chasseur de l’autre fois -celui habillé en marchand de mort- rejoint son collègue en prenant bien entendu son temps. Avant qu’il n’ait eu le temps de couper la corde avec un carreau de son arbalète, une flèche rugit des fourrés pour se planter dans l’épaule du masqué. Un genou à terre, sa main agrippant le bois du projectile d’Abigail Drake, Viper enrage en retrouvant les deux personnes qui l’ont blessé. À savoir Loki et Abigail.

« Je ne m’attendais pas à te revoir aussitôt, chasseur. » gronde la Cornue qui dévoile l’étendue de ses quatre canines aiguisées. Elle bande son arc et maintient en joue sa flèche contre son ennemi. « Qu’avais-tu dit l’autre fois ? Qu’une indigène de moins ne se remarquera pas sur cette île ?! »

Fronçant ses resplendissants sourcils, Abigail relâche la corde de son arc pour tirer avec ce dernier. La flèche transperce le même endroit où Viper venait de blesser mortellement la biche, à savoir le cou voire plus précisément la trachée. Tout comme la défunte bête, le chasseur hurle de souffrance et recouvre peu à peu l’herbe d’une peinture rouge vive. La mort emporte un deuxième membre du groupe ennemi.

Se redressant de surprise, Loki regarde à deux fois s’il est réellement en présence de la majestueuse Cornue qui était assise près du ruisseau. Visiblement, il ne faut pas se fier aux apparences. C’est la leçon de la journée que retient Loki.

En attendant, le majordome croupit toujours en hauteur, dans le filet des oursons-singes. Il semble beaucoup moins s’agiter en ayant été témoin de la scène. Serait-ce de la peur qui le pétrifie ainsi ? Lorsque Loki et Abigail portent leur attention sur le prisonnier, Cornelius Chapman se met à paniquer.

« Je…je vous en prie, je ne…suis q-qu’un pau-pauvre homme au service de cette famille prétentieuse et dé-débile. » commence à bégayer Cornelius qui s’urine littéralement dessus lorsque Loki agite ses phalanges pour bouger les lames qui s’y trouvent au bout. Les deux se décalent du filet afin de ne recevoir le liquide jaunâtre coulant depuis le pantalon du peureux.

« As-tu réussi à appeler des renforts ? » questionne Abigail qui titille la pointe d’une de ses flèches avec son pouce.

« N-no-non ! Non ! Je n’ai pas encore rejoint le navire. » avoue d’un ton plutôt sincère le majordome. « Ne vous en faites pas, je vous jure sur mon ho-honneur q-que je ne dirais rien… »

La fin de sa phrase est interrompue et ne sera jamais terminée. La cause est pourtant évidente. Cornelius vient de recevoir une balle dans le crâne, plus précisément entre les deux yeux. L’auteur de cet acte n’est nul autre que Kyle Durwin qui a été attiré par le hurlement d’agonie de Viper. Visiblement, le tireur n’est pas du tout gêné par la vilaine griffure sur son bras droit et de sa blessure par balle à l’épaule gauche. Pire encore, le frère Durwin est complètement effrayant comparé à tout à l’heure.

Abigail Drake a l’air moins sûr d’elle en présence de Kyle si bien qu’elle recule d’un pas et s’entrechoque contre Loki. Le clown quant à lui n’a pas froid aux yeux. Le regard qu’il reçoit est exactement le même que celui de Jacen Casey ou encore d’autres individus ayant eu des conflits contre le pirate. La dernière fois que le Clown Couronné s’est laissé impressionner, et que sa confiance était amoindrie, sa tante Rosalia en est décédée. Une autre leçon qui a été parfaitement apprise par Loki Whitemane.

« C’est fou comme la peur peut causer des trahisons. » ajoute Kyle qui effectue un moulinet de son jouet. « Il sera facilement remplaçable. Ce n’est pas comme si mon manoir détenait une myriade de servants. »

Se plaçant devant la Cornue, Loki agite de nouveau les lames de ses griffes. Il craque sa nuque puis échauffe ses épaules par des mouvements circulaires de bas en haut.

