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Personne ne gagne [PV Elsa D. Swann]

Un type au visage ridé et à qui il manquait un doigt à la main gauche grattait les cordes de sa guitare sur un rythme qu’il était peut-être le seul à comprendre. De toute façon il n’y avait personne pour l’écouter dans ce sinistre bistrot, à part quelques ombres isolées et les habituels piliers de comptoir qui ne décollaient pas les yeux du sol crasseux. La peau du musicien était sombre, presque cuivrée, comme l’armure d’un soldat antique. Contrairement aux mobiliers et à la clientèle, couverts de poussière et délavés par la fumée de mauvaises cigarettes, il irradiait de tout son être une lumière étrange qui trouvait sa source dans ses iris dorés. Skrik ne pouvait en détacher son regard, jusqu’à oublier la raison même de sa présence dans ce taudis et ce n’est pas la bière éventée qu’on y servait qui le détournerait de sa fascination. Deux autres hommes rejoignirent la minuscule scène, l’un avec une trompette et l’autre avec un instrument que Skrik n’avait jamais vu et qui ressemblait à une guitare aussi haute que lui. Les premières notes ne changèrent rien à l’ambiance de la salle, mais quelques pieds s’étaient machinalement mis à taper au sol. Puis, progressivement, les trois musiciens se métamorphosèrent. Une énergie incroyable, que Skrik n’avait vu que sur le ring d’un match de boxe, émanait de la scène où les trois hommes semblaient jouer et se battre tout à la fois. Les soûlards relevèrent la tête, hébétés et les silhouettes anonymes gonflèrent, gagnèrent en substance jusqu’à redevenir des hommes grâce à la puissance de la musique.

Trois jours plus tôt, le Quartier Général du Cipher Pole avait été averti d’une potentielle menace visant la dynastie royale de Al-Jawhara. Malgré leur rôle purement symbolique, l’assassinat d’un membre de la famille royale sous le protectorat du Gouvernement Mondial risquerait de fragiliser les liens avec un peuple encore très attaché à ses traditions. Pire encore, cela pourrait ruiner les accords passés avec d’autres royaumes. Le rôle de la police secrète était justement d’empêcher ce genre de mauvaise presse. Ou d’en contenir les répercussions, le cas échéant… A ces fins, tous les moyens sont bons et les questions d’ordres morales ou éthiques sont reléguées au rang d’obstacles mineurs lorsque sont déployés les impitoyables agents du CP. Rompus aux arts de la guerre, ils sont craints et malgré la nature secrète de cette organisation, sa simple évocation fait trembler le plus endurci des criminels. Skrik est l’un d’eux. Et même si le jazz l’a momentanément écarté de sa mission, il s’en acquittera. De fait, la raison de sa présence dans ce bar mal famé y est intrinsèquement liée.

Rien ne se passe à Anatakata sans qu’Attalia ne soit concernée. Aussi liée entres elles que peuvent l’être la Lune et les marées. Unique ville portuaire du royaume, Attalia est un passage obligatoire pour tous, touristes autant que locaux. Grouillante d’activités de jour comme de nuit, son économie est indispensable au pays des sables, qu’elle soit régulière ou souterraine. C’est bien sûr cette dernière qui intéressait Skrik. Si un crime se préparait à la capitale c’est ici qu’il trouverait sa source et Skrik comptait bien mettre à profit le manque de jugeote de la canaille ainsi que sa formidable incapacité à tenir sa langue. Rapidement, il était parvenu à identifier la cible : un prince héritier ou quelque chose dans ce goût là au nom imprononçable. Toutefois, le mobile du crime demeurait inconnu. Certains parlaient d’un attentat pour revendiquer la souveraineté du peuple ou d’une vengeance menée par un cartel local qui se débarrasserait ainsi d’un farouche défenseur du patrimoine et donc une épine dans leur pied. Ce jour-là, Si Skrik profitait d’un concert au Hathi’s Outspot, c’était pour en apprendre plus à propos d’une troisième théorie : des étrangers qui prépareraient l’enlèvement du prince et exigeraient une rançon contre sa libération.

