Elle poussa l’armoire contre la porte. Un geste bien dérisoire, mais qui lui accorderait quelques secondes, avant de…
Quelqu’un se mit à tambouriner à la porte comme un forcené. La jeune femme s’élança vers la fenêtre la plus proche, qui donnait sur rien d’autre qu’un paysage blanc et infini. Pas moyen de l’ouvrir non plus. Elle frissonna en entendant les tentatives de défoncer la porte, derrière-elle. Elle fouilla ses affaires, renversa le contenu de son sac au sol, à la recherche de n’importe quoi, une arme, de quoi se défendre. Elle ne trouva qu’un calepin, un stylo, un coquillage, du maquillage et un escargophone, endormit. Elle le souleva sans délicatesse, renifla bruyamment, sécha ses larmes, et fit de son mieux pour réveiller l’animal. Derrière-elle, l’armoire était sur le point de céder. Elle tenta de faire abstraction, et appuya sur un bouton dissimulé sur la coquille de l’appareil. La bouche de l’escargot s’ouvrit lentement, en tremblotant. La jeune femme prit une grande inspiration.
« Mon… Mon nom est Verna Bulle, je suis journaliste, et je suis sur le point de mourir. S’il-vous-plaît, si quelqu’un m’entends, contactez la marine, n’importe qui ! C’est… Oh non, il arrive. Par pitié, aidez-m- »
La porte s’ouvrit en éclat.
« Ca y’est, t’es réveillée ? »
Elle avait l’impression de s’être fait écrasée par un cuirassée surblindé. Ouvrir un premier œil lui demanda un effort surhumain.
« ‘fait froid, » fit-elle simplement.
Le jeune homme à son chevet voulut l’aider à se lever, puis se ravisa presque immédiatement.
« T’as jeté la dernière couverture à la mer, après que j’ai dormi dedans. Soit disant elle était con… conta…
- Contaminée. Ouais. »
Les souvenirs les plus récents lui revinrent en tête comme une balle propulsée à toute allure. Elle avait voulu fermer l’oeil quelques minutes. Erreur monumentale, puisqu’elle s’était tout juste réveillée, bien trois heures après. Le trajet depuis leur départ des Pythons n’avaient pas eu l’effet escompté ; bien loin de ses blessures et son épuisement habituels, elle avait du mal à s’en remettre.
« Les autres ? Demanda-t-elle.
- Euh… Le lieutenant est parti ramener le prisonnier, et les pond-… Les filles, pardon, sont parties en ville.
- Et toi ?
- Ben moi, je suis là.
- Tu branles quoi ?
- Ben… J’avais pas trop envie, je suis bien là. Puis on sait jamais, t’aurais pu jamais te réveiller, et…
- Merci, Mevrinn. »
C’était un petit être chêtif, brun, mal coiffé, à l’allure presque malade. Klara le savait pourtant être un chasseur aguerri et particulièrement dangereux. Dans son état actuel, elle n’était même pas sûr de pouvoir lui tenir tête. Il avait passé la majeur partie de sa vie dans les abords sauvages des Pythons Rocheux, bien à l’abri de la civilisation. Il avait tout oublié de la vie extérieure, de sa vie d’avant. Trop épuisée pour faire quoi que ce soit de productif durant le voyage, Klara et lui avaient passé une bonne partie de leur temps à essayer de faire ressurgir en lui de vieux souvenirs, et de lui apprendre quelques éléments de bien-séance et d’attitude à adopter en société. Que la chasseuse aie pu lui apprendre quoi que ce soit en disait long sur le retard qu’il avait a rattrapé. Il avait fallu, par exemple, lui expliquer longuement que les sacrifices humains étaient en fait plutôt rare et mal vus, ce qui ne lui avait pas bien plu au début.
La chasseuse parvint finalement à se lever, attendit quelques secondes que sa migraine se dissipe, puis quitta enfin son lit pour de bon. Elle poussa d’une main le rideau qui séparait la cabine du minuscule pont de son navire. Le vent frais lui fouetta le visage de plein fouet, aussi revigorant que frigorifiant. Elle posa une main sur la rembarde du navire, l’autre enfoui sous une couche de vêtement, au même titre que tout le reste du bras, souffrant encore de vives brûlures subies durant sa dernière escale. Ils avaient accostés près de ce qui semblait être le port principal de l’île, à l’activité intense et ininterrompue. Derrière eux, le navire des malheureuses Sailors, réquisitionné par Garnier et ses amies, qui avait bien plus fier allure que l’embarcation de la chasseuse, qui lui convenait pourtait parfaitement. Elle n’avait rien à compenser. Elle n’avait cependant pas prévu de prendre un colocataire avec elle.
