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L’Étincelle du changement

Les récents événements avaient poussé le sablonneux à rester sur Kikai No Shima. Désormais en possession d’un moyen fiable de mettre la main sur Rhyza, il avait en parallèle commencé à mettre en place un projet requérant une certaine discrétion. L’objectif demeurait le même : continuer à prendre de l’envergure pour se mesure aux pointures du Nouveau Monde. Pour mener une telle guerre, deux choses seraient nécessaires, des hommes mais aussi des moyens. Et il se trouve que tomber sur cette île était une véritable aubaine, car Kikai No Shima était pleine de promesses pour quiconque souhaitait s’enrichir au delà de toute mesure. L’objectif ici était de se faire une place dans l’économie souterraine. Naturellement, Azerios risquait sa place de Corsaire dans ce genre de projet, raison pour laquelle il agirait sous couvert d’anonymat. La prudence était de mise, même au sein de son propre équipage, seuls Djaymily et Ren avaient connaissance de cet obscur projet.

Alors que le reste de la flotte faisait voile vers Second Peace Island avec Ren à sa tête, le sablonneux avait prévu de prolonger son séjour, il était d’ailleurs entré en contact avec une vieille connaissance qui saurait sans aucun doute l’aiguiller dans le domaine des mafias. Assit sur une caisse de marchandise scellée, le jeune corsaire observait scrupuleusement chaque navire qui passait devant le quai. Masqué et encapuchonné afin de préserver son anonymat, il attendait un certain transport de pied ferme. Et ce dernier finit par accoster un peu plus haut. Un navire de taille moyenne, qui de prime abord ne payait pas de mine, mais qui renfermait la clé pouvant ouvrir au sablonneux les portes du monde de la pègre.

Lorsque le petit ponton relia enfin le navire au bord du quai, un groupe d’hommes descendit sur la terre ferme. Costume impeccable, Azerios reconnut aussitôt son compagnon d’infortune : Vasco Stracci. Capo de l’une des familles mafieuses du Royaume Doscar, les deux hommes avaient oeuvré ensemble à plusieurs reprises par le passé et il s’agissait d’un candidat plus que qualifié pour ce qui allait suivre. Ni une ni deux, en tout anonymat, le Corsaire s’approcha du groupe. Sans surprise, les gros bras s’interposèrent afin d’éviter qu’il puisse approcher Vasco.


Vasco Stracci ?

Et qui le demande ? s’étonna Vasco.

Je vous attendais. Si vous voulez bien vous donner la peine de me suivre, mon employeur vous attend.


Les gros bras échangèrent un regard avec leur patron, comme s’ils attendaient son signal pour fondre sur l’étranger masqué et le massacrer. Après un court instant, Vasco acquiesça et le groupe emboîta le pas au Sablonneux. Tout ce beau monde finit par atteindre le Kin’Koi et s’arrêta devant une pièce dans l’arrière boutique.


Seulement vous. Et pas d’arme. dit Azerios en se retournant lentement vers Vasco.


Les hommes de main commencèrent à s’agiter mais Vasco coupa court en acceptant de se prêter au jeu. Avec un sourire amusé il entra dans le bureau, suivi de près par Azerios qui referma la porte derrière eux. À l’intérieur, le Doscarien prit place sur une petite banquette.


Et en suite ?

Toujours aussi confiant Vasco…

Hum ? On se connaît tous les deux ?

Exact. répondit le sablonneux en retirant son masque.

Bah ça alors, mais c’est le bon vieux Azerios ! C’est quoi le délire du masque ? T’as bonne mine ! Alors comme ça on roule pour le Gouvernement Mondial ? Le nouveau Corsaire hein ?

Le masque c’est justement par rapport à ça. J’ai quelques.. projets. Et il ne sont malheureusement pas en adéquation avec ma nouvelle fonction.

Oh ? Ça sent les mauvaises intentions là. Tu as toute mon attention l’ami. ajouta Vasco en s’allumant un cigarillo.

Cette île regorge de Berrys qui n’attendent qu’à être saisis.. et disons que j’ai bien l’intention de me servir.

Je vois. Faut que tu saches qu’il existe une organisation déjà bien implantée sur Kikai No Shima… Et crois en une mauvaise expérience passée, ils ne sont pas super enthousiastes à l’idée de partager leur gâteau.

Les Chimamire ouais.

C’est ça. Et c’est pas la plus douce des organisations. J’ai du mal à voir ce que je viens faire dans l’histoire.

J’ai l’intention de virer les Chimamire de Kikai No Shima. Et pour ça j’ai besoin de ton aide.

Ah carrément. Au risque de te décevoir, je n’ai mené que dix hommes avec moi…

C’est surtout de ton expérience dont je risque d’avoir besoin.

Ça pourrait bien me mettre dans une position délicate. T’aider dans ton entreprise, c’est prendre le risque de déclencher une guerre entre les Chimamire et mon employeur.

Personne ne saura que t’es dans le coup Vasco. J’ai moi même tout intérêt à ce que rien ni personne ne puisse me rattacher à tout ça. Et si j’arrive à les évincer, ils ne seront plus une menace crois moi.

Je veux bien te croire mais je ne peux pas me permettre de merder. Si j’ai accepté de faire le déplacement c’est parce que j’ai du respect pour toi. Mais ce que tu suggère aujourd’hui ça ne présage rien de bon.