Le Jango Renard Trio avait besoin d’une petite pause et après un fantastique solo de trompette qui marqua à tout jamais l’esprit de Skrik, les trois musiciens s’approchèrent du comptoir pour y trouver quelques rafraîchissement. Dans leur attitude, dans la fatigue et la sueur du trio, le jeune agent retrouva les souvenirs de sa formations de soldat et ces brefs moments de repos après un exercice éreintant. Il mourait d’envie de se lever pour offrir une bière à ces nouveaux compagnons d’armes, mais son devoir l’attendait ailleurs. Frustré, il siffla d’un coup le reste de sa bière tiède en attendant impatiemment que sa cible débarque. Son petit doigt, par le truchement d’une mafrat local qui avait passé un sale quart d’heure, lui avait soufflé qu’un « facilitateur » rencontrerait ici l’auteur en devenir du kidnapping. Un type qui avait ses entrées à la capitale et jusque dans les hautes sphères de la ville fortifiée. Un anonyme, probablement un simple fonctionnaire cupide qui faciliterait les activités criminelles de n’importe qui, moyennant un échange de service. Un service sonnant et trébuchant, comme on dit. Cet homme avait beau n’être qu’une crapule ordinaire, sa tête d’employé véreux sautait aux yeux quand Skrik l’aperçut enfin.

Aussi à l’aise qu’un rhinocéros dans un château gonflable, il tentait de se frayer un chemin à travers le bar en évitant la crasse omniprésente. Après des décennies sans avoir connue de serpillière ou d’éponge, les murs et les tables du Outspot semblaient constitués au moins pour moitié de la crasse à laquelle le facilitateur tentait vainement d’échapper. Incapable de léviter au-dessus du sol, le petit homme abandonna et se résigna en posant son postérieur chétif sur un tabouret collant. El Bollose, car tel était son nom, aurait sans doute préféré ignorer pourquoi, mais un jet de vomi expulsé par un ivrogne en formation lui apporta les indices dont il se serait volontiers passé. Comme un lapin piégé dans un collet, il se tournait et se retournait pour chercher son rendez-vous. A en croire son agitation, il était au moins aussi pressé que Skrik qui ne ratait rien du spectacle, assis trois tables plus loin. Quelques épouvantables minutes plus tard, le trio de musicien revint à sa place. Alors qu’ils reprenaient leurs instruments les clients étrangement réceptifs à leur musique se figèrent sur place en scellant les lèvres qui ainsi cachaient leurs abominables chicots. El Bollose, lui, n’avait pas l’air concerné par les prouesses dont il était témoin. Il épongeait son front dégarni qui se mit soudain à suer à grosses goûtes quand il croisa le regard d’une autre cliente. Une femme. En voyant le phénomène, Skrik eut presque pitié du pauvre homme. Son instinct lui souffla aussi qu’il était sur la bonne piste.
    Personne ne gagne  [PV Elsa D. Swann] J5da

    Personne ne gagne

    Les folles histoires d'Elsa



    1628 - Après une longue expédition en mer, les pirates d'Achille décident de faire une halte sur l'île de Hinu Town.




    Le navire accoste au port, Achille, terrible capitaine des « Pirates d’Achilles » lance une série d’instruction. Tout le monde à un rôle à jouer ici et tous doivent s’en acquitter pour satisfaire le bon fonctionnement du navire de guerre. Voilà près de six semaines qu’ils n’avaient pas posés pied à terre. Aussi, il fallait refaire des provisions, effectués des réparations, préparer tout ce qui est nécessaire pour la vie à bord. C’est un travail long et ardu que de préparer les expéditions et il faut un certain savoir-faire et certaines connaissances. Si Achille vouait une importance toute particulière à rester à bord pour superviser les travaux, il n’en n’était pas de même que sa femme. Elsa s’était approchée du bureau avant de frapper du poing sur ce dernier.

    « -Je le sens pas je te dis ! »

    A cet instant précis, un long soupir s’échappe des poumons enfumés d’Achille, que diable avait-il pu dont faire pour épouser une furie pareille ? Il ne faudrait pas qu’elle doive se venger un jour ou elle serait capable de détruire la terre entière.

    « -C’est pourtant simple… Tu le rencontres, tu discutes, tu vois si ça peut le faire ou non. Si ça ne le fait pas, on fait profil bas ici. Si ça le fait… Tu réalises l’enlèvement, on fait une petite mise en scène et on règle ça sans intermédiaires, personne n’est au courant et on empoche de l’argent. Simple comme bonjour non ? »

    « -Ah oui ? Simple ? Normal puisque toi, tu vas rester tranquillement à bord à boire du rhum ! C’est encore moi qui dois tout faire ! Je te dis et je le redis : je ne le sens pas ! »

    Elle frappe une nouvelle fois du poing avant de tourner les talons pour quitter la cabine du capitaine. Ce dernier la gratifie d’un simple « Moi aussi je t’aime » tout en marmonnant dans sa barbe hirsute. Elsa retrouve les embruns marins et le fin zéphyr sur le pont, bien décidé à ne pas rester les bras ballants devant la situation, elle quitte le navire avec un air furieux, certains marins semblent presque soulagé de la voir partir, Elsa en furie, c’est quelque chose.