Elle sauta sur le ponton en contre-bas, et tâta le sol du pied, heureuse de se trouver enfin sur la terre ferme. Mevrinn ne bougeait pas.
« Dépêche-toi, j’ai envie de marcher.
- Ben…
- Quoi ?
- Faut quelqu’un pour surveiller le navire ! Je vais rester.
- Y’a je sais pas combien d’uniformes qui patrouillent, ça craint rien.
- On sait jamais.
- Descend.
- Non, vraiment, je suis bien là.
- C’est pas parce que tu m’as sauvé la vie que je vais pas te casser la gueule. T’as peur de quoi ?
- Rien.
- …
- Bon, d’accord. C’est pas normal.
- De quoi, l’île ?
- Tout. On devrait pas être là. C’est impossible, de quitter les Pythons ! J’ai essayé de te l’expliquer plein de fois !
- Et pourtant on est bien là.
- Justement, c’est pas normal. On m’a parlé d’illusion, au village, et…
- Tu veux dire que le port existe pas ? Et la terre non plus ?
- Voilà ! »
La boue qu’il reçut au visage indiqua au jeune homme qu’il s’était manifestement trompé.
« Allez, viens.
- Attends… C’est peut-être vrai, tout ça, mais moi…
- Quoi ?
- Mais moi, j’ai jamais rien connu d’autre. En tout cas, j’m’en souviens pas.
- Alors saisis ta chance avant que je t’abandonne ici.
- C’est la première fois que je vais mettre un pied, tu sais… Ailleurs.
- T’as pas envie de voir ce que ça fait ?
- Si. Mais c’est pas facile, donne moi une minute.
- T’as trente secondes. »
« Alors ?
- Ca fait pas grand-chose, en fait. »
Ils marchaient en direction des baraquements. Mevrinn n’en menait pas large, et sa démarche peu assurée donnait l’impression qu’il allait tomber dans le grand vide à chaque pas qu’il osait faire. Il resta pourtant bien planté sur terre, à sa plus grand surprise. Après le premier escalier qui menait aux entrepôts de déchargeage, il commença à s’habituer à ce nouveau monde. La civilisation, ça s’appelait. Les gens l’observaient, avec l’oeil mauvais pour la plupart. Sa tenue de fortune, parfaitement adaptée à la vie dans la jungle, faisait particulièrement tâche ici. Il hésita à leur en mettre une, mais d’après ce que lui avait appris les filles durant le trajet, tout ne se réglait pas avec les poings, une affirmation qui était sujet à débat pour la chasseuse.
« On va où ? Demanda Mevrinn comme un enfant impatient.
- Au bureau d’accueil, ou à l’office de tourisme.
- Je sais pas ce que c’est.
- Un endroit où on peut en apprendre plus sur ce pays. Ensuite, on va me chercher un nouvel escargophone.
- Je sais pas ce que c’est.
- Un escargot qui permet de parler à des gens à distance.
- Ca n’a aucun sens. »
Ils s’arrêtèrent devant un vieux bâtiment, dont la devanture était orné d’une joli présentoir rempli de cartes et de prospectus. Klara en attrapa un qu’elle déplia rapidement, Mevrinn l’imita à la perfection.
« Tu vois quelque chose qui parle de la recharge du log pose ? Demanda la chasseuse.
- Non, nul part.
- Tu sais lire, au moins ?
- Bien sûr que non. »
Sept jours. Une semaine complète à rester ici. De quoi explorer la ville, ses alentours, et surtout, ne pas s’ennuyer. S’ennuyer, c’est avoir le temps de réfléchir et de penser à sa vie, et c’est tout ce que la chasseuse détestait. Surtout, faire quelque chose. Un boulot, par exemple. Des salopards, y’en a partout. Il lui fallait juste en trouver un pas trop costaud, parce qu’avec son bras en bouilli, mieux valait éviter de s’attaquer à trop gros. Et puis elle avait ces migraines, cette fatigue, et… Plutôt des vacances, en fait. Du tourisme. Des randonnées, de la culture. Rien de dangereux.
« Et voilà ! C’est du neuf, ma bonne dame ! »
Le vieil homme ventripotant la sortit de ses rêveries. Dans sa main qu’il lui tendait se trouvait un escargophone ravit d’être adopté. Il machouillait une fine lamelle de carotte.
