* Samedi 25 *
Je suis quelqu'un de gentil. J'ai toujours tout fait pour aider mon prochain, même avant de devenir médecin. Je voulais sauver des vies, aider des gens, redonner le sourire, apporter de bonnes nouvelles. J'ai toujours aimé mon métier. Mais ce jour, je n'ai pas pu. Je regarde Paul dans les yeux. Il me supplie. Mes yeux ne cessent de perle. Je ne peux pas. C'est au dessus de mes forces. Et il le redit.
« Aidez moi à mourir. »
Quatre mots. Quatre petits mots. Des mots tout simples. Si l'on rajoute de rire à la fin de la phrase, elle prend une toute autre tournure. Mais là, ce n'est pas le cas. Il est sincère. Pour mieux comprendre ce qui s'est passé et va se passer, il est nécessaire de revenir en arrière de quelques jours.
* Mardi 20 *
Ça fait un mois que je suis officiellement devenu médecin. Un mois que je me trimballe dans l'hôpital avec dette blouse typique de mon métier. Ok, je ne suis qu'interne, mais quand même. J'ai atteint mon rêve. J'ai réussit le concours d'entrée pour vérifier qu'on ait bien les bases. J'ai suivit le cursus classique. Je me suis accroché. Je me suis battu pour en arriver là. On est divisé en petits groupes de cinq internes, chacun surveillé par un résident. On nous laisse un peu d'autonomie. On fait principalement les corvées, à savoir retirer les abcès, s'occuper des soins post-opératoires, installer les drains dans les patients, faire les comptes rendus des opérations, faire les recherches pour les résidents et titulaires ... Ça peut paraître ingrat à première vue, voire même repoussant. Mais je trouve ça instructif. Je profite de chaque moment pour apprendre. Chaque livre que je lis est une mine d'informations, des données à retenir car elles pourront servir plus tard pour soigner ou diagnostiquer quelqu'un. Alors je retiens autant que possible. Il est bien évidemment impossible de tout retenir si l'on a pas une mémoire eidétique.
Alors je prends des notes. J'essaie de classer les données comme je peux. Au départ je faisais par importance. Mais ça ne collait pas, alors je suis passé à la fréquence à laquelle on venait nous voir la maladie. J'ai changé plusieurs fois et en suis désormais à classer par symptômes. Je m'occupe des consultations dans les services. Aujourd'hui, je suis en traumatologie. Un secteur bien occupé par les cas les plus intéressant. Hier, il y avait un homme avec une barre en métal dans la tête, mais toujours conscient, et qui est ressorti sans aucune séquelle. Avant hier, un abruti a sauté dans du béton frais et y est resté jusqu'à ce que ça durcisse. Très tôt dans la matinée, un homme a envoyé un bâton de dynamite sur la glace pour la faire exploser et pouvoir pêcher, et son chien l'a ramené. Évidemment, l'animal n'a pas survécu. Quant au maître, il n'a eu que la main d'explosée quand il a voulu se protéger. A croire qu'il n'y a aucune justice ou intelligence dans ce monde. Un fidèle animal a périt à cause de la stupidité de la personne censée prendre soin de lui et le protéger. En apprenant ça, j'ai eu une furieuse envie d'aller lui exposer mon point de vue sur la question. Mais la marine est arrivée avant moi et a obtenu son témoignage. On garde le spécimen en soin post opératoire au cas où. Je suis tenu de vérifier son état, alors je passe dans sa chambre. Je lui pose une série de question sans vraiment prêter intérêt à son cas. Il ne présente rien d'intéressant, bien au contraire. Je note les symptômes qu'il me dit dans le dossier sans vraiment les retenir. Je fais ça machinalement. Il est midi.