Vasco.. je sais que t’es pas du genre à reculer devant un défi… Je sais que ça peut fonctionner. Qu’est ce que je peux faire pour te convaincre ?


Le Doscarien resta un instant le regard dans le vide, inspirant fort sur son cigarillo avant de cracher un épais nuage de fumée au parfum épicé. Puis il fixa la porte en silence, comme perdu dans ses pensées, un sourire aux lèvres.


À vrai dire.. y’a peut être un truc que tu pourrais faire pour me prouver que même sans tes privilèges de Corsaire, t’es capable de mener à bien ce projet.

J’écoute.

Il y a quelques années, un type nous a raflé une cargaison… J’ai suivi le gus jusqu’ici, sur l’île du vice. Mais j’ai faillit me faire fumer ce jour là et tous les gars y sont passés. Ce type, c’était un certain Leroy Langmore, c’est un des officiers Chimamire.

Et tu veux que je te ramène ce type j’imagine ?

Non. Je veux que tu lui colles une balle dans la tête. J’ai pas de temps à perdre. Mais si tu fais ça.. j’envisagerai peut être d’écouter ton plan.

J’ai combien de temps ?

Je dirais… Vingt-quatre heures ? annonça Vasco en regardant sa montre avec un sourire amusé.

Quarante huit et toi et tes gars vous pouvez rester ici, au Kin’Koi, sans avoir à débourser le moindre berry.


Vasco regarda Azerios droit dans les yeux, l’air sévère, puis hocha la tête avec un sourire avant de tendre sa main. Le corsaire la serra et se leva. Plus une minute à perdre, il remit son masque et se tourna en direction de la porte de la pièce.


Je m’en occupe, je reviendrai quand ce sera fait.

Parfait !

Une dernière chose.. personne ne sait pour moi et mes projets. Je compte bien entendu sur ta discrétion.

Voyons.. tu m’insulterais presque. Naturellement.


Affaire entendue, le jeune corsaire, masqué et encapuchonné sortit du petit bureau et s’éloigna dans le couloir, afin de retrouver Gram. Probablement que ce dernier pourra le rencarder sur le dénommé Leroy Langmore.
    Attendant patiemment Gram dans son bureau, le sablonneux se servit un verre et observa les différents livres que sa bibliothèque comportait. Le tenancier ne tarda pas à arriver et sursauta à la découverte imprévue de l’homme masqué.


    Bordel… Vous êtes obligé de jouer la surprise à chaque fois comme ça.. ? soupira l’homme, désabusé.

    Leroy Langmore ?

    Le silure ? Et alors ?

    Qu’est ce que tu sais à son sujet Gram ?

    La même chose que n’importe qui dans cette partie de la ville. Je sais que c’est un connards arrogant.. qu’il gère plusieurs établissements du coin.. on raconte qu’il aurait échappé à une trentaine de tentative de meurtre. Un type loyal qui roule pour les Chimamire. Pourquoi ?

    Il a rendez-vous avec la faucheuse.

    Ah. Je vois…

    Ou est-ce qu’on le trouve ?

    Il a ses entrée au Styx, ou encore au Feelin Good. J’crois qu’il s’est récemment découvert une passion brûlante pour la gérante du Feelin Good tiens… Madame Donova. Parait qu’elle repousse ses avances.. on s’demande bien pourquoi. Je la plains… Elle pourra pas refuser éternellement.


    Azerios hocha la tête et, sans rien ajouter, quitta la pièce. Il prit la direction du Feelin Good, un somptueux casino qu’il avait déjà pu visiter puisque c’est la bas qu’il avait rencontré Nembu quelques jours plus tôt.

    Arrivé au casino, il n’eut pas à chercher bien longtemps cette madame Donova puisque des affiches indiquaient un peu partout qu’elle se produisait au cabaret chaque soir. De ce qu’il avait pu entendre, Tallia Donova était une jeune Mink ambitieuse, qui avait finit par s’offrir le Feelin Good. D’ailleurs il réalisa en voyant les affiches que la chanteuse qu’il avait pu écouter lors de sa précédente visite était en réalité Tallia Donova. Le spectacle ne débutant que dans quelques heures, le jeune pirate chercha le moyen de rencontrer la patronne afin d’échanger au sujet de Leroy Langmore. Accoudé au bar, le jeune homme observait les allées et venues en silence, avant d’entamer une discussion avec le barman.


    Ça m’a l’air d’être quelqu’un cette Donova.

    Ah ça ouais.. et sa voix est incroyable. Vous êtes sûr que vous ne voulez rien ?

    Ça ira merci. Et où est ce que je peux la trouver ?

    À cette heure-ci ? Elle doit être en coulisse, en repet’ mais vous pourrez pas la voir. Personne ne dérange miss Donova.

    C’est noté.


    Le sablonneux quitta le bar mais se dirigea bel et bien vers le cabaret, afin de trouver Tallia Donova. S’approchant silencieusement des coulisses, il tâcha de passer inaperçu parmi les membres du personnel, bien trop occupés à organiser la prestation du soir pour remarquer sa présence. Il finit par arriver à la loge des artistes et entra dans un bruit pour enfin découvrir la jeune Mink. Cette dernière ne sourcilla pas, se contentant de lui jeter un regard interrogateur à travers son miroir.


    Vous n’êtes pas Coby.. donc à moins que vous ayez un talent certain pour la coiffure, je vous recommande de quitter ma loge rapidement. lança la Mink avec dédain.