« Pouvez-vous vous abriter ? » demande le clown à Abigail par un chuchotement. « J’aurai la conscience tranquille si vous êtes hors de danger face à ce boucher. »

Recevant une note positive de la part de l’archère, Loki retire à la hâte son manteau de clown et le lance devant lui pendant que synchroniquement Kyle pointe son arme sur ce dernier et appuie plusieurs fois sur la gâchette. Le précieux souvenir du père de Loki -qui est le manteau- reçoit une tripotée d’orifices de balles. Cela dit, il permet de cacher au mieux la silhouette du clown et de gêner la précision du tireur. Loki s’en sort de justesse indemne de la fusillade.

Contraint de remettre des cartouches dans la chambre de son pistolet, Kyle décide de jeter son arme aux oubliettes et de dégainer sa jumelle. Cependant, le clown n’est pas dupe. Dans son attirail d’artiste de cirque, Loki vient de lancer sa troisième dague sur son ennemi sans se préoccuper de la zone à atteindre. Le but est simplement de désorienter Kyle et d’éviter une mort certaine.

Lorsque le couteau est esquivé par Durwin, la quatrième dague du clown -qui est la dernière de son inventaire- effectue un trajet similaire et réussi à déconcentrer le filleul de l’ancien gouverneur de Suna Land. Ainsi, les armes de jet de Loki lui ont permis de réduire la distance qui le sépare de son adversaire.

D’un grand mouvement des griffes de Loki partant du bas pour aller en haut, il déchire la chair du torse du tireur. Néanmoins, la blessure est loin d’être mortelle. Serrant les dents, luttant contre la douleur, le noble frappe Loki sur la joue gauche et droite avec la crosse de son pistolet. La violence mélangée à la force de Kyle conduit presque le clown au royaume des songes.

Loki crache une gerbe de sang, il titube et reprend in extrémis son équilibre pour ne pas s’effondrer sur le sol. Sa vision devient floue, se dédoublant à plusieurs reprises et un acouphène agresse son oreille gauche. Puis, le genou de Kyle entre en collision dans l’abdomen du clown qui coupe durant une longe seconde la respiration de Loki.

Au moment où le Clown Couronné ressent le canon du pistolet sur sa tempe, l’adrénaline secrétée par ses reins, rejette son produit dans les globules rouges de Loki. Son corps arrive à bouger pour échapper au tir de Kyle. Par sa prodigieuse souplesse d’équilibriste, Whitemane arque son dos en pont, active la lame rétractable de sous sa botte et la plante dans le menton de son agresseur.

Un coup fourré, une attaque imprévisible qui domine le règlement de comptes entre Loki et Kyle. Le Clown s’effondre sur ses fesses d’une manière très pittoresque et ressent de la fraîcheur à son pied droit. Il découvre avec surprise que son paturon est nu, dépourvu de sa botte.

Éternuant et manquant d’avoir la goutte au nez, Loki lève son regard bleuté pour remarquer que sa chaussure est restée accrochée au menton de Kyle. D’ailleurs son adversaire est encore debout, les bras tombant et le dos vouté. Il respire très faiblement tout en émettant des grognements dignes d’un véritable zombie. Tenant toujours son pistolet, Kyle n’arrive visiblement pas à lever son arme. De plus il vide complètement son chargeur à ses pieds pendant que l’artiste de cirque recule à quatre pattes pour éviter de recevoir une nouvelle blessure. Lorsque le magasin est vidé, le chien continue de claquer contre le percuteur en émettant des petits bruits métallique.

Loki effectue une roulade arrière pour se remettre debout sur ses deux pieds. Après un hairflip, il avale sa salive, prend une bonne bouffée d’oxygène puis abat de toutes ses forces ses griffes sur la tête de Kyle Durwin. Ainsi, il transforme la face du méchant en plusieurs bouts de jambon.

La menace enfin éliminée, le clown galère presque à reprendre sa botte qui est durement accrochée dans le menton du cadavre. Au moment où il réussit à récupérer son bien, il échappe un petit merci au décédé, manque également de se vautrer en trébuchant sur un cailloux avant de rejoindre Abigail Drake qui surveillait l’affrontement plusieurs mètres plus loin.

Ce n’est pas encore aujourd’hui qu’on arrêtera les représentations du Clown Couronné.