Quelques heures plus tard, une infirmière me bip pour que j'aille le voir. Il se plaint de fièvre, frisson, avoir la peau chaude, respiration et fréquence cardiaque rapide. L'infirmière me donne les informations. Je pense aussitôt à un choc septique. Je commende une formule sanguine complète, des hémocultures pour identifier les bactéries ou les organismes qui causent l’infection et une gazométrie sanguine, pour mesurer la concentration en oxygène dans le sang artériel. On injecte tout de suite des antibiotique à spectre large, puisqu'on ne sait pas ce qui le touche pour l'instant. Les examens demandés vont nous en apprendre plus, mais il faut du temps pour les réaliser. Je suis presque sûr que l'infection vient de sa main. Pourtant, elle a été nettoyée et débridée. Elle ne devrait pas pouvoir causer une infection. En attendant que les médicaments agissent, je décide de prendre une initiative. Je vais moi même effectuer les examens. La vie d'un homme est en jeune, c'est urgent, on a pas le temps pour la bureaucratie. Je lui fais une prise de sang et fonce au laboratoire examiner la chose. Quelques coups de machines plus tard, des heures se sont écoulées. Aucun changement sur l'état du patient. Mon résident sort du bloc et me bip pour que je vienne le mettre au courant. D'ici quelques minutes, les résultats seront terminés. Je me fais engueuler par les laborantins qui ne sont pas content que je vienne faire leur travail à leur place. Ça se comprend. Mais pas le temps d'argumenter. Une fois les résultats en main, je fonce à travers l’hôpital. Je rejoins mon supérieur devant la chambre du patient. Je lui explique la situation.
« Une septicémie ne se déclenche pas comme ça. Il y a des signes. Quels étaient ces symptômes ?
... C'est écrit dans son dossier.
Je te demande ce que tu as écrit dans le dossier.
...
Tu ne sais pas ? Tu ne sais même pas ce que tu as écrit ? Tu as prêté attention au patient au moins ?
...
Il avait déjà ses symptômes quand tu es passé à midi. Tu n'as prévenu personne. Tu n'as demandé aucun examen. Tu n'as pas dit aux infirmières de faire attention. Pourquoi ?
Je ... je ... » Je n'ai pas d'excuse. J'ai négligé ce patient à cause de ce qu'il a fait. Je l'ai jugé. Je l'ai mal traité à cause de ça. Je n'ai pas fait attention à son état comme j'aurais. Comme je le fais pour tout mes autres patients. Je me suis laissé prendre au jeu des émotions. Et j'ai perdu. J'ai bafoué le serment de ne pas faire de mal.
« On l'emmène au bloc. Et tu as plutôt intérêt à ce qu'il s'en sorte. C'est toi qui ira l'informer quand il se réveillera. »
Tel un couperet, la sentence tombe. Je m'y attendais. Mais ça fait quand même un sacré choc. Donner de bonnes nouvelles, aucun soucis, tout le monde veut le faire. Mais délivrer de mauvaises nouvelles, on tire à la courte paille pour savoir qui y va. Là, pas besoin de tirer. J'y suis envoyé d'office. Je me rends compte que je ne connais même pas le nom du patient. C'est vraiment professionnel de ma part. Catalogué dans une catégorie, donc il n'est plus humain, il n'a pas besoin de nom. Ce n'est qu'un chiffre de plus. J'ai honte de moi. Honte de mon attitude. Durant la nuit, l'opération se déroule. Je ne peux entrer au bloc. Je reste de l'autre côté de la vitre. J'entends tous les commentaires. Par chance, l'opération se passe bien et le patient, Paul, regagne sa chambre dans la matinée de jeudi, puisqu'il passe le mercredi en post-op. Je suis au petits soins avec lui. Je me sens coupable. Je suis coupable. Il a perdu ses cinq doigts, définitivement. Et à cause de l'infection, le chirurgien a du lui couper la main jusqu'au poignet. Quand il se réveille, je suis assis à côté de lui, sur la chaise. C'est à moi de lui apprendre la nouvelle. C'est à moi d'avouer ma faute. Quand il entend mes mots, il baisse les yeux et regarde où sa main devrait être. Il se met à hurler, à pleurer, et m'ordonne de sortir de la chambre, ce que je fais. Les heures suivantes, il reçoit des sédatifs légers pour le calmer. Malheureusement, durant la nuit de jeudi à vendredi, un caillot se forme dans son cerveau. Le chirurgien parvient à le retirer grâce à son talent. Mais nous n'avons aucune idée de l'étendue des dégâts.