    Marame Donova je présume.. Je suis enchanté. répondit le corsaire en souriant.

    Et vous êtes qui vous ? Un admirateur ? questionna-t-elle en appliquant son rouge à lèvre.

    Vous avez un talent certain… Mais c’est pas pour ça que je suis là. Je cherche un certain Leroy Langmore.


    Tallia Donova se stoppa net lorsqu’elle entendit se nom et le sablonneux devina une légère grimace qui se dessinait sur son joli minois. À priori, elle n’était pas spécialement enthousiaste d’entendre ce nom, ce qui signifiait possiblement qu’elle n’allait pas rechigner à lâcher quelques informations. Azerios fit quelques pas en sa direction.


    Vous connaissez ce type n’est ce pas Tallia ?

    Qui ne le connaît pas en même temps… Monsieur Langmore a des problèmes ? Et le masque ? C’est vraiment nécessaire ?

    Vous aimeriez qu’il en ait ?


    Son silence en disait long, elle se contenta de regarder sa trousse à maquillage, les yeux plein de mélancolie avant d’enfin se lever de sa chaise pour faire face au corsaire.


    Qui êtes-vous ? Qu’est ce que vous me voulez ?

    Je ne vous veux aucun mal, je suis ici pour Langmore.. et je pense que vous pouvez m’aider à le trouver.

    À le trouver ? Vous savez pour qui il roule non ? Est ce que vous êtes vraiment sûr de vouloir le trouver ? Vous savez ce que je risque s’il apprend que j’ai balancé ?

    Vous ne risquez rien.

    Vous êtes bien absolu… Vous êtes un marrant ! Mais c’est non.

    Je vois garantie que rien ni personne ne saurait remonter jusqu’à vous.

    On ne se connaît pas. J’ai rien à vous dire… Maintenant sortez d’ici. s’emporta la jeune Mink.


    Inutile d’insister, le sablonneux poussa un léger soupire, hocha la tête et quitta la loge sans rien ajouter. De toute évidence, elle ne lui dirait rien, il lui faudrait donc trouver Langmore par ses propres moyens. Passant par le bar, se dirigeant vers la sortie, il repassa devant le tableau d’affichage sur lequel étaient placardées les affiches de Tallia Donova. À l’instant où il s’apprêtait à franchir la porte, il se stoppa soudain et eut un léger rictus. Si la jeune Mink était réellement devenue une obsession pour Langmore, ce dernier ne raterait sans doute la représentation de ce soir pour rien au monde. Franchissant l’entrée du Feelin Good, Azerios savait désormais quoi faire de sa soirée.
      Tallia Donova était très populaire à en croire la foule présente le soir même. Le sablonneux s’était installé au bar et appréciait son deuxième verre de whisky quand le show débuta. Impossible d’agir ici à visage découvert, l’objectif serait donc de repérer Langmore, si tant est qu’il pointe le bout de son nez, et de le suivre pour s’en occuper dans un coin plus.. tranquille. Les minutes passaient et une multitude de types accompagnés de leurs porte-flingue passaient, impossible de déterminer lequel d’entre eux était Langmore. Azerios décida de questionner le barman afin de multiplier ses chances de succès.


      Le show va faire carton plein ce soir.. y’a du beau monde.

      Toujours comme ça quand miss Donova chante ! se réjouit l’homme.

      J’ai pas vu Leroy… Je pensais qu’il viendrait. lança innocemment Azerios en prenant une gorgée de whisky.

      Leeroy ?

      Mon vieil ami Leeroy.. Langmore.

      Ooh… Oui je l’ai pourtant vu passer tout à l’heure.

      Je l’ai raté ? Impossible… Ou est il ? Faut absolument que j’aille le saluer.

      Je crois qu’il est parti voir miss Donova aux loges.


      Le sablonneux afficha un sourire bienveillant, vida son verre puis s’éloigna en direction de la loge des artistes. Bien sûr que Tallia Donova lui avait caché son lien avec Langmore, il ne restait plus qu’à espérer qu’il soit toujours là et que la Mink ne l’ait pas averti que quelqu’un le cherchait. À proximité des loges, il remarqua trois gros bras devant la porte et décida de rester à l’écart pour observer ce qui se jouait. Ce n’est qu’après une vingtaine de minutes qu’un homme sorti de la loge l’air agacé, avant de sortir d’un pas rapide. Suivi de près par ses hommes de main, il quitta carrément le Feelin Good avec hâte. Un choix difficile se posa alors, devait il suivre son instinct et se lancer à la poursuite de cet homme qu’il supposait être Leeroy Langmore ? Ou devait il rester ici, aux aguets en espérant le croiser au détour d’un morceau chanté par la délicieuse lady Donova ? Pestant en son fort intérieur, il se décida à quitter le casino à son tour.

      Dehors, il ne mît pas bien longtemps avant de repérer le suspect qui continuait à s’éloigner. Rejoignant une ruelle déserte adjacente à la rue qu’avait emprunté l’homme, le sablonneux mit son masque et gagna les toits pour pouvoir garder un œil sur le fuyard. Et lorsqu’il se retrouva dans un coin plus tranquille de la ville, il se résous à descendre dans la rue pour se mettre sur son chemin. Lorsque les gros bras le remarquèrent, ils se mirent entre lui et leur patron. Le petit groupe s’arrêta.


      Leeroy Langmore ? demanda le corsaire masqué.

