Alors oui. J'aime la forge et je suis tout à fait excitée à l'idée d'en apprendre davantage sur cet art mais... J'aime aussi être avec Léo et partir plusieurs semaines loin de lui, je dois dire que ça ne me plait pas du tout. Et entre le voyage et mon apprentissage avec le vieux Hojimo Kanemitsu qui a accepté de nous former, mon père et moi, cela fait déjà deux semaines que nous sommes loin de chez nous.
Et je commence vraiment à trouver le temps long...
- Papa... On va bientôt rentrer ?
- Pas tant que notre maître jugera qu'on a encore des choses à apprendre...
- Maiiiiis... Tu es trop brusque dans tes mouvements pour les détails ! A ton rythme, on en a pour des années !
- Izya ! N'oublies pas que je suis ton père, pas ton pote, alors un peu de respect s'il te plait !
- Mais ! Raaaah !
Boudeuse, je lui tourne le dos pour aller m'asseoir à mon plan de travail. Oui, mon père est un très bon forgeron mais contrairement au vieux Kanemitsu, il n'a pas autant le soucis du détails, préférant généralement affûter la lame et le métal que rajouter des fioritures qui n'intéresse que les nobliaux qu'il ne porte pas dans son cœur.
Sauf que moi, j'aime bien les ornements, aussi je n'ai pas eu trop de mal à comprendre les techniques de notre maître. Et d'ailleurs, le travail qu'il m'avait donné à faire est terminé depuis un moment déjà tandis que mon pauvre père galère toujours autant.
- Oh, tu as terminé ?
- Oui maître Hojimo.
- Laisse moi voir cela.
Prenant la lame que j'ai travaillé, le vieil homme l'examine minutieusement sous toutes les coutures avant de faire sonner la lame contre un morceau de métal, sondant alors le son qu'elle produit.
- Tu l'entends ?
- Oui... Il reste une fine faiblesse à cet endroit de la lame. Mais c'est inévitable avec cette arabesque...
- Effectivement. C'est pourquoi, en la remodelant légèrement il aurait été possible de l'enlever.
- Mais alors cela n'aurait plus coller au modèle demandé par le client, non ?
- Exactement ! Je vois que tu as tout compris.
- Cela veut-il dire que vous n'avez plus rien à m'apprendre ? Je jette un coup d'œil en coin à mon père en attendant la réponse de notre maître.
- Sache jeune fille qu'il y a toujours à apprendre. Dans le dos du vieux forgeron, mon père sourit, moqueur. Mais tu arrives déjà à entendre la voix des lames alors grâce à elle tu n'as effectivement plus besoin de moi.
Et cette fois, c'est moi qui sourit, d'abord franchement pour remercier mon maître, puis dès lors qu'il ne me regarde plus, je me tourne vers mon père et lui tire la langue comme l'odieuse adolescente de quinze ans que je suis. Nah ! J'avais raison !
Et cela est d'autant plus flagrant quand le maître se tourne alors vers son travail pour lui prodiguer beaucoup, beaucoup de conseils qui mettent clairement son égo à mal. Et tandis qu'il fait cela, la cloche de la porte de la boutique sonne dans la pièce d'à côté. Voyant les deux hommes discuter, je me dévoue pour aller accueillir le client. M'étirant rapidement tout en passant la porte qui mène à la boutique, battant légèrement des ailes pour détendre mes muscles endoloris par le labeur.
- Bonjour Monsieur, que puis-je pour vous ?
L'homme qui me fait face est grand et ses vêtements en disent long sur sa richesse. A sa hanche, je repère une flamberge richement ornée qui a très certainement été forgée par maître Hojimo. Mais au lieu de me répondre, l'homme semble alors surpris, figé.
- Monsieur ?
- Oh ! Veuillez m'excuser Mademoiselle... C'est que... Je suis un véritable admirateur des choses aussi belle que rare et, vous voir vous dans cette boutique est une véritable source d'inspiration.
- Hein ?
- Oh, oui, laissez moi me présenter : je suis le Lord Althias de Mistoltin...
Je le dévisage, ne comprenant pas tellement pourquoi ce "Lord" s'incline soudainement devant moi en se présentant de la sorte. D'habitude, les clients disent plutôt ce qu'ils veulent au lieu de se présenter. Mais il semble attendre quelque chose de ma part car le voilà qui me regarde intensément tandis qu'un blanc s'installe.
- ... Et vous êtes ?
- Oh, je suis l'élève de Maître Hojimo. Il est occupé avec un autre de ses élèves donc dites moi ce que vous souhaitez et je m'occuperais de vous.
- Votre nom me suffira pour le moment...
