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On en a gros

Le soleil vient de se lever sur la petite île de Cocoyashi, j’suis déjà debout depuis bien une heure, occupé à fumer quelques clopes et à pisser bien au centre de ma cuvette de chiottes. Bien entendu, une coupure de journaux à la main, je feuillette tranquillement les actualités banales et insignifiantes de ce trou à rats. Bien entendu c’est le jour qu’a choisi le camp des travaillistes pour organiser une putain de grève générale et bien entendu, je me dois d’y participer.

Je secoue les dernières gouttes, jette une dernier coup d’oeil sur le lieu de rendez-vous donné par le canard avant de balancer ce dernier sur l'amoncellement de journaux qui s’entassent entre le mur et la cuvette. Je finis par balancer mon mégot dans le trou d’eau et je tire la chasse d’un geste léger et délicat. Mh, quel bonheur que de débarrasser sa vessie de tant de substances parasites.

« Chééééééériiiiiiiiiieee ! Je vais sur le port aider ces pauvres travaillistes à faire la grève ! »

Pas de réponse, ma femme doit certainement nourrir le poisson rouge ou en acheter un. Tant pis, je lui laisse un mot. Puis tout en sifflotant de mon air le plus gai, je sort, direction le garage à bateaux.

L’arrivée sur le port ne me surprend pas, de nombreux marins y sont déjà présents, des badauds, des leaders, des âmes tourmentées par l’alcool, de nombreux amis à moi. La plupart ont revêtu le splendide bonnet rouge, symbole de la lutte antigouvernementale sur les Blues. Je rejoins deux amis qui se tapent une mousse dès l’aurore, non loin de la bitte d’amarrage où leur petit rafiot s’accroche.

« J’viens aux nouvelles mes loulous, paraît que c’est journée pour casser du gouvernement ?
-Tu sais, nous on fait que manifester pacifiquement, c’est pas not’faute si les enflures dans ton genre nous tombent dessus, on fait que s’défendre.
-Moi j’suis une enflure ? La douceur même, que j’dis en roulant tranquillement ma clope. »

Ces deux là sont des potes de longue date, rencontrés de nombreuses fois au pub lors de mes débuts dans la Marine. Du genre à passer une nuit en taule pour ivresse et comportement violent, mais des bons gars quand même, pas le genre à attaquer les premiers, plutôt à défendre une cause qu’y croient juste. J’serais plutôt d’accord avec eux. Même si leurs méthodes sont certainement pas les meilleures, je rechigne toujours à faire partie des milices de répressions lors de ce genre d’événements. On a pour ordre de casser du manifestant avant que celui-ci ne nous casse. Très malin. Du coup, j’viens défendre les droits de ces pauvres gars. Et j’viens aussi fracasser quelques mâchoires, c’est quand même rigolo et ça détend.

Une heure plus tard, la manifestation commence enfin, les grévistes ont ramené des panneaux avec les revendications habituelles. L’important dans ces moments là, c’est la qualité du matériau qui a servi à faire le panneau, certainement pas les inscriptions dessus, qui la plupart du temps, n’ont rien à voir avec ce qui est demandé à l’origine. Bien que comme personne ne sait vraiment ce qui est demandé, on pourrait se dire que finalement, ils ont raison. Quoique ne sachant pas vraiment en quoi.

Bref, si j’vous ai perdus mes pauv’s lecteurs, sachez que c’est normal, parce que moi aussi, en ce moment, avec ma pauvre pancarte à bord affutés, je sais plus très bien où j’en suis, mes deux potes ont disparu dans la foule et j’me retrouve bousculé dans tous les sens par une bande de joyeux lurons déjà ronds comme des queues de pelles.

« Messieurs, crie une voix qui surpassent les vivas de la foule en délire, nous sommes réunis aujourd’hui pour manifester ! Déjà, les forces de l’ordre s’amassent et s’apprêtent à nous cogner dessus. Cependant, pour éviter tout débordement, nous attendrons qu’ils frappent les premiers. On aura l’impression de n’avoir fait que nous défendre, et on se sera battus quand même, ce qui est, somme toute, la raison pour laquelle on organise ces petites sauteries tous les deux mois maximum ! Si besoin, on a des remontants qui vous attendent chez Gégé, en attendant, amusez vous bien ! Pour la grève, hip hip hip !
-HOURRA ! »

Je profite du rassemblement autour de l’orateur pour me chopper une petite binouze et échanger cette pancarte un peu trop carrée à mon goût contre une assise de chiottes bien arrondie. Une arme qui me correspond plutôt bien. Sur la cuvette, taguée en violet, l’inscription “la chasse chasse la chiasse” me fait sourire.

La foule se met brusquement en mouvement, le but est simple, traverser Cocoyashi de long en large tout en essayant de se faire tabasser par la Marine locale, afin de leur mettre une déculottée par derrière. Je reste dans le gros de la troupe qui avance lentement mais sûrement. Le bruit, la sueur, les rires et l’excitation avant le combat donnent un côté très fraternel à cette manifestation travailliste. Ce petit monde de bagarreurs me plaît. On y fait de belles rencontres.

Et voilà que j’avance dans la mêlée, les gnons ont commencé à pleuvoir à droite à gauche, des dents tombent, du sang gicle un peu, mais tout est fait dans la bonne humeur, ça bastogne comme dans toute bonne rixe et ce sont pas nécessairement les mieux armés ni les plus costauds qui prennent le moins de coups. J’manie ma cuvette avec une certaine aisance, je vérifie tout de même de pas trop blesser les gens à qui j’file des coups avant de marteler les suivants. J’suis dans une ambiance qui me plaît. J’suis pas un fana de la répression, ni de la violence, mais quand c’est fait avec une telle bonhomie et une telle bonne humeur, on ne peut que se laisse emporter.

Tranquillement, sur le coup de midi, la manifestation se calme et s’organise sur la place du village une espèce de pique-nique géant, avec plus de boisson que de boustifaille. J’retrouve mes deux potes du début, l’un a un oeil poché, le second une longue éraflure sur le bras et un sourire où manquent quelques dents. Ça s’est mis sur la gueule de toutes parts, et ça continuera dans l’après-midi. J’attrape une bière, me grille une clope, l’instant détente quoi. L’apothéose du genre humain, de la bière, du tabac et des baffes.

La seule chose qui vient noircir le tableau de cette belle journée me fonce droit dessus, au milieu de mes collègues de manif’. Sachez le, le pire ennemi de l’homme, c’est sa femme. Et la mienne me lance un regard furibard en hurlant des insultes à la pelle. Je comprend grosso modo ce qu’elle essaie de me dire. Et je vais en entendre parler pendant quelques jours. Et la fête est terminée pour moi. Peu de temps avant qu’elle n’arrive à ma hauteur, je prends la peine de confier la lunette des toilettes qui m’accompagne à mon poto Germain. Je veux absolument garder ce magnifique trophée.

« ALEXANDRE KOSMA ! VIENS ICI TOUT DE SUITE, ON RENTRE ! »
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