      Putain mais t’es qui toi encore ? Et qu’est ce que tu me veux ? brailla l’homme en confirmant son identité.


      Sourire imperceptible puisque visage masqué, le sablonneux fit quelques pas dans sa direction. Le gorille le plus proche dégaina aussitôt son revolver et tira trois coups. Les balles furent stoppés par l’armure noire de fluide offensif du pirate, qui dégaina à son tour un revolver et fit feu. La première balle se logea entre les deux yeux de l’homme de main qui s’écroula sur le coup. Les autres se mirent alors à tirer et Leeroy se mit à courir en tirant également. Les balles ricochèrent sur l’armure noire du sablonneux qui abattit les deux autres hommes de main sans sourciller. Pointant son arme en direction d’un Langmore fuyant, il visa, retint son souffle et tira. La balle lui transperça la cuisse et il s’écroula en hurlant. Se précipitant sur sa cible, le sablonneux lui écrasa la main afin de l’empêcher de saisir son revolver.


      Pu.. putain… Est-ce qu’au moins tu sais qui j’suis batard ?

      Ça n’a aucune espèce d’importance.


      Pointant le revolver sur Langmore, Azerios tira deux coups. La première balle lui transperça le cœur, la seconde se logea entre ses deux yeux. Il resta un bref instant à observer sa cible en train de rendre son dernier soupir puis tourna les talons pour fuir la scène de crime.

      De retour au Kin’Koi, le corsaire toujours masqué alla directement trouver Vasco Stracci au restaurant. La pièce était presque vide à cette heure tardive et ce dernier, en plein repas, termina sa bouchée avant d’essuyer soigneusement le coin de sa bouche.


      Tiens. Déjà de retour ? dit il en faisant signe à ses hommes de main de laisser passer Azerios.

      Problème résolu monsieur Stracci. annonça l’homme masqué en s’attablant.

      Quelle efficacité. Il se pourrait donc que je prolonge mon séjour sur Kikai No Shima.

      Ce serait une excellente nouvelle.

      J’ai repéré un petit restaurant sympa pas loin d’ici.. le Chanterelle. Viens donc manger un morceau avec moi demain à midi, on pourra discuter.


      Sans rien ajouter, Azerios hocha la tête et se leva pour prendre congé. La première étape de son projet était en bonne voie, s’implanter sur Kikai No Shima et en faire une source de revenus pérenne venait de se hisser en tête de ses objectifs. Car encore une fois, pour mener une guerre sans merci aux grands du Nouveau Monde, il lui faudrait des hommes et des Berrys.. beaucoup de Berrys… Mais le temps était contre lui, car bientôt les Mangemondes atteindraient l’Archipel de Shabondy et ses hommes auraient besoin de lui. Regagnant ses quartiers, toujours au Kin’Koi, il s’enferma seul, retira son masque et se laissa sombrer au royaume de Morphée.
        À chaque nouvelle journée son lot de nouveautés. Attablé à l’écart, capuche et visage partiellement masqué, le sablonneux déjeunait quand un officier de la marine et deux de ses hommes avait fait irruption au Kin’Koi. Les fiers représentants de l’ordre avaient demandé à voir Gram et ce dernier était aussitôt venu discuter. Azerios se trouvait trop loin pour être remarqué mais suffisamment proche pour entendre de quoi il était question.


        Allons Gram.. je sais que rien de c’qui se passe dans ce quartier t’échappe… laissa échapper l’officier.

        Vraiment j’en ai aucune idée. répondit Gram avec calme.

        Les meurtres se multiplient dans le secteur et tu veux me faire croire que ça t’inquiète pas plus que ça ?

        Puisque je vous dis que j’en sais rien, un peu de sérieux messieurs, je suis un citoyen respectable. Je ne me mêle pas de tout ça.

        Je vois. Si quelque chose te reviens ou si t’entends quelque chose.. tu sais où me trouver Gram.


        Le tenancier hocha la tête en gardant l’air désabusé qui le caractérisait, puis l’officier se leva et quitta la pièce avec ses hommes. Azerios fit de même, disparaissant discrètement du bar et Gram se leva à son tour afin de se dirigea vers ses quartiers. Lorsqu’il ferma la porte de son bureau il sursauta à la vue de l’encapuchonné masqué.


        Bon sang… Faut vraiment que t’arrêtes de faire ça.

        La marine. Tu m’expliques ?

        Fais pas l’innocent putain… Abattre un type comme Leeroy Langmore en pleine rue… t’aurais au moins pu planquer le corps !

        Je ne vois pas de quoi tu parles.

        Et comme si ça ne suffisait pas, ils ont retrouvé le colonel.. mort.

        Comment ça.. ?

        Le colonel Pancho Shima a été assassiné.


        Ainsi le colonel ripoux, garant de la bonne tolérance du crime sur Kikai No Shima avait été tué. Un rebondissement inattendu, qui allait très certainement mettre encore plus d’huile sur le feu. Non seulement les Chimamire ne tarderaient pas à se sentir attaqués, mais voilà qu’en plus ils venaient de perdre leur plus gros soutien. King Bradley serait sans doute dans tous ses états. À moins qu’il soit lié à ce meurtre. Improbable, se priver de la protection du colonel Pancho Shima sonnait comme se tirer une balle dans le pied. Mais chaque chose en son temps, le jeune corsaire, toujours masqué se dirigea vers la porte.