« C’est du bon matériel, ça oui ! Bon, à part… Vous savez, si vous vous aventurez dans la Brume. Mais sinon, impec ! Ca capte partout. C’est un bon petit. »
Elle avait lu des choses sur cette Brume qui englobe une vaste partie de Nebelreich, dans son dépliant. S’y aventurer était dangereux pour un bon nombre de raisons différentes, mais une des plus importante était son étrange facultée à brouiller tout moyen de communication.
« Merci. »
Elle se saisit de l’appareil-vivant, et l’approcha de son visage. L’escargot crachotait, comme s’il s’étranglait avec son repas pourtant maigre. Klara lui tapota légèrement la tête avec son index. Ses toussotements se transformèrent en râle, puis en bruit blanc, et enfin, en une voix féminine.
« Par pitié, aidez-moi ! Je m’appelle Verna Bulle, je suis journaliste, et… »
Plus rien. Surprise, la chasseuse leva les yeux vers le vendeur de la petite boutique dans laquelle ils se trouvaient. Il se contenta de lui adresser un maigre sourire et de ranger ses outils comme si de rien n’était.
« Ca fait une bonne semaine que ça passe en boucle, voir p’tête deux. Ca s’est calmé, mais de temps en temps, un escargophone capte un résidut de signal et retransmet le message.
- C’est qui, cette Bulle ?
- Personne ne sait ! Les autorités ont bien essayé d’enquêter, mais y z’ont sûrement rien appris, parce qu’on en a plus entendu parlé. C’est devenu une sorte de légende. À chacun sa petite théorie !
- La vôtre, c’est quoi ?
- Ma théorie c’est que des gamins ont décidé de faire une petite blague. D’habitude, j’aime pas les blagues, mais là les gens se sont précipités dans mon magasin pour essayer de m’acheter un appareil qui capte le message et l’écouter eux-même. Les affaires ont bien marchées pendant une petite semaine, ‘pis les gens se sont lassés. »
Klara rangea son nouvel appareil dans sa poche, un peu déçue, puis paya son dû au vieillard, avant de rejoindre Mevrinn à l’extérieur.
« Et maintenant ? Fit-il.
- Maintenant, je voudrais bien rejoindre le lieutenant. Il doit avoir récupéré la prime de l’autre con, maintenant, et je veux ma part. »
Quelqu’un se mit à tambouriner à la porte comme un forcené. La jeune femme s’élança vers la fenêtre la plus proche, qui donnait sur rien d’autre qu’un paysage blanc et infini. Pas moyen de l’ouvrir non plus. Elle frissonna en entendant les tentatives de défoncer la porte, derrière-elle. Elle fouilla ses affaires, renversa le contenu de son sac au sol, à la recherche de n’importe quoi, une arme, de quoi se défendre. Elle ne trouva qu’un calepin, un stylo, un coquillage, du maquillage et un escargophone, endormit. Elle le souleva sans délicatesse, renifla bruyamment, sécha ses larmes, et fit de son mieux pour réveiller l’animal. Derrière-elle, l’armoire était sur le point de céder. Elle tenta de faire abstraction, et appuya sur un bouton dissimulé sur la coquille de l’appareil. La bouche de l’escargot s’ouvrit lentement, en tremblotant. La jeune femme prit une grande inspiration.
« Mon… Mon nom est Verna Bulle, je suis journaliste, et je suis sur le point de mourir. S’il-vous-plaît, si quelqu’un m’entends, contactez la marine, n’importe qui ! C’est… Oh non, il arrive. Par pitié, aidez-m- »
La porte s’ouvrit en éclat.
***
« Ca y’est, t’es réveillée ? »
Elle avait l’impression de s’être fait écrasée par un cuirassée surblindé. Ouvrir un premier œil lui demanda un effort surhumain.
« ‘fait froid, » fit-elle simplement.
Le jeune homme à son chevet voulut l’aider à se lever, puis se ravisa presque immédiatement.
« T’as jeté la dernière couverture à la mer, après que j’ai dormi dedans. Soit disant elle était con… conta…
- Contaminée. Ouais. »
Les souvenirs les plus récents lui revinrent en tête comme une balle propulsée à toute allure. Elle avait voulu fermer l’oeil quelques minutes. Erreur monumentale, puisqu’elle s’était tout juste réveillée, bien trois heures après. Le trajet depuis leur départ des Pythons n’avaient pas eu l’effet escompté ; bien loin de ses blessures et son épuisement habituels, elle avait du mal à s’en remettre.