Alphonse, le bûcheron décédé de la main d’Athéna ne possédait pas réellement de famille. Pas de femme, pas d’enfant et plus de parents. Seul son chien qui avait été soigné par Morgan était le seul représentant de sa famille. Cela dit, il était apprécié par ses voisins, par ses amis et quand ses derniers apprirent le décès d’Alphonse, beaucoup l’ont pleuré, surtout son cabot…

Enterré non loin du campement, là où un cimetière a été construit, Loki, Sherry et Morgan restent encore près de la pierre tombale du défunt après que la petite cérémonie ait été terminée. Les habitants d’Endaur, dont plus précisément ceux qui habitent dans le campement où vivait Alphonse, ont été mis au courant de la raison du décès de ce dernier. Cachant bien entendu leur rang de pirate pour ne pas engendrer la colère des villageois, les trois ont continué à se faire passer pour de simples artistes ambulants. Ils ont même réussi à faire gober le mensonge que les Durwin ont été tué par les indigènes après avoir violé leur territoire.

Puis, pour honorer la mémoire de ce pauvre bûcheron, Loki et sa troupe ont improvisé un show. Durant plusieurs heures de la nuit, là où le croissant de Lune brillait de mille feux, la troupe d’artistes a offert un majestueux spectacle de cirque. Que ce soit les démonstrations de pyrotechnie de Sherry de crachage du feu et jonglage avec des objets enflammés. Ou encore des tours de magie par Morgan. Sans oublier les pitreries clownesques de Loki. Le Clown Couronné souhaitait remonter le moral aux villageois du campement. Ce fut un véritable succès.

Quant au sujet du fameux équipage de la famille Durwin, il est en route pour Suna Land. Au lendemain, soit plusieurs heures après la mort de Kyle et de son groupe, les matelots ont découvert un spectacle qui se veut être horrifique. Athéna, le majordome et le marchand de mort étaient attachés contre le mât du rafiot. Leurs visages étaient maquillés avec du sang d’un sourire de clown, typiquement celui de Loki.

Non loin des morts, un vieux sac dont une grande partie est ensanglantée, détenait les restes de la tête de Kyle Durwin. De plus, une carte de poker, représentant un clown couronné accompagnait les parties du cadavre. Sur la carte, une phrase y est inscrite.

« On récolte ce que l’on sème. » - Loki Whitemane

Ainsi, les habitants de Suna Land qui connaissaient la famille Durwin ne tarderont pas à émettre leur mécontentement contre le fameux clown originaire de cette île. Il se peut même que la Marine reçoive plusieurs plaintes pour cette boucherie…

Plusieurs jours plus tard, le calme est enfin revenu sur la charmante île forestière. Loki et sa troupe ont pensé se rendre dans le Royaume de Bliss qui est le principal acheteur des bois d’Endaur. Ils envisagent de voyager en passager clandestin dans une des barges. Bien entendu, ils doivent attendre l’arrivée d’un des fameux rafiots.

Alors, pour passer le temps Sherry joue à des jeux d’argent face aux bucherons en espérant pouvoir plumer ces derniers. Ce qui est malheureusement l’effet inverse. Quant à Morgan, il range soigneusement ses notes d’Endaur. Comme promis, Abigail Drake lui a fait faire le tour de l’île, y compris lui montrer les bois rares qui se trouvaient être convoités par les Durwin. Pour finir, Loki s’est quant à lui éclipser de ses amis et du campement des bûcherons.

Le clown qui n’a désormais plus son maquillage, se promène tranquillement dans la forêt en évitant bien entendu de se perdre et de tomber sur un piège des oursons-singes. Il emprunte donc un petit sentier, dégagé par les bûcherons de l’île. Son chemin doit normalement l’emmener assez près du village Woks où il a été fait prisonnier.

Se rapprochant de son objectif, il redécouvre le ruisseau où reposait hier matin la Cornue du nom d’Abigail Drake. Encore aujourd’hui, la demoiselle s’y trouve. Debout et non assise comme l’autre fois, elle est armée d’un luth et joue des notes devant un couple d’écureuils.

Ne souhaitant pas la gêner, le pirate appuie son dos contre le tronc d’un arbre, et croise ses bras, le sourire aux lèvres.