        Me.. me dit pas que t’es aussi lié à ça….

        Pas vraiment non. Je dois t’avouer que celle là, je l’avais pas vu venir.


        Et sans rien ajouter, il sortit du bureau puis quitta le Kin’Koi afin de rejoindre Vasco Stracci. Le restaurant dans lequel le sablonneux retrouva ce dernier n’était pas bien loin, un établissement à l’aspect extérieur raffiné qui semblait imposer un certain standing à sa clientèle. Raison pour laquelle l’hôte d’accueil ne permit pas au corsaire d’entrer avec « un tel accoutrement ». Heureusement pour lui, l’un des hommes de main de Stracci attendait non loin, et avec quelques Berrys, il parvint à le faire entrer. L’intérieur du Chanterelle était sombre, intime, mais dans une ambiance qui demeurait chaleureuse malgré tout. Le corsaire retrouva son ami Doscarien et s’installa à ses côtés. L’homme, tenant un exemplaire de la gazette du jour, semblait soucieux.


        Merci Charles, laissez-nous maintenant.

        Les hommes de main prirent un peu de distance, laissant Vasco et Azerios seuls. Aucune des tables à proximité n’étant occupée, ils avaient désormais toute l’intimité souhaitée.

        Sale histoire le meurtre du colonel. murmura le corsaire masqué, hochant la tête en direction du journal.

        C’est précisément ce que je me suis dit. Un officier assassiné, la Marine va forcément réagir.

        Et les choses vont vite dégénérer.

        Sans doute oui.

        L’un des hommes de main approcha alors de la table avec un escargophone et le tendit à Stracci.

        Monsieur Marzullo.


        L’expression du visage de Vasco changea une fois de plus lorsqu’il prit l’appareil et il se contenta d’acquiescer quatre fois avant de le rendre à son porte-flingue. Ce dernier s’éloigna une fois encore et le Doscarien alluma une cigarette en tremblotant.


        Tout va bien ?

        Mon.. employeur me demande de rentrer. Ces histoires de meurtre d’officier c’est mauvais pour les affaires.

        Je peux comprendre ouais.

        Et si au contraire, nous en tirions un avantage ? interrompit Vasco.

        C’est à dire ?

        Si on joue bien notre jeu, les Chimamire auraient pourrait avoir à surveiller deux ennemis en même temps… Il faut absolument frapper maintenant pour les déstabiliser.

        Leur faire comprendre qu’en plus des soucis qui risquent de débarquer sous peu d’un cuirassé, la menace que tu représentes est réelle. Marque les esprits.

        Précisément.


        Le départ imminent de Stracci était une mauvaise nouvelle, mais au moins le sablonneux était sur la bonne piste. Exercer davantage de pression sur l’organisation de Bradley en sachant que la Marine ferait sûrement de même, on ne pouvait pas rêver meilleure situation. Le jeune corsaire se surprit lui même, ces histoires de conflits avec la pègre locale avaient totalement éclipsé la raison première de sa venue sur Kikai No Shima. Désormais, quitter l’île sans avoir pu s’installer dans le milieu était inenvisageable. Entrevue écourtée, il quitta le Chanterelle, souhaitant bon vent à son camarade Doscarien, qui lui confia à demi mot ne pas avoir l’intention de partir tout de suite.

        Regagnant le Kin’Koi pour préparer sa prochaine action, il gagna le bureau de Gram et tomba nez à nez avec lui, en grande conversation avec Tallia Donova.
          La jeune Mink, en larmes, s’interrompît. Et sans rien ajouter, elle saisit un revolver dans son sac à main et se leva d’un bond pour le pointer sur le sablonneux. Gram se leva à son tour avec stupeur, ne sachant comment réagir.


          Toiii ! Tout est de ta faute ! sanglota-t-elle.

          Hola tout doux ! Pas de sang dans mon bureau ! beugla Gram.

          Du sang.. ? Oh il va y en avoir du sang ! Partout dans ce district !

          Et si vous m’expliquiez Donova.. en baissant ce flingue.

          Expliquer quoi ?! Tu viens me trouver pour me parler de Langmore, et devine qui est retrouvé abattu à côté de mon casino !?! s’emporta la féline.

          Vrai que c’était malin…

          J’imagine que les Chimamire vous sont tombés dessus Donova…

          Quelle déduction… Mon impôt va doubler ! C’est Dudley Rheinart qui reprend la main sur le district ! Ses gars sont venus.. ils ont tout saccagé….. il va tous nous saigner… sanglota-t-elle en baissant son revolver.

          Le sablonneux s’approcha alors lentement d’elle pour saisir délicatement son arme et la poser soigneusement sur la petite table. Posant sa main droite sur l’épaule de Donova il redressa sa tête en appuyant sur son menton avec l’autre main.

          Personne ne va vous saigner Donova. Voilà ce que je vous propose.. je vais aller voir ce Rheinart au Mesmer et je vais lui dire que le district n’est plus sous la.. protection des Chimamire.

          Vous.. vous feriez-ça ?

          Oh bien sûr qu’il va l’faire. souffla Gram avec exaspération. Et après quoi ? T’as l’intention de balancer tous les Chimamire à travers la fenêtre les uns après les autres ? Désolé mais tout ce qu’on va gagner à envenimer les choses c’est une putain de guerre !