« Les autres ? Demanda-t-elle.
- Euh… Le lieutenant est parti ramener le prisonnier, et les pond-… Les filles, pardon, sont parties en ville.
- Et toi ?
- Ben moi, je suis là.
- Tu branles quoi ?
- Ben… J’avais pas trop envie, je suis bien là. Puis on sait jamais, t’aurais pu jamais te réveiller, et…
- Merci, Mevrinn. »
C’était un petit être chêtif, brun, mal coiffé, à l’allure presque malade. Klara le savait pourtant être un chasseur aguerri et particulièrement dangereux. Dans son état actuel, elle n’était même pas sûr de pouvoir lui tenir tête. Il avait passé la majeur partie de sa vie dans les abords sauvages des Pythons Rocheux, bien à l’abri de la civilisation. Il avait tout oublié de la vie extérieure, de sa vie d’avant. Trop épuisée pour faire quoi que ce soit de productif durant le voyage, Klara et lui avaient passé une bonne partie de leur temps à essayer de faire ressurgir en lui de vieux souvenirs, et de lui apprendre quelques éléments de bien-séance et d’attitude à adopter en société. Que la chasseuse aie pu lui apprendre quoi que ce soit en disait long sur le retard qu’il avait a rattrapé. Il avait fallu, par exemple, lui expliquer longuement que les sacrifices humains étaient en fait plutôt rare et mal vus, ce qui ne lui avait pas bien plu au début.
La chasseuse parvint finalement à se lever, attendit quelques secondes que sa migraine se dissipe, puis quitta enfin son lit pour de bon. Elle poussa d’une main le rideau qui séparait la cabine du minuscule pont de son navire. Le vent frais lui fouetta le visage de plein fouet, aussi revigorant que frigorifiant. Elle posa une main sur la rembarde du navire, l’autre enfoui sous une couche de vêtement, au même titre que tout le reste du bras, souffrant encore de vives brûlures subies durant sa dernière escale. Ils avaient accostés près de ce qui semblait être le port principal de l’île, à l’activité intense et ininterrompue. Derrière eux, le navire des malheureuses Sailors, réquisitionné par Garnier et ses amies, qui avait bien plus fier allure que l’embarcation de la chasseuse, qui lui convenait pourtait parfaitement. Elle n’avait rien à compenser. Elle n’avait cependant pas prévu de prendre un colocataire avec elle.
Elle sauta sur le ponton en contre-bas, et tâta le sol du pied, heureuse de se trouver enfin sur la terre ferme. Mevrinn ne bougeait pas.
« Dépêche-toi, j’ai envie de marcher.
- Ben…
- Quoi ?
- Faut quelqu’un pour surveiller le navire ! Je vais rester.
- Y’a je sais pas combien d’uniformes qui patrouillent, ça craint rien.
- On sait jamais.
- Descend.
- Non, vraiment, je suis bien là.
- C’est pas parce que tu m’as sauvé la vie que je vais pas te casser la gueule. T’as peur de quoi ?
- Rien.
- …
- Bon, d’accord. C’est pas normal.
- De quoi, l’île ?
- Tout. On devrait pas être là. C’est impossible, de quitter les Pythons ! J’ai essayé de te l’expliquer plein de fois !
- Et pourtant on est bien là.
- Justement, c’est pas normal. On m’a parlé d’illusion, au village, et…
- Tu veux dire que le port existe pas ? Et la terre non plus ?
- Voilà ! »
La boue qu’il reçut au visage indiqua au jeune homme qu’il s’était manifestement trompé.
« Allez, viens.
- Attends… C’est peut-être vrai, tout ça, mais moi…
- Quoi ?
- Mais moi, j’ai jamais rien connu d’autre. En tout cas, j’m’en souviens pas.
- Alors saisis ta chance avant que je t’abandonne ici.
- C’est la première fois que je vais mettre un pied, tu sais… Ailleurs.
- T’as pas envie de voir ce que ça fait ?
- Si. Mais c’est pas facile, donne moi une minute.
- T’as trente secondes. »
*
« Alors ?
- Ca fait pas grand-chose, en fait. »
Ils marchaient en direction des baraquements. Mevrinn n’en menait pas large, et sa démarche peu assurée donnait l’impression qu’il allait tomber dans le grand vide à chaque pas qu’il osait faire. Il resta pourtant bien planté sur terre, à sa plus grand surprise. Après le premier escalier qui menait aux entrepôts de déchargeage, il commença à s’habituer à ce nouveau monde. La civilisation, ça s’appelait. Les gens l’observaient, avec l’oeil mauvais pour la plupart. Sa tenue de fortune, parfaitement adaptée à la vie dans la jungle, faisait particulièrement tâche ici. Il hésita à leur en mettre une, mais d’après ce que lui avait appris les filles durant le trajet, tout ne se réglait pas avec les poings, une affirmation qui était sujet à débat pour la chasseuse.