Hein ? Mais je viens de lui dire que j'étais l'élève du propriétaire des lieux, il veut me faire un procès en plus de ça ?.. Bon, de toute façon je n'ai rien à me reprocher alors je ne risque rien à le lui dire...
- Izya. Izya Sélindé. Du coup, vous êtes venu pour quoi ?
- Izya... Quel nom magnifique pour une créature magnifique... Oh belle Izya, serait-ce possible que vous acceptiez de venir ce soir chez moi ? J'organise un bal et je souhaiterai pouvoir apprendre à vous connaitre au cours de quelques danses...
- Euh... Je... PAPA !
Au secours. AU. SECOURS ! C'est qui ce type au juste pour se permettre de me draguer comme ça alors qu'on vient à peine de se rencontrer ?! Franchement ?! Mais depuis quand les gens font ce genre de choses ?! Sur Scarlet Town à part mon amoureux Léo, tous les ados me détestent ! Alors d'où cet homme me trouve "magnifique" ?! Cela dit, il m'a aussi traité de créature... Il ne me considère pas humaine, c'est ça ?! Il croit que je suis une chose ?!
Sous mon appel assez inquiétant, Maître Hojimo et Géralt Sélindé arrivent immédiatement dans la boutique et tandis que mon père dévisage furieusement l'importun qui ose me mal à l'aise, Maître Hojimo lui, s'incline respectueusement.
- Oh, Lord de Mistoltin. Vous souhaitez une nouvelle flamberge, comme d'habitude ?
- Ah, Monsieur Hojimo ! Oui, c'est exact. Et je souhaiterai inviter cette jeune femme à venir à ma soirée de ce soir. Je suppose que vous êtes son père ? dit-il en se tournant vers Géralt qui change totalement de regard en entendant la demande. Votre fille semble être au fait des convenances au point qu'elle souhaite votre approbation pour accepter mon invitation. Accepteriez-vous qu'elle se joigne à la soirée que j'organise ce soir ? Elle en sera bien évidemment l'invitée d'honneur !
Et là, ce que je vois dans les yeux de mon père me fait blêmir. Le bougre me connaît, et il sait très bien que mon cœur est entièrement dévoué au fils du boulanger de notre île... Et surement parce qu'il m'en veut de l'avoir ridiculisé dans la forge, et aussi parce qu'il souhaite que j'apprenne à m'amuser d'une autre manière qu'en faisant ma routine forger-manger-nager-dormir, c'est avec enthousiasme qu'il répond à monsieur le Lord...
- Jusqu'à minuit. Elle pourra assister à votre fête jusqu'à minuit puis elle devra revenir ici. Et bien évidemment, gardez en tête qu'elle n'a que quinze ans, donc je vous interdis de lui faire boire ou fumer n'importe quoi.
- QUOI ?!
- Oh, ne t'offusque pas ma chérie, tu es trop jeune pour ce genre de chose.
- MAIS ?!
- Pas de mais ! Et maintenant viens avec moi et laissons Maître Hojimo et Monsieur gérer leurs affaires...
Me prenant par les épaules, il me tire alors vers la forge tandis que le Lord intervient une dernière fois :
- Je passerai vous prendre ce soir en même temps que ma commande Dame Sélindé, à dix neuf heure !
Puis nous passons la porte que mon père ferme rapidement derrière nous.
- Pourquoi ?! Pourquoi tu me fais ça ?!
- Pour t'apprendre à respecter ton père jeune fille. Et puis ça t'occupera puisque mademoiselle n'a plus rien à apprendre !
- Mais ! Je connais personne moi là bas !
- Raison de plus ! Il est temps que tu apprennes à te faire d'autres amis que Léo. Tu feras comment quand tu partiras découvrir le monde avec lui ? Tu lui demanderas toujours de parler pour toi ?
- Exactement !
- Et si il est pas là ? Hein ?
- Pfff, aucune chance que ça arrive.
- N'en soit pas si sûre. De toute façon, ma décision est prise : tu iras à ce bal.
- Raaaah ! C'est vraiment pas juste ! Tout ça parce que je suis meilleure que toi !
- Meilleure ?! D'accord. Tu vas aller à ce bal, et tu vas y aller en robe de princesse. Contente ?
- Quoi ?!
- Tiens, voilà de l'argent. Prends la plus belle que tu trouves et attention, si elle ne me convient pas, j'irai en choisir une moi même !
- Je... Hm... R...
- J'entends pas, tu disais quelque chose ma fille ?
- Merci papa...
Ces mots m'écorchent la bouche mais je comprends bien que si je continue sur cette lancée, il est capable de trouver d'autres idées ridicules pour me punir, alors autant arrêter les frais immédiatement...