          Gram était loin d’avoir tort, à mesure que le corsaire aller s’opposer à la pègre locale, les risques de représailles augmentaient et l’escalade de violence finirait forcément par une véritable guerre. Seulement l’occasion de se débarrasser de King Bradley et son organisation afin de les supplanter était bien trop belle pour ne pas être saisie. Il laissa échapper une petite vague de haki des rois et Gram recula jusqu’à trébucher sur le divan qui se trouvait derrière lui.


          La guerre est inévitable Gram. La marine va venir et quand ils vont débarquer ils feront sûrement pas dans la dentelle. Je vais aller au Mesmer et m’occuper de votre problème une bonne fois pour toute. Et je placerai aussi le Feelin Good sous ma.. protection.


          Le sablonneux quitta le Kin’Koi en toute hâte et se rendit aux docks. Profitant d’une ruelle déserte, il retira son masque et le rangea dans une poche intérieur de son manteau. Arrivé au Noirsillage, il laissa ses meitous à bord, remplit une petite besace de fournitures en tous genres et convoqua Rascus et Kutcham.


          On lève l’ancre les gars. Kutcham, tu prends la tête. Vous allez rejoindre les autres sur l’Archipel de Shabondy.

          Et toi alors ?

          J’ai encore un petit truc à régler.. je vous rejoindrai. En attendant Ren prend le commandement de l’équipage jusqu’à nouvel ordre.

          Entendu. Essai de ne pas te faire tuer. lança le Mink avec un sourire carnassier.

          Officiellement je quitte Kikai No Shima avec vous aujourd’hui.


          Directives données, le sablonneux quitta le navire en catimini, remit son masque et prit de la hauteur pour observer son équipage s’éloigner toutes voiles dehors. Le départ du capitaine corsaire en grandes pompes ne passerait pas inaperçu. Désormais, il avait les coudées franches pour agir, en gardant toujours un parfait anonymat.
            Onze heures du soir, le jeune corsaire n’avait jamais vu une île aussi vivante. Même à une heure aussi tardive, les rues étaient très voire trop fréquentées. Ce qui n’arrangeait pas forcément les choses pour une mission de ce genre. D’après les informations qu’il avait pu glaner à droite et à gauche, Rheinart était censé se trouver en ce moment même dans un bar réputé comme étant l’un des QG Chimamire du secteur : Le Mesmer. Le sablonneux avait récemment eu l’occasion de « visiter » cet établissement. À la faveur de la nuit, il se hissa discrètement sur le toit d’un bâtiment adjacent pour établir un plan d’action. Comme prévu, l’entrée semblait bien gardée, mais sur le toit, seul deux malabars semblaient surveiller. Se transformant en un nuage de sable extrêmement volatil, le capitaine des Sandstorm Pirates se déplaça dans les airs pour reprendre forme derrière les deux gros bras. L’un d’entre eux se tourna alors brusquement et sans lui laisser le temps de faire quoique ce soit d’autre, Azerios lui décrocha un puissant uppercut chargé de fluide offensif. Son acolyte plongea sa main dans son veston probablement pour en tirer son arme mais il fut abattu d’une balle de sable durcie entre les deux yeux.


            Tu bouges pas. Lève toi .. et en douceur.

            Un troisième homme. Révolver sur l’arrière du crâne, le sablonneux se releva, les deux mains en évidence.

            Putain t’es qui… Hé ! Pas d’geste brusque !

            Le capitaine corsaire fit volte face et l’homme le mît aussitôt en joue.

            Qu’est ce que tu fous !


            Se recouvrant d’une armure de fluide offensif, Azerios se rua sur son adversaire qui tira. La balle se brisa sur le masque de ce dernier qui parvint à faire chuter le tireur. Tous deux lutèrent un court instant avant que le sablonneux ne prenne le dessus et sorte à son tour un revolver qu’il pointa sous le menton de son assaillant.


            C’est toi qui va éviter les gestes brusques. Debout.


            Relevant le gardien, il le tint en joue jusqu’à ce qu’il le fasse entrer. D’après les informations qu’Azerios avait eut, le Mesmer avait été privatisé pour une réunion particulière et Rheinart se trouvait être la personne qui présiderait cette assemblée. Le sablonneux plaqua son otage contre le mur.


            Rheinart. Où est il ?

            Je.. Dans le bureau de monsieur Rizzo…


            D’un geste rapide, le capitaine corsaire frappa son interlocuteur à la tempe pour le neutraliser. Cachant le corps inconscient dans une remise, il prit soin de le fouiller et récupéra un briquet dans sa poche. Il savait exactement quelle direction prendre, étant donné qu’il était à l’origine du meurtre de Rizzo dans son propre bureau.. où depuis son propre bureau. Se faufilant jusqu’au point de réunion, il tomba nez à nez avec deux hommes alors qu’il n’était plus très loin du bureau et tous deux dégainèrent leurs revolvers. À quoi bon lutter…


            Hé toi la bas… Pas un geste.

            Amène-toi.. les mains bien en évidence.

            Le sablonneux leva les mains et s’avança lentement. Nul doute qu’il aurait pu en finir avec le menu fretin sans trop de difficulté, mais d’autres prendraient bien vite la place de ces deux malheureux.

            J’sais pas qui t’es mais m’sieur Rheinart n’aime pas les fouineurs… Avance.