    Elle entre dans un souk, il y en a une vingtaine environ dans toute la ville. C’est un immense marché qui compte près de 40 000 artisans. Il se trouve au centre de la vieille ville. Elsa se retrouve ainsi devant une grande place encombrée de marchands itinérants. Le déballage de produits est impressionnant : des épices, de la nourriture, des vêtements, de la poterie, des bijoux, de la maroquinerie, des produits typiquement ruraux. Autour de la place, les ruelles sont pleines de petits marchands. Ce marché est tellement grandiose, qu’il semble qu’une journée ne suffise pas pour faire le tour. Après presque une heure de marche, dans des conditions difficiles entre brouhaha, cris de désespoir face à des vendeurs intraitables, et bruit de pièce, Elsa parvient à un café, plus précisément « le café » : Hathi’s Outspot, un lieu parfaitement connu d’Esla pour la simple et bonne raison que ce n’est pas la première fois que les pirates d’Achille font une halte sur l’île, et que c’est ici que son imbécile de mari avait fait la rencontre de son « plan ». Elsa bourre de tabac son Kiseru avant d’allumer à l’aide d’allumette ce dernier, aspirant l’épaisse fumée ocre qui semble se mélanger parfaitement au nuage ambiant déjà présent dans les lieux. Sur la scène, des musiciens, elle avait une sainte horreur de la musique, une perte de temps bruyante selon elle. De loin, elle peut reconnaître celui qu’elle surnomme « le rat » : El Bolosse. C’était l’un des dignitaires les plus corrompus qu’il soit sur cette île, et il avait assuré à Achille d’avoir un plan en or ! La capture de l’un des princes de la royauté, un rapt ignoble qui permettrait de demander une rançon colossale, bien sûr, El Bolosse prendrait son pourcentage. Il était cependant loin de savoir qu’Elsa ne tenait jamais parole et qu’elle lui ferait une belle boutonnière de part en part le long de son abdomen dès la première occasion. Elle s’assoit en face de lui, observant sa tête de fouine ingrate et dégoulinante de sueur et de culpabilité. Elsa, qui avait encore ses deux et ses deux bras, plonge son regard implacable dans celui de l’informateur avant de poser ses mains sur la table.

    « -Achille dis que t’as un plan. Maintenant, accouche, je n’ai pas le temps. »

    « -Mais… Achille a dit qu’il viendrait lui-même… »

    « Écoutes moi bien, Achille dit et fait ce qu’il veut. Là, tu m’as moi, t’as pas envie que j’aille lui dire que tu me fais perdre du temps pas vrai ? »

    « Non, je… Tu… Le prince doit inaugurer une école aujourd’hui près du souk. La garde y est minime et le souk est à portée en quelques minutes. Si tu t’enfiles dedans, les soldats ne parviendront pas à t’attraper et tu peux regagner le port sans trop de souci rapidement. Il vous faudra mouiller au large pour ne pas attirer l’attention. Je peux te conduire là-bas, et même mieux… Je peux éloigner une partie des gardes. Alors qu’en penses-tu ? »


    Elsa jauge du regard son contact, un plan simple, une fuite simple, tout est simple. Trop simple. Ce sont les ennuis garantis, mais n’est-ce pas le rôle d’une femme que de protéger son mari ? Elle ne compte pas réaliser l’enlèvement, mais bel et bien mettre un terme à la vie d’El Bolosse afin qu’il arrête définitivement de contacter Achille pour des plans douteux.

    « -Je marche.