« On va où ? Demanda Mevrinn comme un enfant impatient.
- Au bureau d’accueil, ou à l’office de tourisme.
- Je sais pas ce que c’est.
- Un endroit où on peut en apprendre plus sur ce pays. Ensuite, on va me chercher un nouvel escargophone.
- Je sais pas ce que c’est.
- Un escargot qui permet de parler à des gens à distance.
- Ca n’a aucun sens. »
Ils s’arrêtèrent devant un vieux bâtiment, dont la devanture était orné d’une joli présentoir rempli de cartes et de prospectus. Klara en attrapa un qu’elle déplia rapidement, Mevrinn l’imita à la perfection.
« Tu vois quelque chose qui parle de la recharge du log pose ? Demanda la chasseuse.
- Non, nul part.
- Tu sais lire, au moins ?
- Bien sûr que non. »
*
Sept jours. Une semaine complète à rester ici. De quoi explorer la ville, ses alentours, et surtout, ne pas s’ennuyer. S’ennuyer, c’est avoir le temps de réfléchir et de penser à sa vie, et c’est tout ce que la chasseuse détestait. Surtout, faire quelque chose. Un boulot, par exemple. Des salopards, y’en a partout. Il lui fallait juste en trouver un pas trop costaud, parce qu’avec son bras en bouilli, mieux valait éviter de s’attaquer à trop gros. Et puis elle avait ces migraines, cette fatigue, et… Plutôt des vacances, en fait. Du tourisme. Des randonnées, de la culture. Rien de dangereux.
« Et voilà ! C’est du neuf, ma bonne dame ! »
Le vieil homme ventripotant la sortit de ses rêveries. Dans sa main qu’il lui tendait se trouvait un escargophone ravit d’être adopté. Il machouillait une fine lamelle de carotte.
« C’est du bon matériel, ça oui ! Bon, à part… Vous savez, si vous vous aventurez dans la Brume. Mais sinon, impec ! Ca capte partout. C’est un bon petit. »
Elle avait lu des choses sur cette Brume qui englobe une vaste partie de Nebelreich, dans son dépliant. S’y aventurer était dangereux pour un bon nombre de raisons différentes, mais une des plus importante était son étrange facultée à brouiller tout moyen de communication.
« Merci. »
Elle se saisit de l’appareil-vivant, et l’approcha de son visage. L’escargot crachotait, comme s’il s’étranglait avec son repas pourtant maigre. Klara lui tapota légèrement la tête avec son index. Ses toussotements se transformèrent en râle, puis en bruit blanc, et enfin, en une voix féminine.
« Par pitié, aidez-moi ! Je m’appelle Verna Bulle, je suis journaliste, et… »
Plus rien. Surprise, la chasseuse leva les yeux vers le vendeur de la petite boutique dans laquelle ils se trouvaient. Il se contenta de lui adresser un maigre sourire et de ranger ses outils comme si de rien n’était.
« Ca fait une bonne semaine que ça passe en boucle, voir p’tête deux. Ca s’est calmé, mais de temps en temps, un escargophone capte un résidut de signal et retransmet le message.
- C’est qui, cette Bulle ?
- Personne ne sait ! Les autorités ont bien essayé d’enquêter, mais y z’ont sûrement rien appris, parce qu’on en a plus entendu parlé. C’est devenu une sorte de légende. À chacun sa petite théorie !
- La vôtre, c’est quoi ?
- Ma théorie c’est que des gamins ont décidé de faire une petite blague. D’habitude, j’aime pas les blagues, mais là les gens se sont précipités dans mon magasin pour essayer de m’acheter un appareil qui capte le message et l’écouter eux-même. Les affaires ont bien marchées pendant une petite semaine, ‘pis les gens se sont lassés. »
Klara rangea son nouvel appareil dans sa poche, un peu déçue, puis paya son dû au vieillard, avant de rejoindre Mevrinn à l’extérieur.
« Et maintenant ? Fit-il.
- Maintenant, je voudrais bien rejoindre le lieutenant. Il doit avoir récupéré la prime de l’autre con, maintenant, et je veux ma part. »