Je suis quelqu'un de gentil. J'ai toujours tout fait pour aider mon prochain, même avant de devenir médecin. Je voulais sauver des vies, aider des gens, redonner le sourire, apporter de bonnes nouvelles. J'ai toujours aimé mon métier. Mais ce jour, je n'ai pas pu. Je regarde Paul dans les yeux. Il me supplie. Mes yeux ne cessent de perle. Je ne peux pas. C'est au dessus de mes forces. Et il le redit.
« Aidez moi à mourir. »
Quatre mots. Quatre petits mots. Des mots tout simples. Si l'on rajoute de rire à la fin de la phrase, elle prend une toute autre tournure. Mais là, ce n'est pas le cas. Il est sincère. Pour mieux comprendre ce qui s'est passé et va se passer, il est nécessaire de revenir en arrière de quelques jours.
* Mardi 20 *
Ça fait un mois que je suis officiellement devenu médecin. Un mois que je me trimballe dans l'hôpital avec dette blouse typique de mon métier. Ok, je ne suis qu'interne, mais quand même. J'ai atteint mon rêve. J'ai réussit le concours d'entrée pour vérifier qu'on ait bien les bases. J'ai suivit le cursus classique. Je me suis accroché. Je me suis battu pour en arriver là. On est divisé en petits groupes de cinq internes, chacun surveillé par un résident. On nous laisse un peu d'autonomie. On fait principalement les corvées, à savoir retirer les abcès, s'occuper des soins post-opératoires, installer les drains dans les patients, faire les comptes rendus des opérations, faire les recherches pour les résidents et titulaires ... Ça peut paraître ingrat à première vue, voire même repoussant. Mais je trouve ça instructif. Je profite de chaque moment pour apprendre. Chaque livre que je lis est une mine d'informations, des données à retenir car elles pourront servir plus tard pour soigner ou diagnostiquer quelqu'un. Alors je retiens autant que possible. Il est bien évidemment impossible de tout retenir si l'on a pas une mémoire eidétique.
Alors je prends des notes. J'essaie de classer les données comme je peux. Au départ je faisais par importance. Mais ça ne collait pas, alors je suis passé à la fréquence à laquelle on venait nous voir la maladie. J'ai changé plusieurs fois et en suis désormais à classer par symptômes. Je m'occupe des consultations dans les services. Aujourd'hui, je suis en traumatologie. Un secteur bien occupé par les cas les plus intéressant. Hier, il y avait un homme avec une barre en métal dans la tête, mais toujours conscient, et qui est ressorti sans aucune séquelle. Avant hier, un abruti a sauté dans du béton frais et y est resté jusqu'à ce que ça durcisse. Très tôt dans la matinée, un homme a envoyé un bâton de dynamite sur la glace pour la faire exploser et pouvoir pêcher, et son chien l'a ramené. Évidemment, l'animal n'a pas survécu. Quant au maître, il n'a eu que la main d'explosée quand il a voulu se protéger. A croire qu'il n'y a aucune justice ou intelligence dans ce monde. Un fidèle animal a périt à cause de la stupidité de la personne censée prendre soin de lui et le protéger. En apprenant ça, j'ai eu une furieuse envie d'aller lui exposer mon point de vue sur la question. Mais la marine est arrivée avant moi et a obtenu son témoignage. On garde le spécimen en soin post opératoire au cas où. Je suis tenu de vérifier son état, alors je passe dans sa chambre. Je lui pose une série de question sans vraiment prêter intérêt à son cas. Il ne présente rien d'intéressant, bien au contraire. Je note les symptômes qu'il me dit dans le dossier sans vraiment les retenir. Je fais ça machinalement. Il est midi.
