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Question d'aménagement

Ces jours-ci, l'ambiance est des plus délectables sur le Passeur. Tout le monde il se sent plus beau, tout le monde il se sent plus fort, le ciel il est plus bleu, la bouffe du cuistot qu'est pas bonne ben elle est quand même meilleure... Et à un degré de conséquences plus personnel, plus de volontaires qui viennent claquer leur solde à ma table ou plus de largesses de la part des supérieurs niveau stock de picole qui disparait entre autre. Du tout bon. Et y'a une raison précise à cette atmosphère euphorique.

On a arrêté du méchant pirate y'a pas longtemps, au QG de West Blue. Forcément, ça en jette. Conséquence logique, on a été adulé de la population et félicité de l'organisme de la marine comme il se doit pour le service rendu. Et c'est pas si désagréable que ça, quoi qu'on veuille en dire, de se sentir estimé. Les gars qui se la jouent j'ai pas d'égo jm'en cogne, c'est juste les plus tordus du lot qui préfèrent s'admirer eux-même pour la modestie dont ils font preuve que de profiter d'un bain de foule comme tout le monde. Ptetre même que je suis de ceux-là, d'ordinaire, mais là, à circonstances exceptionnelles, réactions recalibrées.

Ça, c'est pour le côté sympa deux minutes.

Le reste, dans le plus concret, c'est d'abord un petit remerciement de Dieu sait qui sous la forme de deux paires de menottes en Granit Marin. Le truc qui calme les possesseurs de Fruit du Démon. J'dois avouer que celles-là, je les garde tout le temps sur moi maintenant, et qu'avec ça, je me sens un peu plus investi dans mon rôle de geôlier. Parce que faut bien reconnaître que niveau affluence au sous-sol, y'a quand même pas foule.

Dans du plus savoureux encore, il y a l'oseille. Hé oui, c'est quand même ça le nerf de la guerre, pas vrai ? Pas moins de 3 Millions pour la capture du grand méchant loup, plus un autre demi-million pour un accessit. Et une chose de sûre les copains, ça met du beurre dans les épinards, y'a pas de doutes. Moi, j'veux bien faire marine toute ma vie si c'est pour ratisser autant à chaque fois.

Aussi, dans mon esprit commence à germer une conclusion qui ne me serait jamais parvenue il y a quelques jours encore. La vie de marine, ça peut avoir du bon. Faut juste voir à peaufiner les détails pour donner à l'ensemble un peu plus d'allure. Et le plus tôt sera le mieux.

Lorsqu'est venu l'autre jour le moment d'énoncer les récompenses diverses attribuées à l'équipage, j'ai entendu le capitaine parler d'un réaménagement des locaux côté geôles. Chez moi. Depuis lors, j'ai cogité la question, mûrement, au point de ne pas m'envoyer autant de bibine que d'habitude manière de garder les idées claires dans ma réflexion. Et le bilan des courses, c'est que j'ai peut-être de quoi faire passer le niveau de vie à bord de provisoirement sympathique à fichtrement intéressant. Un truc bien noble. À sa façon. Le tout est de s'adresser aux bonnes personnes et de les convaincre du bien-fondé de la démarche.

Et c'est ce soir que je vais me lancer.

-Hey, le Corbeau, le gradé le plus tendre de l'équipage, ce serait qui pour toi ?

-Bah. Y'en a pas vraiment dans la catégorie pied-plat, je crois. Paire de 3, à toi de jouer Caporal.

-J'annonce un 7. Jte parle pas de tendre dans ce sens; je dis le plus ouvert.

-Ah, alors, toi pour sûr.

-Un huit, gagnant. Et c'est comme dit le Corbeau, Caporal, c'est vous le plus cool.

Sans blague.

-Jveux dire, parmi les haut-gradés, les gars.

-Pas la semi-portion ça va de soi... À toi de parler, Thomson.

-...la gamine c'est une tigresse... Un 5 et un 1.

-...raté. et le vieux veut pendre n'importe qui n'importe quand... Je relance pour un huit.

Ces gars seraient des lumières s'ils s'efforçaient pas de passer pour des couillons.

