Alphonse, le bûcheron décédé de la main d’Athéna ne possédait pas réellement de famille. Pas de femme, pas d’enfant et plus de parents. Seul son chien qui avait été soigné par Morgan était le seul représentant de sa famille. Cela dit, il était apprécié par ses voisins, par ses amis et quand ses derniers apprirent le décès d’Alphonse, beaucoup l’ont pleuré, surtout son cabot…
Enterré non loin du campement, là où un cimetière a été construit, Loki, Sherry et Morgan restent encore près de la pierre tombale du défunt après que la petite cérémonie ait été terminée. Les habitants d’Endaur, dont plus précisément ceux qui habitent dans le campement où vivait Alphonse, ont été mis au courant de la raison du décès de ce dernier. Cachant bien entendu leur rang de pirate pour ne pas engendrer la colère des villageois, les trois ont continué à se faire passer pour de simples artistes ambulants. Ils ont même réussi à faire gober le mensonge que les Durwin ont été tué par les indigènes après avoir violé leur territoire.
Puis, pour honorer la mémoire de ce pauvre bûcheron, Loki et sa troupe ont improvisé un show. Durant plusieurs heures de la nuit, là où le croissant de Lune brillait de mille feux, la troupe d’artistes a offert un majestueux spectacle de cirque. Que ce soit les démonstrations de pyrotechnie de Sherry de crachage du feu et jonglage avec des objets enflammés. Ou encore des tours de magie par Morgan. Sans oublier les pitreries clownesques de Loki. Le Clown Couronné souhaitait remonter le moral aux villageois du campement. Ce fut un véritable succès.
Quant au sujet du fameux équipage de la famille Durwin, il est en route pour Suna Land. Au lendemain, soit plusieurs heures après la mort de Kyle et de son groupe, les matelots ont découvert un spectacle qui se veut être horrifique. Athéna, le majordome et le marchand de mort étaient attachés contre le mât du rafiot. Leurs visages étaient maquillés avec du sang d’un sourire de clown, typiquement celui de Loki.
Non loin des morts, un vieux sac dont une grande partie est ensanglantée, détenait les restes de la tête de Kyle Durwin. De plus, une carte de poker, représentant un clown couronné accompagnait les parties du cadavre. Sur la carte, une phrase y est inscrite.
«
On récolte ce que l’on sème. » - Loki Whitemane
Ainsi, les habitants de Suna Land qui connaissaient la famille Durwin ne tarderont pas à émettre leur mécontentement contre le fameux clown originaire de cette île. Il se peut même que la Marine reçoive plusieurs plaintes pour cette boucherie…
Plusieurs jours plus tard, le calme est enfin revenu sur la charmante île forestière. Loki et sa troupe ont pensé se rendre dans le Royaume de Bliss qui est le principal acheteur des bois d’Endaur. Ils envisagent de voyager en passager clandestin dans une des barges. Bien entendu, ils doivent attendre l’arrivée d’un des fameux rafiots.
Alors, pour passer le temps Sherry joue à des jeux d’argent face aux bucherons en espérant pouvoir plumer ces derniers. Ce qui est malheureusement l’effet inverse. Quant à Morgan, il range soigneusement ses notes d’Endaur. Comme promis, Abigail Drake lui a fait faire le tour de l’île, y compris lui montrer les bois rares qui se trouvaient être convoités par les Durwin. Pour finir, Loki s’est quant à lui éclipser de ses amis et du campement des bûcherons.
Le clown qui n’a désormais plus son maquillage, se promène tranquillement dans la forêt en évitant bien entendu de se perdre et de tomber sur un piège des oursons-singes. Il emprunte donc un petit sentier, dégagé par les bûcherons de l’île. Son chemin doit normalement l’emmener assez près du village Woks où il a été fait prisonnier.
Se rapprochant de son objectif, il redécouvre le ruisseau où reposait hier matin la Cornue du nom d’Abigail Drake. Encore aujourd’hui, la demoiselle s’y trouve. Debout et non assise comme l’autre fois, elle est armée d’un luth et joue des notes devant un couple d’écureuils.
Ne souhaitant pas la gêner, le pirate appuie son dos contre le tronc d’un arbre, et croise ses bras, le sourire aux lèvres.