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    Comme un couteau dans une motte de beurre chaud, la femme traversa le bar sans rencontrer la moindre résistance. Les poivrots abonnés aux gueules de bois, les ivrognes coincés dans leur spirale d’autodestruction, même les petites frappes qui jouaient du couteaux et des muscles s’écartèrent de son chemin et d’un point de vu extérieur il y avait quelque de surnaturel dans la chorégraphie de ce ballet. Il faut dire que la dame – à défaut d’un adjectifs plus fidèle – en imposait par sa simple présence. A travers le panache de fumée qu’elle exhalait comme un véritable dragon, les courbes et les mouvements de cette singulière criminelle était bien perceptibles. Provocants, à tous les égards. Dans la tension de ses muscles, de ses jambes jusqu’à ceux de son visage, il était facile de décerner les traits d’une lionne, d’un animal dangereux, d’un prédateur qui, dans ce sinistre bouge, était sur son terrain de chasse. D’un simple mouvement, elle semblait prête à égorger le premier imbécile ignorant qu’il était devenu une proie dès l’instant où il avait croisé ce regard de braise. Skrik était impressionné. Mais au contraire des lapins et des biches qui s’étaient dissimulés dans les ombres, il était pris d’une irrésistible envie de taquiner la bête.

      Par chance, elle s’installa à la table de El Bollose et s’attribua ainsi le statut de cible principale. Avec la musique, Skrik ne pouvait pas entendre le contenu de leur discussion. Il n’y avait toutefois pas besoin d’être un expert en comportement pour comprendre la relation entre la Lionne et le Furet. Encadré par une crinière de feu, renforçant son aspect fatal, le visage de la Lionne n’exprimait que le mépris. Pour être honnête, c’était une riche palette de ressentiments et Skrik ignorait d’ailleurs qu’autant d’expressions pouvaient signifier le dédain et l’arrogance. Quand elle approcha ses mains de lui, le Furet peina à dissimuler la panique qui s’était emparée de lui et dans sa gorge sa pomme d’Adam faisait des tours de manège.

      Quand un sourire carnassier se dessina sur le visage de la criminelle professionnelle, Skrik sut que le sang ne tarderait pas à couler. En revanche, qu’il soit question d’un contrat qu’elle venait d’accepter ou de la ferme intention de réduire au silence l’ignoble crapule qui avait osé s’adresser à elle, l’agent du CP2 était bien incapable de le dire. Alors, deux options se présentaient à lui à présent. La première consistait à provoquer un combat ici et maintenant, une rixe générale qui gênerait l’usage d’arme blanche ou à feu. Elle présentait aussi le risque que le pugilat se transforme en lynchage, il n’était personne ici… C’était quitte ou double. La seconde option résidait dans une filature discrète qui lui permettrait de tendre un piège et de bénéficier de l’effet de surprise. En revanche, il risquait la possibilité de tomber dans une funeste embuscade.

    - C’était le Jango Renard Trio, merci à vous !

      Sur la scène, le concert arrivait à sa fin pour la plus grande déception de Skrik. Les musiciens s’en allèrent sous des applaudissements asthmatiques, la plupart des clients étant trop hébétée par la performance et l’alcool frelaté. Le guitariste aux yeux d’or, lui,  s’était envolé. Volatilisé, comme par magie. L’agent remercia intérieurement le Jango Renard Trio et apprécia un instant la chance qu’il avait parfois dans sa profession, même si c’était trop rare et que cela se résumait bien souvent à fouiller les ordures et patauger dans la boue. Ne boude pas ton plaisir, pensait-il.

    - La p’tite sœur ?

      D’un hochement de la tête à peine perceptible Skrik répondit par l’affirmative à la question d’une serveuse qui s’était approchée. Il n’avait jamais vu une femme aussi grande et en un sens, elle était plus effrayante que la Lionne. Ses mains étaient plus grandes que les siennes, si grandes qu’elle pouvait tenir au moins quatre pinte chacune et Skrik suspectait qu’elle pouvait aisément broyer un crâne entre ses paumes. Ouais, pas une bonne idée de se battre ici… Il avait accepté la bière à contre cœur pour maintenir sa couverture tant que ses cibles ne se décidaient pas à bouger, mais l’idée d’y tremper à nouveau les lèvres lui fichait la nausée. Parfois, il faut se sacrifier pour une bonne cause et il appliqua ce lieu-commun en avalant la moitié de son verre d’une traite.

    - ‘portez-moi aussi un truc à grailler. Un kahefcé.

      N’écoutant que son sens du devoir, Skrik avait l’intention de commander la fameuse spécialité de poulet qu’on servait ici, réputée pour neutraliser les papilles gustatives grâce à la quantité industrielle de piments qu’on y ajoutait. Un choix audacieux pour un homme habitué aux saveurs simples offertes par l’océan.

    - MAMAAAN ! Y  a trois poulets qui vont bien !