-Le Capitaine, donc.

-Ben...

-Ouaip.

-Ouaip.

-Ouaip.

De vraies lumières.

-Pourquoi ?

-Hm, comme ça juste. Par curiosité.

-Ouais, ben en attendant, c'est à toi de parler, Caporal.

-Sans moi les gars, j'ai à faire.

Sous le regard étonné des trois autres joueurs, j'écrase ma clope et m'éclipse de la cale sans un mot.

Mon impression personnelle a été largement confortée par l'opinion de mes plus fidèles habitués. S'il y en a un auprès duquel mon idée a une chance de passer, c'est bien le Grand Sachem himself. Alors, allons-y.

Je remonte sur le pont, profitant quelques instants de l'horizon rougeoyant qu'offre le soleil couchant, puis me dirige vers le bureau du Capitaine. Quelques gars me zieutent, curieux de me voir épousseter mon costard puis toquer à sa porte, en lâchant un distinct " Monsieur ?". Pour sûr, c'est une scène d'une rareté inouïe. Mais les fureteurs n'en sauront pas plus. Quand la voix forte du boss m'indique d'entrer, je m'exécute et referme méticuleusement la porte derrière moi. Puis, sans faire dans les simagrées, je déballe l'affaire devant le quarantenaire, tranquillement installé dans son fauteuil qui me fixe, peut-être étonné de ma présence lui aussi, mais néanmoins impassible.

-Capitaine, je vous ai entendu parler de rénovations dans la zone des cellules, l'autre jour. Aussi, étant sans exagération le premier concerné par ses travaux, il serait bon de m'apporter quelques détails sur les projets avancés. De même, je pense être à même d'apporter un regard éclairé sur la question et vous propose donc mon avis sur la question si vous désirez l'entendre bien entendu.

Une entrée en matière plutôt sage, mais qui laisse déjà présager de plus amples négociations.
    Le Passeur gravite autour du QG de West Blue depuis un moment maintenant. L'équipage, célébré, a reçu bon accueil auprès des instances de la Marine et même du Gouvernement Mondial. Le plus dangereux pirate solitaire des Blues avait été mis derrière les barreaux, il s'agissait à la fois d'un haut fait glorieux pour la Marine, mais également de la justice rendue pour toutes les victimes de cet être. Le chaos avait reculé d'une case sur le damier du pouvoir.

    Les pirates, épargnés mais néanmoins indésirables, ont été chassés les uns après les autres de l'île. Mieux encore, le Capitaine Hadoc reçut la confirmation que cette attaque avait frappé la conscience du monde. Les Blues aussi méritaient d'avoir une sérieuse protection. D'importants navires en provenance de Grandline étaient en route pour renforcer chaque base majeure. Il restait au Passeur le temps d'effectuer les travaux sur le navire, le robot et le Commandant pour être prêt à reprendre le large. L'euphorie de la victoire rendait les jours d'exil des pirates vacanciers, à la limite de la conscience du travail. Il n'en demeurait pas moins accompli avec professionnalisme, mais depuis quelques temps, les plaintes internes avaient diminué, La contrôleuse Leanne pensait plus à sa commande gants qu'à les ôter pour s'adresser aux autres. Et même Trovahechnik, humain malgré tout, semblait un peu adouci par la perspective de devenir deux fois plus performant sitôt les opérations terminées.

    Est-ce son absence du navire pour raison médicale qui invite le Caporal Achilia à traverser son bureau vide pour rejoindre celui du Capitaine ? En tout cas, la manière de frapper n'était pas répertoriée dans la tête de Gharr, la personne de l'autre côté était parfaitement anonyme.

    Entrez!

    La surprise est de taille, d'un mètre nonante quatre-vingt dix environ. Ce "monsieur" était donc de lui, c'était la première fois qu'il prononçait ce mot en sa présence. Le Capitaine fixe Achilia comme s'il lui faisait un rapport sceptique sur l'état des machines, avec le masque de la dignité impassible pour ne pas trahir les réels pics de sentiments. Il est surtout très amusé de voir son plus marginal Caporal prendre les choses en main et aller de l'avant pour s'investir dans la vie à bord. Lui qu'il faut toujours aller chercher, cette fois la surprise est pour le moins agréable.