« Danse sur les étoiles ce soir. Souris et la douleur s’évanouira. Mes mots se transformeront en cendres. Quand tu appelles la dernière lumière. ♪ » commence à chanter la Cornue d’une voix envoutante et terriblement magnifique. De sa main, elle la pointe en direction de la lune qui est visible en pleine journée. « La lune me rappelle ta grâce. Tout l’amour que je ne peux pas rembourser. Reposes-toi et sache que je vais prier. Adieu, mon cher vieil ami. ♪ » poursuit-elle en ne quittant à aucun moment son regard d’émeraude sur cet astre de la nuit.
Tournant sur elle-même par de majestueux pas de danse, la musicienne ferme un instant ses paupières et inspire une bonne bouffée d’oxygène afin de se préparer au refrain de sa mélodie. Ouvrant ses bras comme pour vouloir enlacer la lune et le soleil, la chanteuse refait travailler ses cordes vocales.
«
Lune, soleil, tous me rappellent ta grâce. ♫ » Elle rapproche ses mains pour les poser sur son palpitant. «
La foi. Se soucier. Tout l’amour que je ne peux rendre. ♫ » Ses fines phalanges chatouillent désormais les cordes du luth pour le faire rire pendant que son chant reproduit une nouvelle fois le refrain de la mélodie en augmentant les décibels de sa magnifique voix.
Préférant écourter de moitié sa chanson, la Cornue plie ses genoux et tend des glands -qui se trouvaient dans l’unique petite sacoche accrochée sur une ceinture autour de sa robe émeraude- au couple d’écureuils qui s’empressent de récupérer cette précieuse nourriture. Par la suite, Loki applaudit doucement la représentation d’Abigail ce qui surprend la musicienne.
«
Pardon, je ne voulais pas vous effrayer. » s’excuse Loki en s’inclinant respectueusement comme le ferait un véritable gentleman. «
Vous qui êtes douée au tir à l’arc, vous cachiez encore bien votre jeu Abigail. Je ne pensais pas que vous déteniez l’âme d’une musicienne et d’une chanteuse. »
Posant son luth sur le champ herbu, elle tend son bras pour permettre aux écureuils de grimper dessus. Les deux petites mignonneries prennent place chacune sur une des épaules d’Abigail.
«
Je pensais que tu étais déjà parti en direction de l’île de Bliss. » reprend la musicienne qui dorlote par des caresses les deux sciuridés.
Loki hausse ses épaules et sourit doucement à la demoiselle.
«
Je souhaitais simplement vous dire au revoir, c’est la moindre des politesses pour les petites aventures que nous avons eu. » Loki marque une pause en observant le luth, les écureuils puis Abigail. «
Mais en ayant été témoin de votre lien avec les animaux et de la musique, j’ai une demande à vous faire. » Réduisant une grande partie la distance qui le sépare d’Abigail, le clown récupère l’instrument de musique et le tend à sa propriétaire. «
Que diriez-vous de rejoindre mon cirque ambulant ? Après avoir été témoin de votre talent, je serais honoré de vous avoir à nos côtés. »
Perdant ses mots à la proposition de Loki, la Cornue saisie son instrument, recule de deux pas et reste songeuse. Elle n’a jamais connue l’extérieur, juste Endaur et toujours cette île forestière.
«
Tu souhaites que je rejoigne ton équipage de pirate ? Les rumeurs au sujet de la piraterie ne sont pas roses, je ne désire aucunement me rabaisser à leur image. »
«
Je ne m’identifie pas aux autres pirates banals. » commence à expliquer le clown sans maquillage. «
Mon objectif est de sillonner le monde pour retrouver mes parents. Tout comme ma mère, j’aspire à libérer les esclaves de l’idiotie de l’être humain et de lutter contre la discrimination entre les races. » Loki hausse légèrement ses épaules. «
En soit, je deviendrai probablement un danger pour le Gouvernement Mondial, comme l’était Fisher Tiger de l’équipage des Pirates du Soleil. » Levant légèrement ses mains qui sont désormais tâcher de sang pour les meurtres qu’il a commis, Loki ne peut cependant pas oublier ce détail qui pourrait le confondre à un véritable boucher, tueur. «
Je ne cache pas que j’ai tué des gens, pas par plaisir mais par peur. J’ai perdu mes parents, ma tante et lorsque le danger guette ma sœur ou bien mes amis, je préfère user de mes griffes ou de mes dagues pour taire la menace. »
Au moment où Abigail lui tourne le dos, sûrement pour réfléchir, Loki fixe un instant le sol pour chercher ses mots.