      En cuisine, « maman » ne pouvait ignorer la commande soumise à grand renfort d’un beuglement qui manqua de tuer un pauvre type qui en avala de travers sa bière. Vu la fille, Skrik n’était pas pressé d’être confronté à la mère... Cette dernière, un mastodonte aux allures d'ogre qui aurait pu se servir de l'agent du CP2 comme d'un cure-dent, brisa le cous de trois malheureux poulets en appuyant avec son pouce, elle les dépluma avec une dextérité peu commune avant de les balancer dans une casserole ou bouillonnait déjà une mixture infernale qui trouverait sans problème sur un champ de bataille. Maman était fière de son plat et s'enorgueillissait de sa renommée acquise dans les chambres d'hôpital ou les cellules de prison par ceux qui en avaient fait les frais.  
     


    Dernière édition par Tagata Tai le Mer 29 Mar 2023 - 18:46, édité 1 fois
      Personne ne gagne  [PV Elsa D. Swann] J5da

      Personne ne gagne

      Les folles histoires d'Elsa



      1628 - Après une longue expédition en mer, les pirates d'Achille décident de faire une halte sur l'île de Hinu Town.



      - C’était le Jango Renard Trio, merci à vous !

      Quelques applaudissements épars s’élèvent dans la taverne, forçant Elsa à lever un peu la voix pour couvrir le bruit ambiant.

      « -Bon, on sait jamais… Je vais partir en première et je t’attends dans la ruelle adjacente, celle qui fait la jonction entre « Le Porc à Rame » et « Poulet Rosée c’est la fessée ». Si tu tentes quoi que ce soit, je te saigne. »

      Elle se lève d’un bond et dépose une poignée de berrys sur la table, il fallait bien payer l’addition et El Bolosse semblait tout à fait déboussoler et dans l’incapacité de réfléchir et il ne fallait pas se faire remarquer pour une bête histoire d’addition impayée, ce serait stupide. Toujours dans cette démarche qui lui est propre, elle s’avance vers la sortie, bousculant au passage et sans le vouloir un mangeur de kahefcé. S’excuser ? Elle n’y pensera pas et ira droit dans la ruelle. De son côté, El Bolosse sort un petit mouchoir en tissu pour éponger son front grassouillet et ses pores ternies par le soleil, profitant de la brève accalmie avant de rejoindre la tempête Elsa d’un pas des plus nonchalant et apeuré qui soit.
      Après quelques minutes, le duo est à nouveau réuni, si la technique pouvait duper les personnes les plus simples d’esprit, elle ne viendrait toutefois pas à bout d’un inspecteur averti qui aurait sût flairer le pot aux roses et aurait ainsi prit ses dispositions pour poursuivre sa filature sans qu’Elsa ou El Bolosse n’en soit alertés un seul instant. Mais le plan d’El Bolosse était supposément inconnu de tous, comment diable Elsa pouvait se mettre davantage sur le qui-vive en sachant ça ? Il n’y avait aucune logique à en faire plus.

      « -Par ici c’est tout près des Galeries Laff Haye Hêt vers le temple de Zain. »

      Elsa grommelle quelques mots incomphrénsible en guise d’approbation et lui intime d’activer le pas avec une tape dans le dos, a trop trainé il risque de louper la cible et de surcroit faire perdre un temps précieux à l’équipage. C’est ainsi donc que le duo de choc se balade tranquillement dans le souk en prenant soin d’éviter les hordes et les flots de marées humaines qui s’entassent dans les couloirs exigus formés par les étals et les marchandises en tous genres. La marche est âpre, longue et usante, le brouhaha incessant forme comme une bulle autour du couple criminel. Après presque vingt minutes pour seulement quelques centaines de mètres, El Bolosse retrouve l’usage de la parole, toujours en bégayant cependant.

      « -Ici, sur la gauche, on aura une vue parfaite sur l’école. »

      Effectivement, la ruelle débouche droit sur un petit promontoire qui offre une vue parfaite sur l’école, on peut y voir le garde en question, accompagné du Prince qui s’avance d’un pas chaleureux vers les lieux flambants neufs. Le directeur est là lui aussi, dressé comme i dans un costume bien trop court et trop petit pour sa stature.

      « -Alors on fait comment ? Vous… Allez tuer tout le monde ? »

      Elsa observe les lieux pour être sûre de ne rien manquer, se masquer le visage était inutile, c’est une pirate, c’est son renom qui est en jeu ici, il faut que West Blue craignent les Pirates d’Achille, afin de ne pas devenir la risée du milieu.