    Qui d'autre mieux que vous est apte à apporter un point de vue adéquat Caporal ? Asseyez-vous.

    Pendant que Rik s'exécute, Gharr ouvre la poche révolver de son bureau pour en extraire une bouteille d'alcool de riz et une paire de petits verres en porcelaine assortis avec le récipient et le plateau. Il sert un verre au Caporal en justifiant:

    J'ai eu plus d'une occasion de constater que vous étiez amateur d'alcools, celui-ci est un artisanal de Kawai, village de Shimotsuki. Il n'est pas très cher, vu sa qualité, mais la production permet à peine d'exporter quelques caisses. Il n'est pas servi à température du corps, mais il n'en reste pas moins très appréciable.

    Hadoc boit le tiers de son verre et le pose. Un autre tiroir du bureau s'ouvre et un plan dessiné épouse le plat de la table.

    Voici le projet. Deux grandes cellules grillagées servant à accueillir la masse, les criminels sans envergure ni haut degré de dangerosité. Chaque cage est conçue pour accueillir dix personnes, mais on peut les serrer en cas de force majeur. La taille et le poids du navire ne permet pas de faire plus grand de toute façon.

    Ici, vous avez six cellules individuelles d'un mètre sur un mètre et demi, sans hublot et scellée par une porte blindée. Les individuelles sont étroites parce que les murs, le sol et le plafond sont renforcés. On ne peut se permettre le moindre trou dans un bout de bois sur l'eau. J'ai demandé au QG de West d'installer un système de gazage au soporifique pour endormir toute menace, ils s'en occupent dans deux jours. N'oubliez pas de maintenir la glissière à repas fermée ou nous risquons tous un sévère coup de fatigue.

    Les cages forment l'abdomen, les pattes de l'insecte les cellules, la tête est pour vos quartiers. Ce n'est pas très grand, mais vous y serez tranquille. On accède au projet par le cou de l'insecte.


    A présent, le Capitaine pousse le plan vers le rebord du Caporal et se tait, attentif à ce qu'il répondra sur la rénovation.
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    Le Capitaine est un drôle de personnage. On a l'impression de tout savoir de l'individu au premier regard et pourtant en définitive, on ne sait jamais trop sur quel pied danser avec lui. C'est ptetre pour ça que je me plais ici et que j'ai troqué mon costume de joueur contre l'étiquette de défenseur de la Justice. Ou peut-être pour la paye bi-mensuelle qui tombe. Ptetre bien ouais. Mais une chose de sûre, le chef, il difficile à cerner. Et ça peut jouer des tours, une incertitude pareille.

    Prenons mon cas particulier; en arrivant à bord du Passeur à jouer les tires-au-flanc y'a de ça un mois, je pensais me faire souffler dans les bronches comme pas deux, mais j'ai pas eu droit à une seule remontrance. Idem lorsque le rituel de mes petites soirées en sous-sol s'est installé. Alors, laxiste, le boss ? Pas vraiment.

    Si l'on tient compte de l'intransigeance du bonhomme au combat et de l'image de droiture et de rigueur qu'il renvoie à tous ceux qu'il côtoie, je peux pas parier un copec sur mes chances de le persuader de mener à bien mon petit projet.

    Et pourtant, voilà qu'il me sert généreusement d'une liqueur sortie de sa réserve personnelle en répondant favorablement à ma première requête, celle d'être au moins entendu. Comme ça, sans qu'aucun indice ne le laisse prévenir. Okay, Kampaï. Je lève mon verre en regardant mon Supérieur, et trempe les lèvres dans le breuvage qu'il m'offre, attentif à son exposé sur les geôles.

    Ma première sensation au fur et à mesure qu'il détaille ses explications, est que l'homme en plus d'être bon hôte et combattant émérite, sait faire preuve de discernement et de lucidité dans la très grande majorité de ses choix. Peut-être même tous. Inutile donc de chercher à l'emberlificoter avec des arguments douteux. D'un autre côté, si je lui fais valoir mon point de vue avec justesse, il y a de fortes chances pour qu'il accède à ma requête.