            D’un geste il intima au sablonneux de se diriger vers la porte, porte qui s’ouvrît à la volée pour dévoiler le fameux bureau où se tenait la réunion. Et quel spectacle, une vingtaine de type patibulaire amassés autour de deux divans sur lesquels étaient affalés les « gros bonnets ». Parmi tous ces malfrats, trois d’entre eux semblaient sortir du lot, avachis sur les divans au milieu de la pièce, cigare aux lèvres. L’un d’entre eux, qu’Azerios devina être le fameux Rheinart, leva les yeux dans sa direction.


            Qu’est ce que vous foutez vous deux… Y’a un truc que vous pigez pas dans « gardez moi cette putain de porte » ? grogna-y-il avant de fixer le corsaire, toujours masqué. Bordel de merde ce masque ridicule… alors c’est toi qui a crevé Rizzo ?


            Toute l’attention se dirigea alors vers le sablonneux qui avançait lentement vers les divans, deux revolvers braqués sur lui.


            Rheinart je présume ?

            Bouge pas putain ! hurla le garde.

            Tout doux Mitch, passé l’effet de surprise, m’étonnerait que ce type puisse faire quoique ce soit…


            D’un geste rapide, Rheinart bondit et asséna un puissant coup de genou dans le flanc du sablonneux qui valdingua contre une commode sous les gloussements moqueurs des quelques gaillards proches. Pas le temps de se relever, qu’un coup de pied le balaya avec force, le projetant au sol. Une chose à admettre, ce Rheinart savait cogner. Mais pas question de dévoiler son jeu ici, le jeune corsaire, toujours masqué se releva lentement, braqué par un bon paquet de revolvers.


            Ça me chiffonne… Pourquoi t’en prendre à nous… Avec qui tu bosses… J’peux pas croire que quelqu’un soit assez idiot pour s’en prendre à nous en solo. Hé relève toi !


            À peine eut il terminé son laïus que Rheinart frappa à nouveau. Si le sablonneux se contentait d’encaisser, sa patience venait d’atteindre sa limite. Il ne pouvait décemment pas utiliser ses pouvoirs de maudit sans risque d’être démasqué d’une manière ou d’une autre. Si l’un de ces types venait à en réchapper et à parler, sur une île sous contrôle de la marine, son aventure masquée prendrait fin de manière prématurée. Se relevant lentement au milieu de cette assemblée armée, il plongea lentement sa main dans son veston et en tira le briquet subtilisé plus tôt. La tension dans la pièce était à son paroxysme, une quinzaine de revolvers étaient braqués sur lui à l’affût du moindre geste brusque.


            Du calme… J’ai droit à une dernière cigarette quand même, ou pas.. ?

            Rheinart eut un rictus et fit signe à ses hommes de se calmer. Laisser ces chiens prendre confiance pour que leur arrogance soit la cause de leur perte, voilà pourquoi le capitaine corsaire n’avait pas montré plus de répondant que ça.

            Bien sur… On est pas des monstres. Prends toi une petite clope.. et après on continue à causer.

            M.. merci…


            Plongeant lentement son autre main dans sa veste, le sablonneux en tira deux bâtons de dynamites attachés ensemble et tout de suite l’atmosphère dans la pièce changea du tout au tout. Tous les gros bras pointèrent leurs armes sur l’homme masqué et Rheinart se mit à agiter les mains pour que tout le monde se calme.


            Wow wow wow.. tout le monde se détend ! Okay ? C’est quoi c’plan ?! Vous l’avez ramené sans le fouiller ?!

            J’ai votre attention…

            Putain mais t’es qui.. et qu’est ce que tu nous veut ?

            Les choses sont en train de changer sur l’île. Je veux laisser un message à votre boss.

            Les « gros bonnets » présents dans la pièce échangèrent un regard et Rheinart fit baisser certaines armes avec sa main, l’air nerveux.

            Laisser un message ? On t’écoute tous mon gars.. mais pose moi ça… dit-il, hochant la tête en direction de la dynamite.

            Le temps des Chimamire est révolu, la marine va sûrement prendre votre cas au sérieux.. vous allez quitter cette île.

            Qu’est ce que tu nous chantes la… tu roules avec la marine ? grogna l’un des confrères de Rheinart, toujours assit sur le divan.

            C’est ça ton message ? Mec tu te doutes bien que l’homme pour qui on roule en a vu d’autres… Soyons sérieux…

            Faut que je lui cause en direct donc.. ?

            Tu dérailles toi ? Flinguez moi ce connard…

            Personne ne vas flinguer personne ! Putain baissez vos armes… On respire… paniqua Rheinart avant de se tourner à nouveau vers Azerios. Notre.. employeur n’est pas de ceux qui rencontrent n’importe qui. Il n’est pas non plus de ceux qui se laissent intimider, tout ce que tu vas gagner c’est te faire descendre. Écoute.. si tu poses ça et que tu te barres d’ici, on est prêts à te laisser filer.. pour cette fois.

            Me laisser filer ?

            Oui… Ça arrive à tout le monde de péter un plomb… On peut comprendre.. pas vrai les gars ?