Quelques heures plus tard, une infirmière me bip pour que j'aille le voir. Il se plaint de fièvre, frisson, avoir la peau chaude, respiration et fréquence cardiaque rapide. L'infirmière me donne les informations. Je pense aussitôt à un choc septique. Je commende une formule sanguine complète, des hémocultures pour identifier les bactéries ou les organismes qui causent l’infection et une gazométrie sanguine, pour mesurer la concentration en oxygène dans le sang artériel. On injecte tout de suite des antibiotique à spectre large, puisqu'on ne sait pas ce qui le touche pour l'instant. Les examens demandés vont nous en apprendre plus, mais il faut du temps pour les réaliser. Je suis presque sûr que l'infection vient de sa main. Pourtant, elle a été nettoyée et débridée. Elle ne devrait pas pouvoir causer une infection. En attendant que les médicaments agissent, je décide de prendre une initiative. Je vais moi même effectuer les examens. La vie d'un homme est en jeune, c'est urgent, on a pas le temps pour la bureaucratie. Je lui fais une prise de sang et fonce au laboratoire examiner la chose. Quelques coups de machines plus tard, des heures se sont écoulées. Aucun changement sur l'état du patient. Mon résident sort du bloc et me bip pour que je vienne le mettre au courant. D'ici quelques minutes, les résultats seront terminés. Je me fais engueuler par les laborantins qui ne sont pas content que je vienne faire leur travail à leur place. Ça se comprend. Mais pas le temps d'argumenter. Une fois les résultats en main, je fonce à travers l’hôpital. Je rejoins mon supérieur devant la chambre du patient. Je lui explique la situation.
« Une septicémie ne se déclenche pas comme ça. Il y a des signes. Quels étaient ces symptômes ?
... C'est écrit dans son dossier.
Je te demande ce que tu as écrit dans le dossier.
...
Tu ne sais pas ? Tu ne sais même pas ce que tu as écrit ? Tu as prêté attention au patient au moins ?
...
Il avait déjà ses symptômes quand tu es passé à midi. Tu n'as prévenu personne. Tu n'as demandé aucun examen. Tu n'as pas dit aux infirmières de faire attention. Pourquoi ?
Je ... je ... » Je n'ai pas d'excuse. J'ai négligé ce patient à cause de ce qu'il a fait. Je l'ai jugé. Je l'ai mal traité à cause de ça. Je n'ai pas fait attention à son état comme j'aurais. Comme je le fais pour tout mes autres patients. Je me suis laissé prendre au jeu des émotions. Et j'ai perdu. J'ai bafoué le serment de ne pas faire de mal.
« On l'emmène au bloc. Et tu as plutôt intérêt à ce qu'il s'en sorte. C'est toi qui ira l'informer quand il se réveillera. »
Tel un couperet, la sentence tombe. Je m'y attendais. Mais ça fait quand même un sacré choc. Donner de bonnes nouvelles, aucun soucis, tout le monde veut le faire. Mais délivrer de mauvaises nouvelles, on tire à la courte paille pour savoir qui y va. Là, pas besoin de tirer. J'y suis envoyé d'office. Je me rends compte que je ne connais même pas le nom du patient. C'est vraiment professionnel de ma part. Catalogué dans une catégorie, donc il n'est plus humain, il n'a pas besoin de nom. Ce n'est qu'un chiffre de plus. J'ai honte de moi. Honte de mon attitude. Durant la nuit, l'opération se déroule. Je ne peux entrer au bloc. Je reste de l'autre côté de la vitre. J'entends tous les commentaires. Par chance, l'opération se passe bien et le patient, Paul, regagne sa chambre dans la matinée de jeudi, puisqu'il passe le mercredi en post-op. Je suis au petits soins avec lui. Je me sens coupable. Je suis coupable. Il a perdu ses cinq doigts, définitivement. Et à cause de l'infection, le chirurgien a du lui couper la main jusqu'au poignet. Quand il se réveille, je suis assis à côté de lui, sur la chaise. C'est à moi de lui apprendre la nouvelle. C'est à moi d'avouer ma faute. Quand il entend mes mots, il baisse les yeux et regarde où sa main devrait être. Il se met à hurler, à pleurer, et m'ordonne de sortir de la chambre, ce que je fais. Les heures suivantes, il reçoit des sédatifs légers pour le calmer. Malheureusement, durant la nuit de jeudi à vendredi, un caillot se forme dans son cerveau. Le chirurgien parvient à le retirer grâce à son talent. Mais nous n'avons aucune idée de l'étendue des dégâts.
Toutes mes plantes et effets sont réels, sauf précisions contraire. Alors lis, et instruits toi, petit brin d'herbe.
Dernière édition par Rio le Mar 28 Fév 2023, 23:01, édité 1 fois