    Alors j'attends qu'il mette un terme à ses propos et se montre prêt à m'écouter en retour, pour lui exposer ma vision des choses. Ça y est, il s'est tu. Il me regarde. Bien.


    -Capitaine...

    Hmm...ça me ressemble pas ça. Jamais été trop à l'aise avec les titres, ce serait curieux que je m'y mette aujourd'hui. D'un trait, je vide mon verre encore largement rempli. Puis me racle légèrement la gorge tout en lançant un sourire satisfait à l'autre, pour lui signifier le succès que remporte sa liqueur auprès de mon palet, avant de reprendre.

    -Avant toute chose, j'abonde en votre sens, les améliorations auxquelles vous avez procédé sont pertinentes, les conditions de sécurité et de surveillance s'en voient évidemment renforcées. S'il n'était question que de perfectionner l'environnement des cellules, je n'y trouverais rien à redire. Cependant, l'objet de ma demande ne concerne pas le degré de protection de cette cale, mais bien sa nature. Aussi serait-il bon de vous prévenir. Le projet que je viens vous présenter, beaucoup le trouveraient irrecevable. Contraire à toute forme de règlement militaire ou que sais-je. Simplement, pour commencer à vous connaître, il me semble que vous savez alterner rigoureuse fermeté et nécessaire tolérance. Aussi, autant jouer cartes sur table. J'espère que vous saurez reconnaître le bien-fondé de mes propos.

    Ça c'est pour le mettre dans l'ambiance. Maintenant, andale.

    -Vous n'êtes sans doute pas sans savoir qu'il arrive occasionnellement aux matelots de descendre à la cale, pour passer leur temps libre en partie de cartes et autres jeux. J'ai ma part de responsabilité dans ces habitudes, et ignore si ces pratiques étaient de coutume ici avant le début de mon engagement à bord du Passeur, mais je pense pouvoir affirmer qu'en dépit des égards que nous récoltons de la part de nos détracteurs pour notre attitude, jamais ses divertissements n'ont pris le pas sur nos engagements envers la Marine, lorsque le moment venu, nous devions les tenir.

    Jusque là, je me donnerai le bon Dieu sans confession.

    -Cependant, ses soirées ont un statut particulier, et certains considèrent dans le tort voire l'infraction ceux qui y participent. Aussi suggèrerai-je la chose suivante. Dans un premier temps, autorisez officiellement à bord de votre Navire ses séances. Et d'autre part, élargissez ce principe à tous les occupants de ce navire, prisonniers y compris.

    Bon, au moins, il a pas avalé son verre de travers, c'est un premier point.

    -Non, ce n'est pas la Voix de la sédition qui s'exprime par mes mots. Mais celle du bon sens. Mon projet, vous l'aurez compris, consiste à lancer au sein même du Passeur un établissement de jeu. Contrôlé. Rigoureusement. Certes l'idée peut paraître loufoque, mais l'équipage y tirerait à mes yeux d'indéniables avantages. En premier lieu et conséquemment au problème soulevé relatif au statut des rassemblements à la cale, cela clarifierait la situation. Ce qui renforcerait tout naturellement votre autorité, si tant est qu'elle ait eu à souffrir de cet épisode, puisque vous assumeriez l'existence de cet établissement. Lui apportant sa légitimité du même coup.

    D'autre part, quelles activités y seraient proposées ? Celles d'un casino, bien évidemment. Toutes proportions gardées. L'espace ne serait pas réaménagé, aussi serait-il suffisant pour ouvrir deux tables de jeu. Il s'y jouerait de l'argent, bien évidemment, mais tout restera contrôlé comme il se doit. Hors de question de créer des distentions dans l'équipage. Des gains générés, un pourcentage à définir repartirait dans les caisses de notre intendance. Un procédé plutôt ludique mais néanmoins lucratif.