« Danse sur les étoiles ce soir. Souris et la douleur s’évanouira. Mes mots se transformeront en cendres. Quand tu appelles la dernière lumière. ♪ » commence à chanter la Cornue d’une voix envoutante et terriblement magnifique. De sa main, elle la pointe en direction de la lune qui est visible en pleine journée. « La lune me rappelle ta grâce. Tout l’amour que je ne peux pas rembourser. Reposes-toi et sache que je vais prier. Adieu, mon cher vieil ami. ♪ » poursuit-elle en ne quittant à aucun moment son regard d’émeraude sur cet astre de la nuit.

Tournant sur elle-même par de majestueux pas de danse, la musicienne ferme un instant ses paupières et inspire une bonne bouffée d’oxygène afin de se préparer au refrain de sa mélodie. Ouvrant ses bras comme pour vouloir enlacer la lune et le soleil, la chanteuse refait travailler ses cordes vocales.

« Lune, soleil, tous me rappellent ta grâce. ♫ » Elle rapproche ses mains pour les poser sur son palpitant. « La foi. Se soucier. Tout l’amour que je ne peux rendre. ♫ » Ses fines phalanges chatouillent désormais les cordes du luth pour le faire rire pendant que son chant reproduit une nouvelle fois le refrain de la mélodie en augmentant les décibels de sa magnifique voix.

Préférant écourter de moitié sa chanson, la Cornue plie ses genoux et tend des glands -qui se trouvaient dans l’unique petite sacoche accrochée sur une ceinture autour de sa robe émeraude- au couple d’écureuils qui s’empressent de récupérer cette précieuse nourriture. Par la suite, Loki applaudit doucement la représentation d’Abigail ce qui surprend la musicienne.

« Pardon, je ne voulais pas vous effrayer. » s’excuse Loki en s’inclinant respectueusement comme le ferait un véritable gentleman. « Vous qui êtes douée au tir à l’arc, vous cachiez encore bien votre jeu Abigail. Je ne pensais pas que vous déteniez l’âme d’une musicienne et d’une chanteuse. »

Posant son luth sur le champ herbu, elle tend son bras pour permettre aux écureuils de grimper dessus. Les deux petites mignonneries prennent place chacune sur une des épaules d’Abigail.

« Je pensais que tu étais déjà parti en direction de l’île de Bliss. » reprend la musicienne qui dorlote par des caresses les deux sciuridés.

Loki hausse ses épaules et sourit doucement à la demoiselle.

« Je souhaitais simplement vous dire au revoir, c’est la moindre des politesses pour les petites aventures que nous avons eu. » Loki marque une pause en observant le luth, les écureuils puis Abigail.  « Mais en ayant été témoin de votre lien avec les animaux et de la musique, j’ai une demande à vous faire. » Réduisant une grande partie la distance qui le sépare d’Abigail, le clown récupère l’instrument de musique et le tend à sa propriétaire. « Que diriez-vous de rejoindre mon cirque ambulant ? Après avoir été témoin de votre talent, je serais honoré de vous avoir à nos côtés. »

Perdant ses mots à la proposition de Loki, la Cornue saisie son instrument, recule de deux pas et reste songeuse. Elle n’a jamais connue l’extérieur, juste Endaur et toujours cette île forestière.

« Tu souhaites que je rejoigne ton équipage de pirate ? Les rumeurs au sujet de la piraterie ne sont pas roses, je ne désire aucunement me rabaisser à leur image. »

« Je ne m’identifie pas aux autres pirates banals. » commence à expliquer le clown sans maquillage. « Mon objectif est de sillonner le monde pour retrouver mes parents. Tout comme ma mère, j’aspire à libérer les esclaves de l’idiotie de l’être humain et de lutter contre la discrimination entre les races. » Loki hausse légèrement ses épaules. « En soit, je deviendrai probablement un danger pour le Gouvernement Mondial, comme l’était Fisher Tiger de l’équipage des Pirates du Soleil. » Levant légèrement ses mains qui sont désormais tâcher de sang pour les meurtres qu’il a commis, Loki ne peut cependant pas oublier ce détail qui pourrait le confondre à un véritable boucher, tueur. « Je ne cache pas que j’ai tué des gens, pas par plaisir mais par peur. J’ai perdu mes parents, ma tante et lorsque le danger guette ma sœur ou bien mes amis, je préfère user de mes griffes ou de mes dagues pour taire la menace. »

Au moment où Abigail lui tourne le dos, sûrement pour réfléchir, Loki fixe un instant le sol pour chercher ses mots.