      « -Reste ici, je vais faire le ménage. Prépare un itinéraire pour retourner rapidement vers le port. »

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      Cela commença par une fumée opaque et irritante qui si rependit à travers la salle comme un brouillard dans l’océan ; lorsque vous vous en rendez compte il est déjà trop tard et vous êtes pris au piège. Parmi les clients certains furent saisis par des quintes de toux incontrôlables et inexpliquées. D’autres se mirent à transpirer aussi abondamment que s’ils étaient installés dans un sauna et leurs vêtements crasseux et moites leurs donnaient l’impression de peser une tonne et de vouloir les étouffer. Certains enfin ne purent retenir des larmes ni s’empêcher de se gratter la peau, parfois à vif, jusqu’à former des plaques rouges et douloureuses. Une odeur suivit de peu. Corrosive. Brûlante. S’échappant de la cuisine comme de quelques enfers perdus, oubliés, cette odeur semblait faite de matière solide, de chaire et d’os et animée par la volonté de nuire. De blesser. Une terreur indicible, mais partagée par tous s’était lentement emparée du Hathi’s Outspot. Puis, jaillissant de la cuisine comme une démone, la serveuse apparut en portant entre ses mains un plateau d’où semblait émaner le mal absolu.  Les habitués, eux, avaient compris l’origine de ce sentiment. Dans leurs barbes ils ruminaient des prières réservées au pauvre fou qui ne savait pas en espérant que son âme, à défaut de son corps, soit épargnée par le fléau qui était sur le point de lui être servi.

      Skrik, encore inconscient du sort que les anciens lui promettaient, avait naïvement associé le climat bouillonnant à la présence de l’ardente rouquine. La Lionne, à l’instar de certains animaux comme l’avait récemment appris Skrik, était peut-être capable de libérer puissants phéromones pour effrayer les petits mammifères tel que le Furet ? L’agent du CP2, bien sûr, n’avait jamais entendu parler d’un tel phénomène chez l’Homme, mais cette femme lui donnait l’impression de pouvoir défier les lois de la nature du regard pour ensuite la regarder fuir la queue entre les jambes, piteuse. Fasciné par la jeune femme, il avait à peine réalisé que son plat était arrivé et machinalement il avait commencé à manger. La première bouchée fut la plus douloureuse pour la bonne et simple raison qu’après celle-ci ses lèvres, sa langue, sa gorge, et finalement sa bouche entière était frappée si violemment qu’elle en était anesthésiée. Aussitôt, son attention s’était alors portée sur son plat. L’instinct de survie qui l’avait sauvé à maintes reprises lui ordonnait maintenant de prendre ses jambes à son cou. De fuir aussi loin et aussi vite que possible. Malheureusement c’était à présent hors de question. En effet les regards, qu’il s’agisse alors de curiosité morbide face à un accident sur le point d’être provoqué ou d’admiration devant un tel courage qui se confinait à la bêtise, étaient tous braqués sur lui. Impossible de reculer. La mort était un sort préférable à l’humiliation qui s’en suivrait s’il en venait à se défiler.

      Alors il recommença. Il avala les morceaux de poulet, recouverts par cette sauce certainement préparée à base de poudre à canon, d’acide sulfurique et d’un soupçon de haine, les uns après les autres. Les spectateurs, initialement médusés, finirent par se désintéresser de ce long et méthodique suicide par ingestion de piments. Trop tard pour Skrik qui était dors et déjà condamné à de longues heures de souffrances dans un avenir proche et qui luttait en ce moment-même pour reprendre le contrôle de son corps au prise avec un redoutable ennemi. Larmes et morve mélangées étaient indissociables l’une de l’autre. Ses oreilles n’étaient plus seulement rouges, mais carrément violacées et il s’en fallait de peu pour que des volutes de fumées ne s’en échappent à la manière de deux volcans.  