    Ludique, lucratif, et qui bien entendu ne devrait en aucun cas être source de trouble pour l'équipage. Il est évident qu'aucun matelot de quart ne pourrait pénétrer dans la cale. De même qu'aucun individu ne pourrait en ressortir ivre par exemple. La liste des précautions pourrait être longue mais les hommes sont des gars responsables, et il serait insultant de leur faire signer une sorte de règlement intérieur. Si le projet se conclut, le bon-sens commun primera.

    Le bon-sens des hommes, et le mien également. Sans être un modèle de probité ou de rigueur, je remplis toujours mes obligations et sais rester à ma place. Ce projet me tient à cœur, mais je ne ferais rien qui puisse mettre en péril la sécurité du vaisseau ou des hommes. Cependant, j'estime que de nos prisonniers, certains seraient à même de prendre part à ses évènements. Un regard clairvoyant suffirait à définir lesquels de nos pensionnaires pourraient prétendre à s'amuser un peu. En outre, des hommes maintenus dans un environnement favorable sont plus enclins à parler, pratique de la torture exceptée. Mais elle n'est heureusement pas de rigueur à bord de ce bâtiment.

    Quant aux questions de sécurité, si elles peuvent jouer en faveur de ce projet, je vous soumets l'idée d'ajouter des Visio Den-Den Mushi dans le compartiment entier et d'assigner un homme à leur visionnage pour prévenir tout débordement, que le projet du casino aboutisse ou non. En ultime recours, les menottes en Granit Marin que vous m'avez fait obtenir suite à notre action au QG de West Blue pourront toujours faire leur office. Là aussi, difficile de faire mieux en matière de protection et surveillance. Je défie n'importe quel autre navire des Blues de proposer meilleur système.

    Pour finir, je tiens à préciser, bien que cela semble évident, que cet établissement, même si j'en endosse la responsabilité et la gestion, serait entièrement sous votre contrôle. Vous seriez bien évidemment libre de mettre fin à cette activité à la moindre anicroche.


    Je me tais. J'ai fourbi mes arguments. Avec justesse il me semble. Reste à savoir ce qu'en pense le boss en face. Je termine quand même sur une dernière anecdote susceptible de relancer le débat derrière.

    -Si le projet représente pour vous matière à réflexion, j'aimerais ensuite aborder un point précis, celui des effectifs à embaucher pour la bonne marche d'un pareil établissement.

    Ben oui, s'il n'y avait que celà, ce serait presque trop facile.

    Spoiler:
      Certains discours ont beau être longs, leur teneur se dévoile dès la première exclamation. La première phrase du Caporal était un rhétorique "oui,mais", une façon habile du langage de louer l'autre ou de se rabaisser pour aplatir la méfiance, la réticence, le sens critique. Technique classique, surtout pour les gens comme Achilia. Le baratin faisait partie du kit du bluffer professionnel, celui qui vous vend un appareil que vous n'utiliserez jamais ou qui vous convainc de relancer une mise perdue de plus sur la table. Hadoc se tait et écoute, attentif. Rik dévoile son idée, il veut agrandir et officialiser son tripot dans l'étage des cellules. Cette petite fraude tacitement tolérée se voulait à présent exposée au grand jour, sans plus aucun voile pour laisser au Renard sa zone de liberté totale. Zone qui accueillerait également des prisonniers supposés coopérer parce qu'ils ont joué aux cartes et qui, de surcroît, nécessiterait une embauche de personnel supplémentaire. Le moins que l'on pouvait reconnaître au Caporal, c'est qu'il savait où il comptait aller.

      Plume se réveille et baille en levant des petits yeux enlarmés qui dépassent du bureau. Hadoc le retire de sa jambe pour le caler sous l'un de ses bras et le caresse doucement pour le laisser se rendormir. Quand l'animal somnole à nouveau, il répond, calme et avec une pointe de sensibilité qu'il n'utilise jamais.

      On se connait depuis des mois, mais c'est la première fois que vous venez me demander un aval ou un service. Et pourtant je suis le garant de votre intégration à bord. Alors, un peu de franchise, vous aviez repoussé ma confiance. Parce que vous aviez peur d'avoir des ennuis.

