海 軍∆ Feat. Béluga's Crew ∆
Quand la colonelle entra dans la salle d'interrogatoire, Titanic Thompson était en piteux état. À pas lents, elle avança en scrutant le prisonnier sans afficher la moindre émotion. Son visage tuméfié, il respirait difficilement et en était presque méconnaissable. Non loin de lui, l’adjudant Thacker, aussi lugubre qu'à son habitude, alignait plusieurs instruments de torture ensanglantés. Toute la nuit, le militaire masqué avait travaillé sa victime au corps. Tirant lentement une chaise en acier, Ambrosias alla s’asseoir en face du mafieux. Allumant lentement son cigare, elle lui cracha une bouffée de fumée grise en plein visage. L'homme gémit quelques instants avant de tenter d'ouvrir un peu plus ses paupières à demi-closes.
« Il paraît que vous êtes finalement décidé à parler.
- O... Oui...
- Je vous écoute.
- De...main... soir... L... les...d...docks.
- Demain soir sur les docks, mais encore ?
- C...car...g...gaison... Bra...Bradley.
- Bradley ? Il sera présent en personne ?
- O... ou... oui...
- Où ?
- 2...4...5.
- La jetée 245 ?
- Oui.
- S'il vient veiller lui-même sur l'arrivée d'une cargaison, c'est qu'elle doit être de grande valeur.
- C'est... oui...
- Thacker.
- Colonelle ?
- Envoyez ce déchet humain se faire soigner par la docteur Loréada. Remettez le aux fers par la suite.
- Avec plaisir. »
Gardant sa poker face, Ambrosias quitta la pièce folle de joie. Enfin, elle avait l'occasion de mettre la main sur King Bradley. Demain, elle pourrait frapper un grand coup et elle n'avait aucune intention de s'en priver. Après avoir briefé ses officiers, elle prit également le temps de mettre la commodore Saint Just au parfum. Ensemble, les deux militaires prirent la décision d'unir leurs forces pour frapper un grand coup.Il fut décidé que la section Tanuki et les meilleurs soldats de la commodore agiraient de concert pour mettre la main sur le chef de l'organisation criminelle. Sans Bradley pour les guider, les Chinamire Kitsune perdraient rapidement de leur influence, ils se désorganiseraient et ne serait bien vite plus une menace. Couper la tête du serpent était une absolue nécessité.
Consciencieusement, les marins se préparèrent et ne sortir finalement qu'à la nuit tombée une fois le jour venu. Prenant personnellement la tête de ses hommes, Ambrosias, qui restait en communication permanente avec Saint Just, avança vers l'entrée d'un hangar tandis que son homologue passait par derrière. C'était apparemment là qu'aurait lieu le rendez-vous. La chose fut vite confirmée quand les soldats arrivèrent sur les lieux et ne manquèrent pas de croiser plusieurs sbires lourdement armés. Si tôt les hommes en place, l'opération fut déclenchée. Avec fracas, les marins forcèrent les défenses pour pénétrer dans le bâtiment. À l'intérieur, dockers et mafieux s'activaient pour charger de grosses caisses en bois fermés dans des calèches. Pris par surprise, ils tentèrent de réagir, mais l'attaque coordonné en deux points différents ne leur laissa que peu de chances. Avançant au fil de l'épée, la colonelle repéra finalement une personne qui ressemblait à s'y méprendre à l'affiche du criminel King Bradley. Se ruant à son encontre, elle tenta de lui trancher la gorge, mais l'homme contra l'attaque sans trop de mal. Pendant que l'attention de l'homme était portée sur l'officière, Saint Just tenta une attaque par derrière mais manqua de se faire embrocher au moment de la contre-attaque. Encerclant le parrain de la pègre locales, les deux cheffes étaient bien décidées à ne pas laisser Bradley s'échapper. Soudain, le principal intéressé releva la tête, un large sourire aux lèvres. L’instant d'après, une trappe s'ouvrit sous les pieds des trois individus et ils tombèrent quelques mètres plus bas. Relevant la tête en l'air, Ambrosias vit le piège se refermer sur elle et sa collègue. N'ayant pas vu venir la chose, Saint Just et elle se retrouvèrent à la merci du mafieux qui semblait très confiant en dépit de son infériorité numérique. Regardant autour d'elle, la colonelle estima que l'endroit devait être soit une sorte de bunker, soit une arène clandestine cachée.
« Colonelle Ambrosias. Même si je ne suis pas ravi de faire votre connaissance, j'apprécie malgré tout de pouvoir enfin vous rencontrer en chair et en os.
- Plaisir non partagé.
- Bradley, on se retrouve enfin.
- Commodore Saint Just, cela faisait longtemps, en effet.
- N'espère pas t'en tirer à si bon compte cette fois.
- La confiance est une vertu, mais la lucidité l'est également. Souvenez-vous de notre dernier affrontement.
- Je n'ai rien oublié !
- Moi non plus, particulièrement en ce qui concerne l'issue du combat. Bref, je ne souhaite pas parler de cela.
- Comment ça ?
- Vous pensez vraiment être si malignes toutes les deux ? C'est moi qui vous ai donné rendez-vous.