« Je ne désires pas changer ce que vous êtes. Vous êtes déjà parfaite. » reprend le pirate d’une voix sincère et non menteuse.

Lâchant un merci discret sur ce compliment qui lui va droit au cœur, la Cornue repose ses tendres amis poilus sur une branche d’un arbre. Pour le moment, elle n’a guère envie de donner de réponses. En fait, Abigail se sent bloquée sur cette île forestière mais également songeuse sur les paroles du jeune homme. Ayant grandi aux côtés des Woks, partir lui causerait un terrible chagrin. Ils sont après tout sa famille. Puis après un soupir silencieux, Abigail s’assoit sur un rocher et déblaie son dos de son impressionnante tignasse de cheveux.

Loki écarquille ses orbes annonciateurs de grêle et ses poings se referment de colère. Le symbole appelé : "La Griffe du Dragon volant" est marquée sur le bas du dos de la Cornue. Durant ses aventures en tant que simple artiste ambulant, le pirate en herbe avait appris que cet emblème -marqué au fer rouge- était apposé par les Dragons Célestes. Ainsi, les personnes détenant ce sceau devenaient inférieures aux humains.

« Donc tu es venue me libérer, Loki Whitemane ? » demande la jeune femme d’une voix presque tremblante. « J’ai cette marque depuis mon enfance. Le bateau où j’étais prisonnière a été attaqué et mes parents m’ont jeté à la mer en espérant que j’échappe à une vie de servitude. Je me suis échouée sur Endaur et les Woks m’ont recueilli. »

Pliant un genou sur le sol, le clown abaisse sa tête et fixe d’un regard désolé Abigail Drake.

« Je vous prie de bien vouloir recevoir mes excuses. » dit-il, honteux d’avoir au final proposé à la Cornue de partir de cette île alors qu’il pourrait s’agir d’un refuge pour cette dernière. Il prend une pause, ne sachant quoi dire à présent. Les paroles lui manquent et cela permet à Abigail de se rapprocher du clown sans maquillage. « Je retire ce… »

La Cornue coupe la parole au capitaine pirate en posant son index sur les fines lèvres de Whitemane. Tous deux s’échangent un regard. Celui de Loki est plein de confusion et celui d’Abigail dégage quelque chose d’apaisant.

« Si tu me promets que tu tiendras parole, que tu souhaites réellement briser les chaînes des esclaves alors j’accepte de t’accompagner Loki Whitemane. Mais, je veux une promesse, pas des paroles dans le vent. »

« Bien. » répond Loki Whitemane qui se redresse et adresse un sourire sincère -celui qui est vrai et non faux- à Abigail Drake. Il pointe le pouce droit de sa main contre son palpitant et reprend la parole. « Je te fais le serment de tenir ma parole par la force de ma volonté ! Que je sois un simple pirate ou bien un artiste de cirque, je compte libérer les esclaves qui seront sur ma route. Quitte à y laisser ma propre vie ! »

Tout doucement, d’un geste délicat, la musicienne attrape l’auriculaire du pirate avec le sien. Elle le serre tendrement et semble convaincue par les paroles de Loki.

« Et je te fais la promesse que ma musique et mon chant citeront tes ou plutôt nos aventures. J’accepte de te suivre, ô cher capitaine Whitemane. »

Après s’être fait chacun une promesse, tous deux se sont séparés. Abigail est revenu auprès des Woks afin de leur annoncer son départ bien que cette décision l’attriste au plus haut point. Quant à Loki, il s’est empressé d’annoncer la nouvelle à Sherry et Morgan.

Puis, après plusieurs heures, au moment où la barge provenant de Bliss est chargée de matières premières, c’est-à-dire le bois de l’île forestière, Loki et sa troupe ont réussi à monter dans le navire en se faisant encore passer par des artistes ambulants. Désormais, tous fixent Endaur qui se trouvent désormais loin de leur position. Un jour ils reviendront dans ce lieu isolé en ayant sans doute réussi quelques exploits…