      Vous aviez le paradis ici. Une situation stable, un tripot sûr, la protection de la Marine et de l'équipage entier. Vous n'aviez donc pas besoin d'un aval. Aujourd'hui, vous venez et vous me demandez "Capitaine Hadoc, ralliez-vous à mon avis". Mais est-ce que vois mes mes intérêts ? Est-ce que je sens un peu d'équité ? Vous est-il venu à l'idée de penser aux miens ? Au contraire, vous débarquez ici le jour où l'équipage est dans l'euphorie et vous proposez d'être allié, sinon neutre. Ce ne serait pas un service de répondre à ces envies.


      Hadoc finit son verre de sa main libre et se lève. l'entretien semble terminé, mais il fait signe à Rik de ne pas avoir à se lever. Il dépose Plume endormi dans son panier et bourre une pipe prise sur son étagère. Après l'avoir allumée à l’allumette longue, il tend cette dernière à Rik qui, en plus d'aimer l'alcool, aime également fumer. Le Capitaine ouvre ensuite le hublot pour ne pas laisser l'odeur envahir le bureau du Commandant et parle doucement à son entretien, adossé au mur.

      Je ne vous ai jamais dit pourquoi je vous avais pris à bord, j'imagine que cette question a dû vous traverser, du moins les premiers jours. Vous n'êtes pas comme nous Caporal, vous ne le serez probablement jamais. Vous n'êtes pas ce que mes rapports pourraient stipuler un truand, mais vous savez comment ils fonctionnent et vous pouvez facilement vous intégrer parmi eux. C'est cette aisance parmi les criminels et votre paradoxale bonté qui m'a donné envie de vous compter parmi nous. Vous n'êtes pas droit comme un i, mais vous avez les aptitudes pour penser différemment et donc renforcer l'équipage par la diversité que vous y apportez.

      Hadoc tire quelques bouffées pour relancer le fourneau et reprend sa place derrière le bureau.

      C'est pourquoi, je vais accepter votre projet, mais pas pour les choses que vous soulignez. Mon autorité n'est pas une crainte, l'équipage est mieux traité que chez la plupart de mes homologues et nous allons de succès en succès. De plus, je ne me pense pas assez aveugle pour voir l'animosité des gens que je croise, même s'ils sont familiers.

      Ce qui me fait accepter ce projet, c'est vous. Je vous ai toujours vu nonchalant et solitaire dans votre tanière aux cellules. Si vous avez décidé d'en sortir et d'enfin m'accorder votre confiance, alors elle peut bien prendre la forme d'une table feutrée dans l'un de nos espaces.


      Gharr retire de la table le plan qu'il devra redessiner et enchaîne.

      Mais je n'accepte pas toutes vos idées pour autant, et pour des raisons que les précautions de votre plaidoiries rendent inutiles d'exposer. L'espace de jeu sera sous votre responsabilité à côté des geôles qui auront, comme votre suggestion l'a audacieusement suggéré, une surveillance vidéo. Les joueurs pourront participer durant leur temps de détente mais sans mises réelles à l'exception d'un jour par semaine, jour où chaque participant pourra mettre une somme en jeu dans un tournoi que vous organiserez et auquel j'assisterai. Le projet se doit d'être développé avec précaution et discipline.

      Aucun prisonnier ne pourra être sorti de sa cellule pour participer. Si, un jour, vous trouviez quelqu'un susceptible de nous servir par ce type d'interrogatoire, je serais peut-être enclin à changer d'avis et vous laisser exercer vos talents sur un ennemi.

      Concernant la main d'oeuvre, trouvez deux personnes prêtes à vous aider dans votre organisation et je les mettrai sous votre responsabilité.

      Enfin, de même qu'il est inutile de faire signer un document de bonne conduite déjà inclus dans le serment fait au drapeau, je vous soulage d'une multitude de recommandations pouvant rompre à tout moment cet arrangement. Prouvez-moi que votre idée peut améliorer le quotidien sans relâcher le professionnalisme de l'équipage et il s'inscrira sur la durée.

      Vous vous engagez dans un investissement délicat Caporal, il devra se battre contre certains prédateurs naturels pour survivre. Etes-vous sûr de vouloir investir votre énergie là-dedans ? Cette discussion sera intégralement oubliée si vous décidez de prendre la voie de la prudence pour faire machine arrière.