      Finalement après avoir vu la Mort de face, après avoir flirté avec elle plus intensément que sur n’importe lequel des champs de bataille qu’il avait foulé Skrik en avait terminé. Nul applaudissement, mais un vieux mystérieux aux tripes ruinées depuis qu’il avait réalisé le même exploit félicita le jeune homme d’une virile tape sur le dos. Pour tenter apaiser le feu dans ses boyaux Skrik s’envoya deux autres pintes de bières derrière la cravate qu’il le portait pas. Tapissé par la mousse l’incendie qui dévorait ses entrailles se calma un peu, mais d’une manière sournoise dont Skrik ne tarderait pas à connaître le prix lorsqu’il finirait pas se rendre là où le roi va seul. Derrière le comptoir, les ogresses mère et fille adressèrent un clin d’œil qui acheva définitivement son brasier intérieur tout en convoquant des relents d’acidité volcanique. Ces coulées finiront par se déverser sur un innocent malchanceux, mais pour l’heure Skrik avait d’autres priorités. Une urgence même.

      Insensible à la prouesse culinaire dont elle avait été la témoin privilégiée, la Lionne s’apprêtait à quitter les lieux. Sur ces talons le misérable Furet ne perdait pas une miette des éléments rebondissants et fermes qui se plaçaient à hauteur de son regard perfide. En temps normal il n’aurait pas hésité à saisir l’occasion à pleines mains, mais même chez cet être exempt d’honneur résidait une pointe de respect à l’égard du chef d’œuvre qu’il n’osait effleurer. La perspective d’être battu comme plâtre par un vigile pugnace qui se trouvait en plus être propriétaire de la pièce en question pouvait également être à l’origine de cette inhabituelle frilosité. Tout ceci, Skrik était capable de l’interpréter dans l’attitude cloîtrée de la Fouine. Ou peut-être était-ce une sur-interprétation. Le piment avait bousculé son corps et chamboulé son esprit au point que ses pensées lui échappaient comme sous l’emprise de psychotropes. Alors qu’il suivait discrètement le duo criminel, Skrik bouscula un jeune garçon, à peine majeur qui en laissa tomber sa bière.

      - Chui désolé !!! Skrik se confondit en excuses. Le garçon, qui était passé rapidement d’un état de colère à celui de crainte en se retournant sur le colosse responsable de sa perte atteint finalement le stade de la confusion. Skrik, les yeux gonflés comme s’il avait pleuré durant des heures, agitait sous le nez du môme une liasse de billets. C’pour toi ! Cadeau !

      Le jeune garçon, qui n’était pas trop con, ne chercha pas plus longtemps à comprendre ce qu’il se passait et il s’empara de l’argent – de quoi couvrir trois ou quatre comas éthyliques – et alors qu’il commandait deux nouvelles pintes pour lui et Skrik ce dernier s’était volatilisé. Tant pis pour lui, songea le gamin en avalant cul sec la première bière.

      Par chance, le chaos qui animait les rues avait ralenti la progression de la Lionne et son avance n’était que de quelques mètres. Une filature dans de telles conditions serait en temps normal assez compliquée, mais sa cible était visible comme le nez au milieu de la figure, ou en l’occurrence comme un bâton de dynamite dans un jardin d’enfants. Skrik quant à lui se sentait parfaitement fondu dans le paysage, même si chaque respiration lui faisait l’effet d’avaler des milliers de minuscules aiguilles et que certains passants pouvaient se demander pourquoi ce grand dadais leur faisait des grimaces aussi horribles.          

      Finalement, les deux criminels potentiels s’écartèrent de l’artère principale pour s’engager dans des ruelles plus petites et moins densément peuplées. Pour que sa traque demeure discrète Skrik appliquait scrupuleusement les règles en usage, du moins tout aussi scrupuleusement que lui permettait son état psychique altéré. Il s’en fallut d’ailleurs de peu pour que l’agent, trop concentré sur la nécessité de demeurer invisible, manqua de perdre de vu son objectif. Ses cibles s’étaient en effet arrêtées sans crier gare et observaient au loin vers une destination que Skrik ne voyait pas depuis sa position. Lorsqu’il s’en approcha pour découvrir qu’il s’agissait d’une école et que la victime du complot n’était rien d’autre qu’un enfant, son sang envenimé par le piment ne fit qu’un tour et au contraire de ce qui lui avait été inculqué durant sa formation au Cipher Pol, Skrik prit l’initiative et provoqua les futurs kidnappeurs.

      - Eh, toi ! Viens plutôt t’en prendre à quelqu’un d’ta taille !

      Skrik, suite à ces mots, était terriblement gêné. Les avait-il réellement prononcé à voix haute ? Si la flamboyante Lionne venait à se retourner il en aurait le cœur net. Entre ses mains transpirantes, il sentait son harpon peser une tonne et le juger sévèrement.