- Thompson vous a balancé, ne dites pas n'importe quoi.
- Ne soyez pas si obtus. Il vous a dit ce que je voulais qu'il vous apprenne, ni plus, ni moins.
- Vous mentez. Comme il mentait en disant que vous n'aviez rien à voir avec la mort de Pancho Shima.
- Ce balourd m'était utile. Pourquoi l'aurai-je tué après tout ce temps ?
- Je n'en sais rien, je finirai bien par la découvrir.
- Vous faites complètement fausse route. Pancho était un petit chien servile. Sa mort me cause bien des problèmes. Entre vous et le Veilleur, on ne peut pas dire que ce soit la joie.
- Le Veilleur ?
- Qu'importe. Je suis là pour vous proposer un arrangement.
- Je m'en moque éperdument.
- Attendez au moins d'entendre ce que j'ai à vous dire avant de... »
N'attendant pas que l'homme ait fini de parler, la militaire lui sauta dessus arme à la main, rapidement suivie par la commodore. Ensemble, les deux femmes tentaient de percer la défense du mafieux, sans toutefois y parvenir. Trop rapide, trop agile, trop prévoyant, Bradley semblait toujours avoir un coup d'avance. En dépit des efforts d'Ambrosias et de sa camarade, elles ne parvenaient à le toucher. Même l'usage du rokushiki n'était pas suffisant. Tandis que Célia était envoyée au sol d'un coup de poing renforcé au Haki, la vétérinaire tenta d'immobiliser l'homme avec ses cordes. Celles-ci parvinrent effectivement à le ligoter, mais il parvint malgré tout à s'extirper de ses liens pour revenir à la charge une seconde après. Prise de court, Ambrosias se fit assez lourdement entaillé le ventre avant de trébucher en arrière. Tenta de se défendre coûte que coûte, elle vida le barillet de son meitou vers le mafieux mais n'arriva qu'à l'effleurer au visage. D'un coup de pied d'une violence terrible, l'homme cueillit la blonde au sol et l'envoya s'écraser contre un mur. Le souffle coupé, Ambrosias sentit que Bradley la soulevait par le cou pour l'étouffer. Elle tenta d'attaquer mais il la priva de son meitou d'un revers de la main.
« Assez. Tout cela ne m'amuse guère. Écoutez moi bien, toutes les deux. Ceci sera votre premier et dernier avertissement. Je vais vous laisser partir, vous retournerez d'où vous venez et vous accepterez mon argent. Vous ferez comme Pancho Shima et tout se passera pour le mieux. Votre loyauté sera récompensée, n'en doutez pas.
- V... Va... Chier ! »
Ayant visiblement perdu patience, le parrain arma un crochet du droit qu'il renforça au haki. Quand le coup toucha la colonelle, elle perdit connaissance. Ne se réveillant que dix minutes plus tard, elle avait un mal de tête carabiné. À ses côtés se trouvait la commodore Saint Just, en train de lui prodiguer les premiers soins. Elle aussi était en piteux état, mais elle semblait avoir été plus épargnée par les attaques à l'épée.
« Bordel ! C'est la deuxième fois qu'il m'humilie de la sorte. Il pouvait nous tuer. Il le pouvait, mais il a préféré nous laisser là, seules, avec la haine au ventre et la honte dans l'âme. Je ne le supporte pas...
- On... On l'aura. Plus tard... »
Les larmes aux yeux, plus par colère que par tristesse, Célia hocha la tête pour approuver. Quelques instants plus tard, des marins parvinrent à trouver l'entrée de la pièce secrète. Sans tarder, ils vinrent aider les officières. Quand Ambrosias remonta, elle constata le carnage. La Marine avait emporté la victoire, mais cela n'avait été qu'une diversion. Les caisses étaient vides et les hommes capturés n'étaient que des gros bras sans importance. Rien ne s'était déroulé comme prévu. De A à Z, King Bradley les avait mené en bateau.
Les choses n'étaient pas allées en s'arrangeant une fois de retour à la base. Après avoir été prise en charge par la docteur Loréada, Ambrosias avait été mise au courant par sa seconde que le détenu Thompson s'était échappé. Pour être plus exact, quelqu'un l'avait délibérément libéré. Furieuse, la colonelle avait explosé de colère en demandant des comptes à tous ses officiers, mais personne n'avait été en mesure de lui en apprendre plus. Terminant la nuit dans son bureau à ruminer seule, la militaire savait dorénavant que la situation était encore pire qu'elle ne le pensait. King Bradley avait corrompu bien trop de monde au sein de sa garnison, bien plus qu'elle ne le pensait à vrai dire. Espérer lutter efficacement contre les Chinamire Kitsune en pareilles circonstances semblait presque illusoire. La jeune femme savait qu'elle allait devoir faire quelque chose, mais quoi ? Après de longues heures à tordre les choses dans tous les sens, elle en vint à la conclusion que son ancien supérieur, l'actuel Sous-amiral Shoga, pourrait-être lui venir en aide. Pour mener sa mission à bien, Ambrosias s'en rendait compte à présent, elle allait devoir faire du tri chez ses hommes.
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