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      Faire machine arrière ? Maintenant ? Mah, à quoi bon. Ma seule présence ici témoigne bien de ma détermination, inutile de chercher à me décourager. Hadoc peut éprouver ma volonté dans cette affaire, elle ne se dispersera pas aux quatre vents sous l'effet de quelques remarques ou mises en garde, aussi pertinentes soient-elles. Je vais me montrer tenace, parce que je veux voir mon projet aboutir et convaincre. Et je le fais savoir au samouraï, à ma manière.

      Votre prévenance me touche, Capitaine.

      C'est dit. On élude gentiment cette option, sourire aux lèvres. Mais sans se montrer narquois pour autant. Au fond, l'intention est louable, mais s'attendait-il un seul instant à me voir rebrousser chemin ? Je ne pense pas. L'homme est perspicace, il me l'a montré. Il sait que ma démarche n'est pas un bluff, mais il a aussi sa dignité. Il n'apprécie pas tout de mon attitude, et me la fait savoir. Soit, une mise au point s'impose. Manière de clarifier la situation. Et puis, il a accueilli favorablement mon idée, au final, même si certaines modalités ont été revues. Je lui dois bien quelques éclaircissements.

      À dire vrai, je n'ai pas l'habitude de me laisser commander ce que je dois faire, Capitaine. Heureusement en contre partie, je ne suis pas d'un naturel à faire trop de vagues non plus, aussi tolère t-on d'ordinaire mes agissements. C'est exactement ce qui s'est passé ici. Cela peut expliquer au moins en partie mon absence de présence du côté des cabines des officiers.

      Mais puisqu'il est question de mon comportement depuis mes premiers jours à bord du Passeur, je me dois là aussi de partager mon point de vue avec lui.

      À la base, vous m'avez proposé une main. Les parties hasardeuses ne m'ont jamais effrayé; j'ai tenté l'aventure que vous me proposiez. Résultat, je me suis découvert une position paisible, stable. Et comme je sortais d'une mauvaise passe, cela m'a plu. Étonné mais plu. Comme vous l'avez dit, l'endroit ressemblait fort à un véritable paradis pour moi. Si j'avais été un individu lambda, j'aurais remercié le ciel pour ce présent et me serait contenté de profiter de cette aubaine sans trop tirer sur la corde, mais, comme vous l'avez également souligné, j'ai mes fantaisies, mon originalité. J'aime les nouvelles donnes. C'est en partie pourquoi je suis ici aujourd'hui.

      D'un autre côté, je considère que la confiance n'entrait pas en ligne de compte au départ. Ce n'était qu'affaire. Vous avez choisi de me garder parmi vous pour avoir décelé en moi un individu particulier, un potentiel dont l'équipage saurait tirer profit. Et je n'ai pas cherché à m'envoler vers d'autres horizons, le Passeur fournissant un pied-à-terre agréable. Gagnant-gagnant.

      Enfin, ma personnalité peut surprendre, on peut me considérer marginal aux codes de la marine mais j'ai mes valeurs morales. Si je privilégie et préfère nettement les ententes tacites aux beaux discours, cela ne signifie pas pour autant que je sois un simple profiteur. Ma présence ici montre bien qu'après examen de la question, je pense que vous et moi nous entendons plutôt bien.


      M'exprimant, je lui désigne la pipe, et le verre désormais vide de liqueur.

      C'est l'autre élément m'ayant conduit jusqu'à votre bureau. Vous avez su capter mon intérêt dès le départ, et avez désormais toute mon estime. Il me semble que c'est réciproque.

      J'ai tout dit, ou presque.

      Pour moi, c'est amplement suffisant.

      Le sourire aux lèvres, encore une fois. J'ai toujours eu le sentiment qu'Hadoc percevait l'humour chez les autres, l'appréciait même; pourtant je ne l'ai moi-même jamais vu rire franchement. Je repose la pipe sur le bureau en prenant soin de ne pas renverser le tabac ni de cendres et me lève, en remerciant mon interlocuteur pour le temps qu'il m'a accordé. Je m'en vais. Au moment où j'ouvre la porte, je m'arrête un instant et lance un regard par dessus mon épaule.