«
Je ne désires pas changer ce que vous êtes. Vous êtes déjà parfaite. » reprend le pirate d’une voix sincère et non menteuse.
Lâchant un merci discret sur ce compliment qui lui va droit au cœur, la Cornue repose ses tendres amis poilus sur une branche d’un arbre. Pour le moment, elle n’a guère envie de donner de réponses. En fait, Abigail se sent bloquée sur cette île forestière mais également songeuse sur les paroles du jeune homme. Ayant grandi aux côtés des Woks, partir lui causerait un terrible chagrin. Ils sont après tout sa famille. Puis après un soupir silencieux, Abigail s’assoit sur un rocher et déblaie son dos de son impressionnante tignasse de cheveux.
Loki écarquille ses orbes annonciateurs de grêle et ses poings se referment de colère. Le symbole appelé : "La Griffe du Dragon volant" est marquée sur le bas du dos de la Cornue. Durant ses aventures en tant que simple artiste ambulant, le pirate en herbe avait appris que cet emblème -marqué au fer rouge- était apposé par les Dragons Célestes. Ainsi, les personnes détenant ce sceau devenaient inférieures aux humains.
«
Donc tu es venue me libérer, Loki Whitemane ? » demande la jeune femme d’une voix presque tremblante. «
J’ai cette marque depuis mon enfance. Le bateau où j’étais prisonnière a été attaqué et mes parents m’ont jeté à la mer en espérant que j’échappe à une vie de servitude. Je me suis échouée sur Endaur et les Woks m’ont recueilli. »
Pliant un genou sur le sol, le clown abaisse sa tête et fixe d’un regard désolé Abigail Drake.
«
Je vous prie de bien vouloir recevoir mes excuses. » dit-il, honteux d’avoir au final proposé à la Cornue de partir de cette île alors qu’il pourrait s’agir d’un refuge pour cette dernière. Il prend une pause, ne sachant quoi dire à présent. Les paroles lui manquent et cela permet à Abigail de se rapprocher du clown sans maquillage. «
Je retire ce… »
La Cornue coupe la parole au capitaine pirate en posant son index sur les fines lèvres de Whitemane. Tous deux s’échangent un regard. Celui de Loki est plein de confusion et celui d’Abigail dégage quelque chose d’apaisant.
«
Si tu me promets que tu tiendras parole, que tu souhaites réellement briser les chaînes des esclaves alors j’accepte de t’accompagner Loki Whitemane. Mais, je veux une promesse, pas des paroles dans le vent. »
«
Bien. » répond Loki Whitemane qui se redresse et adresse un sourire sincère -celui qui est vrai et non faux- à Abigail Drake. Il pointe le pouce droit de sa main contre son palpitant et reprend la parole. «
Je te fais le serment de tenir ma parole par la force de ma volonté ! Que je sois un simple pirate ou bien un artiste de cirque, je compte libérer les esclaves qui seront sur ma route. Quitte à y laisser ma propre vie ! »
Tout doucement, d’un geste délicat, la musicienne attrape l’auriculaire du pirate avec le sien. Elle le serre tendrement et semble convaincue par les paroles de Loki.
«
Et je te fais la promesse que ma musique et mon chant citeront tes ou plutôt nos aventures. J’accepte de te suivre, ô cher capitaine Whitemane. »
Après s’être fait chacun une promesse, tous deux se sont séparés. Abigail est revenu auprès des Woks afin de leur annoncer son départ bien que cette décision l’attriste au plus haut point. Quant à Loki, il s’est empressé d’annoncer la nouvelle à Sherry et Morgan.
Puis, après plusieurs heures, au moment où la barge provenant de Bliss est chargée de matières premières, c’est-à-dire le bois de l’île forestière, Loki et sa troupe ont réussi à monter dans le navire en se faisant encore passer par des artistes ambulants. Désormais, tous fixent Endaur qui se trouvent désormais loin de leur position. Un jour ils reviendront dans ce lieu isolé en ayant sans doute réussi quelques exploits…