            Les autres acquiescèrent sans pour autant lâcher leurs armes. Marquer les esprits, voilà ce qu’il fallait faire. Poussant un profond soupir, il baissa la dynamite lentement comme pour la poser sur la table basse, mais il n’en fit rien. D’un geste rapide, il alluma la mèche conjointe qui se mit à faire des étincelles. Les gros bras se mirent à tirer, chaque balle s’écrasant contre son armure de fluide offensif et le sablonneux jeta les deux bâtons de dynamite au milieu de la pièce. Mouvement de panique général, jusqu’à ce que l’explosion mette fin à tout ce cirque.
              Des miettes. Voilà tout ce qu’il restait de la bande de malfrat qui se tenait fièrement dans ce bureau quelques secondes plus tôt. Non seulement le bureau tout entier et ses occupants avaient été réduits en cendres, mais les couloirs et pièces adjacentes avaient également été détruits. Une multitude de grains de sables commencèrent à voler en tous sens, reconstituant le corps du corsaire qui s’empressa de ramasser son masque pour dissimuler son identité. Par chance, aucun des types qui le tenaient en joue ne semblait en avoir réchappé. C’est à cet instant qu’il entendit quelqu’un tousser non loin, une faible lueur de vie au milieu de ce bâtiment qui était en train de s’effondrer sur lui même. S’approchant d’un pas lent, le sablonneux découvrit avec stupeur que Rheinart avait survécu à l’explosion. Comme s’il bénéficiait d’un sursis à l’exécution, il se trouvait là, étendu au sol, couvert de sang et surtout partiellement écrasé par une poutre. Même s’il n’en avait plus pour très longtemps, laisser le moindre témoin en vie pourrait le compromettre et le capitaine corsaire ne pouvait le permettre. Ramassant un revolver sur le sol, il tira à trois reprises pour arracher le dernier souffle de vie au Chimamire.

              Un incendie s’était déclaré et progressait à vive allure, le bâtiment ne tarderait certainement pas à s’effondrer totalement et les curieux seraient bientôt amassés tout autour, il fallait qu’il disparaisse au plus vite. Azerios se rendit rapidement sur le toit, éliminant une patrouille au détours d’un couloir, et après un coup d’œil prudent afin de s’assurer que personne ne pourrait le voir, il passa rapidement sur le toit du bâtiment adjacent. Jetant un dernier coup d’œil derrière lui sur le Mesmer il le vit s’écrouler dans un imposant nuage de fumée. La guerre était donc désormais déclarée.

              Toujours à la faveur de la nuit, le sablonneux avait discrètement regagné le Kin’Koi. Arborant son masque dans le but de tenir son anonymat, il pénétra dans le bureau de Gram. Ce dernier semblait une fois encore en grande discussion avec Tallia Donova et tous deux s’interrompirent soudain.


              Rheinart ne sera plus un problème. J’y ai veillé.

              Gram et Tallia échangèrent un regard surpris.

              Putain… T’es conscient que ça va vraiment chier là hein ?

              En effet oui. Et c’est précisément ce que je cherche.


              Pousser les Chimamire à la faute, voilà la stratégie que le sablonneux souhaitait mettre en place. La Marine était en train de dépêcher des forces sur Kikai No Shima afin de répondre au meurtre du colonel Pancho Shima. Et par chance, d’après ce qui se murmurait ici et là, c’est King Bradley lui même qui serait à l’origine du meurtre. Comme tout bon opportuniste, le capitaine corsaire espérait bien pouvoir profiter des événements récents pour pointer les Chimamire du doigt et permettre à la marine de s’en occuper. Se faisant, il pourrait s’insérer tranquillement à leur place pour reprendre les rennes de la pègre locale. Mais le travail pour la prise de contrôle des trafics de l’île ne faisait que commencer.


              Va y avoir des..

              Du calme. interrompit le sablonneux. Rien ni personne ne fera le rapprochement entre vous et moi. Vous allez poursuivre vos activités comme si de rien n’était.

              Et toi ? Tu vas rôder dans le coin en attendant que tout pète ?

              Je vais faire venir du monde pour assurer la sécurité dans le secteur. Je vais également injecter des fonds dans le Kin’Koi et le Feelin Good. En contrepartie, je vous demanderai évidemment un pourcentage des recettes. Mais également une discrétion absolue et une transparence sur tout ce qui se passe dans ce district.


              Ces deux là n’en avaient peut être pas l’air, mais ils étaient à la tête de deux établissements de divertissement parmi les plus important du secteur. Désormais libérés du racket des Chimamire, ils pouvaient être les yeux et les oreilles du sablonneux, permettant sans doute d’anticiper les réactions à venir de Bradley et sa clique.


              On troque un mac’ pour un nouveau mac’ si je te suis…

              Tu n’y es pas Gram. Non seulement je vous débarrasse de votre « mac », mais en plus de vous offrir ma protection, j’investis dans vos business. Je pense que je mérite bien une petite part des bénéfices non ?

              Tallia et Gram échangèrent un regard puis hochèrent la tête l’un après l’autre.

              Nous avons donc un accord. Mais avant de fêter notre partenariat, je veux tout savoir au sujet des Chimamire… lança le sablonneux, toujours masqué en s’asseyant.

              Et on doit t’appeler comment.. ?

              Appelez moi.. le veilleur. Ouais ça sonne bien.


              Les deux tenanciers offrirent alors au sablonneux toutes les informations connues au sujet des Chimamire, un adversaire de taille, qui d’ordinaire aurait sans doute été extrêmement difficile à faire tomber. Mais dans le contexte actuel, une opportunité en or pour quiconque souhaiterait sa part du gâteau. Le jeune capitaine des Sandstorm Pirates n’aurait jamais cru dire ça un jour, mais il était pleinement reconnaissant envers le colonel Pancho Shima.