      Peut-être aurez-vous l'occasion de me voir plus souvent de ce côté-ci du Passeur à compter de maintenant, qui sait ?

      Maintenant, je peux partir. L'entretien aura été riche en enseignements. Les choses vont changer à bord du Passeur, dirait-on. Et pas uniquement à la cale.
        Le Caporal confirme son choix, le contrat est conscient et scellé entre les deux hommes. Discuter avec Achilia a été très facile, Hadoc lui a laissé du terrain pour se mouvoir et Rik a accepté les frontières tracées. Le reste, ce n'est que de la confiance, mais l'expérience a donné beaucoup de poids à l'engagement du Gambler, pour le peu de fois qu'il use de ce trait. Il est rusé, un brin filou, mais il est conscient de l'image que l'équipage doit conserver et de l'honneur que le samouraï veut intact. Qu'il le juge superflu ou pas, Rik comprend l'importance qu'accorde le Capitaine à la parole. Cet entretien, si court fut-il, se révèle être un bilan de l'intégration du Caporal, une forme d'intégration au-delà de la paperasse, un passage de grade où la couleur de la ceinture est celle du degré de confiance. Que Rik marque de son côté une appréciation de l'être qu'est Gharr est très apprécié du samouraï. Il lui est inconvenant comme inutile de le montrer, mais Achilia s'est également acquis son estime, fleuri de l'instant où Gambler avait risqué sa vie pour sauver celle de Tuul. La noblesse du geste avait marqué le samouraï qui ne crut pas trouver la moindre trace d'honneur dans les bas-fonds de Loguetown.

        Hadoc se tait et écoute. Il enregistre les paroles du geôlier dans un coin de sa tête sans avoir la moindre idée de l'interrompre ou le reprendre lorsqu'il n'est pas tout à fait d'accord avec un terme ou qu'une phrase reste floue. Les mots du joueur sont une sorte de don, une livraison gratuite de ses idées et sentiments concernant son récent métier. Hadoc ne quitte pas son hôte des yeux, acquiesce légèrement quand il convient d'apporter une forme de réponse à la tirade, mais il ne la juge pas.

        Lorsque Rik se lève et pose avec une précaution toute à son honneur la pipe qui lui a été prêtée, Gharr se lève également et accompli le même rituel. Les deux fourneaux se reposent, l'entretien terminé est satisfaisant pour les deux hommes.

        Peut-être aurez-vous l'occasion de me voir plus souvent de ce côté-ci du Passeur à compter de maintenant, qui sait ?

        Gharr fixe Rik, fronce légèrement les sourcils en signe de scepticisme et ironise sans trop en avoir l'air.

        Nous verrons si vous en aurez toujours l'envie lorsque le Commandant sera revenu de l'hôpital militaire. Son opération s'est très bien déroulée, il pourra reprendre ses fonctions dans deux jours.
        Et c'est là qu'il tait une phrase parlant de ménager Trovahechnik les premiers jours. Une salle de jeu officielle sous ce qu'il juge être l'irresponsabilité d'Achilia, voilà qui offre une bonne nouvelle dès le début de la convalescence. Un samouraï ne craint ni la mort ni la douleur, mais aucun autre n'a jamais eu affaire à la volonté de Lou de maintenir le monde dans un parfait équilibre. A moins qu'une maladresse médicale n'ait accidentellement activé la zone du cerveau qui génère le plaisir ? Auquel cas le cybermétique Lou ressortirait plus humain qu'avant les greffes artificielles. Un fantasme auquel il ne reste que peu de temps pour naïvement voguer dans l'esprit des êtres naturels.

        Hadoc laisse filer le Caporal et fixe le plan des cellules en imaginant leur nouvelle configuration avec les derniers ajouts.

        *Au moins, ce projet lui fera utiliser ses nouveaux tampons.*
        • https://www.onepiece-requiem.net/t1985-le-set-samourai
        • https://www.onepiece-requiem.net/t1888-le-capitaine-hadoc-a-emherge